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Sénégal: Ousmane Sonko est condamné mais reste éligible

mars 30, 2023

Poursuivi pour diffamation, l’opposant sénégalais a écopé de deux mois de prison avec sursis dans le procès que lui intentait Mame Mbaye Niang, le ministre du Tourisme. Une condamnation qui préserve sa capacité à être candidat à la présidentielle de 2024.

L’opposant Ousmane Sonko, à Dakar, le 14 mars 2023. © JOHN WESSELS/AFP

Après trois reports successifs au cours des derniers mois, le procès intenté par le ministre Mame Mbaye Niang à l’opposant emblématique Ousmane Sonko vient enfin de connaître son épilogue, sous réserve d’un futur recours en appel.

En l’absence du principal intéressé, dont les avocats ont tenté, sans succès, de faire valoir un certificat médical pour justifier son absence, le tribunal correctionnel de Dakar est passé outre et a refusé d’accorder un quatrième report au prévenu. Ses avocats ont alors déserté l’audience, boycottant la suite du procès et laissant leurs six confrères de la partie adverse dérouler leurs plaidoiries.

Dommages et intérêts

Le tribunal a rendu sa décision dans la foulée, condamnant Ousmane Sonko à deux mois de prison avec sursis et à verser à Mame Mbaye Niang des dommages et intérêts d’un montant de 200 millions de francs CFA.

Au vu du code électoral en vigueur, cette condamnation n’hypothèque donc pas les chances du président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) de se porter candidat lors de la présidentielle de 2024. Enjeu sous-jacent de ce procès pour diffamation, la perspective d’une inéligibilité avait joué un rôle déterminant dans les audiences relatives à cette procédure, sans cesse reportées jusque-là.

Avec Jeune Afrique par Mehdi Ba- à Dakar

Sénégal: Face à la foule, Ousmane Sonko défie Macky Sall

mars 15, 2023

Des milliers de personnes ont manifesté hier dans la capitale sénégalaise, à l’appel de la principale figure de l’opposition dont le procès pour « diffamation, injures et faux » doit s’ouvrir ce jeudi 16 mars.

Des partisans de l’opposition manifestent avant le procès d’Ousmane Sonko à Dakar, le 14 mars 2023. © JOHN WESSELS / AFP

Plusieurs milliers de partisans de l’opposition sénégalaise se sont rassemblés mardi 14 mars à Dakar, première étape d’une séquence à risques avec des marches de nouveau annoncées ce mercredi en amont du procès d’Ousmane Sonko, qui doit s’ouvrir demain.

Les dossiers judiciaires ouverts contre l’opposant Ousmane Sonko et l’hypothèque qu’ils font peser sur sa candidature à la présidentielle de février 2024 sont sources de tensions, tout comme le doute que le président Macky Sall entretient sur son intention de briguer ou non un troisième mandat.

« En 2024, personne ne pourra nous empêcher de prendre ce pays [pour le diriger] », a lancé Ousmane Sonko face à une foule en liesse. « Le 14, le 15 et le 16 [mars], autorisation ou pas, nous ferons face à Macky Sall, à sa police et sa gendarmerie. Moi, je ne crois pas aux institutions de Macky Sall », a poursuivi le leader de la coalition Yewwi Askan Wi (YAW), appelant ses soutiens à venir massivement le soutenir au tribunal.

Les autorités avaient autorisé ce meeting alors que l’opposition avait prévenu qu’elle passerait outre une éventuelle interdiction.

Inéligibilité

La mise en cause d’Ousmane Sonko dans une affaire de viols présumés avait contribué, en mars 2021, à déclencher des émeutes qui avaient fait au moins une douzaine de morts dans le pays. Le leader de l’opposition crie depuis au complot et accuse le pouvoir de chercher à l’éliminer politiquement.

Dans une affaire distincte, il est poursuivi par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, un responsable du parti présidentiel, pour « diffamation, injures et faux ». C’est dans le cadre de cette affaire qu’il doit comparaître ce jeudi 16 mars.

En apparence de moindre importance que celle qui l’oppose à Adji Sarr, l’employée d’un salon de massage dakarois qui l’accuse de viols, cette procédure pourrait, s’il était reconnu coupable et condamné à une peine de prison ferme, compromettre sa candidature à la magistrature suprême.

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Gabon-Congo: Le colonel Guy Olivier Pella est celui qui a donné 1 milliard à l’opposant gabonais Guy Nzouba Ndama

novembre 16, 2022
 Le colonel Guy Olivier Pella est celui qui a donné 1 milliard à l’opposant gabonais Guy Nzouba Ndama

De gauche à droite colonel Guy Olivier Pella et Guy Nzouba Ndama

L’hebdomadaire Africa Intelligence vient de dévoiler que l’origine de la somme d’un milliard Cfa que possédait l’ancien président de l’assemblée nationale du Gabon passé aujourd’hui à l’opposition Guy Nzouba Ndama à la frontière entre le Congo et le Gabon proviendrait d’un intime du président congolais Denis Sassou Nguesso.

Si le Tribunal de Franceville s’est déclaré incompétent de statuer sur l’affaire concernant le convoi des fonds par l’opposant Guy Nzouba Ndama, à en croire les confrères du média Africa Intelligence, la cour criminelle pourrait bel et bien condamné lourdement l’ancien président du parlement Gabonais.

Guy Nzouba Ndama paierait-il le prix de la lutte d’influence que se livrent Jean Dominique Okemba et le Colonel Guy Olivier Pella ?

