Posts Tagged ‘Paul Mwilambwe’

RDC : Paul Mwilambwe, « témoin » crucial du procès Chebeya

décembre 8, 2021
Paul Mwilambwe au mois de juin 2019 à Dakar, au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Condamné par contumace en première instance, le major est revenu à Kinshasa après dix ans d’exil pour donner sa version lors du procès en appel des assassins présumés de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Un moment très attendu par les parties civiles.

Voilà dix ans qu’il n’avait pas enfilé son uniforme bleu marine de major de la police congolaise. Rentré à Kinshasa le 2 décembre par un vol commercial de la compagnie Brussel Airlines, une décennie après avoir fui la RDC, Paul Mwilambwe est appelé à comparaître ce 8 décembre devant le tribunal militaire siégeant à la prison de Ndolo. Il doit y livrer sa version des faits lors du procès en appel des assassins présumés de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

Depuis le 22 septembre, le major Christian Ngoy Kenga Kenga et le sous-commissaire adjoint Jacques Mugabo comparaissent devant la Haute cour militaire. Le premier refuse de se présenter devant les juges, mais le second a déjà livré certains détails sur son rôle, sur celui de son co-accusé et sur celui de l’ancien tout-puissant général John Numbi. Lors du procès en première instance, en juin 2011, Kenga Kenga et Mugabo avaient été condamnés à mort par contumace, tout comme le major Paul Mwilambwe et le colonel Daniel Mukalay, qui était alors le seul haut gradé présent sur le banc des accusés. La sentence de ce dernier a été commuée en une peine de quinze ans de prison en appel en 2015.

Depuis dix ans, Paul Mwilambwe assure qu’il est innocent. Ses confessions, recueillies et diffusées le 10 juillet 2012 par le réalisateur belge Thierry Michel, avaient été parmi les premières à mettre directement en cause le général John Numbi, identifié par les parties civiles comme le commanditaire du double assassinat, et à livrer les noms des membres du commando ayant participé au meurtre.

Tout suivi, tout entendu

Pour les parties civiles, Mwilambwe est un témoin crucial. Il est celui qui a tout suivi, tout entendu le soir du 1er juin 2010. « C’est le témoin clé, le témoin oculaire, se réjouit Me Richard Bondo, l’un des avocats des familles des victimes, qui avait réclamé sa comparution au début de la procédure. Nous espérons que cela va relancer le procès et surtout que cela aura un impact sur le dossier en cours d’instruction dans lequel John Numbi est poursuivi. »

IL ASSISTE À LA SCÈNE DE L’ASSASSINAT DE CHEBEYA PAR LE BIAIS DES CAMÉRAS DE SURVEILLANCE

Le puzzle de cette macabre soirée, progressivement reconstitué à la faveur des récents témoignages des membres du commando, récupère, avec le retour de Mwilambwe, une nouvelle pièce. En cette fin d’après-midi du 1er juin 2010, le major Mwilambwe se trouve, selon son propre récit, à son bureau, à l’étage de l’Inspection générale de la police (IGP), où il s’occupe de la sécurité. Il est le premier à accueillir Floribert Chebeya lorsque celui-ci s’extrait de la Mazda grise conduite par son chauffeur du jour, Fidèle Bazana. Mwilambwe sait tout de suite à qui il a affaire. Le major Christian Ngoy Kenga Kenga l’a informé qu’un invité de marque est venu rencontrer le patron des forces de l’ordre congolaises : le général John Numbi.

Les proches de Chebeya assurent que, ce jour-là, l’emblématique président de l’ONG la Voix des sans voix (VSV) était venu confronter Numbi aux éléments dont il dispose sur la répression du mouvement Bundu Dia Kongo en 2008, dans la province du Bas-Congo. Le bataillon Simba, police dans la police aux ordres de Numbi et dirigée par Kenga Kenga, est accusé d’avoir été le moteur de ces opérations.

Mais Mwilambwe, qui suit quotidiennement l’agenda de Numbi, sait qu’il n’est pas présent sur les lieux ce 1er juin : le patron de la police s’est absenté il y a quelques heures et n’est toujours pas revenu. Il reste donc avec Chebeya dans son bureau pendant plus d’une heure. Numbi ne remettra jamais les pieds à l’IGP ce soir-là. Chebeya et Mwilambwe sont rejoints par le major Kenga Kenga, qui s’excuse de l’absence de son chef et propose au patron de la VSV de se rendre à la résidence de Numbi. Les deux hommes sortent. La suite, Paul Mwilambwe y assiste par le biais des caméras de surveillance.

