Des secouristes transportent le corps d’un homme tué dans la frappe survenue samedi contre un immeuble résidentiel à Dnipro, en Ukraine. Photo: AP/Evgeniy Maloletta
Le bilan d’une frappe russe sur un immeuble résidentiel de Dnipro, en Ukraine, a grimpé lundi à 40 morts, devenant l’un des plus élevés depuis le début de la guerre et risquant encore de s’alourdir.
Vladimir Poutine a de son côté dénoncé les livraisons croissantes d’armes occidentales à l’Ukraine, le Kremlin jurant que les chars promis à Kiev brûleront sur le champ de bataille.
Moscou a par ailleurs démenti, comme toujours dans ce cas de figure, avoir été responsable du carnage à Dnipro, en rejetant la faute sur les Ukrainiens. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a ainsi évoqué une tragédie pouvant être due à un tir de la défense antiaérienne ukrainienne.
À l’inverse, la présidence suédoise de l’Union européenne a dénoncé un crime de guerre russe.
À la recherche de survivants
Lundi, presque 48 heures après qu’un missile a éventré un immeuble du quai de la Victoire à Dnipro, 40 corps sans vie avaient été retrouvés, selon les services de secours, tandis que 75 blessés ont été comptabilisés.
Des grues étaient en action pour amener les sauveteurs dans les appartements ravagés et autrement inaccessibles ou pour soulever des pans de béton. Dans les décombres, les équipes de secours cherchaient les 29 personnes toujours portées disparues, selon les autorités.
Les secouristes sont transportés par des grues dans les ruines de l’immeuble afin de retrouver des victimes. Photo : Reuters/Clodagh Kilcoyne
Sur ce lieu de désolation, des personnes déposaient des fleurs et des peluches à la mémoire des victimes. D’autres habitants de Dnipro donnaient vêtements ou couettes à un point de collecte mis en place par des humanitaires.
Depuis le début des opérations de sauvetage, 39 personnes ont été secourues des ruines du bâtiment.
Le Kremlin a mis deux jours à réagir, son porte-parole démentant que son pays puisse être responsable de ce drame.
Les forces armées russes ne bombardent pas les immeubles résidentiels ni les infrastructures civiles, elles bombardent des cibles militaires, a déclaré M. Peskov, en dépit des frappes qui ont touché une multitude de cibles non militaires depuis le début de l’invasion, le 24 février 2022.
Le président Poutine ne s’était pas prononcé dimanche sur le sujet, considérant en revanche que les opérations russes en Ukraine étaient dans une dynamique positive, quelques jours après que Moscou eut revendiqué la prise d’une petite ville dans l’est ukrainien.
Les Occidentaux promettent davantage de matériel militaire
La frappe qui a détruit l’immeuble d’habitation de Dnipro a été effectuée dans le sillage d’une campagne de bombardements réguliers et massifs auxquels Moscou procède depuis octobre contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes.
Une réunion sur les livraisons d’armements occidentaux à Kiev est prévue le 20 janvier sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne.
Vladimir Poutine a de son côté dénoncé, dans une conversation avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, la ligne destructrice adoptée par le régime de Kiev qui a misé sur l’intensification des combats, avec le soutien de ses parrains occidentaux qui augmentent leurs livraisons d’armes et de matériel militaire aux Ukrainiens.
« Ces chars brûlent et brûleront. »— Une citation de Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, à la presse
M. Peskov a accusé une fois encore les Occidentaux d’utiliser l’Ukraine pour atteindre des objectifs antirusses.
Après ses victoires de l’automne, Kiev dit avoir besoin encore et avant tout de chars lourds, de blindés légers, de systèmes de missiles de longue portée et de défense antiaérienne pour reprendre la totalité des territoires que les troupes russes occupent dans l’est et le sud de l’Ukraine.
Et lundi, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a dit attendre un feu vert de l’Allemagne pour livrer à l’Ukraine des chars Leopard de facture allemande.
Poursuivre les responsables de l’invasion
Après de sévères déconvenues à l’automne, la Russie tente de reprendre l’initiative notamment en redoublant d’efforts dans la bataille pour s’emparer de Bakhmout, une ville de l’est en proie de sanglants combats depuis des mois.
Moscou a revendiqué la semaine dernière une victoire, affirmant avoir pris Soledar, une petite ville au nord-est de Bakhmout aujourd’hui largement détruite.
L’Ukraine a démenti avoir abandonné cette localité de quelque 10 000 habitants avant-guerre, faisant état de combats toujours en cours.
Des casques de soldats ukrainiens blessés ont été abandonnés près d’une route lorsqu’une équipe médicale de l’armée les a évacués samedi, tout près de Soledad. Photo: AFP/Getty Images/Anatolii Stepanov
Dans un discours à La Haye, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, s’est par ailleurs montrée lundi favorable à la création d’un tribunal spécial pour poursuivre les dirigeants russes à la suite de l’invasion de l’Ukraine.
Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, est attendu, pour sa part, lundi en Ukraine.
Dans un tweet avant son départ, il a souligné que son organisation allait étendre sa présence pour aider à éviter un accident nucléaire pendant le conflit en cours.
Aux yeux de nombreux pays africains, Chinois et Russes prennent l’ascendant sur les Occidentaux, preuve qu’il est possible de créer de la richesse sans liberté politique. Des modèles à suivre, selon ces pays, notamment pour s’affranchir de la relation avec la France…
La mort de Mikhaïl Gorbatchev est venue nous rappeler à quel point le monde et le rapport des forces ont changé ces trente dernières années. Cette figure politique qui a marqué la fin de l’Union soviétique divise plus que jamais.
Certains l’adulent pour avoir marqué une bascule historique, la fin de la guerre froide. D’autres, en Russie, lui reprochent d’avoir fait perdre sa grandeur au pays. Une puissance que cherche à restaurer l’ancien agent du KGB Vladimir Poutine, avec une offre politique qui semble figurer, vue d’Afrique, une alternative au modèle occidental.
Pèlerinage à Moscou
Que le continent cherche une alternative à l’Occident n’a rien de problématique en soi, à condition qu’il cultive sa propre vision et qu’il ait le courage d’admettre et surtout de soigner ses propres fragilités. Polariser l’attention sur l’autre, l’ancien colon européen maintenant en difficulté avec la Russie, mobilise tellement qu’il se trouve des Maliens pour aller en pèlerinage à Moscou ! Et des taxis dans les rues d’Abidjan pour afficher le portrait de Poutine, comme s’il s’agissait de prendre une revanche imaginaire sur l’ancien colonisateur…
De son côté, la France rend à l’Afrique des objets d’art pillés pendant la colonisation, monte une commission paritaire d’historiens – annoncée lors du voyage d’Emmanuel Macron en Algérie –, va certainement en monter d’autres ailleurs, comme si ces gestes pouvaient tenir lieu de reformatage d’une relation France-Afrique que chaque président français prétend « refonder », sans que les fondations ne bougent vraiment.
EST-CE EN EMPILANT LES IMPÉRIALISMES QUE L’AFRIQUE FRANCOPHONE VA S’EN SORTIR ?
La plupart des pays « partenaires », « traditionnels » comme « émergents », organisent sommets et quantité de forums, où les dirigeants africains se rendent la main tendue, offrant, pour certains, un spectacle désolant. Dans ces espaces où rien ne se passe, le Japon critique, comme lors de la dernière Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), l’endettement des pays africains auprès de la Chine.
Autrement dit, les grands se parlent entre eux, par Africains interposés. Que faut-il en retenir ? Il est possible d’accéder à des financements auprès de bailleurs de fonds prêts à fermer les yeux sur la corruption. Ce sont finalement eux qui décident quoi faire de l’Afrique, alors que les Africains n’ont guère une nette conscience de quoi faire d’eux.