Depuis le début de cette affaire, la justice soupçonnerait un financement de Guy Nzouba Ndama par les autorités de Brazzaville. Et, la société civile en est également convaincue. L’argument selon lequel, le président des Démocrates aurait vendu un terrain lui appartenant au Congo d’où cette forte somme, ne convainc personne, même pas lui-même.

Africa Intelligence révèle également une alliance entre Guy Nzouba Ndama et Guy Olivier Pella en vue d’empêcher à Ali Bongo Ondimba de rempiler en 2023. D’ailleurs, les deux messieurs sont des familiers de Robert Bourgi. Ils auraient été aperçus au sein du cabinet de l’avocat français dans le 16e arrondissement. Y étaient-ils pour discuter des contours du soutien dont aurait eu besoin Guy Nzouba Ndama pour remporter la victoire lors des élections de 2023 ? Nous n’en savons rien.

Bien que Guy Nzouba Ndama ait réussi à passer entre les mailles des filets des postes de contrôles congolais avec l’appui de son ami le colonel Guy Olivier Pella, sans que le sécurocrate Jean Dominique Okemba n’en soit informé, ce qui parait très difficile, tant l’homme est connu pour avoir ses yeux et ses oreilles partout.

Notre confrère n’exclue pas que Guy Nzouba Ndama ait fait les frais de la rivalité nourrie entre Jean Dominique Okemba et le patron de la sécurité rapprochée du président Denis Sassou Nguesso.

Quoiqu’il en soit du côté de Libreville, l’on est plus que jamais certain que la piste congolaise est bien la bonne. Le 1 milliard 190 millions de francs CFA proviendrait des autorités de ce pays voisin. Rappelons que Guy Nzouba Ndama, 76 ans, doit désormais être jugé devant la Cour criminelle spéciale de Libreville pour association de malfaiteurs et tentative de corruption, blanchiment de capitaux et… « intelligence avec une puissance étrangère ».

Avec Le Congolais.fr

RDC – Martin Fayulu : « Félix Tshisekedi va devoir partir »

novembre 1, 2022

Risque de glissement du calendrier électoral, potentielles alliances, hypothétique dialogue… De passage à Paris, l’opposant, qui retentera sa chance lors des prochaines élections, s’est confié à Jeune Afrique. Rencontre avec un homme revanchard.

Martin Fayulu, président du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement, à Paris, le 28 octobre 2022. © Vincent Fournier pour JA

La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a beau ne pas avoir encore publié son calendrier, Martin Fayulu sait déjà à quoi s’en tenir. « Le 23 janvier 2024, à minuit, Félix Tshisekedi devra prendre ses cliques et ses claques et partir”, lance-t-il, déterminé, dans le salon d’un hôtel parisien. Après avoir passé quatre ans à revendiquer la victoire à la dernière élection présidentielle, Fayulu renfile ses habits de candidat.

Investi par son parti, l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECiDé) en juillet dernier, l’ancien porte-étendard de la plateforme d’opposition Lamuka est à Paris pour quelques jours. Une visite familiale puisque l’un de ses fils réside en région parisienne, mais surtout politique. Il vient notamment poursuivre la tournée médiatico-diplomatique de ces derniers mois aux États-Unis, au Canada et en Belgique. « J’ai vu des élus américains, je suis allé au Département d’État à Washington, au ministère des Affaires étrangères au Canada. J’ai également rencontré des députés canadiens », énumère-t-il, convaincu que ses « interlocuteurs regrettent aujourd’hui d’avoir pris acte de l’élection de Félix Tshisekedi ». « On le sent dans leur attitude, même s’ils ne le disent pas clairement avec des mots. »

« Les élections en décembre 2023, c’est un must »

Pas question pour autant, en cette fin d’octobre, de s’étendre sur le respect de la « vérité des urnes », qui a été son cheval de bataille ces dernières années. Non pas que la revendication ait disparu – il ne manque d’ailleurs jamais l’occasion de rappeler que les résultats compilés par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) le donnaient vainqueur. Mais l’actualité impose d’autres priorités.

Il y a d’un côté le conflit en cours entre la RDC et le Rwanda autour de la résurgence du M23 et les accusations répétées de Tshisekedi à l’encontre de son homologue Paul Kagame. « Aujourd’hui, il est tellement flagrant que la RDC est agressée par le Rwanda que Félix Tshisekedi n’a d’autre choix que de rejoindre notre position », tacle d’entrée Fayulu, qui affirme tenir le discours actuel du chef de l’État depuis « plus de dix ans ».

De l’autre, il y a la préparation de cette élection aux allures de revanche, prévue pour décembre 2023 mais sur laquelle plane le spectre d’un glissement du calendrier. « Les élections en décembre 2023 sont une obligation, un must », rétorque immédiatement cet ancien cadre de la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil.