Toujours selon son récit, Chebeya est étouffé à l’aide d’un sac en plastique. La scène de son assassinat est ensuite maquillée puisqu’il sera retrouvé à l’intérieur de la Mazda avec laquelle il est arrivé, des préservatifs à son côté et de faux SMS envoyés depuis son téléphone. Resté au parking, Fidèle Bazana a déjà été attaqué par une partie du commando. Son corps n’a toujours pas été retrouvé malgré une descente des juges à Mitendi – selon les témoignages, il s’y trouverait, sur la parcelle du général Zelwa Katanga, dit « Djadjidja ».

Fuite par les toilettes

Lorsque la presse révèle la mort des deux hommes le lendemain, la nouvelle provoque un choc et la chasse aux coupables commence. Au moment du procès en première instance, Paul Mwilambwe est considéré comme en fuite par la justice congolaise. Selon le récit qu’il tient depuis neuf ans, il aurait pourtant consenti à témoigner et se serait même livré à l’auditorat militaire en avril 2011. Il y aurait été auditionné pendant plusieurs heures par le procureur militaire, le général Ponde. Le major dit avoir ensuite été remis à des agents de l’Agence nationale de renseignement (ANR), puis transféré en juillet via un vol cargo vers Lubumbashi, où il sera détenu dans différentes résidences. Convaincu que sa vie est en danger, Mwilambwe parviendra à s’échapper par la fenêtre des toilettes de la maison où il se trouve.

IL A TOUJOURS DIT QU’IL DISPOSAIT D’ÉLÉMENTS CONTRE CES GENS ET QUE SON INTENTION N’ÉTAIT PAS DE FUIR LA JUSTICE

Passant par la Tanzanie puis le Kenya, il trouve refuge au Sénégal, où sa famille finit par le rejoindre. Une procédure y est ouverte en 2014 à la suite d’une plainte des deux familles des victimes. Elle ne connaîtra jamais de suite concrète, mais son instruction empêchera Mwilambwe d’obtenir l’asile sur place. Récemment, il avait fini par rejoindre la Belgique.

Pendant toutes ses années d’exil aux quatre coins du continent et jusqu’en Europe, l’ancien major n’a cessé de marteler qu’il dispose d’éléments solides pour prouver le rôle de Joseph Kabila et de John Numbi dans l’assassinat de Chebeya et de son chauffeur. Mais il s’est toujours refusé à en dire plus, assurant qu’il réservait sa parole pour la justice. Ce sont les arrestations de nombreux membres du commando depuis septembre 2020 et les témoignages de trois policiers en exil qui ont ouvert la porte à une relance du procès.

« Rétablir la vérité »

.es avocats de la défense lors du procès en premier instance, en 2012, à Kinshasa
.es avocats de la défense lors du procès en premier instance, en 2012, à Kinshasa © JUNIOR D. KANNAH/AFP

Joint à plusieurs reprises ces derniers mois, Paul Mwilambwe nous avait affirmé se montrer prudent concernant un éventuel retour en RDC pour témoigner. Malgré le départ de Joseph Kabila du pouvoir, malgré aussi le limogeage et la fuite de John Numbi, les conditions de sécurité et d’équité devant le tribunal militaire n’étaient, selon lui, pas réunies. Déterminé à obtenir son acquittement, il a fini par rentrer pour « rétablir la vérité ».

Cette fois dans le costume du prévenu, il se fait discret depuis son arrivée à Kinshasa, et vit en résidence surveillée, gardé par des militaires congolais. Fini les interviews, il espère désormais se défendre devant la justice. « Il a toujours dit qu’il disposait d’éléments contre ces gens, que son intention n’était pas de fuir la justice et que la hiérarchie militaire avait fait de lui le fugitif qu’il n’est pas. Donc nous attendons son témoignage avec impatience », conclut Me Bondo, qui espère voir relancée la procédure contre John Numbi. Cet espoir se heurte néanmoins à un obstacle : huit mois après sa fuite, le général reste introuvable.

Avec Jeune Afrique par Romain Gras

RDC : l’affaire Chebeya-Bazana de retour devant la justice

septembre 22, 2021
Floribert Chebeya

Le procès en appel de deux membres du commando qui a tué le défenseur des droits de l’homme et son chauffeur s’est ouvert ce mercredi 22 septembre. 