Revanche sur l’Occident
La perception dominante en Afrique francophone est celle-ci : des gens que nous avions cru vaincus, les Russes et les Chinois, sont en train de prendre leur revanche sur l’Occident, de renverser l’ordre établi et l’horizon quasi mystique et indépassable du néolibéralisme.
Leur expérience montre qu’il est possible de créer de la richesse sans liberté politique, dans un contexte d’autoritarisme décomplexé et assumé. Dans la volonté de sortir du face-à-face avec la France, certains sur le continent vont, les bras croisés, vers d’autres dominateurs : les Russes donnent des armes – ce qui permet certes de s’assurer de la conservation du pouvoir –, mais ne fournissent pas le mode d’emploi pour rouvrir les écoles et centres de santé fermés par les jihadistes.
En outre, ceux – les Russes et les Chinois – que nous prenons pour des nouveaux venus étaient déjà sur le continent dans les années 1970, au Mali, au Bénin (au temps de la dictature marxiste de Mathieu Kérékou) et même en Guinée-Conakry. Avons-nous gardé la mémoire de leurs agissements d’alors ? Les mêmes Russes n’avaient-ils pas offert généreusement des chasse-neige à la Guinée, qui s’était tournée vers eux, moins par conviction idéologique que pour rompre l’isolement diplomatique dans lequel elle se trouvait après son indépendance au forceps, en 1958 ?
Est-ce en empilant les impérialismes que l’Afrique francophone va s’en sortir ? Nous le savons, les « partenaires au développement » sont intéressés par les matières premières et par de nouveaux marchés d’écoulement de leurs produits. Que veut l’Europe en Algérie aujourd’hui ? Du gaz ! Et, comme par enchantement, il n’est plus question de considérer le président Abdelmadjid Tebboune comme un problème. Il est désormais absous.
Penchants autoritaires assumés
Une nouvelle idéologie de validation de l’autoritarisme se trouve en construction, sous des formes variées. Les idoles du moment s’appellent Paul Kagame, qui verrouille tout avec un argument sécuritaire et développementaliste, ou encore Patrice Talon, qui va devant le Medef, en France, pour assumer, chose impensable il y a dix ans, la privation de liberté d’expression au Bénin. En substance, il dit avoir privé les gens du droit de grève parce que, dans un pays, il faut travailler. C’est comme s’il disait : « Votre démocratie importée d’Occident n’a rien donné. C’est de la parlotte contre le développement. Maintenant taisez-vous, on fait du développement. » Il rend légitime, dans l’intérêt du néolibéralisme, la mise entre parenthèses de la liberté dans son pays et l’assume.
Les juntes militaires du Burkina Faso, de Guinée et du Mali critiquent l’ancien ordre affidé de la France, qui a exclu les jeunes et n’a pas non plus produit de développement. Prendre les armes, promettre une alternative sans en définir les contours et confisquer le pouvoir tient lieu de projet. Les coups d’État sont fêtés avec empressement dans la rue alors que certains de leurs auteurs, comme le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba au Burkina Faso ou le colonel Mamadi Doumbouya, sont des produits des anciens systèmes. Le premier, homme du sérail de Blaise Compaoré, essaie de le réintroduire dans le pays et tente même, de façon malhabile, de lui éviter les foudres de la justice.
Tout se passe comme si, depuis les élections de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro, fascinés également par les styles de leadership du hongrois Viktor Orban et du président turc Recep Tayyip Erdogan, les Africains estimaient avoir désormais droit, eux aussi, au populisme.
Avec Jeune Afrique
Par Francis Akindès
Sociologue, professeur à l’université Alassane Ouattara, à Bouaké (Côte d’Ivoire)
Dimanche 8 mai, le G7 s’est engagé à interdire ou supprimer progressivement les importations de pétrole russe. Selon la Maison-Blanche, cette décision va porter « un coup dur » à la principale artère irriguant l’économie de Vladimir Poutine en le privant des revenus dont il a besoin pour « financer sa guerre » contre l’Ukraine.
L’exécutif américain ne précise pas quels engagements exactement a pris chacun des membres du G7, à savoir l’Allemagne (qui en a la présidence cette année), le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni. Le G7 tenait dimanche, en visioconférence, sa troisième réunion de l’année, avec la participation du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le choix de la date est hautement symbolique : les Européens célèbrent le 8 mai la fin de la Seconde guerre mondiale en Europe.
Un embargo sur le pétrole russe
Cette réunion de dimanche se tient par ailleurs à la veille de la parade militaire du 9 mai en Russie, qui marque la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie. Les Occidentaux font preuve jusqu’ici d’une très étroite coordination dans leurs annonces de sanctions contre la Russie, mais n’avancent pas au même rythme quand il s’agit de pétrole et de gaz russes. Les États-Unis, qui n’en étaient pas de grands consommateurs, ont d’ores et déjà interdit l’importation d’hydrocarbures russes.
Les États membres de l’Union européenne, sous pression pour se joindre au mouvement, mais beaucoup plus dépendants de la Russie, continuaient dimanche à mener d’intenses tractations pour mettre en place un embargo sur le pétrole russe. Washington a par ailleurs annoncé une nouvelle salve de sanctions contre la Russie, autour de deux axes majeurs : les médias et l’accès des entreprises et des grandes fortunes russes aux services de conseil et de comptabilité dont les Américains et les Britanniques sont les grands spécialistes mondiaux.
Les médias pro-Kremlin sanctionnés
Les États-Unis vont sanctionner les chaînes de télévision Pervy Kanal, Rossiïa-1, et NTV. Il sera interdit à toute entreprise américaine de les financer par de la publicité ou de leur vendre des équipements. Autre axe d’attaque de Washington : interdire la prestation de services d’audit, de management, de conseil, de marketing, tous les services utilisés pour faire fonctionner des entreprises multinationales, mais aussi potentiellement pour contourner les sanctions ou dissimuler des richesses mal acquises.
Les sanctions occidentales prises contre la Russie dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine commencent à peser sur les travailleurs russes, notamment ceux à l’emploi d’entreprises étrangères. Photo : Reuters/Maxim Shemetov
Au moins 200 000 emplois sont menacés à Moscou par le départ ou l’arrêt des activités d’entreprises étrangères, dans la foulée de l’offensive russe contre l’Ukraine, a annoncé lundi le maire de la capitale russe.
Dans un message sur son site, Sergueï Sobianine a indiqué qu’un plan d’aide de 3,6 milliards de roubles (environ 54 millions de dollars canadiens) avait été adopté la semaine dernière pour aider les Moscovites risquant un licenciement.
Ce programme concerne avant tout les employés d’entreprises étrangères qui ont suspendu temporairement leurs activités ou décidé de quitter la Russie. Selon nos estimations, environ 200 000 personnes risquent de perdre leur emploi, a indiqué le maire.
La mairie va proposer aux employés de sociétés étrangères au chômage technique des emplois temporaires permettant des compléments de revenus comme la gestion des archives ou la réparation d’équipements municipaux.
La municipalité dit aussi prévoir des subventions pour financer des reconversions professionnelles.
Selon la mairie, des aides financières pour les familles devraient être offertes, en vertu d’un récent décret présidentiel, et des mesures prises pour faciliter les emprunts des petites et moyennes entreprises.
Enfin, la Ville de Moscou dit avoir construit, sans préciser de date, trois usines de médicaments pour compenser la suspension des importations pharmaceutiques, dont dépendent fortement les Russes.
Dans ce domaine, un grand travail nous attend, les résultats mettront des années à arriver, a indiqué M. Sobianine.
Soutenir le rouble
Par ailleurs, le Kremlin a déclaré lundi que les pays inamicaux disposent encore de temps pour choisir le paiement en roubles du gaz qu’ils importent de Russie.
Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a refusé de préciser combien de pays ont jusqu’à maintenant accepté ce changement imposé par Moscou.
Cette décision devait permettre à la Russie de soutenir sa monnaie nationale, malmenée par les sanctions.