LE MANDAT, C’EST CINQ ANS. PAS CINQ ANS PLUS UNE SECONDE

Qu’importe le discours rassurant du gouvernement, dont le porte-parole, Patrick Muyaya, a encore réaffirmé que « l’organisation des élections [était] une question de conviction et pas une obligation ». Martin Fayulu n’y croit pas. « À un moment donné, on vous dira que l’on n’a pas pu, malgré toute notre bonne volonté, les tenir à temps, à cause de l’état de siège ou de la guerre avec Kagame… Ce sont des stratégies pour gagner du temps, estime-t-il. La Constitution fixe le mandat à cinq ans. Pas cinq ans plus une seconde, cinq ans. »

La Ceni s’est engagée à publier son calendrier en novembre et promet, malgré des alertes régulières sur des difficultés de financement, de mener les activités d’enrôlement dans un délai raccourci. Mais à un peu plus d’un an de la date butoir, la perspective d’un glissement est prise très au sérieux, tant au sein de la classe politique que par les chancelleries. Certains parient sur un report de six mois, d’autres de huit. Les plus pessimistes évoquent un délai qui pourrait dépasser un an. Et l’opposition est à l’affût du moindre faux pas.

« Beaucoup de gens sont responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons », affirme Fayulu. Déterminé à défendre son bilan d’opposant – lui préfère dire qu’il fait de la « résistance » –, il énumère ses différentes initiatives : « Le 8 février 2019, j’avais déjà fait une proposition concrète à l’Union africaine. Le 10 mai 2019, j’ai fait une autre proposition de sortie de crise en plaidant pour la mise en place d’un haut conseil de réformes institutionnelles. J’ai réitéré cette proposition le 4 novembre 2019. À chaque fois, personne ne m’a suivi. » « Martin Fayulu ne reconnaît pas les institutions, mais il faudrait qu’on écoute et que l’on soutienne chaque nouvelle proposition qu’il formule », assène l’un de ses anciens alliés qui a rallié la majorité.

« L’Église a cassé le bloc patriotique »

Mais Martin Fayulu ne cherche-t-il pas aussi à se positionner en fer de lance d’une opposition pour l’instant éparpillée ? Candidat surprise de Lamuka en 2018, il a longtemps ressassé la « trahison » de janvier 2019. Celle de la Ceni et de la Cour constitutionnelle, qu’il accuse de l’avoir privé de « sa » victoire. Celle des diplomates qui ont pris acte d’un scrutin controversé ayant toutefois abouti à la première transition pacifique en RDC. Pendant près de quatre ans, il s’est donc attaché à rester au centre du jeu pour capitaliser sur ce statut « d’opposant numéro un ». Mais cela n’a pas été évident. Antipas Mbusa Nyamwisi et Freddy Matungulu ont quitté Lamuka dès 2019. Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba ont ensuite rejoint l’Union sacrée, fin 2020, après la rupture de l’alliance entre Tshisekedi et Joseph Kabila.

Fayulu, lui, a longtemps résumé ces bouleversements politiques à de simples « stratagèmes [de Félix Tshisekedi] pour se maintenir au pouvoir », préférant se démener sur le terrain des réformes électorales et de la Ceni. Fin octobre 2021, il s’est même investi au sein d’un « bloc patriotique » avec des représentants du Front commun pour le Congo (FCC, la coalition de Joseph Kabila). Une marche sera organisée le 13 novembre suivant. Mais la mobilisation finira par s’essouffler.

« Félix Tshisekedi a pris peur. Il a envoyé les présidents des deux chambres du Parlement, le Premier ministre et François Beya [alors conseiller en sécurité] chez le cardinal Ambongo avant de recevoir les évêques de la Cenco », se souvient l’opposant. « Je ne sais pas ce qu’il leur a dit mais Mgr Utembi [le président de la Cenco] est sorti de là en déclarant qu’il fallait aller de l’avant”, regrette Fayulu, qui accuse l’Église catholique d’avoir « cassé le bloc patriotique ».

Vive contestation

Si la mobilisation face à Denis Kadima a faibli au sein de l’opposition, la composition des bureaux respectifs de la Ceni et de la Cour constitutionnelle, accusés de servir les intérêts du pouvoir, fait toujours l’objet d’une vive contestation, sans que cela ne débouche pour l’instant sur un quelconque dialogue. La perspective d’un glissement pourrait-elle pousser dans cette direction ? En cas d’empêchement du président, la Constitution prévoit que le président du Sénat – en l’occurrence Modeste Bahati Lukwebo – prenne en charge la gestion de la transition et l’organisation, dans les 90 jours, des élections.

« Nous, nous pensons que le président du Sénat ne doit pas gérer cette transition, car il appartient au camp du pouvoir. L’Union sacrée, le FCC, Lamuka et la société civile doivent se mettre à la même table pour s’entendre sur une personnalité de la société civile », explique Fayulu. Une perspective évidemment bien éloignée des positions du gouvernement, qui affirme ne pas envisager de report. « Nous ne faisons pas dans la politique-fiction. Les élections seront tenues dans les délais. Martin Fayulu peut donc dialoguer avec lui-même », balaie un ancien allié de l’opposition qui lui reproche de « s’isoler ».

