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Burkina Faso : l’économie plie mais ne rompt pas

février 20, 2023

REPORTAGE. La pandémie, la guerre en Ukraine et l’inflation menacent le pouvoir d’achat des Burkinabés. Pour l’État, il s’agit d’être sur tous les fronts.

L'activite economique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l'inflation a enregistre une hausse passant a deux chiffres.
L’activité économique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l’inflation a enregistré une hausse passant à deux chiffres. © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Alors que les opérations de la force française Sabre ont pris fin dimanche, et que sur un autre plan, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a décidé le maintien des sanctions contre le pays dirigé par des putschistes, c’est peu dire que le Burkina Faso se retrouve dans une situation délicate qui impacte fortement le développement économique du pays. Depuis plusieurs années déjà, le pays des Hommes intègres est fortement engagé dans la guerre contre un terrorisme redoutable qui nécessite des moyens importants, mais il doit aussi faire face à des chocs exogènes, comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine. Le Burkina Faso est également touché par les crises climatiques caractérisées par des cycles d’inondations ou de fortes sècheresses. Autant de facteurs qui mettent à mal les projections sur le long terme et affectent le quotidien des populations. Surtout avec une inflation à deux chiffres ces derniers mois, estimée à 14,6 % en moyenne en 2022. Comment les Burkinabés s’y prennent-ils pour faire face aux différents chocs, alors qu’ils sont les premiers à faire les frais de la récurrence de l’instabilité politique ? De quels moyens dispose le gouvernement pour franchir le cap sans trop de dégâts ? 

Un quotidien fait d’adaptation

Adama T. est enseignant. La journée de ce fonctionnaire commence par une prise en charge des siens : le petit déjeuner, la popote du jour et l’argent de poche pour ses trois enfants. Pour tout cela, il doit débourser au moins 2 000 francs CFA (3,05 euros). L’enseignant, qui se rend au travail à moto, fait vite le calcul : « Mon domicile est à environ 15 km de l’école. Par jour, je consacre un peu plus de 500 francs CFA en moyenne pour le carburant », évalue-t-il. Pour économiser sur l’essence, Adama préfère ne pas retourner à la maison quand c’est la pause de la mi-journée. Une option qui implique tout de même des frais, essentiellement pour sa restauration : pas moins de 500 francs CFA.

Avec un revenu mensuel d’environ 260 000 francs CFA (396,41 euros), le fonctionnaire consacre une grande partie de cette somme à ses besoins personnels et à ceux de sa famille. Par mois, près d’un cinquième du revenu d’Adama, soit environ 50 000 francs CFA, est destiné à l’alimentation. À cela, il faut ajouter la facture d’électricité (8 000 à 10 000 francs le mois), celle de l’eau (5 000 à 6 000 francs), le loyer (65 000 francs CFA), les provisions en céréales et d’autres denrées vitales. Mais aussi des « imprévus », comme lorsqu’il s’agit de soigner un membre de la famille. « Au final, on n’arrive pas à s’en sortir. Pour éponger les dépenses obligatoires, on fait parfois dans la débrouillardise », reconnaît l’enseignant. Et c’est sans compter avec des dépenses fixes, comme la scolarité des enfants : « Pour mes trois enfants, j’ai dépensé un peu plus de 350 000 francs CFA cette année pour leur scolarité », assure Adama T. Pas de place donc pour des loisirs, comme « aller au ciné ou s’offrir une bouteille de bière ».

Ousmane Bancé, cordonnier et cireur de chaussures, s’en sort encore moins qu’Adama. La journée de ce père de six enfants commence, là aussi, par de quoi faire bouillir la marmite le soir venu, entendez l’argent de la popote. Un devoir pour lui dans une société burkinabée à dominance patriarcale. « Chaque matin, je dois débourser entre 500 et 1 000 francs CFA pour la cuisine », confie l’époux de deux femmes. Même si un vélo qu’il a comme moyen de transport l’exempte de la dépense quotidienne en carburant, Ousmane arrive à peine à joindre les deux bouts, avec des recettes journalières comprises entre 2 000 et 2 500 francs CFA. « Chaque jour, je dois prier qu’il ne survienne pas d’imprévus, un problème de santé par exemple. Sinon, je suis complètement désorganisé », confie le cordonnier. À revenu égal, les angoisses sont presque les mêmes. Ce n’est pas Issa Kéré, vendeur ambulant à Ouagadougou, qui dira le contraire. Pousser un chariot jonché de divers articles (cigarette, bonbons, savon en poudre…), sillonner les artères de la ville et slalomer entre les allées du grand marché de la capitale à la recherche de clients constitue le travail de ce jeune homme qui tutoie la trentaine, contre des recettes d’environ 2 000 francs CFA par jour. 

Insécurité, Covid-19, guerre russe en Ukraine : un cocktail explosif

À quelques montants près, les dépenses prioritaires des Burkinabés au quotidien sont quasiment les mêmes d’un consommateur à un autre : l’alimentation, le déplacement, les soins, les frais de communication… Et avec des revenus élevés ou pas, ils sont nombreux à partager le ressentiment d’un coût de la vie de plus en plus élevé par rapport au pouvoir d’achat. « De jour en jour, tout augmente », constate Fanta Bélem Fofana, employée du secteur privé. C’est aussi le constat de Mahamadi Compaoré, commerçant. Ce vendeur de chaussures se réjouit de pouvoir faire des recettes de 5 000 à 6 000 francs CFA la journée. « Suffisant, dit-il, pour honorer les dépenses élémentaires », mais bien loin de lui permettre de faire des investissements et de réaliser des projets comme il en fourmille. « J’ambitionne, moi aussi, de me construire un logement assez commode, ce dont je ne dispose pas pour le moment. Bien au-delà, je rêve de pouvoir m’offrir un jour une voiture », projette le commerçant, avant de pousser un « hélas ! » de… désespoir. « Sur le marché, presque tout est devenu inaccessible. À commencer par les denrées alimentaires », déplore Mahamadi Compaoré. Son voisin d’étal, Ablassé Tamalgo, argumente dans le même sens : « J’ai l’impression que les années antérieures, j’avais un revenu qui correspond juste à mes dépenses élémentaires. Maintenant, le même montant ne suffit plus. Une partie de mes recettes journalières finissent par exemple dans l’achat de l’essence, dont le prix a connu une augmentation récente », raconte-t-il. En effet, le prix à la pompe du super 91 a été revu à la hausse, début février, par le gouvernement de transition. Ainsi, le litre d’essence, acheté jusqu’alors à 750 francs CFA, coûte désormais 850 francs CFA.