Or, plusieurs pays européens ont dénoncé cette initiative. L’Allemagne – largement dépendante du gaz russe – a évoqué un chantage de Vladimir Poutine, dénonçant le changement de modalités de contrats pourtant déjà conclus.
Radio-Canada Aavec les informations de Agence France-Presse et Reuters
L’arsenal de missiles antichars occidentaux livré aux Ukrainiens permet de détruire des blindés. Des soldats ukrainiens tirent ici un Javelin de fabrication américaine lors d’un exercice, en décembre dernier. Photo : AP
Depuis un mois, les forces terrestres russes se butent à une résistance acharnée des Ukrainiens sur le champ de bataille où les missiles portatifs occidentaux comme le Javelin, le NLAW ou le Stinger infligent de lourds dégâts à leurs colonnes de blindés et à leurs hélicoptères de combat.
Mais en dépit de ce succès incontestable contre le fer de lance des forces d’invasion russes, ces armes légères peuvent-elles vraiment changer la donne durablement en Ukraine?
La question ne laisse aucun doute dans mon esprit. Oui, ces armes-là ont un effet important, estime Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM.
Il est clair, poursuit-il, que l’état-major russe a largement sous-estimé le potentiel que les Ukrainiens allaient tirer de ces missiles sur le terrain.
Fabriqués par Lockheed Martin, Raytheon et SAAB, ces petits missiles, dont le prix varie de 30 000 $ à 80 000 $ pièce, se transportent en bandoulière et permettent à un soldat, seul, de détruire à peu près n’importe quel véhicule blindé, bâtiment ou position ennemie jusqu’à une distance de 2 à 3,5 kilomètres, selon le modèle.
Même les récents chars russes T90, dotés des blindages les plus sophistiqués, n’y résistent pas.
Au début de mars, le département américain de la Défense estimait que la Russie perdait en moyenne une cinquantaine de véhicules par jour en Ukraine.
La puissance de feu que confèrent les armes antichars occidentales et l’agilité des unités ukrainiennes semblent avoir pris les forces russes par surprise. Photo: AFP via Getty Images/Anatolii Stepanov
Auparavant, détruire un char de combat moderne nécessitait la forte puissance de feu qu’apportent les canons, les bombardements aériens ou encore les mines terrestres. Les soldats au sol n’avaient que peu de chances de détruire un char d’assaut sauf, peut-être, lors d’embuscades en combat rapproché. Et encore, les risques étaient très importants pour ceux qui se lançaient dans une telle entreprise.
Au fil de leur évolution technologique, les armes antichars occidentales sont devenues de plus en plus précises et faciles à transporter.
Si, au début des années 2000, il fallait en général trois hommes pour tirer un missile antichar TOW sur le champ de bataille, un soldat suffit aujourd’hui pour lancer un Javelin ou un NLAW et obtenir le même résultat.
Dans un bilan publié mercredi, l’état-major ukrainien affirme avoir détruit 517 chars d’assaut, 1578 blindés, 267 pièces d’artillerie et une cinquantaine de lanceurs de missiles antiaériens. Depuis le début de l’invasion, Moscou n’a reconnu de son côté que la perte de 1351 soldats et 3825 blessés. Selon les dernières estimations de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, entre 30 000 et 40 000 soldats russes ne seraient plus en état de combattre. Des données à traiter avec prudence, bien entendu.
Mobiles, discrètes et précises
Tout le succès de ces armes intelligentes, livrées par milliers en Ukraine, repose sur le fait qu’elles touchent leur cible à la verticale, frappant le dessus des véhicules, là où leur blindage est le plus faible.
Une fois la cible verrouillée et le tir effectué, le missile de type autonome après tir (fire and forget) trouve lui-même son chemin jusqu’au blindé sans que l’opérateur ait à rester sur place pour le guider, au risque de devenir une cible à son tour.
Une unité de soldats munie de missiles antichars NLAW en déploiement près de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. Photo: AP/Pavlo Palamarchuk
Avec de telles armes, il est désormais possible pour une petite unité de combattants à pied de détruire des mastodontes blindés de plusieurs millions de dollars sans trop s’exposer à leur tir meurtrier.
Faciles à cacher et à transporter dans des coffres de voitures, ces lance-missiles d’à peine 1,2 mètre de longueur peuvent aussi être utilisés depuis l’intérieur d’un bâtiment, ce qui les rend redoutables dans les combats urbains.
Les images relayées sur les réseaux sociaux et les télévisions occidentales qui montrent la destruction de chars et de blindés russes lors d’embuscades ukrainiennes parlent d’elles-mêmes.
Je pense que ça constitue vraiment un game changer, insiste Charles-Philippe David. La preuve est dans le résultat. Les Russes n’ont pas conquis de villes, outre Marioupol [qui résiste encore], et peut-être Kherson et quelques autres dans le sud.
Outre les Javelin, les drones Bayraktar TB2 fournis à l’Ukraine par la Turquie – de petits engins volants commandés à distance, dotés de caméras et de missiles – causent aussi beaucoup de maux de tête aux forces mécanisées russes, pourtant cinq fois supérieures à celles des Ukrainiens.
Ces drones ont connu un tel succès que Vladimir Poutine en a même commandé à la Chine, ironise Charles-Philippe David.
La Turquie, qui est membre de l’OTAN, a livré en 2019 aux Ukrainiens plusieurs exemplaires de ses drones de combat Bayraktar TB2 qui se sont particulièrement illustrés contre les colonnes de blindés russes. Photo : The AP
Pas assez pour gagner la guerre
Moins catégorique que son collègue, le major canadien à la retraite Michael Boire, professeur adjoint au Collège militaire royal du Canada à Kingston, reconnaît l’apport indéniable de ces missiles, mais il n’est pas certain que les conditions soient réunies sur le terrain pour qu’ils changent définitivement la donne face à une invasion aussi puissante et coordonnée.
On ne peut pas se contenter de dire : « Ces armes vont arriver, elles seront déployées par les Ukrainiens et il y aura aussitôt des effets positifs. » Les Ukrainiens peuvent créer des conditions très difficiles pour les Russes, poursuit-il, et on espère que ça arrivera, mais il y a beaucoup de conditions à remplir.
Et il n’est pas sûr que ce soit le cas pour l’instant, selon les informations accessibles.
Malgré ce qu’on peut entendre et voir à la télévision, les Russes, jusqu’à maintenant, n’ont pas arrêté. Ils ont été stoppés à plusieurs reprises, mais ils sont toujours en mouvement, soutient Michael Boire.
Selon l’ancien officier qui a servi plusieurs années au quartier général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, où il étudiait la stratégie militaire russe, les cargaisons de Javelin, de NLAW et de Stinger doivent pouvoir continuer à se rendre jusqu’aux champs de bataille.
Or, cela est de moins en moins évident, dans la mesure où les Russes bombardent les lignes d’approvisionnement ukrainiennes près des frontières roumaines et polonaises.
De plus, une fois livrées, les armes doivent être protégées et distribuées aux unités de combat dans tout le pays, surtout aux endroits où elles joueront un rôle déterminant, ce qui n’est pas gagné d’avance quand les lignes de communication sont coupées et les villes assiégées. Ça demande de la logistique et de l’information terrain.
Une autre condition à remplir, précise Michael Boire, est la formation des soldats appelés à utiliser ces armes. En effet, dans la mesure où les forces ukrainiennes sont composées d’une part importante de réservistes et de volontaires, il faut leur apprendre à les manier, et à le faire de concert avec l’artillerie et le reste des forces ukrainiennes.
L’ex-officier émet également des réserves quant à l’efficacité réelle de ces armes de haute technologie en situation de combat, avec tout le stress et les imprévus que cela implique.