S’il semble s’étonner lorsqu’on lui énumère la liste des candidats déjà investis ou sur le point de se déclarer, Martin Fayulu se dit en tout cas sûr de sa force. « Nous étions 21 en 2018 et 33 en 2006, rappelle-t-il. Dans le lot, il n’y avait quasiment que des candidats [qui ont enregistré] entre 0 % et 1 %. Aujourd’hui, nous sommes trois ou quatre à pouvoir peser. » Il évoque aussi des « manœuvres du pouvoir pour soutenir et pousser des candidats », sans toutefois préciser les noms de ceux qu’il vise. “N’est pas candidat qui veut. En 2011, vous pensez sérieusement que Vital Kamerhe pensait pouvoir être élu alors qu’Étienne Tshisekedi crevait le plafond ? »

« Encore une question d’ego »

Reste que la multiplication des candidatures dans une élection à un seul tour ne joue pas en faveur de l’opposition. En 2018, celle-ci avait réussi à s’asseoir à une même table à Genève. Difficile pour l’instant d’envisager un renouvellement de l’expérience. « Personnellement, je suis d’accord avec l’idée d’organiser un Genève bis. Lors du congrès qui m’a désigné candidat, nous avons pris trente résolutions, dont une qui autorise que l’on s’associe à quelqu’un qui regarde dans la même direction que soi », admet Fayulu. « Au final, comme à Genève, cela sera une question d’ego, estime un opposant congolais présent à l’époque. Qui acceptera à nouveau de se ranger derrière l’autre ? »

Les pistes d’alliances ne sont pas nombreuses. Ces derniers mois, Martin Fayulu a rencontré à deux reprises l’ancien Premier ministre de Joseph Kabila, Matata Ponyo Mapon, candidat sous l’étiquette de son nouveau parti, Leadership et Gouvernance pour le développement. Fayulu reconnaît qu’un rapprochement est possible. « Il m’a parlé de son appartenance à l’opposition. S’il voit dans Lamuka quelque chose qui peut lui correspondre, nous avons des structures au sein de la coalition pour trancher sur cette question », ajoute-t-il.

Quid de Denis Mukwege, Nobel de la Paix 2018 dont certains soutiens poussent en coulisses pour une candidature en 2023 ? « Évidemment qu’il entre dans la liste des candidats potentiels. Il fait des choses énormes pour ce pays », reconnaît Fayulu, qui entretient de bonnes relations avec le célèbre médecin mais n’envisage pas, pour le moment, de se ranger derrière quelqu’un d’autre. « Je ne peux pas décider à la place du peuple qui m’a désigné candidat, conclut-il. N’est-ce pas Félix Tshisekedi qui disait, en novembre 2018 à Genève, que le changement [s’appelait] Fayulu ? »

Avec Jeune Afrique par Romain Gras

Guinée : arrestation d’Étienne Soropogui après ses critiques contre le pouvoir

septembre 25, 2022

L’opposant Étienne Soropogui a été arrêté samedi 24 septembre après avoir critiqué les « dérives autoritaires » et l’« isolement total » des autorités guinéennes, a indiqué le Front national de défense de la Constitution.

L’homme politique guinéen Étienne Soropogui lors d’une manifestation à Conakry le 17 mars 2012. © Cellou BINANI/AFP

Les raisons de l’arrestation d’Étienne Soropogui, qui fut un farouche opposant de l’ancien président Alpha Condé avant d’être libéré par les militaires après leur putsch du 5 septembre 2021, n’ont pas été rendues publiques.

Il a été arrêté dans la banlieue de Conakry, selon les médias guinéens, après avoir participé dans la matinée à une populaire émission sur la radio Fim FM.

« Dérives autoritaires »

« Le peuple de Guinée-Conakry n’accepte plus ces dérives autoritaires perpétrées par la junte militaire, y a-t-il déclaré, critiquant les interpellations de journalistes et de personnalités politiques et de la société civile. Si on compte sur la force pour s’accaparer (le) pouvoir et vouloir y rester en éliminant un certain nombre de candidats potentiels (à une future présidentielle), c’est la porte ouverte au chaos. »

Une période transitoire de gouvernement par les militaires comme celle en cours a « vocation à retourner à l’ordre constitutionnel », a-t-il souligné. « Les notions creuses de refondation n’ont aucun sens », a-t-il renchéri, alors que la junte justifie son intention de diriger le pays pendant encore trois ans par la nécessité d’une  « refondation » et de réformes profondes.

« Persécution extrajudiciaire »

« La junte est dans une situation d’isolement total », a encore ajouté Étienne Soropogui à propos des mesures de rétorsion infligées aux militaires guinéens par la Cedeao.

« Des gendarmes lourdement armés et sans aucun mandat ont enlevé le leader pro-démocratie avant de le déporter à la direction centrale des investigations judiciaires » de la gendarmerie, a dit dans un communiqué le Front national de défense de la Constitution (FNDC), collectif qui porte la voix de l’opposition.

« Cette nouvelle forme d’arrestation et de persécution extrajudiciaire des activistes pro-démocratie confirme la volonté (de la junte) d’user de tous les moyens illégaux pour se maintenir au pouvoir », dit le FNDC, dont deux leaders, Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, et Ibrahima Diallo, ont été arrêtés fin juillet.

Par Jeune Afrique avec AFP

Gabon : les mésaventures de Guy Nzouba-Ndama, placé en garde à vue à Franceville

septembre 18, 2022

L’ancien président de l’Assemblée nationale gabonaise a été arrêté, ce samedi 17 septembre, à la frontière avec le Congo-Brazzaville alors qu’il était en possession d’une forte somme d’argent.

Guy Nzouba-Ndama, à Paris le 16 juin 2016. © Vincent Fournier/JA

Président de l’Assemblée nationale entre 1997 et 2016, Guy Nzouba-Ndama a été arrêté ce samedi à la frontière avec le Congo-Brazzaville alors qu’il était en possession de valises contenant au total plus d’un milliard de francs CFA (plus de 1,5 million d’euros). L’opposant, chef du parti Les Démocrates (10 députés et 4 sénateurs), a été placé en garde à vue dans un commissariat de Franceville, où a il été interrogé.

