
© Gracieuseté Marion Tétreault-De Bellefeuille et Nicolas Monette ne s’inquiètent pas de la pérennité de la langue française.
Marion Tétreault-De Bellefeuille est étudiante en archivistique et bachelière en histoire de l’art. Nicolas Monette est enseignant au primaire. Le couple habite dans la Petite-Patrie, à Montréal. Elle a 30 ans et lui, 32. Sentent-ils que la langue française est menacée?
«Moi, elle ne m’inquiète pas non plus, mais on est aussi entouré de personnes qui parlent français» , ajoute Nicolas.
Utiliser des mots anglais
Comme d’autres de leur génération, ils utilisent des mots anglais dans leurs conversations. «C’est vrai! On utilise beaucoup plus de mots anglais et même des formulations. À cause de l’univers de l’internet, ce sont même des phrases très précises pour exprimer des sentiments», avoue-t-il.
Faire évoluer la langue
Les deux croient cependant qu’on doit rendre la langue plus souple et plus attirante.
«Je pense qu’il y a aussi un niveau d’appropriation et de se faire dire qu’on parle un mauvais français, ça peut rebuter certaines personnes. Il y a plein de communautés, comme la communauté haïtienne qui intègre le créole dans le français et les Arabes, qui utilisent des mots arabes. Je pense que le français doit se diversifier. C’est d’ailleurs la force de l’anglais, parce que les gens se l’approprient,» ajoute Nicolas.
Peur des géants du web?
Les jeunes adultes d’aujourd’hui évoluent dans un univers numérique majoritairement anglophone. Craignent-ils son influence sur la langue?
«Si les gens consomment de la culture du Québec, de la culture en français, je pense que la pérennité de la langue est là,» affirme Marion.

© Gracieuseté Sabrina Mercier-Ullhorn
Originaire de Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, Sabrina Mercier-Ullhorn, âgée de 30 ans, habite à Montréal depuis plusieurs années et étudie en traductologie à l’Université Concordia. Elle croit, au contraire, que la langue est menacée.
Avec deux autres jeunes femmes, elle a lancé une pétition demandant à la Ville de Montréal de créer un Conseil montréalais de la langue française «qui pourrait étudier la question de l’exode des francophones ou de l’importance du français comme attrait touristique et économique, et formuler des recommandations en conséquence», peut-on lire. Plus de 18 000 personnes l’ont signée jusqu’à maintenant.

© Karine Mateu/Radio-Canada Mme Mercier-Ullhorn a lancé une pétition pour demander à Montréal d’agir dans le dossier de la protection de la langue française.
Et l’anglais dans les conversations?
Selon Sabrina, il faut s’inquiéter de l’utilisation de plus en plus courante de mots anglais dans les discussions.
Elle croit que la langue doit évoluer, mais de façon encadrée : «C’est important que l’on ait une norme linguistique proprement québécoise, comme celle qui est promulguée par l’OQLF [l’Office québécois de la langue française]. On accepte certains changements, par contre, on essaie que le français conserve son génie propre.»
Les institutions d’enseignement ont aussi un rôle à jouer sur le sentiment d’appartenance à la langue française, dit-elle.
Elle croit aussi que la littérature et le cinéma québécois devraient être mis de l’avant dès le secondaire.

© Ivanoh Demers/Radio-Canada L’anglais prédomine encore dans de nombreuses boutiques de Montréal.
L’anglais dans les commerces du centre-ville de Montréal
Nicolas déplore le fait de ne pas se faire servir en français dans certains commerces de la métropole.
«Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose qu’ils [les commerces] gardent leur nom en anglais. On sait alors qu’ils viennent des États-Unis et qu’ils ne sont pas Québécois,» ajoute Marion, qui souhaite encourager l’achat local.
Les immigrants sont souvent pointés du doigt lorsque l’on parle du recul du français dans les commerces montréalais. Pour certains, ils doivent davantage être francisés, mais ce n’est pas si simple, explique Sabrina : «On constate qu’il y a beaucoup de ratés dans les cours de francisation et on a vu des reportages sur le fait que la plupart des gens qui sortent des cours n’avaient pas un français fonctionnel. »
«Moi, j’entends souvent dire, étant dans le milieu scolaire, que la loi 101 a beaucoup aidé. Parce que même si les parents de première génération d’immigration ne parlent pas français, leurs enfants vont être amenés à le parler éventuellement ou à être en contact avec la langue. Après, ça reste un choix personnel d’en faire leur langue d’usage. Je pense que ça serait de l’ingérence politique de dire : tu dois parler français même dans ton quotidien, » soutient Nicolas.
La défense de la langue française est-elle liée à la souveraineté du Québec? «Moi, je dis, si vous êtes prêts à défendre le français, je suis totalement en faveur, peu importe votre axe politique fédéraliste ou souverainiste, mais ce serait plus efficace dans un Québec libre», croit Sabrina.
Avec Karine Mateu