Malgré la simplicité et l’efficacité de ces armes, leur maniement doit être appris aux combattants pour qu’elles soient pleinement efficaces sur le champ de bataille. Photo: AP/Efrem Lukatsky
« Quand on parle de 85 % ou 90 % d’efficacité, on parle d’un soldat qui tire un missile sur une cible qui ne se déplace pas dans une ambiance où il peut se concentrer sur son tir. »— Une citation de Michael Boire, professeur adjoint au Collège militaire royal du Canada à Kingston
Il en va autrement lorsqu’on est sous le feu de l’ennemi sur un champ de bataille où les cibles sont en mouvement, souligne-t-il. En tant que chef, si mes missiles frappaient une fois sur deux, je serais content.
Et les Russes vont s’adapter… Face à ce problème, ils vont commencer à faire des tirs spéculatifs pour trouver les missiles en engageant les meilleures positions de tir. Sans compter le nettoyage des sites de tir ukrainiens les plus probables avec des barrages d’artillerie.
Mais Charles-Philippe David n’en démord pas : l’aide militaire occidentale et la combativité des Ukrainiens, déterminés à défendre leur pays coûte que coûte, ont profondément ébranlé la confiance et les plans de l’état-major russe.
C’est vraiment une défaite pour Poutine, avance-t-il, dans l’optique où le Kremlin croyait prendre le contrôle de l’Ukraine probablement en moins d’une semaine. Ce qui constitue d’autant plus une erreur, selon lui, que Moscou savait qu’il devrait affronter ce type d’armes occidentales sur le terrain.
Les Javelin, les NLAW et autres missiles du genre ne sont pas une nouveauté pour les Ukrainiens, rappelle-t-il. Kiev s’était déjà dotée de stocks de missiles antichars modernes et de drones turcs après l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014.
Plusieurs pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, dont le Canada, ont également fourni des instructeurs militaires à l’Ukraine pendant près de huit ans pour leur apprendre à utiliser ces armes, rappelle le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand.
Les Russes ont agi en amateurs en envahissant l’Ukraine, analyse Charles-Philippe David.
C’est bizarre à dire, Poutine va tuer énormément de civils, mais il va peut-être perdre plus de soldats que l’Ukraine perd de civils, souligne le chercheur. Pour l’instant, on n’a pas de chiffres exacts et on ne peut pas vérifier. On parle de presque 10 000 soldats russes qui auraient peut-être péri jusqu’ici.
Le défi des grandes villes
Les bombes et les missiles pleuvent sur les grandes villes ukrainiennes depuis le tout début de l’invasion russe. Photo : (Mstylav Chernov/The AP)
S’il est un point sur lequel les deux experts se rejoignent, c’est sur l’efficacité redoutable qu’auront ces missiles portatifs contre les Russes dans les grandes villes, en raison du coût élevé en hommes et en matériel que représente une telle campagne pour l’armée russe.
Ces missiles antichars peuvent être super efficaces dans une agglomération urbaine, assure le major Boire, qui souligne que, depuis la Tchétchénie, les forces russes ont renoncé aux combats urbains à la faveur d’une stratégie de siège et de bombardements à distance.
Pourquoi perdre des soldats inutilement quand on peut prendre des semaines pour bombarder et assiéger les villes sans menace aérienne? souligne le major à la retraite.
Kiev, les Russes ne vont pas la conquérir. Ils vont peut-être la détruire, mais ils ne vont pas la conquérir, renchérit Charles-Philippe David.
Ils n’ont pas assez de troupes, ils n’ont pas assez d’équipement et ils n’ont pas la maîtrise complète du ciel, poursuit-il, rappelant qu’après un mois de bataille, aucun grand centre urbain d’Ukraine n’est encore sous contrôle russe.
Depuis des jours maintenant, les troupes russes assiègent et bombardent Marioupol, dans le sud de l’Ukraine, sans toutefois en détenir le contrôle. Photo : AP/Evgeniy Malolekta
Tout ce qui reste à Vladimir Poutine, c’est de bombarder et tirer sur les civils jusqu’à ce qu’il y ait assez d’Ukrainiens qui soient morts pour que [le président] Zelensky plie. C’est ce qu’il a fait à Grozny, c’est ce qu’il a fait à Alep [en Syrie]. Pourquoi penser que ce serait différent cette fois? Allez demander aux Syriens qui vivaient à Alep comment ils voient leur ville. C’est pareil aux photos qui nous viennent de Marioupol.
Le Canada, qui est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, a annoncé récemment l’envoi en Ukraine de 4500 roquettes antichars M72 LAW ainsi que d’une centaine de canons antichars sans recul Carl Gutav M2 et de 2000 projectiles de 84 millimètres pour les alimenter. Le tout provient de l’arsenal des Forces canadiennes. Malgré leur efficacité démontrée, ces armes accusent un certain retard face aux nouvelles générations de véhicules blindés.
Le problème du ciel demeure entier
La Pologne a proposé de céder sa flotte de chasseurs Mig-29 aux pilotes ukrainiens qui sont formés pour combattre dans ce type d’appareil. Photo: Reuters/Peters Andrews
En dépit de l’efficacité démontrée des armes légères livrées par l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN et de la ténacité avérée des combattants ukrainiens depuis un mois maintenant, les villes ukrainiennes ne pourront tenir longtemps encore sous les bombes et les missiles de croisière russes sans une défense aérienne adéquate.
Conscient de cet état de fait depuis le premier jour de l’invasion, le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne cesse de réclamer à ses alliés une zone d’exclusion aérienne que l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN n’ose pas instaurer, de peur d’aggraver ce conflit avec la première puissance nucléaire du monde.
Une position qui irrite de plus en plus d’observateurs pour qui un affrontement avec la Russie deviendrait de toute façon inévitable si le conflit s’enlisait et, surtout, si Vladimir Poutine décidait de recourir à des armes non conventionnelles (chimiques ou nucléaires) pour avoir le dernier mot en Ukraine.
Comment, en effet, protéger le ciel des villes ukrainiennes sans y déployer des armes plus lourdes ou des forces aériennes que seule l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN pourrait fournir, sans entrer automatiquement en guerre contre la Russie? Cette question, tous les membres de l’Alliance atlantique se la posent. Et certains, voisins de l’Ukraine, sont déjà prêts à en faire plus.
Le déploiement de telles armes autour des grandes villes d’Ukraine – que les soldats ukrainiens connaissent bien – serait en effet efficace, croit Charles-Philippe David. Mais il en faudrait, selon lui, beaucoup, et le gros problème serait bien entendu d’acheminer ces volumineux systèmes sur le terrain sans que les Russes les détruisent.
La Slovaquie s’est récemment dite prête à fournir aux Ukrainiens ses missiles S300 pour les aider à se défendre contre les missiles de croisière et les bombardiers russes. Photo: AFP via Getty Images/AFP
Pour le major à la retraite Michael Boire, on marcherait carrément sur la ligne rouge tracée par les Russes si l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN devait entreprendre de déployer de telles batteries antiaériennes en Ukraine.
C’est un casus belli [un acte de nature à motiver une déclaration de guerre]. C’est une autre version de la zone d’exclusion aérienne. Les Russes ne l’accepteront pas.
L’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN garde ses distances
Se disant déterminée à tout faire ce qu’elle peut pour aider l’Ukraine, l’Alliance atlantique a répété qu’elle veillera à éviter toute escalade susceptible d’entraîner les alliés dans une guerre totale contre la Russie.
L’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN s’engage, au mieux, pour l’instant, à continuer de fournir des armes antichars, des systèmes de défense antiaériens, des drones et de l’aide humanitaire.
Traçant à son tour une ligne rouge, le président des États-Unis, Joe Biden, a cependant clairement prévenu que l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN répliquerait si la Russie s’avisait de recourir à des armes chimiques en Ukraine.
Tous ces palabres et ces mises en garde de dernière minute pour défendre l’Ukraine arrivent bien tard, déplorent en conclusion Charles-Philippe David et Michael Boire. D’autant plus, souligne ce dernier, que la stratégie de sécurité nationale de la Russie sur la question ukrainienne était bien connue de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN et accessible depuis au moins cinq ans sur Internet.