Bagages suspects

Selon nos informations, Guy Nzouna-Ndama, 76 ans, avait passé la frontière le 17 septembre au matin pour se rendre au Congo, où il a dit aux enquêteurs s’être rendu pour des soins médicaux. Revenu le soir même au point de passage, avec des bagages qui ont attiré l’attention des forces de l’ordre, il a été appréhendé et placé en garde à vue.

Poids-lourd de la politique gabonaise, passé comme beaucoup par le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), il avait démissionné du perchoir en 2016 avant de créer son propre parti l’année suivante.

Il n’avait pas encore officialisé ses intentions, mais envisageait de se présenter à la prochaine élection présidentielle, prévue en août 2023. En avril 2016, il avait annoncé sa candidature à la magistrature suprême avant d’apporter son soutien au candidat Jean Ping au sein d’une alliance de l’opposition face à Ali Bongo Ondimba.

Par Jeune Afrique

La justice russe condamne Alexeï Navalny à 9 ans de prison

mars 22, 2022

L’opposant le plus célèbre de Russie, Alexeï Navalny, a été condamné mardi à 9 ans de prison pour « escroquerie » et « outrage à magistrat ».

L’opposant russe Alexei Navalny a été reconnu coupable d’escroquerie et d’outrage à magistrat mardi, par un tribunal russe.© KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Une juge russe – Margarita Kotova – a reconnu mardi 22 mars Alexeï Navalny coupable d’« escroquerie » et d’outrage à magistrat, avant qu’un verdict ne soit finalement prononcé dans l’après-midi. Alexeï Navalny a écopé de neuf ans de prison. À cela s’ajoutent une peine d’un an et demi de liberté surveillée et une amende de 1,2 million de roubles, soit environ 10 000 euros au taux du jour, alors que le détracteur du Kremlin est déjà emprisonné depuis plus d’un an.

Il devra purger sa peine dans une « colonie pénitentiaire de régime sévère », ce qui signifie que ses conditions de détention vont devenir plus strictes. Le charismatique militant anticorruption et ancien avocat, âgé de 45 ans, était jugé depuis mi-février derrière les murs de sa colonie pénitentiaire, à 100 kilomètres à l’est de Moscou, dans un tribunal improvisé. Alexeï Navalny était accusé d’avoir détourné des millions de roubles de dons versés à ses organisations de lutte contre la corruption et d’« outrage au tribunal » au cours d’un précédent procès.

« Poutine a peur de la vérité »

Après le verdict, Alexeï Navalny a affirmé qu’il poursuivrait son combat contre le Kremlin, estimant que Vladimir Poutine a « peur de la vérité ». « La lutte contre la censure, amener la vérité aux habitants de la Russie, reste notre priorité », a-t-il expliqué. Ses avocats ont par ailleurs été arrêtés devant la colonie pénitentiaire dans laquelle il avait été condamné quelques minutes auparavant au motif, semble-t-il, qu’ils gênaient la circulation automobile devant la prison en parlant avec la presse.

En août 2020, il était tombé gravement malade en Sibérie, victime d’un empoisonnement à un agent neurotoxique commandité, selon lui, par le président russe en personne. Le Kremlin dément, mais les autorités russes n’ont jamais enquêté sur cette tentative d’assassinat présumée. Dès son retour en Russie en janvier 2021, après cinq mois de convalescence, il a été arrêté puis condamné à deux ans et demi de prison pour une affaire de « fraudes » remontant à 2014 et impliquant l’entreprise française Yves Rocher.

En juin 2021, ses organisations, qui militaient depuis des années dans toute la Russie, sont désignées « extrémistes » et interdites sur-le-champ, poussant à l’exil de nombreux militants pour éviter des poursuites. D’autres ont depuis été arrêtés et risquent de lourdes peines de prison. Cette répression inlassable, qui s’est accompagnée de l’interdiction des derniers médias et ONG critiques du Kremlin, a suscité un tollé dans les pays occidentaux et des sanctions contre Moscou.

15 000 opposants à la guerre en Ukraine interpellés en Russie

Même depuis sa colonie pénitentiaire, Alexeï Navalny continue de transmettre des messages fustigeant le pouvoir de Vladimir Poutine. Depuis l’offensive en Ukraine, il s’est fermement prononcé contre les combats. Il n’a cessé d’appeler à manifester contre le conflit malgré les risques encourus, les autorités ayant encore renforcé leur arsenal juridique, avec de lourdes peines de prison à la clé, pour étouffer toute critique de l’armée russe. Malgré tout, plus de 15 000 personnes ont été interpellées en Russie en près d’un mois pour avoir manifesté contre l’offensive, selon l’ONG spécialisée OVD-Info.

Parallèlement, le pouvoir russe a aussi renforcé son emprise sur la diffusion d’informations sur le conflit, en bloquant en Russie l’accès à des dizaines de médias locaux et étrangers. Lundi, la justice russe a également interdit les populaires réseaux sociaux américains Instagram et Facebook, accusés, comme Navalny, « d’extrémisme ». Ceux-ci sont déjà bloqués en Russie, tout comme Twitter et TikTok.

Avec Le Point

Mali-Côte d’Ivoire : quand un obscur opposant se proclame « président de la transition malienne » depuis Abidjan

mars 7, 2022
Ainea Ibrahim Camara© DR Ainea Ibrahim Camara © DR

Ainea Ibrahim Camara a rejoint Freetown après une mise en garde des autorités ivoiriennes et des menaces de poursuites de Bamako. Le tout dans un contexte de tensions diplomatiques entre les deux pays.