Pour nombre de consommateurs, il ne faut pas chercher loin les raisons de ce renchérissement de la vie. « L’activité tourne au ralenti, principalement à cause de l’instabilité sécuritaire [qui a causé la mort de plusieurs milliers de personnes et le déplacement de près de deux millions d’autres en sept ans]. Les productions sont impossibles dans les zones à risque et cela affecte la disponibilité de certains produits. En plus de cela, il faut compter avec le fait que l’augmentation répétée du prix de l’essence impacte directement le coût de la vie », croit savoir Marc Yigui, vendeur de ceintures rencontré au grand marché de Ouagadougou. Il n’y a pas que la crise sanitaire due au Covid- 19, et bien d’autres chocs, exogènes ou non, ont affecté le pouvoir d’achat.

Une économie qui résiste malgré tout

Dressant la situation économique et financière du Burkina en 2022 et les perspectives sur la période 2023-2025, le ministre burkinabé des Finances, Aboubacar Nacanabo, fin janvier dernier, l’a d’ailleurs relevé en ces propos : « L’activité économique et la gestion des finances publiques en 2022 ont été marquées par la crise russo-ukrainienne, les tensions géostratégiques et la résurgence de nouvelles variantes du Covid-19. » Il ajoutait qu’au plan national, « on note la persistance des attaques terroristes, le déplacement interne massif des populations et ses conséquences humanitaires et l’avènement de transitions politiques ». Selon des données du ministère des Finances, l’économie a enregistré une décélération du rythme de sa croissance pour s’établir à 2,7 % en 2022 contre 6,9 % en 2021, tandis que pour l’ensemble de l’année 2022, l’inflation est ressortie en moyenne annuelle à 14,6 % contre 3,9 % en 2021.

Face à cette situation économique du pays, les Burkinabés font montre de résilience. Une économie et un pays qui plient, mais ne rompent pas. Le gouverneur de la BCEAO, la Banque centrale sous-régionale ouest-africaine, Jean-Claude Kassi Brou, a récemment apporté son soutien aux autorités du pays face à la donne économique. « La croissance économique en 2022 est ressortie positive et devrait continuer à s’améliorer en 2023 avec notamment l’amélioration de la campagne agricole », a-t-il observé, tout en notant que « l’inflation reste un défi pour l’économie burkinabée comme c’est le cas dans tous les autres pays de l’espace Uemoa », a-t-il dit, lors d’une visite récente au président de la transition burkinabée, le capitaine Ibrahim Traoré. L’espoir est donc permis et beaucoup, comme Ablassé Tamalgo, sont optimistes. Ce commerçant, comme nombre de ses compatriotes, espère que les obstacles à la relance de l’économie, dont la crise sécuritaire, pourront être levés le plus tôt que possible.

Le Point par le correspondant à Ouagadougou, Bernard Kaboré

Après trois ans de Covid-19, se préparer à la prochaine pandémie

décembre 17, 2022

Voici trois ans, le premier cas de Covid-19 était identifié en Chine, point de départ d’une pandémie aux conséquences sans précédent. Comment éviter que l’histoire ne se répète ? La question mobilise chercheurs et Etats mais les financements sont insuffisants et les réponses incertaines.

« Nous n’agissons pas assez pour être prêts pour la prochaine pandémie », estime auprès de l’AFP William Rodriguez, à la tête de Find, une fondation sous l’égide de l’ONU qui cherche à améliorer l’accès aux tests de dépistage dans le monde.

Parmi les outils cruciaux pour éviter l’émergence d’une nouvelle pandémie comme celle du Covid, figurent les tests, qui aident à freiner la diffusion d’une maladie.

Autres dispositifs: l’identification des virus ou bactéries qui pourraient provoquer la prochaine pandémie, la découverte de vaccins ou de traitements en urgence, la production et la distribution de ces produits, etc.

L’objectif ? Éviter une nouvelle pandémie après trois ans de Covid. Le premier cas de cette maladie a été diagnostiqué en Chine en décembre 2019. Moins de trois mois plus tard, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) officialisait la pandémie qui a bouleversé le monde.

La semaine dernière, c’est dans le cadre de l’OMS qu’ont commencé des négociations internationales sur la lutte contre les futures pandémies. La Banque mondiale, elle, a lancé un fonds dédié au sujet et alimenté par les pays du G20 (pour l’heure à hauteur de 1,6 milliard de dollars).

« Quelques mutations »

Les initiatives sont aussi privées. En Australie, l’homme d’affaires Geoffrey Cumming a consacré 170 millions de dollars pour financer un centre de recherches dirigé par l’infectiologue Sharon Lewin.

Son équipe va se pencher sur des technologies susceptibles de servir de base à des traitements rapidement adaptables contre de nouveaux pathogènes. Modèle à suivre: les vaccins à ARN messager face au Covid. Le centre sera « opérationnel » d’ici à six mois, a annoncé la Pr Lewin à l’AFP.

L’objectif, ici, est de savoir répondre en urgence à un pathogène inconnu. Mais l’anticipation passe aussi par l’identification des risques connus.

L’OMS travaille ainsi à la mise à jour d’une liste de microbes à risque. A surveiller particulièrement: les autres coronavirus ainsi que le virus de la grippe, bien sûr, mais aussi Ebola et Zika.

« Pour chacun de ces virus, seules quelques mutations » pourraient démultiplier leur diffusion, prévient l’épidémiologiste Jennifer Nuzzo, de l’université américaine Brown.

D’autres pathogènes sont sous surveillance comme les arenavirus, les paramysovirus – famille de la rougeole et des oreillons – ou le virus Marburg.

« Nombreuses crises »

Ces efforts de recherches seront-ils suffisants ? De nombreux experts et activistes redoutent surtout un manque de volonté politique. Qui se traduit par la question des financements. Ainsi, l’organisation CEPI (cofondée par plusieurs Etats et la fondation Bill et Melinda Gates pour affronter les épidémies) cherche 800 millions de dollars pour boucler un plan sur cinq ans.

Les décideurs ne devraient pas oublier la question pandémique même s’ils sont « concentrés sur les nombreuses crises actuelles », dans un contexte difficile géopolitiquement comme économiquement, estime auprès de l’AFP Richard Hatchett, à la tête de CEPI.

