Vladimir Poutine a accusé les pays occidentaux de vouloir « détruire » la Russie et d’avoir recours au « chantage » contre elle, et a signifié qu’il était prêt à utiliser l’arme nucléaire.

Des soldats russes lors de l’exercice « Vostok-2022 », le 4 septembre 2022. Photo : Getty Images/AFP/Kirill Kurdryavtsev
Le président Vladimir Poutine a annoncé mercredi la mobilisation de centaines de milliers de Russes pour combattre en Ukraine, prévenant l’Occident que Moscou utiliserait « tous les moyens » pour se défendre.
Face à des contre-offensives éclair des forces de Kiev qui ont fait reculer l’armée russe, M. Poutine a choisi de miser sur une escalade du conflit, avec une mesure qui ouvre la voie à l’afflux de militaires russes en Ukraine.
Après l’annonce mardi de l’organisation de référendums
d’annexion dans quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine à partir de vendredi, la mesure prise par le président russe marque un tournant dans le conflit.
J’estime nécessaire de soutenir la proposition [du ministère de la Défense] de mobilisation partielle des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi […] et qui ont une expérience pertinente
, a déclaré M. Poutine, la mine grave, dans une allocution télévisée enregistrée et diffusée mercredi matin.
Nous ne parlons que de mobilisation partielle
, a insisté le président russe, alors que des rumeurs sur une mobilisation générale suscitaient l’inquiétude de nombreux Russes.
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a précisé que 300 000 réservistes étaient concernés par cet ordre de mobilisation, soit à peine 1,1 % des ressources mobilisables
. M. Choïgou a affirmé que la Russie ne combattait pas tant l’Ukraine que l’Occident
.
Cet ordre est effectif dès mercredi, a dit le président russe. Le décret correspondant a été publié peu après sur le site du Kremlin.
M. Poutine s’en est pris une fois encore à l’Occident avec virulence, l’accusant d’avoir dépassé toutes les limites dans sa politique agressive
et de vouloir affaiblir, diviser et, en fin de compte, détruire notre pays
.
Un chantage nucléaire est aussi utilisé […] J’aimerais rappeler à ceux qui font ce genre de déclarations que notre pays aussi possède divers moyens de destruction, dont certains sont plus modernes que ceux des pays de l’OTAN
, a dit le président russe.
« Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple. Je dis bien tous les moyens […] Ce n’est pas du bluff. »— Une citation de Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie
Une rhétorique irresponsable
Les États-Unis ont dit prendre au sérieux
la menace de Vladimir Poutine de recourir à l’arme nucléaire dans la guerre en Ukraine, selon un porte-parole de la Maison-Blanche. Il est aussi question que le président Joe Biden prononce, devant les Nations unies, une ferme condamnation de la Russie.
L’ambassadrice des États-Unis à Kiev, elle, a estimé que cette mesure était un signe de faiblesse
de la Russie, confrontée à une pénurie d’effectifs pour mener son offensive en Ukraine, qui entre cette semaine dans son huitième mois.
C’est une rhétorique irresponsable de la part d’une puissance nucléaire, mais ce n’est pas incohérent avec la manière dont il s’exprime depuis sept mois et nous prenons cela au sérieux
, a déclaré pour sa part John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, dans une interview avec la chaîne ABC.
« Il s’agit d’une rhétorique nucléaire dangereuse. Ce n’est pas nouveau, il [Vladimir Poutine] l’a déjà fait à de nombreuses reprises. Nous resterons calmes et continuerons à soutenir l’Ukraine. »— Une citation de Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN
En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a qualifié d’acte de désespoir
les récentes décisions de Vladimir Poutine. [Vladimir] Poutine ne fait qu’empirer les choses. Il a depuis le début complètement sous-estimé la situation, et la volonté de résistance des Ukrainiens […]
, a déclaré le chancelier lors d’une courte déclaration en marge de l’assemblée générale de l’ONU, à New York.
« La Russie ne peut pas gagner cette guerre meurtrière. »— Une citation de Olaf Scholz, chancelier de l’Allemagne
Le président de la Russie, Vladimir Poutine, s’en est pris avec virulence à l’Occident. Photo : Reuters/Services de Presse de la Présidence Russe
Les revers de l’armée russe
L’annonce de référendums dans les zones sous contrôle russe et l’annonce d’une mobilisation partielle marquent un tournant dans l’offensive russe en Ukraine, qui a débuté le 24 février.
D’autant que la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués.Début du widget . Passer le widget?
Nombre d’observateurs estiment que Moscou a sous-estimé les capacités de résistance des Ukrainiens, motivés et armés par les Occidentaux.
Le discours de M. Poutine intervient après des revers de l’armée russe lors de contre-offensives ukrainiennes dans les régions de Kherson et de Kharkiv, où les forces de Moscou ont été contraintes de céder beaucoup de terrain.
M. Choïgou a déclaré mercredi que l’armée russe avait perdu 5937 soldats depuis le début de l’offensive, un bilan officiel bien supérieur au précédent, mais très en deçà des estimations ukrainiennes et occidentales qui font état de dizaines de milliers de pertes.