C’est à cette époque qu’il fallait selon lui déployer de réelles mesures dissuasives en Ukraine.
Que tout cet imbroglio soit aujourd’hui une surprise, ça m’échappe, conclut-il, dubitatif.
Le président ukrainien a imploré les Occidentaux d’aider à « arrêter cette guerre », au moment où une frappe russe faisait au moins 21 morts dans l’est de l’Ukraine, après trois semaines d’une offensive de Moscou qui ne donne aucun signe de répit malgré la poursuite de pourparlers.
« Un peuple est en train d’être détruit en Europe », a lancé Volodymyr Zelensky, s’adressant par visioconférence au Bundestag depuis la capitale ukrainienne bombardée. « Aidez-nous à arrêter cette guerre ! », et à détruire le nouveau « mur » que veut imposer Moscou, a-t-il ajouté, ovationné par les députés allemands.
L’Ukraine vit depuis trois semaine au rythme des annonces de frappes russes meurtrières sur ses villes, qu’elle accuse le Kremlin de viser à dessein. Dernière en date, une frappe d’artillerie a fait au moins 21 morts jeudi matin à Merefa, près de la ville assiégée de Kharkiv (est).
« Une école et un centre culturel ont été détruits. 21 personnes ont été tuées et 25 blessées dont 10 sont dans un état grave », a annoncé le parquet régional.
Les regards étaient également tournés jeudi vers Marioupol, ville portuaire du sud-est assiégée et où Volodymyr Zelensky a accusé mercredi l’aviation russe d’avoir « sciemment » bombardé un théâtre où étaient réfugiés des centaines d’habitants.
« Le monde doit finalement admettre que la Russie est devenue un Etat terroriste », avait-il ajouté.
La mairie de ce port stratégique sur la mer d’Azov a affirmé que « plus d’un millier » de personnes se trouvaient dans un abri antiaérien situé dans le théâtre.
Un député, Serguiï Tarouta, a affirmé sur Facebook que des gens sortaient vivants des décombres, l’abri sous le théâtre ayant tenu.
Jeudi matin, le Parquet général d’Ukraine a indiqué qu’il était pour l’instant « impossible d’établir le nombre exact de victimes car des bombardements se poursuivent en permanence ».
Selon lui, « il y a des informations » sur des « blessés dont des enfants ». Sur une photo du théâtre prise lundi et publiée mercredi par la société d’imagerie satellitaire américaine Maxar, est bien visible depuis le ciel le mot « enfants » écrit au sol en russe en immenses lettres blanches, devant et derrière le théâtre.
La Russie a affirmé ne pas avoir bombardé la ville, et que l’immeuble avait été détruit par le bataillon nationaliste ukrainien Azov.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a indiqué de son côté manquer d’informations et ne pas pouvoir « exclure la possibilité d’une cible militaire ukrainienne dans la zone du théâtre », qui abritait « au moins 500 civils ».
Plus de 2.100 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre à Marioupol, selon les Ukrainiens. Des personnes ayant réussi à fuir la ville ces derniers jours pour Zaporojie, plus à l’ouest, ont raconté avoir fait fondre de la neige pour boire et cuire le peu de nourriture disponible sur des braseros.
« Ils tirent tellement de roquettes, il y a beaucoup de corps de civils morts dans les rues », a raconté à l’AFP Tamara Kavounenko, 58 ans, qui vivait dans le centre-ville.
Aide militaire massive
A Washington, répondant à une journaliste, le président américain Joe Biden a accusé son homologue russe Vladimir Poutine d’être « un criminel de guerre ».
Des propos « inacceptables et impardonnables », a répliqué le Kremlin.
Auparavant, M. Biden avait confirmé mercredi que son pays fournirait à Kiev 800 millions de dollars de plus d’aide militaire, soit une enveloppe d’un milliard de dollars en une semaine.
Il a aussi indiqué que Washington allait aider l’Ukraine à se doter de systèmes de défense antiaérienne supplémentaires et de plus longue portée.
Ses annonces sont intervenues peu après que M. Zelensky eut lancé un appel à l’aide devant le Congrès américain.
Bombardements meurtriers
Cette assistance militaire doit aider Kiev à continuer à résister aux forces russes.
Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, ces dernières n’ont encore revendiqué la prise d’aucune grande ville ukrainienne, même si elles ont nettement progressé dans le sud et semblent avancer dans l’est du pays.
Selon HRW, les forces russes ont notamment utilisé des bombes à sous-munitions les 7, 11 et 13 mars, sur la ville de Mykolaïv, proche d’Odessa. Neuf personnes sont mortes le 13 mars, qui faisaient la queue à un distributeur, selon l’organisation.
Au nord de Kiev, à Tcherniguiv, dix personnes qui attendaient pour acheter du pain sont mortes lorsque des forces russes ont ouvert le feu, a affirmé mercredi le Parquet général ukrainien. Moscou a démenti, accusant là aussi des « nationalistes ukrainiens ».
Selon le gouverneur militaire régional, 53 corps au total ont été amenés à la morgue mercredi.
Les bombardements se poursuivent aussi sur Kharkiv, deuxième ville du pays, où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre.
A Kiev, une frappe sur un immeuble a tué une personne jeudi à l’aube.
« J’ai entendu un sifflement, et mon mari m’a appelée en criant. On habite au rez-de-chaussée, les fenêtres se brisaient. Le principal, c’est qu’on soit vivant », a dit à l’AFP Iryna Voïnovska, 55 ans, en sanglots. « Malheureusement, une femme est morte au 16e étage, écrasée par une gazinière ».
La capitale reprenait lentement vie jeudi matin après la levée d’un couvre-feu imposé depuis mardi soir.
Mais les rues, ponctuées de points de contrôle et de sacs de sable, restaient quasiment désertes. La ville s’est vidée d’au moins la moitié de ses 3,5 millions habitants.
Aucun bilan global n’a jamais été fourni, même si le président Zelensky a mentionné le 12 mars la mort d' »environ 1.300″ militaires ukrainiens, tandis que Moscou a rapporté près de 500 morts dans ses rangs le 2 mars.
Cent-huit enfants ont été tués et 120 blessés dans le pays depuis l’invasion russe, a indiqué jeudi le Parquet général ukrainien.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénonce en particulier les nombreuses frappes sur des infrastructures de santé.
Plus de trois millions d’Ukrainiens ont déjà pris les routes de l’exil, en grande majorité vers la Pologne. Des milliers d’entre eux poursuivent leur voyage vers d’autres pays, comme la Suède: Stockholm estime qu’ils arrivent au rythme de près de 4.000 personnes par jour, et n’exclut pas d’en recevoir jusqu’à 200.000.
Dans ce contexte, la Cour internationale de justice (CIJ), plus haut tribunal de l’ONU, a ordonné mercredi à Moscou d’immédiatement interrompre ses opérations militaires.
Décision balayée jeudi par le Kremlin. Vladimir Poutine a martelé mercredi dans un discours que l’offensive était « un succès », et comparé les sanctions occidentales à « un blitzkrieg » contre la Russie.
Revenant sur le discours très dur du président russe, son porte-parole Dmitri Peskov a affirmé jeudi que la « majorité écrasante » des Russes soutenaient la ligne décidée par Vladimir Poutine.
Les autres sont des « traîtres », et le conflit les révèle, permettant une « purification » de la société, a-t-il ajouté, alors que nombre de Russes opposés au Kremlin ont quitté le pays depuis le début de l’offensive.
« Accord de sécurité collective »
Malgré la détermination qu’affichent les deux camps, des pourparlers se poursuivent en parallèle par visioconférence au niveau de délégations.
Le minisre turc des Afaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, en visite à Lviv dans l’ouest de l’Ukraine, a indiqué que Kiev avait « fait une offre sur l’accord de sécurité collective: P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ndlr), plus Turquie et Allemagne ».