Et comment garantir l’accès de tous les pays, y compris les plus pauvres, à un vaccin ou un traitement ? « Pour moi, la tragédie du Covid aura été la distribution inégale des vaccins, même une fois disponibles », déclare l’épidémiologiste.

Les experts interrogés par l’AFP sont d’accord. Il sera impossible de bien répondre à la prochaine pandémie si de grandes régions comme l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud ou le Proche-Orient n’ont pas accès à des traitements, notamment en les produisant elles-mêmes.

Pour beaucoup d’activistes, il faudrait déjà prévoir de lever les brevets d’éventuels traitements à l’importance majeure. Mais l’idée apparaît peu réaliste face à l’opposition du secteur pharmaceutique et d’une grande partie des pays développés.

Et il y a peu d’évolution à attendre: le ton adopté par ces pays dans le cadre des discussions actuelles à l’OMS est « extrêmement inquiétant », estime Mohga Kamal-Yanni, représentante de l’ONG People’s Vaccine Alliance.

Par Le Point avec AFP

Covid-19: la RDC entre dans la sixième vague de la pandémie

novembre 26, 2022

Depuis quelques semaines, la République démocratique du Congo (RDC) connaît une augmentation de cas de covid-19, même si la létalité est légère. Pour la ministre de la Santé, Hygiène et Prévention, le Dr Jean-Jacques Mbungani, le pays est en pleine sixième vague de cette pandémie.

La présence de la sixième vague de la pandémie de la covid 19 se justifie par le fait qu’à l’approche des fêtes de fin d’année, l’on observe une affluence de personnes qui ne respectent pas toujours les gestes barrières. Un tour dans les différents lieux publics de la ville de Kinshasa l’atteste. Pour juguler cette sixième vague, le ministre Jean-Jacques Mbungani a lancé un appel aux médecins pour lever leur mouvement de débrayage en vue d’assurer la prise en charge des malades. Ce qui permettra d’éviter l’explosion des cas de personnes atteintes de la covid-19 dans les hôpitaux. La population, pour sa part, devra respecter les mesures barrières, à savoir le lavage des mains avec du savon ou l’usage du gel hydroalcoolique, le port correct de masque et le respect de la distanciation sociale.

Rappelons que depuis le début de l’épidémie déclarée le 10 mars 2020, le cumul des cas, à la date du 25 novembre, a été de 94 364, dont 94 362 cas confirmés et deux cas probables. Au total, il y a eu 83 680 personnes guéries et 1 366 décès. Il est à noter qu’à la même date, 17 nouveaux cas confirmés ont été rapportés dans deux provinces, dont 16 à Kinshasa et un à Lualaba, sur les 660 échantillons testés. Cette pandémie touche toutes les vingt-six provinces du pays et la ville de Kinshasa demeure toujours l’épicentre avec 50 451 cas positifs.

Avec Adiac-Congo par Blandine Lusimana

La fin de la pandémie de COVID-19 est en vue, affirme le patron de l’OMS

septembre 14, 2022
Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse à Genève.

Le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, estime que la pandémie de COVID-19 tire à sa fin. Photo : Reuters/Fabrice Coffrini

Le monde n’a jamais été en aussi bonne position pour mettre fin à la pandémie de COVID-19, qui a tué des millions de personnes depuis la fin 2019, a affirmé mercredi le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La semaine dernière, le nombre de décès hebdomadaires de la COVID-19 est tombé au plus bas depuis mars 2020. Nous n’avons jamais été dans une meilleure position pour mettre fin à la pandémie, a dit le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d’un point de presse à Genève.

Il a toutefois mis en garde : Nous n’y sommes pas encore, mais la fin est à portée de main.

Quelqu’un qui court un marathon ne s’arrête pas quand il aperçoit la ligne d’arrivée. Il court plus vite, avec toute l’énergie qui lui reste. Et nous aussi, a souligné le chef de l’OMS.

« Nous pouvons tous voir la ligne d’arrivée, nous sommes en passe de gagner, mais ce serait vraiment le plus mauvais moment de s’arrêter de courir. »— Une citation de  Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS

Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous courrons le risque d’avoir plus de variants, plus de morts, plus de perturbations et plus d’incertitude, souligne le Dr Tedros, en appelant à saisir cette opportunité.

Selon le dernier rapport épidémiologique publié par l’OMS et consacré à la COVID-19, le nombre de cas a baissé de 12 % durant la semaine du 29 août au 4 septembre par rapport à la semaine précédente, s’établissant à quelque 4,2 millions de nouvelles infections déclarées.

Le nombre d’infections est sans doute beaucoup plus élevé, notamment parce que les cas bénins ne sont pas forcements déclarés, mais aussi parce que de très nombreux pays ont plus ou moins démantelé leur capacité de tests.

Au 4 septembre, l’OMS comptabilisait plus de 600 millions de cas officiellement confirmés – là aussi un nombre sans doute très inférieur à la réalité tout comme celui des morts officiellement répertoriés de 6,4 millions de personnes décédées.

Une étude de l’organisation basée sur des projections et des évaluations publiée en mai faisait état de 13 à presque 17 millions de décès supplémentaires à cause de la COVID à la fin 2021.

L’outil clé de la vaccination

En même temps que le Dr Tedros lançait son message d’espoir, l’OMS a publié six guides destinés aux États membres afin de leur permettre de rapidement mettre derrière eux cette crise sanitaire qui a aussi coûté des milliers de milliards d’euros en termes de croissance, paralysé pendant de longs mois des pans entiers de l’économie mondiale et mis à nue les inégalités dans le monde, notamment en matière de vaccination.

Les pays riches se sont accaparé les doses disponibles et, dans nombre de pays pauvres, les taux de vaccination restent encore insuffisants.

Ces recommandations sont un appel urgent aux gouvernements de se pencher sérieusement sur leurs politiques, de les renforcer contre la COVID-19 et les pathogènes futurs qui pourraient avoir le potentiel de provoquer une pandémie, a souligné le patron de l’organisation onusienne.

Parmi ces recommandations, des messages que l’OMS répète depuis presque deux ans et l’arrivée des vaccins : vacciner 100 % des personnes vulnérables et des personnels de santé, poursuivre les programmes de tests et de séquençage génique, qui permet notamment de suivre à la trace de nouveaux variants potentiellement dangereux. Nous pouvons mettre un terme à cette pandémie ensemble, mais seulement si les pays, les entreprises, les communautés et les individus se mobilisent et saisissent l’opportunité, a martelé le Dr Tedros.

