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Vaccin Mosquirix : « Le paludisme ne sera plus la première cause de décès chez les enfants »

octobre 12, 2021
Vaccination antipaludique à Yala, au Kenya, en octobre 2021 © A health worker prepares a malaria vaccination for a child at Yala Sub-County hospital, in Yala, Kenya, on October 7, 2021. – World Health Organization (WHO) approved using the malaria vaccine, Mosquirix, on children between 5-month to 5-year old in sub-Saharan Africa and other parts with moderate to high malaria transmission after the malaria vaccine implementation programme (MVIP) in Ghana, Kenya, and Malawi since 2019. © BRIAN ONGORO/AFP

Le 6 octobre, l’OMS a décidé de recommander l’administration d’un premier vaccin antipaludique aux enfants du continent. Entretien avec le Pr Alassane Dicko, qui a dirigé les tests au Mali.

C’est un moment qualifié d’ « historique » par le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanon Ghebreyesus. Ce 6 octobre, son organisation a décidé de recommander l’administration du vaccin antipaludique « Mosquirix » aux enfants du continent. Dès 2015, l’Agence européenne des médicaments (EMA) avait délivré un « avis scientifique positif » sur le vaccin RTS,S/AS01, sur lequel les laboratoires GlaxoSmithKline (GSK) travaillaient depuis plusieurs décennies, après qu’une étude clinique avait été réalisée dans sept pays africains et que les résultats avaient été publiés dans The Lancet. Mais a l’époque, l’OMS avait jugé les éléments en sa possession insuffisants, demandant aux promoteurs du sérum des données complémentaires sur la façon optimale d’utiliser le vaccin.

Une phase de vaccination « pilote » a donc été menée, à partir de 2017, au Kenya, au Ghana et au Malawi, tandis qu’une autre série de tests était menée au Burkina Faso et au Mali, en collaboration avec la London School of Hygiène and Tropical Médecine. Et les résultats observés ont été publiés en août dernier dans la revue The New England Journal of Medecine, motivant la décision de l’OMS.

Au Mali, les recherches étaient centralisées au Malaria Research and Training Center (MRCT), de renommée mondiale, dont les équipes installées à Bougouni et à Ouelessebougou, dans la région de Sikasso, étaient dirigées par Alassane Dicko, assisté de Issaka Sagara. Le professeur, lauréat en 2017 de l’Africa Prize pour ses recherches sur le paludisme, a répondu aux questions de Jeune Afrique sur cette découverte qui devrait sauver des milliers de vie chaque année sur le continent.

COMME LE COVID-19, LE PALUDISME MÉRITE DES DÉCISIONS URGENTES

Jeune Afrique : Comment avez-vous accueilli la décision de l’OMS de donner une recommandation pour l’utilisation du vaccin antipaludique ?

Pr Alassane Dicko : Nous étions convaincus de la qualité des résultats. L’OMS semble avoir tiré les leçons du Covid-19 : on a rapidement trouvé un vaccin, les mécanismes pour le déployer et des décisions politiques appropriées ont été prises aussitôt. Le paludisme mérite aussi des décisions urgentes. On ne doit pas laisser les enfants africains mourir s’il y a une solution qui est disponible, comme celle que nous venons de trouver. Il faut désormais déployer ce vaccin.

Les résultats sont-ils conformes à ce que vous espériez ?

Les résultats vont au-delà des espérances. On ne s’attendait pas à un impact aussi important. Le vaccin permet une réduction de l’ordre de 70 % des formes sévères et de 73 % des décès si on le combine avec la chimio-prévention. C’est extraordinaire, on n’a pas eu de progrès aussi importants en vingt ans de lutte. Malgré tous les outils que nous avons largement déployés – le CTA [combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine], les moustiquaires imprégnées d’insecticides, la CPS –, le paludisme continue à être la première cause d’hospitalisation et de décès des enfants en Afrique. Selon les résultats que nous venons de produire, cela ne sera plus le cas grâce à ce vaccin.

Le vaccin a une certaine efficacité pendant quelques mois, puis celle-ci baisse. Nous aurons donc le maximum d’impact en l’administrant au début de la saison de transmission du paludisme – près de 80% des cas surviennent entre juillet et novembre. C’est comme cela qu’on aura le maximum d’impact.

CERTAINS PARTENAIRES CESSENT DE SOUTENIR LES CAMPAGNES DE LUTTE AU MALI, NOTAMMENT DANS LE NORD DU PAYS

Quelle est l’efficacité du vaccin par rapport à la chimio-prévention ?

Avec le RTS,S, les accès de paludisme sont réduits de 63% par rapport à la CPS. C’est important pour le continent. Il y a une bande en Afrique australe où la CPS ne fonctionne pas parce que les parasites sont résistants aux médicaments. Il faut introduire une vaccination saisonnière dans ces régions. Mais il faut toujours maintenir la chimio-prévention. Car nous n’avons pas encore le vaccin idéal. Les recherches continuent pour trouver des améliorations.

Avez-vous déjà une visibilité sur ces possibles améliorations ?

À Bougouni et Ouelessebougou, on est en train de tester un autre vaccin, qui s’appelle R21, un « cousin proche » de RTS,S. Nous sommes à la phase 3 d’évaluation et nous espérons que ce vaccin va venir s’ajouter à l’arsenal disponible. Comme on l’a vu avec le Covid-19, c’est important d’avoir plusieurs sources de vaccin contre le paludisme.

Quels sont les défis que doit aujourd’hui relever le Mali dans la lutte contre le paludisme ?