« Lors de mes contacts à Moscou hier, j’ai vu que la Fédération de Russie n’y voyait aucune objection et qu’elle pouvait accepter une telle offre », a précisé le ministre qui a rencontré mercredi à Moscou le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
La veille, l’Ukraine avait rejeté la proposition russe d’un simple statut de pays neutre, exigeant des « garanties de sécurité absolues ».
Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a de son côté accusé Moscou de « faire semblant de négocier », tout en continuant à faire parler les armes ».
Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Albanie, la France, la Norvège et l’Irlande ont demandé une nouvelle réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU jeudi après-midi.
La guerre en Ukraine pourrait coûter un point à la croissance mondiale en un an si ses effets se prolongent sur les marchés énergétiques et financiers, et pousser l’inflation d’environ 2,5 points supplémentaires, a estimé l’OCDE.
Ces nouvelles mesures financières contre Moscou ciblent notamment la plateforme SWIFT. Elles ont été adoptées par le Canada, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et la Commission européenne.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, entourée des premiers ministres danois, grec et portugais. Photo: AP/Olivier Hoslet
La violence de l’intervention russe en Ukraine a mené samedi les Occidentaux à s’entendre sur un nouveau train de sanctions contre Moscou, visant entre autres à exclure de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire SWIFT, rouage essentiel de la finance mondiale, a annoncé le gouvernement allemand, qui préside actuellement le forum du G7.
Le communiqué dévoilant ces nouvelles sanctions a été endossé par les États-Unis, le Canada, la Commission européenne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne. Ces deux derniers pays dépendants du gaz russe étaient jusque-là réticents à de telles représailles financières.
Nous remercions nos amis pour leur engagement à exclure certaines banques russes du réseau interbancaire SWIFT, a salué sur Twitter le premier ministre ukrainien, Denys Shmygal.
Les sanctions seront appliquées dans les prochains jours, ont déclaré les signataires. Elles prévoient également la fin des passeports dorés délivrés aux riches ressortissants russes et à leurs familles.
Les partenaires occidentaux ont décidé de restreindre encore davantage l’accès de la banque centrale russe aux marchés des capitaux, afin rendre plus difficiles ses tentatives pour soutenir le cours du rouble, en recul suite à la guerre en Ukraine.
L’objectif est de geler les transactions financières de l’institution et donc de rendre impossible la liquidation de ses actifs, a expliqué la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans une allocution vidéo après une réunion avec les dirigeants américains, français, allemands et italiens.
Concrètement, ces mesures visent à empêcher Vladimir Poutine d’utiliser les 630 milliards de dollars (environ 800 milliards de dollars canadiens) de réserves en devises de la banque centrale pour envahir l’Ukraine et défendre le rouble.
«Cela entraînera leur déconnexion du système financier international. Leur capacité d’agir globalement s’en trouvera affaiblie», a expliqué la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Photo : Reuters/Johanna Geron
Selon l’Union européenne, environ 70 % du secteur bancaire russe est actuellement concerné par les sanctions.
Les Occidentaux veulent également lancer la semaine prochaine un groupe de travail transatlantique pour s’assurer de la mise en œuvre effective des sanctions financières décidées par les Occidentaux en identifiant et en gelant les actifs des personnes et entités visées.
Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se réuniront dimanche soir pour discuter de sanctions supplémentaires.
La Russie est devenue un paria économique et financier mondial, a résumé un haut responsable américain.
Une source américaine a également déclaré que les Etats-Unis et leurs alliés achevaient la liste des banques qui seraient retirées du réseau SWIFT, ajoutant que les banques qui seraient envisagées en premier étaient celles se trouvant déjà sous le coup de sanctions américaines et européennes.
Au Canada, la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a exprimé sur Twitter l’implication de son gouvernement dans le retrait des banques russes de SWIFT. L’invasion du président Poutine ne doit pas réussir. Nous sommes debout aux côtés du courageux peuple ukrainien, a-t-elle réitéré.
L’Occident s’engage à livrer des armes à l’Ukraine
Missiles, lance-roquettes, mitrailleuses : les pays occidentaux ont également pris de nouveaux engagements en matière de livraison d’armements et de munitions en Ukraine.
Armes et équipements de nos partenaires sont en route pour l’Ukraine, s’est réjoui le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, samedi.
Des soutiens financiers et matériels ont notamment été annoncés de la part des États-Unis, de l’Allemagne, de la République tchèque, des Pays-Bas et de la Belgique.
Les Américains ont annoncé samedi une nouvelle aide militaire à l’Ukraine de 350 millions de dollars américains (445 millions de dollars canadiens). Cette aide comprendra de nouveaux moyens militaires défensifs qui permettront à l’Ukraine de combattre les menaces blindées, aéroportées et autres auxquelles elle fait face aujourd’hui, a déclaré le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, par voie de communiqué.
Des membres de l’armée ukrainienne à bord de véhicules blindés à Kiev Photo : Reuters/Valentyn Ogirenko
Selon un spécialiste de l’armée interrogé par l’Agence France-PresseAFP, les États-Unis sont les mieux équipés militairement pour offrir une assistance à l’Ukraine, puisque les armées européennes disposent d’un stock limité.
Quand vous envoyez 2000 mitrailleuses, vous les prenez sur votre propre stock […] Les armées européennes sont des armées pauvres. On n’a pas de matériel, pas d’argent, a déclaré le général Vincent Desportes, ex-directeur de l’École de guerre française.
La République tchèque a tout de même annoncé qu’elle allait faire don à l’Ukraine de mitrailleuses, de fusils automatiques et de précision, de pistolets et de munitions, pour une valeur de 7,6 millions d’euros (10,8 millions de dollars canadiens).
Les Pays-Bas, eux, ont indiqué qu’ils allaient fournir 200 missiles antiaériens Stinger et des équipements militaires destinés à l’autodéfense ukrainienne contre Moscou. Le ministère de la Défense des Pays-Bas a déclaré avoir expédié samedi une partie des marchandises déjà promises.
La Belgique fournira pour sa part 2000 mitrailleuses et 3800 tonnes de carburant à l’armée ukrainienne.
Des lance-roquettes antichar déployées lors d’un entraînement militaire par l’armée allemande. Photo : Getty Images/Sean Gallup
Enfin, le gouvernement allemand a annoncé la livraison à l’Ukraine de 400 lance-roquettes antichars, rompant ainsi avec sa politique suivie ces dernières années d’interdiction de toute exportation d’armes létales en zone de conflit, a indiqué à l’AFP samedi une source gouvernementale.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a réagi en appelant le chancelier Olaf Scholz à continuer comme ça. La coalition antiguerre fonctionne, s’est réjoui samedi M. Zelensky, longtemps critique de l’attentisme des pays occidentaux, qui avaient jusqu’ici misé sur des sanctions économiques contre la Russie.
Contrairement à ses alliés, le Canada n’a pas annoncé de nouvelle assistance à l’Ukraine, mais il a rappelé, par voie de communiqué, qu’il répondait aux actes irresponsables et dangereux de la Russie au moyen de sanctions sévères, de contributions militaires supplémentaires à l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, d’une aide humanitaire, de matériel létal et non létal et de munitions.
Première application visible des sanctions occidentales
Les sanctions occidentales contre la Russie ont mené à l’interception d’un navire de commerce soupçonné d’appartenir à une entreprise russe, dans la Manche, ont annoncé samedi les autorités françaises. Cet imposant bateau de 127 mètres transportait des véhicules vers Saint-Pétersbourg, en Russie.
Il s’agit de la première application visible des mesures de rétorsion après l’invasion de l’Ukraine.