Radio-Canada avec Agence France-Presse

Chine: Le marché Huanan, à Wuhan, à l’origine de la pandémie, selon de nouvelles études

juillet 27, 2022
Des étals de poissons et de viande

Le marché Huanan à Wuhan attire de nombreux clients chaque jour. Photo : Radio-Canada

Deux nouvelles études publiées mardi, qui réexaminent les données concernant les premiers cas de COVID-19 à Wuhan, viennent corroborer la théorie selon laquelle le marché Huanan, et non une fuite d’un laboratoire, est à l’origine de la pandémie.

Notre analyse indique que l’émergence du SRAS-CoV-2 s’est produite par le commerce d’animaux sauvages vivants en Chine, et montre que le marché Huanan était l’épicentre de la pandémie de COVID-19, écrivent les auteurs de l’étude, publiée dans Science(Nouvelle fenêtre), qui a fait l’objet d’une révision par les pairs pendant plusieurs mois.

La cartographie pour cerner l’épicentre

Les chercheurs ont d’abord tenté de comprendre pourquoi, parmi les premières données sur les cas de COVID-19, seulement 50 des centaines de personnes hospitalisées au début de l’épidémie avaient un lien direct et traçable avec le marché Huanan.

Ils ont cartographié les cas, ce qui a permis de révéler qu’un grand nombre de ces personnes infectées vivaient à proximité du marché. Ainsi, les vendeurs et les clients ayant été infectés en premier au marché ont déclenché une chaîne d’infections parmi les membres de la communauté dans les environs. Sans le savoir, ces personnes ont alors transmis le virus à d’autres personnes dans la communauté.

En fait, dans cette ville d’une superficie de 7770 kilomètres carrés, la majorité des premiers cas étaient situés dans une zone à quelques pâtés de maisons du marché, et non près de l’Institut de virologie – qui est au cœur de la théorie de la fuite du laboratoire –, sis de l’autre côté de la rivière.

En cartographiant les premières infections, les chercheurs ont pu également observer comment, avec le temps, elles se sont répandues de façon concentrique, soit du marché Huanan au reste de la ville.

Des indices dans les échantillons et sur les réseaux sociaux

Un boucher affublé d'un masque attend des clients dans un kiosque extérieur.

C’est dans un marché de Wuhan, en Chine, que la pandémie de COVID-19 aurait pris son envol. Photo : Getty Images/Hector Retamal

Avant même la publication de cette étude, de nombreux scientifiques s’entendaient pour dire que les marchés d’animaux vivants constituent des foyers de transmission idéals pour la propagation de nouvelles maladies. Une étude(Nouvelle fenêtre) a d’ailleurs montré que près de 50 000 animaux – de 38 espèces différentes – ont été vendus dans les marchés de Wuhan dans les 18 mois précédant la pandémie.

L’étude publiée mardi a également analysé les données d’échantillons de liquides prélevés dans des drains et des étals du marché par les ​​Centres pour le contrôle et la prévention des maladies de la Chine.

La majorité des échantillons provenant du côté sud-ouest du marché étaient positifs au SRAS-CoV-2. C’est d’ailleurs dans cette zone du marché où l’on vendait des animaux susceptibles d’être infectés par des coronavirus, dont des chiens viverrins, des renards roux et des blaireaux. Et c’est de cette zone que provenaient les premiers cas détectés en décembre.

Ce n’est pas une coïncidenceécrit sur Twitter la Dre Angela Rasmussen(Nouvelle fenêtre), une des auteurs de l’étude et virologue à la Vaccine and Infectious Disease Organization (VIDO) à l’Université de la Saskatchewan.

Comment savoir si le marché Huanan n’était pas seulement le lieu d’un évènement superpropagateur?

Les chercheurs ont examiné d’autres marchés et d’autres endroits présentant une forte densité de population dans Wuhan pour savoir s’ils étaient à l’origine de la pandémie.

Des gens dans une rue bondée à Wuhan.

Les premières transmissions du SRAS-CoV-2 auraient eu lieu au marché Huanan, dès novembre ou décembre 2019. Le virus s’est ensuite propagé dans les quartiers avoisinants, puis à toute la ville de Wuhan. Photo : Reuters/Aly Song

Ils ont examiné les données de réseaux sociaux pour comparer l’achalandage dans des centaines de lieux dans Wuhan. Le marché Huanan avait l’un des taux d’achalandage les plus bas, ce qui indique que cet endroit était moins susceptible d’être le lieu d’un évènement superpropagateur.

Sur Twitter, la Dre Rasmussen précise qu’il est difficile de déterminer quel animal était l’hôte du virus, mais que les échantillons appuient également la théorie selon laquelle une zoonose – la transmission naturelle d’une maladie ou d’une infection d’un animal vertébré à un humain – est à l’origine de la pandémie.

Par ailleurs, une autre étude(Nouvelle fenêtre), également publiée mardi dans la revue Science, montre que les échantillons du marché contenaient deux variants du SRAS-CoV-2. Ainsi, les chercheurs croient que les lignées A et B seraient apparues au marché Huanan en novembre ou décembre 2019, puis se seraient répandues dans les quartiers environnants.

Ces résultats indiquent qu’il est peu probable que le SRAS-CoV-2 ait largement circulé chez l’homme avant novembre 2019, écrivent les auteurs de l’étude. Ils ajoutent que comme pour les autres coronavirus, l’émergence du SRAS-CoV-2 a probablement résulté de plusieurs évènements zoonotiques.

Des preuves supplémentaires que le virus ne vient pas d’un laboratoire

Dans une enfilade sur Twitter(Nouvelle fenêtre), la Dre Rasmussen explique que ces éléments viennent de nouveau contredire la théorie d’une fuite de laboratoire. Bien que de nombreuses questions restent en suspens, ces résultats fournissent des preuves irréfutables que le SRAS-CoV-2 est apparu par le biais d’au moins deux zoonoses provenant d’animaux vendus au marché Huanan.

L’un des chercheurs, David Robertson, un virologue et professeur de l’Université de Glasgow, a déclaré à la BBC(Nouvelle fenêtre) qu’il espérait que leur travail aiderait à corriger le faux débat selon lequel le virus provenait d’un laboratoire.