S’attendait-il à autant de réactions quand il s’est proclamé « président de la transition civile malienne à compter du 27 février », en donnant une conférence de presse à Abidjan la veille ? Ce qui est certain, c’est que le tapage provoqué par sa sortie médiatique ne semble pas l’inquiéter, et encore moins lui déplaire.

Une semaine après cette annonce très partagée et commentée sur les réseaux sociaux, l’opposant malien Ainea Ibrahim Camara affirme rester « droit dans ses bottes ». Il se dit « serein et flegmatique » et compte former prochainement son gouvernement. Il a saisi la Cour constitutionnelle malienne afin qu’elle constate « la vacance du pouvoir » et lui accorde son « feu vert » en vue de l’organisation d’élections. « Je crois en la justice de mon pays », insiste-t-il quand on lui fait remarquer que tout cela semble peu réaliste.

D’Abidjan à Freetown

La discussion a lieu par la téléphone, par l’entremise de son chargé de communication et conseiller politique, un Ivoirien qui se présente comme un ancien député et requiert l’anonymat. Ainea Ibrahim Camara, fondateur du Mouvement républicain en 2017, a en effet déjà quitté la capitale économique ivoirienne pour la Sierra Leone.

Est-ce en raison de la mise en garde du gouvernement ivoirien qui, dans un communiqué en date du 28 février, a affirmé qu’il « ne saurait tolérer la déstabilisation d’un pays frère à partir de son territoire » et « se réservait le droit de prendre des mesures à l’encontre de toute personne dont les agissements mettraient à mal ses relations avec des pays tiers » ?

« Non, mon voyage à Freetown était prévu. J’y suis pour mes activités professionnelles de président d’un groupe financier. Je suis prêt à revenir en Côte d’Ivoire, ce pays que j’aime beaucoup, si les autorités souhaitent me parler », assure cet entrepreneur de 50 ans. Selon la biographie fournie par son entourage, Ainea Ibrahim Camara est né à Bamako, a été formé en France et aux États-Unis et tient aujourd’hui les rênes de trois établissements, dont une banque, dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement.

« Déstabilisation des institutions de la transition »

Quant aux poursuites judiciaires annoncées côté malien, il dit ne pas être au courant, évoque une manipulation des réseaux sociaux et garantit qu’il retournera bientôt dans son pays. « La junte était au courant de mes intentions dès le 10 janvier, mais le fait que je vienne en parler en Côte d’Ivoire, à l’invitation des Maliens [qui y résident], et que j’exprime ma sympathie envers le président Alassane Ouattara, explique certainement pourquoi elle s’est sentie piquée au vif. »

Dans un communiqué, les autorités maliennes ont condamné la teneur de plusieurs vidéos en ligne qui « traduisent clairement la volonté de l’intéressé, manifestement rassuré des complicités dont il pourrait bénéficier, dans un pays voisin d’où il tenait ses propos, de poursuivre son entreprise malveillante de déstabilisation des institutions de la transition ».

Une polémique qui intervient dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Mali depuis l’instauration de nouvelles sanctions économiques prises par la Cedeao début janvier en réponse à l’intention de la junte de se maintenir au pouvoir pendant plusieurs années. Depuis, plusieurs organisations représentant la communauté malienne en Côte d’Ivoire ont condamné les propos d’Ainea Ibrahim Camara, appelé à son arrestation et réitéré leur soutien à la junte. « Ils sont manipulés », tonne l’opposant.

Proche du couple Clinton ?

Alors, que cherche vraiment l’autoproclamé « président de la transition civile malienne », dont les proches assurent qu’il possède des mines d’or et de diamants et qu’il connaît bien le couple Clinton ? Il entend « agir pour les intérêts des Maliens » face à « un pouvoir illégitime et illégal », assure le candidat à la députation dans son pays en 2020.

Selon la presse malienne, il avait été écroué avant le vote en raison de soupçons d’escroquerie et d’abus de confiance. Sur ce point, Ainea Ibrahim Camara réfute toute condamnation : « Je n’ai jamais été condamné de ma vie. Mon casier judiciaire est vierge. Cette arrestation visait à m’empêcher de me présenter. J’ai été relâché juste après. »

Avec Jeune Afrique par Florence Richard

Maroc : Mehdi Ben Barka, agent double ?

décembre 27, 2021
Mehdi Ben Barka (g.), avec le Premier ministre libyen après la conférence de Tanger (du 27 au 29 avril 1958). © Studio Kahia / Archives Jeune Afrique

L’ancien opposant marocain disparu en 1965 aurait été, selon le quotidien britannique « The Guardian », un espion à la solde de la Tchécoslovaquie, voire un agent double. Des révélations intéressantes mais pas nouvelles.

S’agit-il d’un nouveau rebondissement dans l’affaire Ben Barka ? Par tout à fait, dans la mesure où le quotidien anglais The Guardian, dans son édition du 26 décembre, ne fait que reprendre les travaux de Jan Koura, professeur assistant à la Charles University de Prague.

Source « extrêmement précieuse »

Ce dernier a mis la main sur une multitude de documents déclassifiés par la République tchèque. Il a publié la conclusion de ses travaux en novembre 2020 dans la revue Intelligence and National Security, mais ceux-ci sont passés assez inaperçus. Koura avait alors qualifié Ben Barka d’ « opportuniste jouant à un jeu très dangereux ».