Ce bateau battant pavillon russe, le Baltic Leader, un cargo roulier construit spécialement pour le transport de véhicules, menait sa cargaison vers Saint-Pétersbourg (Russie). Photo: Reuters/Pascal Rossignol
Riposte de la Russie
La Russie a répliqué samedi aux sanctions occidentales en annonçant le gel des avoirs et la nationalisation des actifs d’entreprises de pays hostiles. La Russie répondra […] en saisissant les fonds d’étrangers et d’entreprises étrangères en Russie, a déclaré l’agence de presse RIA, citant Dmitri Medvedev, chef adjoint du Conseil de sécurité.
Moscou a aussi suspendu les lancements depuis la base spatiale de Kourou, en Guyane française, et rappelé son personnel technique en réaction aux sanctions de l’Union européenne (UE), a annoncé l’Agence spatiale russe, Roscosmos.
Un total de 87 personnes se trouvant actuellement en Guyane française sont ainsi appelées à rentrer en Russie. Le secteur aéronautique et spatial européen compte plusieurs partenariats avec la Russie.
Roscosmos dispose avec Arianespace d’une coentreprise, Starsem, pour exploiter la fusée Soyouz. Elle doit en principe lancer en 2022 huit fusées Soyouz : trois depuis Kourou (dont le satellite-espion français CSO-3) et cinq depuis le cosmodrome russe de Baïkonour, au Kazakhstan.
En l’absence de fusées Soyouz, l’Europe n’aurait pas de capacité propre de lancement de certains satellites avant la mise en œuvre d’Ariane 6, dont le premier vol est attendu en fin d’année.
Cette riposte de Moscou constitue une réponse au Conseil européen, qui a décidé jeudi soir d’interdire l’exportation vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale.
Un militaire ukrainien marche près d’un véhicule endommagé, après des combats avec des soldats russes. Photo : Reuters/Valentyn Ogirenko
La Russie n’a plus besoin de liens diplomatiques avec l’Occident, a déclaré l’ancien président et haut responsable de la sécurité, Dmitri Medvedev.
S’exprimant sur les médias sociaux, il écrit qu’il était temps de cadenasser les ambassades. Il a ajouté que Moscou poursuivrait son opération en Ukraine jusqu’à l’atteinte des objectifs définis par le président Vladimir Poutine.
Blocages ciblés des espaces aériens
Si plusieurs pays européens ont fermé leur espace aérien aux compagnies russes à la suite de l’invasion de l’Ukraine, le Canada n’a toujours pas pris de décision à ce sujet.
La Russie a annoncé samedi la fermeture de son espace aérien aux avions venant de la Bulgarie, de la Pologne et de la République tchèque, en représailles à une décision semblable prise par ces pays.
KLM, branche néerlandaise du groupe Air France-KLM, et la compagnie allemande Lufthansa ont annoncé l’annulation de tous leurs vols vers la Russie pour la semaine à venir en conséquence des sanctions infligées par l’Union européenne à Moscou après l’invasion de l’Ukraine.
La raison immédiate en est qu’en raison du paquet de sanctions qui a été convenu dans un contexte européen, les pièces détachées d’avions ne peuvent plus être envoyées en Russie, a expliqué Air France-KLM.
L’Allemagne aussi indique avoir pris des dispositions pour fermer son espace aérien aux avions russes, en représailles à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La compagnie nationale polonaise LOT a par ailleurs annoncé la suspension dès vendredi après-midi de ses vols à destination de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Ces annonces faisaient suite à une décision similaire du Royaume-Uni frappant la compagnie nationale russe Aeroflot.
La Russie a pour sa part réagi en interdisant le survol de son territoire à tous les avions liés au Royaume-Uni, y compris aux vols en transit. La Moldavie avait fermé dès jeudi son espace aérien.
La principale compagnie aérienne russe, Aeroflot, traverse plusieurs fois par jour l’espace aérien canadien pour ses vols aux États-Unis. Selon Ross Aimer, un expert des questions aériennes, l’espace canadien est crucial pour la compagnie. Il craint des représailles russes si le Canada bannit Aeroflot.
Radio-Canada avec les informations de Agence France-Presse, Reuters et La Presse canadienne
Vladimir Poutine a promis mercredi à ses rivaux étrangers une riposte « dure » s’ils tentaient de s’en prendre à la Russie, sur fond de tensions croissantes avec l’Occident autour de l’Ukraine et du sort de l’opposant incarcéré Alexeï Navalny.
Parallèlement des milliers de personnes ont manifesté en Russie en soutien au détracteur du Kremlin, en grève de la faim depuis trois semaines, mais la mobilisation apparaissait moindre qu’en janvier et février, quand son arrestation avait poussé des dizaines de milliers de Russes dans la rue, des rassemblements durement réprimés.closevolume_off
Le président russe, dans son grand discours annuel, a adressé une mise en garde à ses adversaires étrangers avec lesquels il croise le fer sur de multiples dossiers, notamment l’emprisonnement de M. Navalny.
« Les organisateurs de provocations menaçant notre sécurité le regretteront comme jamais ils n’ont eu à regretter quelque chose », a-t-il prévenu.
« J’espère que personne n’aura l’idée de franchir une ligne rouge », a-t-il encore dit, promettant une riposte « asymétrique, rapide et dure ».
La Russie, du fait du conflit en Ukraine, de la répression de l’opposition, d’accusations de cyberattaques et d’ingérences est sous le coup de multiples sanctions occidentales.
Mais le seul dossier international précis abordé par M. Poutine est celui d’une tentative « de coup d’État et d’assassinat du président du Bélarus », dénoncée le week-end dernier par les services de sécurité des deux pays qui y ont vu la main d’opposants soutenus par les Etats-Unis.
Crise et Covid
M. Poutine a critiqué le silence occidental, à la veille d’une rencontre à Moscou avec son homologue Alexandre Loukachenko, honni en Occident du fait de la répression brutale d’un mouvement de contestation depuis août 2020.
Et il n’a pas répondu aux appels occidentaux à retirer les dizaines de milliers de troupes russes déployées aux frontières de l’Ukraine, nourrissant la crainte d’un conflit d’ampleur.
La crise économique et sanitaire due au Covid-19 a figuré en bonne place du discours, d’autant que des législatives sont prévues en septembre.
Il a promis « d’assurer la croissance des revenus des citoyens » qui sont en berne depuis des années, sous l’effet des sanctions et désormais aussi de la pandémie.
A l’approche des élections, Vladimir Poutine reste populaire, mais son parti, réputé corrompu, ne l’est guère. Chose sur laquelle M. Navalny comptait s’appuyer durant la campagne.
Mobilisation en berne
Sans surprise, M. Poutine n’a pas évoqué l’opposant, qui a cessé de s’alimenter le 31 mars pour protester contre ses conditions de détention.
L’Occident réclame sa libération et la vérité sur son empoisonnement en août 2020 et dans lequel les services spéciaux seraient impliqués.
Des experts de l’ONU ont dit mercredi craindre pour sa vie et réclamé « de lui permettre d’être évacué à l’étranger pour un traitement médical urgent », alors que ses proches veulent une hospitalisation à Moscou, estimant qu’il pourrait mourir d’un jour à l’autre.
Ses partisans ont organisé des manifestations dans une centaine de villes mercredi, mais la mobilisation semblait en berne.
Des milliers de personnes ont néanmoins manifesté de la capitale à l’Extrême-Orient en passant par l’Oural et la Sibérie, scandant des slogans tels que « Poutine tueur », « Libérez-le » ou « Liberté ».
A Moscou quelques milliers de personnes étaient rassemblées en début de soirée aux abords du Kremlin, selon des journalistes de l’AFP.
« Je veux au mieux que Navalny soit libéré, ou au moins qu’il ait accès à des soins », a expliqué une manifestante de 54 ans, Olga Elaguina.
A Saint-Pétersbourg, où un millier de personnes manifestaient selon une journaliste de l’AFP, certains ne cachaient pas leur morosité. « Je ne pense pas que nos sorties puissent changer quoi que ce soit, je ne sais pas quoi faire, mais on ne peut se taire », dit Anna Kossiakova, 57 ans.