La Dre Rasmussen écrit par ailleurs qu’il reste encore de nombreuses questions à résoudre et précise que leur étude ne peut pas répondre à toutes les questions sur l’origine du SRAS-CoV-2. Par exemple, quels animaux ont d’abord été infectés? D’où venaient-ils? Est-ce que les animaux étaient aussi porteurs d’autres coronavirus?

Ces questions sont essentielles pour comprendre le risque d’émergence d’un SRAS-CoV-3, écrit-elle, en ajoutant qu’on n’obtiendra peut-être jamais des réponses à toutes les questions, mais que la communauté scientifique doit continuer son travail de recherche.

La Dre Rasmussen rappelle que toutes enquêtes sur les origines de virus peuvent prendre des années et que les preuves sont généralement rares et incomplètes. Par exemple, près de 50 ans plus tard, souligne-t-elle, l’origine du virus Ebola n’est pas encore bien comprise.

Avec Radio-Canada par Mélanie Meloche-Holubowski

« Cette pandémie est loin d’être terminée » met en garde l’OMS

mars 9, 2022
"Cette pandemie est loin d'etre terminee" met en garde l'OMS
« Cette pandémie est loin d’être terminée » met en garde l’OMS© AFP/Archives/AHMAD AL-RUBAYE

« Cette pandémie est loin d’être terminée », a mis en garde mercredi le patron de l’OMS, deux ans presque jour pour jour après avoir prononcé le mot qui a fait réaliser au monde entier la gravité de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19.

« Ce vendredi marquera deux ans depuis que nous avons dit que le Covid-19 se répandant dans le monde entier pouvait être qualifié de pandémie », a rappelé le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’un point de presse à Genève, toujours en virtuel.

Il n’a pas manqué de rappeler que six semaines plus tôt, « quand il n’y avait que 100 cas recensés en dehors de Chine et pas de mort », il avait déclenché le niveau d’alerte sanitaire le plus élevé de l’OMS – une urgence de santé publique de portée internationale.

Mais cette qualification n’avait pas frappé les esprits et il a été reproché plus tard à l’organisation d’avoir trop tardé à prendre la mesure de la catastrophe à venir.

« Deux ans plus tard, plus de 6 millions de personnes sont mortes », a-t-il déclaré.

Même si l’OMS note depuis quelque temps que le nombre d’infections et le nombre de mort baissent, « cette pandémie est loin d’être terminée et elle ne sera finie nulle part si elle n’est pas finie partout », a souligné le patron de l’organisation.

L’OMS a noté une croissance très forte dans la région du pacifique occidental, même si au niveau mondial le nombre de nouvelles infections et de décès ont baissé respectivement de 5 et 8 %, selon le rapport épidémiologique hebdomadaire.

« Le virus continue d’évoluer et nous continuons à faire face à des obstacles majeurs dans la distribution des vaccins, des tests et des traitements partout où le besoin s’en ressent », insiste le Dr. Tedros.

Les tests -qui permettent de détecter les nouveaux variants- sont une source d’inquiétude pour l’OMS, son patron notant que « plusieurs pays ont drastiquement réduit leurs tests ».

« Cela nous empêche de voir où se trouve le virus, comment ils se répand et comment il évolue », a-t-il mis en garde.

La stratégie de tests en Afrique du sud avait ainsi permis de détecter très vite le variant Omicron à la fin novembre 2021. Il est aujourd’hui ultra-dominant.

Maria Van Kerkhove, qui pilote la lutte contre le Covid-19 de l’OMS, a elle aussi mis en garde contre la baisse du nombre de tests qui peut donner une fausse impression sur le nombre réel d’infections.

« Le virus continue de se répandre à un niveau d’intensité bien trop élevé, alors que cette pandémie est dans sa troisième année », a-t-elle lancé.

« Bien que nous voyions des tendances à la baisse, nous avons quand même répertorié 10 millions de cas confirmés au niveau mondial la semaine dernière », a-t-elle rappelé.

« Il faut rester vigilant », a-t-elle mis en garde, à un moment où de nombreux pays -en Europe en particulier ou aux Etats-Unis– ont abandonné l’essentiel des restrictions sanitaires destinées à contrôler la maladie.

Avec Le Point par AFP

Canada: Les Afro-Québécoises occupent une grande place dans le système de santé

février 13, 2022

MONTRÉAL — La pandémie de COVID-19 a grandement frappé la communauté noire au Québec. Le taux d’infection est plus élevé parmi elle que la population en général, selon diverses recherches.© Fournis par La Presse Canadienne

Un des facteurs pouvant expliquer cette réalité est la grande place des Noires dans le réseau de la santé au Québec, disent des observatrices. Trente-sept pour des femmes noires présentes sur le marché du travail œuvrent dans le réseau de la santé.

Par comparaison, on y recense 24 % des travailleuses québécoises qui ne sont pas racialisées ou autochtones.

La directrice de l’Alliance des infirmières et infirmiers noirs du Canada pour le Québec, Jennifer Philogène, cette forte présence des Noires dans le système de santé s’explique par la culture. Les liens familiaux sont importants au sein des communautés noires, dit-elle, ce qui facilite un sens de l’altruisme.

«Cela a un lien avec nos valeurs: on donne au suivant, lance Mme Philogène. Il n’y a pas un hôpital au Québec où il n’y a pas une personne noire qui y travaille. Il y a même des hôpitaux où la majorité des employées sont noires.»

Mais, cela a un prix, ajoute-t-elle en évoquant les répercussions de la COVID-19 sur les communautés afro-québécoises.

La Direction de la santé publique de Montréal a publié une étude en août 2020 révélant que la population noire figurait parmi les plus affectées par la COVID-19 au cours des premiers mois de la pandémie. Selon l’étude, le taux de cas était trois fois supérieur dans les secteurs où la proportion de population noire est plus élevée que dans ceux où elle est plus faible.

L’étude mentionnait notamment «une exposition accrue au virus à travers le travail» pour expliquer cette disproportion.

«Nous nous impliquons, nous donnons le meilleur de nous-mêmes, mais nous sommes infectées et nous propageons la maladie à nos familles», souligne Mme Philogène.

Stéphanie Bumba, une infirmière âgée de 26 ans, déplore que le haut taux d’infection au sein de sa communauté ait davantage attiré l’attention que la contribution des Noirs au réseau de la santé.