Pendant six ans, les parties civiles ont attendu que le dossier rebondisse. Ce mercredi 22 septembre, un nouveau procès en appel s’est ouvert à Kinshasa dans l’affaire de l’assassinat du célèbre défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya et de son collègue Fidèle Bazana, le 1er juin 2010. L’audience publique, qui s’est déroulée à la prison militaire de Ndolo, avait été convoquée par la Haute cour militaire la veille, en réponse à l’appel interjeté par deux protagonistes de l’affaire : le major Christian Ngoy Kenga Kenga et le sous-commissaire adjoint Jacques Mugabo.

Lors du procès en premier instance, en juin 2011, ces deux policiers avaient été condamnés à mort par contumace, tout comme le major Paul Mwilambwe, toujours en fuite, et le colonel Daniel Mukalay, principal haut gradé alors présent sur le banc des accusés. À l’issue de la procédure en appel, en 2015, ce dernier a vu sa sentence commuée en une peine de quinze ans de prison.

Très critiquées, notamment par les familles des deux victimes, ces deux procédures s’étaient déroulées en l’absence de nombreux suspects, pour la plupart en cavale à cette époque. John Numbi, le patron de la police congolaise, avec lequel Chebeya avait rendez-vous le soir du meurtre, n’avait comparu qu’en première instance et sous le statut de simple témoin. Depuis plus de dix ans, il est considéré par les parties civiles comme le principal commanditaire de l’assassinat.

Renvoyé au 6 octobre

Le procès qui s’est ouvert ce mercredi est donc la poursuite, pour Christian Ngoy Kenga Kenga et Jacques Mugabo, de la procédure entamée en 2011. Selon l’un des avocats des parties civiles, maître Richard Bondo, présent à l’audience, Christian Ngoy Kenga Kenga a refusé de venir à la barre et de faire des déclarations devant la cour, car il n’était pas assisté d’un avocat. « Il a aussi demandé que son rôle au service de l’État depuis qu’il a rejoint l’armée soit reconnu », poursuit l’avocat des familles Chebeya et Bazana. Jacques Mugabo attend lui aussi d’avoir un avocat. L’affaire a donc été renvoyée au 6 octobre.

Paul Mwilambwe, l’autre condamné à mort par contumace dans le procès en première instance, vit pour toujours en exil. Premier à avoir brisé le silence autour de cette affaire, en 2012, il réside actuellement en Belgique, après être passé par le Sénégal. « Nous allons faire une requête à la cour pour demander son extradition », assure à Jeune Afrique maître Richard Bondo. Contacté par le magazine, Mwilambwe dit n’attendre « que son acquittement ». Et d’expliquer : « J’ai été sollicité, par le biais de la Monusco au début de l’année pour rentrer au pays et témoigner, mais je considère que ma sécurité sur place n’est pas garantie. »

Onze ans après le meurtre de l’emblématique patron de l’ONG la Voix des sans voix et de son collègue et chauffeur, cette nouvelle procédure judiciaire va-t-elle permettre d’en savoir plus sur le déroulement de cette macabre soirée du 1er juin 2010 ?

Nouveaux témoins

Si l’affaire rebondit à nouveau six ans après, c’est avant tout grâce aux nombreuses avancées survenues au cours de ces derniers mois. En juillet 2020, le général quatre étoiles John Numbi – inspecteur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) visé depuis 2016 par des sanctions internationales – est écarté de son poste et laissé sans nouvelle affectation.

Rentré dans sa ferme de Lubumbashi, il assiste quelques semaines plus tard à l’arrestation du major Christian Ngoy Kenga Kenga, interpellé dans la capitale du Haut-Katanga sur la base d’un mandat de la justice militaire. Proche collaborateur de Numbi depuis plusieurs années, il est soupçonné d’être le chef du commando qui a tué Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

En février dernier, c’est un autre membre présumé de ce commando, le policier Jacques Mugabo, qui a été arrêté, tout comme le brigadier-chef Doudou Ilunga, interpellé le 24 août. Les trois hommes ont en commun d’avoir été interpellés à Lubumbashi, où plusieurs membres du commando auraient été exfiltrés après le meurtre. Ils appartiennent  surtout au redoutable bataillon Simba, sorte de police dans la police aux ordres de Numbi, dont Christian Ngoy Kenga Kenga était le commandant.