Sur le terrain, les combats et les bombardements se poursuivaient mercredi, les autorités ukrainiennes accusant la Russie d’avoir à nouveau bombardé le site de la centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe.
À la veille des annonces de M. Poutine, les autorités des zones séparatistes ou sous occupation en Ukraine avaient annoncé des « référendums » d’annexion par la Russie du 23 au 27 septembre.
Ces scrutins se dérouleront dans les régions de Donetsk et de Louhansk, qui forment le Donbass, ainsi que dans les zones occupées de Kherson et de Zaporijia, dans le sud.
Ces votes ont aussitôt été critiqués par l’Ukraine, son président Volodymyr Zelensky minimisant l’importance de ces pseudoréférendums
.
Les Occidentaux les ont aussi critiqués, Berlin les qualifiant de fictifs
et Washington de simulacres
électoraux.
Ces votes, sur le modèle de celui qui a formalisé l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie en 2014, dénoncée par Kiev et les Occidentaux, font l’objet de préparatifs depuis plusieurs mois.
Le calendrier semble s’être accéléré avec la contre-offensive ukrainienne. Des responsables russes évoquaient jusqu’alors la date du 4 novembre, jour de l’unité nationale russe.
La mobilisation des réservistes montre le désarroi
de Poutine
La mobilisation partielle des réservistes russes démontre la volonté du président Vladimir Poutine de poursuivre dans l’escalade
de la guerre contre l’Ukraine et est un nouveau signe de son désarroi
, a affirmé mercredi le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
L’annonce de la mobilisation partielle des réservistes et la confirmation des référendums [dans des régions occupées en Ukraine] sont un signal clair adressé à la communauté internationale durant la semaine de l’Assemblée générale des Nations unies de sa volonté de poursuivre sa guerre destructive qui a des conséquences négatives dans le monde entier
, a déclaré le porte-parole, Peter Stano.
Cette action aura des conséquences de notre part. Les États membres de l’UE ont déjà tenu une réunion de coordination en marge de l’assemblée générale à New York
, a-t-il précisé. Peter Stano n’a cependant pas souhaité élaborer, affirmant que les détails des discussions étaient confidentiels
.
L’UE a déjà adopté six trains de sanctions économiques contre la Russie, mais des tensions sont apparues entre les États membres, et la Hongrie s’est dite opposée à de nouvelles mesures européennes. L’unanimité est requise pour les sanctions de l’UE.
« Les territoires occupés font partie de l’Ukraine qui a tous les droits pour y rétablir son autorité et l’UE est prête à poursuivre son soutien dans le domaine militaire. »— Une citation de Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell
De son côté, la Chine a appelé mercredi à un cessez-le-feu à travers le dialogue
dans le conflit en Ukraine, après l’allocution du président russe Vladimir Poutine annonçant une mobilisation militaire partielle.
Nous appelons les parties concernées à mettre en place un cessez-le-feu à travers le dialogue et la consultation, et à trouver une solution qui règle les préoccupations sécuritaires légitimes de toutes les parties dès que possible
, a déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, lors d’une conférence de presse.
Ruée sur les billets d’avion pour quitter la Russie
L’annonce d’une mobilisation partielle pour renforcer les troupes en Ukraine a entraîné mercredi une ruée sur les sites Internet des compagnies aériennes pour tenter de quitter la Russie au plus vite.
Selon l’outil statistique Google Trends, qui permet de connaître la fréquence à laquelle un mot a été tapé sur Google, les recherches en Russie avec les termes billets
et avion
ont plus que doublé depuis 6 h (temps universel) mercredi, soit au début de l’allocution télévisée enregistrée de Vladimir Poutine.
La requête quitter la Russie
, elle, était réalisée 100 fois plus dans la matinée qu’en temps normal.
La région de Belgorod, frontalière du nord-est de l’Ukraine et touchée à plusieurs reprises depuis fin février par des frappes ukrainiennes, se retrouve d’ailleurs en tête du classement indiquant l’endroit où ces recherches ont été faites.
Les billets pour des vols directs vers les destinations les plus proches de la Russie – l’Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan ou encore le Kazakhstan – sont tous épuisés pour la journée de mercredi, selon le site Aviasales, très populaire en Russie pour acheter ses billets.
En direction d’Istanbul avec Turkish Airlines, devenue depuis les sanctions occidentales et la fermeture de l’espace aérien européen l’une des principales voies de sortie du pays en avion, tous les vols sont complets
jusqu’à samedi.
Chez Air Serbia, pour rejoindre Belgrade, le prochain vol avec des places disponibles était affiché pour le lundi 26 septembre.
Les vols intérieurs en direction de villes proches des frontières du pays ont eux aussi explosé, comme en témoignent ces billets proposés de Moscou à Vladikavkaz (sud) pour plus de 750 $, contre à peine 70 $ normalement.
Au début de l’offensive russe en Ukraine, un premier exode de Russes opposés à l’assaut ou craignant la mobilisation avait eu lieu. Aucune estimation officielle n’a été rendue publique, mais il a concerné au moins des dizaines de milliers de personnes.
Radio-Canada avec Agence France-Presse