Ces convois de manifestants antipass et anti-Macron convergent vers Paris, malgré une interdiction de la préfecture. Le président dit entendre leur colère.
Les « convois de la liberté » vont-ils bloquer Paris ce week-end ? Malgré l’interdiction décrétée par la préfecture de police de la capitale, ainsi que la fermeté affichée par les autorités, des milliers de manifestants opposés au pass vaccinal, mais aussi au gouvernement d’Emmanuel Macron, convergeaient, vendredi, vers la Ville Lumière, partis de toute la France. Des cortèges de dizaines, voire de centaines de voitures de particuliers, de camping-cars ou encore de camionnettes se sont organisés, dès le lever du jour, depuis Lille, Vimy ou encore Strasbourg.
Dans l’Ouest, 280 véhicules, selon la gendarmerie, plus de 400, selon l’Agence France-Presse, sont partis dans la matinée de Châteaubourg (Ille-et-Vilaine). Quelque 2 600 véhicules, selon la police, faisaient route en début d’après-midi vers la capitale. C’est une action « d’une ampleur phénoménale », a dit à l’Agence France-Presse un coordinateur du mouvement. « Il y a des gens de tous horizons, pas du tout que des fachos. On est des citoyens, on a des familles, on travaille, on est juste solidaires contre le gouvernement », résume, depuis Vimy, Sarah, une tatoueuse de 40 ans venue de Lens saluer le convoi.
Emmanuel Macron appelle au calme
Emmanuel Macron a, pour sa part, appelé vendredi « au plus grand calme », tout en disant « entendre et respecter » la « fatigue » et « la colère » liées à la crise sanitaire. Dans un entretien à Ouest-France alors qu’il se trouvait vendredi à Brest, le chef de l’État et quasi-candidat à la présidentielle souligne que la France a « besoin de concorde, de beaucoup de bienveillance collective ».
« Nous sommes tous collectivement fatigués par ce que nous vivons depuis deux ans. Cette fatigue s’exprime de plusieurs manières : par du désarroi chez les uns, de la dépression chez d’autres. On voit une souffrance mentale très forte, chez nos jeunes et moins jeunes. Et parfois, cette fatigue se traduit aussi par de la colère. Je l’entends et la respecte », déclare Emmanuel Macron, qui a participé à un sommet sur les océans à Brest.
« Les revendications des uns et des autres sont toujours légitimes. Nous avons d’ailleurs toujours préservé le droit de manifester, le pluralisme démocratique, les débats parlementaires durant cette période. Mais nous avons besoin de concorde, de beaucoup de bienveillance collective », conclut-il.
Retrait du pass vaccinal, prix de l’énergie, pouvoir d’achat… des revendications multiples
Rassemblement hétéroclite d’opposants au président Emmanuel Macron et de Gilets jaunes qui ont protesté contre son gouvernement en 2018-2019, le mouvement s’est constitué sur les réseaux sociaux et les messageries cryptées sur le modèle de la mobilisation qui paralyse la capitale canadienne Ottawa. Les manifestants exigent le retrait du pass vaccinal et défendent des revendications sur le pouvoir d’achat ou le coût de l’énergie.
Réfutant toute volonté de bloquer la capitale, les participants espèrent y passer la nuit puis grossir samedi les rangs des cortèges contre le pass vaccinal organisés chaque semaine. « C’est important de ne pas déranger les autres usagers, de garder la population de notre côté, comme au Canada », a lancé Robin, depuis un parking à Illkirch-Graffenstaden, en banlieue de Strasbourg. « Il faut être très ferme » en cas de tentatives de blocage, a mis en garde le Premier ministre Jean Castex sur France 2. « La vaccination est une forme de respect des autres », a-t-il dit.
« Je ne peux en aucun cas laisser associer ces attaques virulentes contre la vaccination et le mot liberté », car « la liberté, ce n’est pas celle, je l’ai déjà dit dix fois, de contaminer les autres », a-t-il averti. Pour lui, les revendications de ce mouvement ne sont « pas toujours très claires », mais « surtout à connotation sanitaire, des revendications qu’on connaît depuis longtemps contre la vaccination ». « Le droit de manifester et d’avoir une opinion est un droit constitutionnellement garanti dans notre République et dans notre démocratie. Le droit de bloquer les autres ou d’empêcher d’aller et venir ne l’est pas », a-t-il mis en garde.
L’avertissement de Gabriel Attal contre les « tentatives d’instrumentalisation »
Vendredi se répandaient aussi des appels à occuper samedi des ronds-points en région. « Je lance un appel à rejoindre toutes les grandes villes pour les occuper, multipliez les points de rassemblement », a lancé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux l’un des initiateurs du mouvement, sous le pseudonyme de Rémi Monde.
Si des participants s’affichent comme des citoyens « apolitiques » et « apartisans », le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a mis en garde vendredi contre la « tentative d’instrumentalisation » politique de la « lassitude des Français » vis-à-vis de la pandémie de Covid-19, à deux mois de l’élection présidentielle. Le chef de file des Patriotes Florian Philippot, dont les troupes défilent chaque samedi à Paris contre les restrictions sanitaires, a prévu d’accueillir vendredi après-midi les manifestants place Denfert-Rochereau, dans le sud de la capitale.
Un « dispositif spécifique » des forces de l’ordre
La préfecture de police de Paris a décrété jeudi l’interdiction dans la capitale de cette mobilisation en raison de « risques de troubles à l’ordre public ». Un « dispositif spécifique » doit être mis en place « pour empêcher les blocages d’axes routiers, verbaliser et interpeller les contrevenants », qui encourent 6 mois de prison et 7 500 euros d’amende, a indiqué la préfecture. Des soutiens à la mobilisation ont déposé un recours pour annuler l’interdiction de rassemblement, dont l’audience a commencé à 14 h 30 au tribunal administratif de Paris.
Les convois n’en ont pas moins maintenu leur cap, animé par un esprit de convivialité et de lien social similaire à celui qui avait imprégné le début du mouvement des Gilets jaunes. « On n’a jamais peur du peuple quand on gouverne », a assuré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire sur CNews. « Mais le peuple français, c’est les millions de Français qui sont responsables, et qui en se vaccinant, en allant travailler, en continuant à faire tourner l’économie, garantissent notre liberté collective », a-t-il poursuivi.
Avec Le Point