Le combat contre les maladies comme le paludisme est une course de fonds et non de vitesse. Le problème, c’est que certains de nos partenaires cessent de soutenir les campagnes de lutte, notamment dans le nord du pays. Avec le Programme national de lutte contre paludisme, nous avons initié une rencontre pour voir comment engager certaines sociétés privées susceptibles de collaborer avec nous. Si nous ne faisons pas ça, nous reviendrons à la case départ. Parce que c’est une maladie infectieuse, qui va continuer à se propager.

Avec jeune Afrique par Bokar Sangaré

Lutte contre le paludisme: des chercheurs développent un nouveau vaccin efficace à 77%

avril 26, 2021

Des chercheurs américain et burkinabé de l’Université d’Oxford et des scientifiques de l’Institut de recherche en sciences de la santé du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) ont déclaré être les premiers à atteindre l’efficacité vaccinale « impressionnante » de 77 %.

« L’efficacité vaccinale obtenue chez des enfants africains réalise l’objectif de 75 % spécifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) », précise un communiqué conjoint des deux centres de recherche publié le 24 avril, par le ministère burkinabè de la Santé.

Le vaccin R21/Matrix-M a été testé auprès de quatre cent-cinquante enfants du Burkina Faso. Il affiche un « bon profil d’innocuité » qui a été bien toléré ainsi qu’un « excellent potentiel de fabrication à grande échelle et d’approvisionnement à faible coût », ont assuré les chercheurs. L’étude va maintenant faire l’objet d’essais à grande échelle.

Pour avoir une autorisation de vaccination à grande échelle, ces derniers ont lancé le recrutement de quatre mille huit-cents participants âgés de cinq à trente-six mois dans quatre pays africains (Burkina Faso, Kenya, Mali et Tanzanie).

« Ce sont des résultats impressionnants montrant des niveaux d’efficacité sans précédent d’un vaccin qui a été bien toléré dans notre programme d’essais clinique. Nous attendons avec impatience la prochaine étape, qui est l’essai clinique de phase II, pour confirmer avec des données à grande échelle les résultats d’innocuité et d’efficacité d’un vaccin qui est hautement indispensable pour le contrôle du paludisme dans notre région », a déclaré Halidou Tinto, professeur en parasitologie, directeur régional de I’IRSS a Nanoro, et investigateur principal de l’essai.

Pour Adrian Hil, directeur du Jenner Institute, titulaire de la chaire de professeur en vaccinologie, Lakshmi Mittal and Family à l’université d’Oxford et co-auteur du document de recherche, « ces nouveaux résultats soutiennent nos grandes attentes quant au potentiel de ce vaccin, qui, à notre avis, est le premier à atteindre l’objectif de l’OMS d’un vaccin contre le paludisme avec une efficacité d’au moins 75% ».

« Avec l’engagement de notre partenaire commercial, le Serum Institute of India, de fabriquer au moins deux cents millions de doses par an dans les années à venir, ce vaccin a le potentiel d’avoir un impact majeur sur la santé publique s’il venait à être homologué », a-t-il ajouté.

Le Pr. Charlemagne Ouédraogo, ministre de la Santé du Burkina Faso, a souligné que le paludisme est l’une des principales causes de mortalité infantile en Afrique.

« Nous avons soutenu les essais cliniques d’une gamme de nouveaux Vaccins candidats au Burkina Faso et ces nouvelles données montrent que l’homologation d’un nouveau vaccin antipaludique très utile pourrait bien se réaliser dans les années à venir. Ce serait un nouvel outil extrêmement important pour contrôler le paludisme et sauver de nombreuses vies », a-t-il expliqué.

La Covid-19 monopolise l’attention mondiale

La crise sanitaire de Covid-19 a monopolisé l’attention mondiale, faisant craindre un relâchement des efforts contre le paludisme.

« Eviter que la lutte contre le paludisme ne soit victime de la Covid-19 ». C’est l’objectif des experts du partenariat Roll Back Malaria(RBM),  impliqués dans les efforts visant à combattre cette maladie infectieuse propagée par les piqûres de moustiques.

Signalons que le partenariat RBM est la plateforme mondiale de coordination des actions de lutte contre le paludisme. Il mobilise les efforts et les ressources et forge un consensus entre les partenaires. Il a été lancé en 1998 par l’OMS, l’Unicef, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Banque mondiale, en vue d’apporter une réponse coordonnée pour faire face à la maladie dans le monde entier.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné que la perturbation des traitements antipaludéens causée par la pandémie de Covid-19 pourrait entraîner des dizaines de milliers de décès supplémentaires.

« Il est donc primordial de continuer de lutter contre le paludisme sur le continent, malgré la pandémie de Covid-19 », a rappelé le Dr Moumouni Kinda, directeur général d’une ONG médicale qui agit sur le terrain en Afrique centrale et de l’ouest pour prévenir des effets de cette maladie. Depuis un an, l’OMS a enregistré une hausse de la mortalité liée au paludisme de dix-neuf mille à cent mille personnes en Afrique subsaharienne.

Certains chercheurs travaillent sur l’élaboration de nouveaux médicaments (la trithérapie). Un traitement à base de trois molécules, dont les essais sont actuellement menés sur mille six-cents enfants de moins de cinq ans dans plusieurs pays (Mali, Ghana, Gabon, Bénin…). Comme les médicaments combinés existent déjà sur le marché, le coût de cette nouvelle trithérapie serait abordable pour le continent africain.

Selon l’OMS, le paludisme tue plus de quatre cent mille personnes chaque année, dont de nombreux enfants, en Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, cette maladie est la première cause des hospitalisations et a tué près de quatre mille personnes en 2020, selon les données officielles.

Avec Adiac-Congo par Yvette Reine Nzaba