«Quand on étudie notre passé, on constate que nos ancêtres ont rencontré plusieurs obstacles, dit-elle. Mais on peut aussi voir que les Noirs ont réalisé des choses incroyables dans le domaine de la santé, mais cela n’a jamais été reconnu.»

Selon Marjorie Villefranche de la Maison d’Haïti, la surreprésentation des Noires dans le système de la santé remonte au XXe siècle.

«Quand elles quittaient leur pays pour venir étudier ici, il y avait une option: elles savaient qu’elles seraient acceptées dans le système de santé, dit Mme Villefranche. Aujourd’hui, si les Noires cessaient de travailler, ne serait-ce que pour une journée, le système s’effondrerait.»

Régine Laurent, la première présidente noire d’une grande centrale syndicale québécoise, raconte qu’elle a réclamé pendant les 30 dernières années une plus grande reconnaissance des Noirs dans le système de santé. 

Aujourd’hui âgée de 64 ans, celle qui fut présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé de 2009 à 2017 raconte qu’on lui avait dit que c’était à elle de décider si la couleur de sa peau la définirait. «C’est à toi de te servir de ce que tu as entre les deux oreilles», lui conseillait sa mère.

Être présidente d’un syndicat s’accompagnait d’une lourde pression. Elle représentait tous ses membres, mais aussi l’ensemble des travailleurs noirs du réseau de la province.

«C’était facile de se motiver pour ce besoin de faire le plus que je pouvais avec le temps que j’avais», soutient Mme Laurent.

Mme Bumba est aussi la créatrice d’une websérie sur internet où elle raconte la vie de pionniers noirs des sciences de la santé. Elle dit sentir elle aussi la pression de bien représenter sa communauté.

«C’est à cause de notre histoire que nous sentons le besoin d’être des modèles pour les plus jeunes, lance-t-elle. Ils n’auront pas à penser que cela sera trop difficile pour eux.»

Par Virginie Ann, La Presse Canadienne

Canada-Québec: La coiffeuse qui ne pouvait plus retenir ses larmes

janvier 22, 2022

Après la peur et le stress, la tristesse. La pandémie dure et s’endure de plus en plus mal. La révolte n’est peut-être pas loin. Si vous saviez tout ce que peut entendre une coiffeuse…

Dans son salon de coiffure.

Véronique Roussin-Hains, coiffeuse Photo : Radio-Canada/Émilie Dubreuil

Assise sur la chaise où s’installent habituellement ses clientes, Véronique Roussin-Hains fond en larmes à ma première question. La jeune femme de 24 ans me prie de l’excuser, se lève et disparaît de la pièce centrale de son salon de coiffure. Au bout de quelques secondes, elle revient s’asseoir, armée d’un rouleau de papier de toilette.

Je suis très émotive, me dit-elle, tout en déchirant un morceau pour s’essuyer les yeux et quelques autres pour se moucher.

Le rouleau est encore volumineux. Je remarque qu’elle ne le repose pas sur la tablette à côté des shampoings. Elle prévoit sans doute pleurer encore pendant l’entrevue.

Je suis une fille positive, prend-elle le soin de préciser. Je suis le genre de fille à qui tu peux confier tes problèmes, pis je vais te répondre : « j’ai une solution, je vais t’arranger ça ». Mais là, là, c’est lourd.

La jeune coiffeuse me raconte que, sur cette chaise, depuis presque deux ans, elle n’entend que des histoires tristes. J’ai une cliente qui s’était trouvé une job la nuit pour fuir son mari violent qui perd les pédales quand il est saoul le soir. Elle a perdu ce travail-là à cause de la pandémie. La souffrance, le taux est de 100 % sur ma chaise.

Véronique Roussin-Hains évoque les travailleuses de la santé écroulées de fatigue, les femmes d’affaires qui ont peur de tout perdre, les crises conjugales qui se développent à force de trop se voir, l’impossible conciliation enfants-télétravail, les pensées noires qui envahissent la psyché de certaines, etc.

En me racontant ce que ses clientes lui confient, elle se remet à pleurer et refait appel au papier de toilette qu’elle tient fermement dans ses mains. Dans la froidure de l’hiver de force 2022, l’objet s’érige en symbole : celui de notre passage collectif de l’anxiété à la tristesse.

Véronique Roussin-Hains a perdu son père adolescente. Il s’est suicidé. Pour échapper au chaos familial qu’a entraîné cette mort brutale, elle a décidé d’étudier la coiffure. Elle a toujours aimé coiffer. Elle travaille donc depuis qu’elle a 17 ans et est, depuis plusieurs années déjà malgré son jeune âge, propriétaire de son salon. Si je suis là avec elle, c’est qu’elle m’a écrit la semaine dernière à la suite de la publication de mon article sur le mouvement antivaccin dans les Laurentides. J’y écrivais que je voulais comprendre ce mouvement d’opposition aux mesures sanitaires qui semble si irrationnel. Elle m’a dit qu’elle me fournirait des réponses.

Je ne suis pas contre les vaccins. Mais le vaccin contre la COVID-19 est-il sécuritaire? Il est trop tôt pour le dire. En repoussant sa longue tignasse noire et brillante, la jeune femme exprime un scepticisme qui puise sa source dans l’enfance. Quand j’étais petite, on m’a bourrée de Ritalin pour me calmer. Alors qu’avec le recul, je constate que j’aurais eu besoin, enfant, de simplement jouer dehors, jouer au soccer par exemple.

Mais au-delà de la méfiance et des arguments statistiques qu’oppose la coiffeuse aux mesures sanitaires, ce qui m’a le plus frappée, c’est ce rouleau de papier de toilette et ses larmes de découragement. Et si le clivage vax, antivax, le chialage, l’exaspération, n’étaient en fait qu’une réponse à cette tristesse qui ensevelit nos âmes comme une tempête les voitures dans une rue du Plateau-Mont-Royal? L’âme résiste bien plus aisément aux vives douleurs qu’à la tristesse prolongée, écrivait Jean-Jacques Rousseau dans La nouvelle Héloïse, roman paru à la fin du 18e siècle.

Dans son cabinet, la psychologue Rose-Marie Charest constate qu’après le stress et la peur, sa clientèle est, en effet, passée en phase Bonjour tristesse, comme aurait dit Françoise Sagan.

La tristesse est plus grave que l’anxiété. Elle est liée au sentiment d’impuissance et l’impuissance constitue la voie royale vers la dépression, explique-t-elle. Elle évoque la souffrance causée par l’isolement comme celle provoquée par la trop grande promiscuité avec les proches, les sources de joie dont nous sommes privés : sorties au restaurant, vie culturelle, etc.