Ces nombreuses archives indiquent que l’opposant au régime de Hassan II aurait perçu des sommes d’argent en provenance du StB, la sûreté tchècoslovaque, elle-même liée au KGB.

En 2007 déjà, le journaliste tchèque Petr Zidek révélait en détail dans les colonnes de l’Express comment Mehdi Ben Barka avait été enrôlé par un agent de l’Est.

Selon le chercheur, les liens entre Ben Barka et le renseignement tchécoslovaque remontent à 1960, alors qu’il venait de quitter le Maroc pour Paris, où il y rencontre l’un des espions du StB. À l’époque, le Maroc a pris position dans la guerre froide en faveur de l’Occident, mais a néanmoins décidé de renforcer ses liens avec Moscou.

Les agents soviétiques espèrent donc pouvoir tirer profit à la fois du contexte et des convictions socialistes du charismatique leader politique marocain, dans le but d’obtenir des informations sur les dirigeants du monde arabe, et notamment celui de l’Égypte, Gamal Abdel Nasser.

Le StB sait par ailleurs que Ben Barka est en contact avec plusieurs des figures anticolonialistes et indépendantistes de son temps, comme Malcolm X, Che Guevara ou Nelson Mandela, et iront jusqu’à le qualifier de source « extrêmement précieuse », en lui donnant le nom de code « Cheikh ».

LE STB NE L’A JAMAIS RÉPERTORIÉ EN TANT QU’AGENT, MAIS COMME UN « CONTACT CONFIDENTIEL »

« Ben Barka n’a jamais admis avoir collaboré avec des services de renseignement, et le StB ne l’a jamais répertorié en tant qu’agent, mais comme un « contact confidentiel ». Mais il fournissait des informations en échange d’une rémunération », explique le professeur Jan Koura, interrogé par le Guardian.

Agent double ?

Bien que les liens entre Ben Barka et le StB semblent confirmés, de nombreuses zones d’ombre planent encore quant à la nature exacte des activités qu’il a menées pour le compte des services tchécoslovaques de renseignement.

SELON LES DOCUMENTS DÉCLASSIFIÉS, LE STB AURAIT REÇU PLUSIEURS NOTES ATTESTANT QUE BEN BARKA ÉTAIT EN CONTACT AVEC LES ÉTATS-UNIS

Ces derniers ont eux-mêmes suspecté Ben Barka d’entretenir des connexions avec la CIA, qui appuyait toute initiative de réforme démocratique au Maroc. Selon les documents, le StB aurait reçu plusieurs notes indiquant que Ben Barka était en contact avec les États-Unis, ce qu’il aurait formellement nié lorsqu’il a été confronté à ces allégations. D’autres rapports font état de soupçons sur des financements chinois de l’opposant.

Les défenseurs de Ben Barka affirment que ce dernier a simplement accepté de dialoguer avec des représentants tchécoslovaques afin de plaider et de faire avancer sa cause, sans pour autant devenir un agent à part entière.

Son fils, Bachir Ben Barka, a ainsi déclaré au journal anglais que « les relations de son père [avec la Tchécoslovaquie] s’inscrivaient dans son engagement contre l’impérialisme et le colonialisme ». Il a également mis en cause la provenance des documents dont s’inspire Jan Koura, estimant qu’ils émanent directement des services tchécoslovaques, et peuvent à ce titre s’avérer « modifiés ou incomplets ».

Peu convaincu par cette thèse, Koura estime toutefois que le fondateur de l’Union nationale des forces populaires a fait preuve à la fois de pragmatisme et d’idéalisme. « La période de la guerre froide n’est pas toute blanche ou toute noire », nuance-t-il.

Avec Jeune Afrique par Soufiane Khabbachi

Bénin : face à Patrice Talon, Iréné Agossa, opposant isolé ?

septembre 18, 2021

Iréné Agossa, ex-candidat à la vice-présidence du Bénin.

Le « ticket » qu’il formait avec Corentin Kohoué à la présidentielle a été accusé de n’avoir été qu’un faire-valoir de la candidature de Patrice Talon. Iréné Agossa s’impose pourtant aujourd’hui comme le représentant de « l’opposition réelle » au président béninois. Mais aura fort à faire pour convaincre de sa bonne foi.

À défaut de la vice-présidence de la République, il se contente aujourd’hui de la présidence de son parti, « Restaurer la confiance », qu’il a porté sur les fonts baptismaux en juin dernier. Bâtie sur les cendres du mouvement qu’il avait constitué pour porter le « ticket » qu’il présentait aux côtés de Corentin Kohoué à la présidentielle d’avril dernier face à Patrice Talon, la jeune formation devra jouer des coudes pour se faire une place sur la scène politique béninoise. Surtout, il va falloir à Iréné Agossa déployer des trésors de persuasion pour convaincre ses contempteurs qu’il n’est pas le traître qu’ils dépeignent.