Outre ces arrestations, l’attention autour de ce dossier a surtout été relancée par les témoignages de trois policiers en exil, Hergil Ilunga, Alain Kayeye Longwa d’abord, puis Erick Kibumbe Banza, dit Saddam. Ils ont, pour la première fois, reconnu leur participation au double assassinat.

L’ombre de John Numbi

Reste qu’en dépit des avancées, des nouveaux témoignages et de cette nouvelle procédure, il est difficile pour les parties civiles de ne pas penser au principal absent de cette audience, celui qu’elles considèrent comme le commanditaire majeur du crime : le général John Numbi. Proche de Kabila, qu’il connaît depuis son passage dans l’AFDL, le puissant général est présenté depuis le début de l’affaire comme le cerveau de l’opération. Il a été directement mis en cause par les policiers qui ont témoigné en exil, mais il n’avait jusque-là pas été directement poursuivi dans ce dossier.

Retranché pendant des mois dans sa ferme de la périphérie lushoise, où il fait depuis plusieurs années des affaires dans différents domaines, John Numbi a finalement quitté la RDC fin mars. Des sources sécuritaires congolaises assurent qu’il est passé par le Zimbabwe mais il demeure introuvable, alors qu’il est officiellement poursuivi par la justice militaire pour « association de malfaiteurs » et « assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana » depuis le 14 avril 2021. Les enquêtes le concernant ont été bouclées par l’auditorat militaire et l’affaire renvoyée au niveau de la Haute cour militaire.

« Nous attendons désormais d’être notifiés mais encore faudrait-il que des démarches soient entreprises pour savoir où il se trouve », s’inquiète maître Bondo. « La réouverture du procès nous redonne un peu d’espoir mais nous attendons surtout que tous les membres du commando comparaissent enfin. Nous avons déjà connu beaucoup de déceptions dans cette affaire. Cette fois nous voulons voir Numbi et les autres à la barre », a commenté Annie Chebeya, la veuve de Floribert Chebeya, depuis le Canada, où elle réside.

Avec Jeune Afrique par Romain Gras

Un ex-policier congolais demande son extradition du Sénégal

juin 11, 2019

Le palais de justice de Dakar

Paul Mwilambwe a été condamné à mort par contumace pour son rôle présumé dans l’assassinat d’un militant des droits humains.

Cet ex-policier congolais vivant à Dakar et condamné pour son rôle présumé dans l’assassinat d’un militant des droits humains en 2010 à Kinshasa, a annoncé mercredi qu’il demandait son extradition du Sénégal vers la République démocratique du Congo (RDC).

« J’attends la réaction de ces deux Etats », a déclaré à l’AFP cet ancien cadre de la police, Paul Mwilambwe, joint au téléphone à Dakar.

« Je veux que la République démocratique du Congo demande mon extradition parce que je vis caché au Sénégal depuis cinq ans et je n’ai toujours pas été jugé. Je veux simplement que la justice fasse son travail », avait-il déclaré dans un entretien à l’hebdomadaire Jeune Afrique publié le 2 juin.

Le corps du défenseur des droits humains, Floribert Chebeya, a été retrouvé le 2 juin 2010 dans sa voiture à la périphérie de Kinshasa.

La veille, il avait été convoqué dans les locaux de la police de Kinshasa pour y rencontrer son chef, le général John Numbi.

Son chauffeur, Fidèle Bazana, avait disparu ce même 1er juin au soir, après l’avoir accompagné au rendez-vous avec la police. Son corps n’a jamais été retrouvé, et la justice a conclu en première instance qu’il avait été assassiné, tout comme Floribert Chebeya.

A l’issue d’un procès, deux officiers ont été condamnés à mort. Trois autres, dont Paul Mwilambwe, qui étaient en fuite, ont été condamnés à mort par contumace.

Dans l’interview à Jeune Afrique, Paul Mwilambe promet de témoigner contre l’ex-chef de la police, le général John Numbi, promu inspecteur général de l’armée et contre l’ancien président Joseph Kabila.

Chebeya était la figure de l’ONG la Voix des sans voix. Lors d’un hommage mercredi à Kinshasa sur la tombe de Chebeya, la Voix des sans voix a demandé au nouveau président Félix Tshisekedi « la réouverture du procès de l’assassinat de Floribert Chebeya ».

Par Bbc.com