Et le clivage, Madame Charest? Les clivages constituent un mécanisme de défense psychologique très primaire. Quand on se sent mal, l’humain essaie de trouver un coupable, un responsable de sa souffrance. D’ailleurs, il se pratique dès la cour d’école.

La psychologue explique que la colère exprimée par une majorité contre les gens non vaccinés exacerbe un réflexe de survie de base chez ces derniers. Il y a des gens qui ont peur du vaccin. Comme ils se sentent attaqués de toutes parts, pour se valider eux-mêmes, ils vont adhérer à un groupe à l’intérieur duquel ils se sentent protégés. Rose-Marie Charest compare même le clivage vax, antivax à une guerre de religion. La croyance mue par le sentiment d’être attaqué se déploie en conviction inébranlable.

Le psychologue et psychanalyste Nicolas Lévesque ne s’étonne pas du réflexe bien simple qui pousse les gens à se critiquer les uns les autres ou à critiquer le gouvernement. Un de nos enfants va moins bien que les autres, et ma blonde et moi, quand on se chicane, c’est souvent à ce propos, on cherche à qui la faute. C’est un réflexe très humain. Au lieu de porter la charge émotionnelle, tu la passes à quelqu’un d’autre, c’est le phénomène du bouc émissaire, dit-il.

Nicolas Lévesque pousse un peu plus loin la réflexion. Depuis le début de la pandémie, le gouvernement se présente comme un bon père de famille, cela crée dans une partie de la population des transferts au plan psychologique. Or, certains ont de bons rapports à l’autorité du père, d’autres, non. Un psychologue, dit-il encore, aurait pu expliquer au gouvernement cette équation symbolique toute simple. Il est impensable que tout le monde réagisse bien à des consignes autoritaires, souligne-t-il.

Nicolas Lévesque prévoit d’ailleurs qu’après la tristesse et l’abattement viendra la révolte, réaction inéluctable au sentiment d’impuissance.

Dans son salon de coiffure de Saint-Constant, Véronique Roussain-Hains arrête soudain de pleurer. Elle m’explique vouloir passer à l’action, trouver une solution, faire quelque chose. Ce quelque chose, pour l’instant, c’est la création d’une page Facebook qui s’intitule Pour le respect d’abord. Cette idée lui est venue lorsque le gouvernement a laissé planer la possibilité d’imposer le passeport vaccinal dans les salons de coiffure. Je ne peux pas accepter de discriminer mes clientes. Ça ne correspond pas à mes valeurs, lance-t-elle.

La page compte plus de 4000 membres. Dans les derniers jours, elle y a beaucoup fait la promotion du convoi de la liberté prévu pour le 28 janvier prochain. Ce convoi doit rassembler des camionneurs québécois qui refusent d’être soumis à la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

Ils entendent manifester en grand nombre et se rendre à Ottawa pour faire entendre leurs klaxons et, sans doute ainsi, faire raisonner leur tristesse autrement.

Avec Radio-Canada par Émilie Dubreuil

Canada-Québec: Le départ du Dr Arruda, une occasion de repenser la gestion de la pandémie

janvier 11, 2022

« Son successeur devra bénéficier de la plus grande indépendance dans ses avis pour assurer l’adhésion de la population », plaide le Collège des médecins.

Gros plan d'Horacio Arruda.

Le DNSP du Québec, le Dr Horacio Arruda, a démissionné lundi soir. Photo: Radio-Canada/Ivanoh Demers

La démission du Dr Horacio Arruda offre une occasion de revoir comment le gouvernement du Québec et la direction nationale de santé publique (DNSP) gèrent la pandémie de COVID-19, estiment des experts interrogés par Radio-Canada.

C’est notamment le cas du Dr André Veillette, immunologiste et chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), qui n’a pas mâché pas ses mots envers l’ancien patron de la direction nationale de santé publiqueDNSP dans une entrevue accordée à l’émission Tout un matin.

Il a été très utile pour rallier la population au combat contre la pandémie, mais avec le temps, il devenait de plus en plus fatigué et il y a certaines de ses décisions ou recommandations qui devenaient controversées. Il semblait aussi être un peu déphasé avec ce que la science internationale disait, a-t-il commenté mardi.

Alors un moment donné, ça devient évident que ces choses-là vont arriver. Je pense que l’idée, c’est de tourner la page et espérer que si on a commis des erreurs, peut-être dans la façon dont la santé publique donnait leurs avis, j’espère qu’on va prendre cette opportunité-là pour les corriger.

Au début de la pandémie, il était difficile d’asseoir des recommandations sur des données scientifiques probantes, qui n’étaient tout simplement pas au rendez-vous, concède M. Veillette. Mais les connaissances scientifiques sur la COVID-19 se sont ensuite améliorées, sans que M. Arruda n’en soit au diapason.

C’est sûr qu’une fois qu’on a considéré ces données-là, évidemment, on peut moduler en fonction de la politique ou des besoins sociaux ou d’autres considérations. Mais d’abord et avant tout, ça devrait être basé sur de la science. On ne peut pas faire des choses à l’encontre de la science, plaide-t-il.

Et c’est là où je pense que, ces derniers temps, M. Arruda avait certaines difficultés. Moi, je préconisais qu’il devrait y avoir davantage d’avis d’experts indépendants du gouvernement qui influencent le ministère de la Santé et le premier ministre. Je pense que c’est possible de faire ça.

« Quand M. Arruda parlait de ses experts, on ne savait jamais de qui il parlait. Il disait : »mes experts m’ont dit ci, m’ont dit ça ». Je pense que ce serait plus important d’avoir plus de transparence. Qui sont les experts? »— Une citation de  Dr André Veillette, immunologiste et chercheur à l’IRCMAndré Veillette,  assis sur une chaise, devant une caméra.

L’immunologiste André Veillette, lors d’une entrevue pour l’émission Découverte (archives)

PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANCOIS MICHAUD

De l’importance d’obtenir des avis d’experts indépendants

Selon le chercheur, il serait plus approprié qu’il y ait une certaine distance entre les experts et le gouvernement , et que ce dernier recueille l’opinion de conseillers scientifiques indépendants qui ne font partie du gouvernement, qui ne sont pas payés par le gouvernement.