Rêve d’alternance

Dans le vaste bureau blanc où il accueille ses visiteurs, aucune photo, pas un tableau n’orne les murs. Irénée Agossa, fils de paysan de 52 ans qui a fait ses premières armes dans les syndicats étudiants au sein de l’Union nationale des étudiants du Bénin (UNEB), entretien une image d’ascète. C’est ici que l’opposant élabore la stratégie de son parti avec, affirme-t-il, un objectif en tête : les législatives de 2023. « Le parti Restaurer la confiance, est la suite logique de la dynamique lancée lors de la campagne présidentielle », assure-t-il. « Le peuple n’a plus confiance en ses institutions », estime celui qui se présente comme un « opposant républicain » et plaide pour un « sursaut démocratique ». Ses cibles récurrentes ? « La corruption et l’accaparement de l’économie nationale par une minorité » et « la logique ultra capitaliste à l’œuvre depuis 2016 ». Et il n’hésite pas à se fixer un horizon pour le moins ambitieux : « Nous pouvons parvenir à une alternance. »

Il y a loin de la coupe aux lèvres. Et l’opposant le sait. Les premiers qu’il devra convaincre figurent parmi ses anciens alliés au sein de l’opposition. Jusqu’aux derniers jours précédant le dépôt de leur candidature commune pour la présidentielle d’avril dernier – à l’issue de laquelle ils n’ont recueillis que moins de 3% des voix – Agossa et Kohoué comptaient parmi les principaux cadres du parti Les Démocrates, créé par l’ancien président Thomas Boni Yayi, tout entier lancé dans sa croisade anti-Patrice Talon.

TANDIS QUE LES DISCUSSIONS SUR LA DÉSIGNATION DES CANDIDATS BATTAIENT SON PLEIN, AGOSSA ET KOHOUÉ S’ÉPANCHAIENT DANS LA PRESSE

Tandis que les discussions sur la désignation des candidats battaient son plein, les deux hommes s’épanchaient dans la presse et critiquaient la tournure prises par les débats internes. Les deux hommes sont exclus. Et lorsque le parti désigne Réckya Madougou et Patrick Djivo  pour porter ses couleurs, Agossa et Kohoué se précipitent à la Commission électorale nationale autonome pour déposer leur dossier de candidature. Au sein des Démocrates, on accuse le duo de félonie, d’autant que les deux hommes, à la différence du duo dûment désigné, a pu présenter les précieux parrainages exigés.

Les candidatures de Réckya Madougou, ainsi que celles de Joël Aïvo sont rejetées. Seuls restent en lice, face à Patrice Talon et sa colistière Mariam Chabi Talata, les duos Kohoué-Agossa et Alassane Soumanou-Paul Hounkpè, pour les Forces cauris pour un Bénin émergent. Au terme d’une campagne atone, à l’issue de laquelle Patrice Talon a réalisé le « coup KO » tant annoncé par ses partisans, Kohoué et Agossa finissent bon dernier, avec un tout petit 2,25% des voix.

Ligne de crête

Paul Hounkpè hérite du rôle de « chef de file de l’opposition », créé à la faveur de la dernière réforme constitutionnelle. Agossa, abandonné par Corentin Kohoué qui a décidé de ne pas poursuivre l’aventure politique à ses côtés, se retrouve bien seul. Et si l’homme prend un plaisir évident à user de sa voix de velours pour tenter de convaincre ses interlocuteurs, il peine encore à trouver la tonalité sur laquelle jouer sa partition au sein d’une opposition en pleine recomposition. Entre la frange « dure », dont certains des représentants sont actuellement incarcérés (à l’image de Madougou et Aïvo, quand d’autres ont choisi l’exil après avoir été condamnés par la justice de leur pays), et un chef de file qui entend occuper la place « d’opposant ouvert au dialogue », la ligne de crête est fine.

IL REJETTE LA « RUPTURE DÉMOCRATIQUE » QU’IL ACCUSE PATRICE TALON D’INCARNER

Le quinquagénaire a déjà une longue carrière politique derrière lui. Après ses premiers pas dans le syndicalisme estudiantin, il va créer son premier parti en 1998, le Front pour la République, avant de cofonder l’Union pour la relève, en 2004. Après un passage au sein de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication, où il siège en tant que représentant de l’Assemblée nationale, il se verra confier par Thomas Boni Yayi les rênes de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers. Un passage en tant que directeur général de la Sonacop dont il sera suspendu sur fond de soupçons de mauvaise gestion, en 2016, devenant ainsi le premier protégé de Thomas Boni Yayi à « sauter » quelques jours seulement après que Patrice Talon ne prenne ses quartiers au Palais de La Marina.

Aujourd’hui, cet ancien allié de Lionel Zinsou tente de jouer la carte « républicaine ». D’un côté, il rejette la « rupture démocratique » qu’il accuse Patrice Talon d’incarner. Un président « venu par les urnes, mais qui a tout fait pour que le Parlement soit géré uniquement par sa tendance politique, qui fait passer des lois qui s’imposent à tous sans qu’il soit possible d’entendre un autre son de cloche sur la gestion des affaires publiques ». De l’autre, il dénonce « ceux qui appellent à la violence » et se défie des appels au boycott. « Nous respectons les lois de la République, même si nous ne sommes pas d’accord avec elles. Nous ne pourrons les rectifier qu’en passant par les urnes », insiste-t-il.

PARTISAN D’UN « RETOUR DES OPPOSANTS EXILÉS »

En attendant de (re)constituer une base militante à même de lui permettre d’envoyer d’éventuels députés à l’Assemblée, le patron de « Restaurer la confiance » se dit partisan d’un « retour des opposants exilés » et affirme être prêt à discuter avec Paul Hounkpè, en vue de la mise en place d’une « plateforme commune de l’opposition »… Tout en affirmant tout de go qu’il a un « problème de principe » avec le chef de file de ladite opposition qu’il accuse d’avoir « un problème de légitimité ».

Avec Jeune Afrique par Maurice Thatan