La police était déployée en nombre dans ces deux villes mercredi soir. Vers 16H45 GMT, l’ONG OVD-Info avait dénombré au moins 400 interpellations à travers la Russie, bien moins qu’en janvier et février, lorsqu’au total 10.000 personnes avaient été arrêtées.
Les autorités russes se montrent déterminées à mettre fin au mouvement pro-Navalny. La semaine prochaine, la justice doit examiner une demande de classer ses organisations comme « extrémistes », ce qui exposerait ses militants à des peines de prison.
Alors que les scientifiques sont engagés dans un contre-la-montre pour élaborer des traitements contre le coronavirus, en Afrique la défiance envers les vaccins occidentaux s’affiche sur les réseaux sociaux.
Un logo montrant une seringue dans un cercle rouge barré du slogan « pas de test de vaccin en Afrique », un dessin d’une femme noire brandissant une machette sous la gorge d’un médecin blanc muni d’une seringue, des hashtags #nonauvaccinenafrique, #pasdetestdevaccinenafrique, #lAfriquenestpasunlaboratoire, #jenesuispasuncobaye…
Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux africains grouillent de publications mettant en garde contre des vaccins « empoisonnés » qui seraient secrètement testés ou injectés sur le continent.
Début avril, des publications virales en Afrique de l’Ouest affirmaient que sept enfants étaient morts au Sénégal après avoir reçu « le vaccin de Bill Gates ». Cette rumeur avait pour origine… une blague d’un marchand de cosmétiques dans la banlieue de Dakar.
Dans une autre vidéo partagée des dizaines de milliers de fois en Côte d’Ivoire, une femme se présentant comme une infirmière affirmait, elle, que les centres de dépistage allaient servir à vacciner la population à son insu par voie nasale.
Or, il n’existe pas de vaccin contre le coronavirus. Si une centaine de projets sont actuellement menés à travers le monde, dont une dizaine en phase d’essais cliniques, aucun ne devrait aboutir avant plusieurs mois.
Evoquant l’intérêt de tester le vaccin anti-tuberculose BCG contre le coronavirus, l’un d’entre eux demandait notamment si « on ne pourrait pas faire ces tests en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ».
Après certains pays d’Europe et d’Australie, l’Afrique du Sud a lancé lundi des tests analogues, menés sur 500 soignants.
Le continent africain est pour l’instant un des moins sévèrement touchés par la pandémie, avec 2.007 décès pour 51.569 cas officiellement recensés au 7 mai, selon un comptage réalisé à partir de données officielles.
« Il y a une longue histoire de défiance envers les vaccins en Afrique », explique Keymanthri Moodley, directeur du Centre pour l’éthique et le droit de la médecine à l’université de Stellenbosch (Afrique du Sud), en soulignant « l’impact énorme » de cette séquence télévisée.
« Ces gens font des annonces importantes, comme si nous n’avions pas voix au chapitre. C’est comme si on revenait à l’époque coloniale. Personnellement, je trouve cela raciste et condescendant », a déclaré l’ancienne ministre kényane de la Justice, Martha Karua.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), régulièrement mise en cause dans ces publications où elle est accusée d’être le bras armé des puissances occidentales et de l’industrie pharmaceutique, assure que l’Afrique n’est pas un terrain d’expérimentations hasardeuses.
« Je veux vraiment rassurer les gens que les essais cliniques en cours actuellement sur le continent respectent les standards internationaux et suivent les mêmes protocoles que dans les autres pays développés », a déclaré le responsable du programme d’immunisation et de développement des vaccins pour l’OMS en Afrique, Richard Mihigo.
« Docteur-La-Mort »
Mais ces déclarations ont ravivé le souvenir de scandales médicaux qui ont marqué le continent jusque dans l’histoire récente.
Dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, le sinistre « Docteur-La-Mort » Wouter Basson, qui dirigeait dans les années 1980 et au début des années 1990 le programme gouvernemental d’armement chimique et biologique, avait ainsi travaillé sur un projet -qui n’a pas abouti – de stérilisation des femmes noires par des substances qui devaient être injectées par les vaccins.
Au Nigeria, au tournant des années 2000, le géant pharmaceutique Pfizer a, lui, versé 75 millions de dollars en échange de l’arrêt de poursuites judiciaires, après des accusations d’essais d’un médicament contre la méningite menés à l’insu de la population en 1996.
La firme américaine assure avoir obtenu l’accord verbal des familles, ce que nient ces dernières qui affirment que le médicament, le Trovan, serait responsable du décès d’au moins onze enfants et de dommages physiologiques pour 189 autres.
Les révélations de plusieurs cas de médicaments anti-VIH frauduleux un peu partout sur le continent ont également « alimenté un fort ressentiment contre les hommes politiques et certains scientifiques », ajoute Keymanthri Moodley.
Solutions locales
« Plutôt que de balayer ces craintes en les qualifiant de ‘fausses rumeurs’ ou de ‘connaissances erronées’, elles devraient être écoutées et reconnues », estime Sara Cooper, chercheuse au Conseil de recherche médicale sud-africain.
Selon elle, des recherches menées par des scientifiques africains plutôt que des programmes étrangers « pourraient permettre de reconstruire une confiance collective et de réduire l’opposition ».
Mais l’histoire a aussi montré l’utilité des vaccins, tempère Richard Mihigo : « Les gens savent que les épidémies arrivent quand il n’y a pas d’immunisation. On l’a vu avec la rougeole. Ils participent massivement aux campagnes de vaccination, ils en connaissent les bénéfices ».
Les autorités ukrainiennes ont reçu vendredi des diplomates occidentaux pour leur fournir des explications concernant la mise en scène du faux assassinat du journaliste russe Arkadi Babtchenko, qui a suscité de nombreuses critiques.
Une dizaine de diplomates se sont rendus au parquet général d’Ukraine où cette rencontre à huis clos a duré presque deux heures, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Cette réunion avec des diplomates en poste à Kiev des pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon) avait été annoncée la veille par le procureur général Iouri Loutsenko, qui avait indiqué à la télévision vouloir « expliquer tout ce qu’on peut expliquer dans le respect du secret de l’enquête ».
Vassyl Grytsak, chef des services de sécurité ukrainiens (SBU) qui ont organisé cette « opération spéciale », y a également participé, a confirmé à l’AFP une source au SBU.
Donné pour mort mardi soir, abattu de trois balles dans le dos, le journaliste Babtchenko, virulent critique du Kremlin exilé en Ukraine est réapparu vivant à lors d’une conférence de presse au siège du SBU le jour suivant.
Le SBU et le parquet général ont alors révélé que l’annonce de sa mort, qui avait suscité une vive émotion au-delà de l’Ukraine et la Russie, était une mise en scène.
Le procédé a été justifié comme nécessaire pour déjouer une tentative d’assassinat bien réelle organisée, selon Kiev, par les services secrets russes, visant M. Babtchenko mais aussi une trentaine d’autres personnes, en remontant de l’exécutant aux commanditaires.
Cette affaire a déclenché beaucoup de critiques, notamment de la part des organisations de journalistes qui se sont interrogées sur la nécessité d’un stratagème aussi extrême et sur les accusations de Kiev mettant en cause la Russie avant la révélation de la supercherie.
Berlin avait appelé à « faire la lumière » sur « un événement qui est pour beaucoup de gens incompréhensible dans le cadre de l’Etat de droit ».
Cette affaire « a définitivement rompu la confiance envers les sources d’informations ukrainiennes, y compris officielles », a dénoncé vendredi un porte-parole de la diplomatie russe Artiom Kojine, lors d’un conférence de presse. « Après ces événements, il devient clair, et pas seulement pour nous, qu’il faut vérifier plusieurs fois toute information venant de Kiev, car il peut s’agir d’un banal +fake+ ».