Ce n’est pas juste pour le virus, c’est pour la ventilation, c’est pour la santé mentale, les comportements de la population, poursuit M. Veillette.

On a besoin de ces avis indépendants et je pense qu’il devrait y avoir quand même une certaine transparence quand ces avis sont émis. Est-ce qu’ils devraient être rendus publics ou non? Je ne le sais pas, mais ça devrait être clair qu’il y a un comité indépendant d’aviseurs.

« Je pense qu’ils doivent revoir le mécanisme d’avis d’experts. Les experts, on devrait les connaître, ça devrait être de vrais experts, […] pas des experts du gouvernement qui sont payés par le gouvernement. Vous savez, quand votre employeur vous demande votre opinion, que c’est lui qui paie votre salaire, c’est sûr que votre opinion peut être assez influencée par cette situation. »— Une citation de  Dr André Veillette, immunologiste et chercheur à l’IRCM

Le Collège des médecins du Québec a abondé dans le même sens dans un tweet où il salue le Dr Arruda pour avoir mobilisé la population pour respecter les mesures sanitaires dès le début de cette longue pandémie 

Son successeur devra bénéficier de la plus grande indépendance dans ses avis pour assurer l’adhésion de la population, plaide l’ordre professionnel des médecins québécois.Le Dr Mauril Gaudreault, en entrevue

Le président du Collège des médecins du Québec, Mauril Gaudreault (archives)

PHOTO : RADIO-CANADA

Des rôles à différencier

Maude Laberge, chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec pour l’axe Santé des populations et pratiques optimales en santé et professeure à l’Université Laval, est aussi de cet avis. Selon elle, il faut mieux départager les rôles du gouvernement et de la direction nationale de santé publiqueDNSP.

La science, ça peut être tenir compte de la science et des données probantes qu’on a, mais il y a aussi d’autres éléments dont le gouvernement va tenir compte que la santé ne va pas tenir compte, a-t-elle expliqué dans une entrevue accordée à l’émission Première heure.

Elle donne l’exemple de la pression que des tenanciers de bars ou des propriétaires de restaurant peuvent exercer sur le gouvernement pour ouvrir leurs portes, pour des raisons économiques. C’est tout à fait possible que ces gens fassent pression sur le gouvernement, mais par contre, [ils] ne devraient pas faire pression sur la santé publique, observe-t-elle.

« Ce n’est pas quelque chose que le directeur national de santé publique devrait nécessairement prendre en compte lorsqu’il fait ses recommandations, mais je pense que le gouvernement, le premier ministre, peut tenir compte des recommandations de la santé publique sans être calqué exactement non plus dessus dans ses décisions. »— Une citation de  Maude Laberge, chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec

À l’instar du Dr Veillette, elle reconnaît qu’il était pratiquement inévitable que des erreurs aient été commises au moment on construisait l’avion en plein vol. Plus récemment, Québec aurait cependant eu avantage à s’appuyer sur une diversité des opinions pour appuyer ses décisions.

Il y a un moment où la population est beaucoup plus fatiguée par rapport aux mesures, et l’adhésion est plus difficile à avoir, et donc, le discours a besoin d’être très clair. Et on a eu une certaine confusion ces derniers temps par rapport à certaines mesures, par rapport à certains revirements, observe la professeure Laberge.

Donc je pense que, parfois, dans la rapidité à prendre des décisions, il y a peut-être des acteurs clés qui n’ont pas toujours été consultés pour s’appuyer sur la diversité des opinions avant de faire une recommandation et qui peut avoir donné lieu à certaines erreurs.

La chercheuse croit qu’il serait dorénavant avantageux que le directeur national et de la santé publique et le gouvernement du Québec offrent des points de presse distincts pour s’assurer qu’on ne mélange pas la santé publique et les décisions, [qui] sont celles du gouvernement.

Il y a peut-être une transparence qui est nécessaire là [afin] de ne pas faire poser le fardeau sur la santé publique alors que ce n’est pas nécessairement le seul élément que considère le gouvernement quand il prend des décisions, souligne-t-elle.

Canada: « La seule façon de traiter la COVID, c’est de ne pas l’attraper »

janvier 8, 2022
Le Dr Mathieu Simon, de l'IUCPQ

Dr Mathieu Simon, chef des soins intensifs de l’IUCPQ Photo: Radio-Canada

Des patients qui meurent par dizaines, des malades non vaccinés qui submergent les services de soins intensifs et des gens qui agissent comme si la pandémie n’existait pas.

C’est dans ce contexte que le chef des soins intensifs de l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec travaille. Mathieu Simon est au front depuis le début de la pandémie.

Depuis l’arrivée d’Omicron, il soigne de plus en plus de jeunes très malades et surtout non vaccinés. Ces jeunes-là ont des séjours très, très durs et très, très longs. On parle de 10 à 14 jours de ventilation. Ce n’est pas quelque chose que l’on ne souhaite à personne.

Aux soins intensifs, on retrouve surtout les plus jeunes malades alors qu’aux étages de soins réguliers contre la COVID, le docteur Simon voit surtout des patients plus âgés qui doivent se battre pour leur vie. Ce sont des gens plus fragiles qui sont vaccinés et qui devant l’Omicron, leur système immunitaire se retrouvent débalancé. Ça ressemble à une très mauvaise saison d’influenza.

« Malgré l’acharnement du personnel soignant, il y a des gens qui meurent. Cette semaine j’ai perdu cinq patients. La COVID ne se traite pas bien. La seule façon de traiter la COVID c’est de ne pas l’attraper. »— Une citation de  Mathieu Simon, de l’IUCPQ

Les quarts de travail prolongés, la fatigue et le stress de sauver des vies finissent par briser le moral des troupes. Et quand on demande au docteur Simon ce qu’il pense des non-vaccinés et de la disproportion de leur présence aux soins intensifs, il fait preuve de bienveillance. Le système de santé traite les gens, peu importe les choix qu’ils font. Ça ressemble beaucoup à quelqu’un qui a un cancer du poumon et qui refuse d’arrêter de fumer. Il faut respecter les choix de l’individu.

Il rappelle seulement de manière objective que :si vous n’êtes pas vacciné, vous êtes extrêmement vulnérable.

Le système de santé réussit, malgré tout, à maintenir les services à un niveau acceptable. On n’est pas dans un mode de protocole de triage et d’attribution des lits et on ne veut surtout pas se rendre là.

Avec Radio-Canada