Le pape lors de sa visite à la basilique Notre-Dame de Québec. Photo : Radio-Canada
« J’ai présenté mes excuses, demandé pardon pour ce processus qui est un génocide », a déclaré vendredi le pape François aux médias, évoquant les abus subis par les peuples autochtones alors qu’ils étaient forcés de fréquenter les pensionnats.
Le souverain pontife a fait cette déclaration à bord de l’avion qui le ramenait à Rome au terme d’une tournée de six jours au Canada.
Le pape s’est excusé à plusieurs reprises au cours de la semaine pour le rôle de l’Église catholique romaine dans les institutions. Il a demandé pardon pour les abus commis par certains membres de l’Église ainsi que pour la destruction culturelle et l’assimilation forcée.
Cela n’est pas assez aux yeux de certains Autochtones qui se sont dits déçus que le pape n’ait pas nommé les crimes et les abus que les pensionnaires et les survivants ont subis. Ils lui ont également reproché de ne pas avoir utilisé le terme « génocide ».
Cependant, lorsqu’on lui a demandé s’il l’utiliserait désormais , François a répondu que oui.
« Enlever des enfants, changer leur culture, leur état d’esprit, leurs traditions – changer une race, une culture entière, oui, j’utilise le mot »génocide ». »— Une citation de Le pape François
Dans son rapport rendu public en 2015, la Commission de vérité et réconciliation avait qualifié les pensionnats pour Autochtones de forme de génocide culturel. Depuis, des groupes autochtones estiment qu’il s’agit bel et bien d’un génocide.
La députée néo-démocrate du Manitoba Leah Gazan a déposé une motion à la Chambre des communes l’année dernière demandant au gouvernement fédéral de reconnaître ce qui s’est passé dans les pensionnats comme un génocide, mais elle n’a pas obtenu le consentement unanime.
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a également conclu que la violence contre les femmes et les filles était une forme de génocide.
La négligence et les abus physiques et sexuels étaient endémiques dans les écoles, alors que l’Église catholique dirigeait 60 % des établissements.
À une question sur la doctrine de la découverte ou les déclarations officielles pour justifier la colonisation des Amériques, le pape a répondu : La colonisation, c’est mal. C’est injuste.
Soyons conscients que la colonisation n’est pas terminée. La même colonisation est là aussi aujourd’hui, a ajouté le souverain pontife.
Ralentir le rythme ou se retirer
Le pape François lors d’une conférence de presse à bord de l’avion le ramenant à Rome après sa tournée au Canada. Photo : Getty Images/Guglielmo Mangiapane
À 85 ans, diminué par des douleurs au genou le contraignant à se déplacer en fauteuil roulant, le pape a confié aux journalistes qu’il devrait réduire le rythme de ses déplacements.
Pour soulager sa gonalgie, le pape reçoit régulièrement des infiltrations et suit des séances de kinésithérapie, selon le Vatican. Il a toutefois écarté la possibilité d’une intervention chirurgicale, car il garde des séquelles de l’anesthésie subie en juillet 2021 lors de son opération au colon.
Le souverain pontife a déjà subi l’ablation d’une partie d’un poumon dans sa jeunesse et il souffre d’une sciatique chronique.
Le pape a aussi évoqué la possibilité de se mettre de côté.
« Je dois me ménager pour pouvoir servir l’Église, ou au contraire penser à la possibilité de me mettre de côté. »— Une citation de Le pape François
En toute honnêteté, ce n’est pas une catastrophe. On peut changer de pape. Ce n’est pas un problème. Je crois que je dois me limiter un peu, avec ces efforts, a ajouté le souverain pontife.
Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas poussé cette porte. Comme on dit, je ne l’ai pas senti, mais cela ne veut pas dire qu’après-demain je ne vais pas commencer à y penser, a-t-il confié.
C’était le troisième pape à démissionner dans l’histoire de l’Église catholique. Avant lui, Grégoire XII avait abdiqué en juillet 1415, et Célestin V, en décembre 1294.
Radio-Canada avec les informations de La Presse canadienne et Agence France-Presse
Le pape François s’est vu remettre une coiffe traditionnelle autochtone à la fin de son discours, lundi, à Maskwacis, en Alberta. Photo : Reuters/Guglielmo Mangiapane
Le pape François a de nouveau demandé pardon aux peuples autochtones « pour les crimes commis par de nombreux chrétiens envers eux » et a reconnu que ces excuses constituaient la première étape d’un long processus de réconciliation.
Il s’agissait de ses premières paroles publiques au Canada, adressées aux milliers de personnes, surtout des survivants des pensionnats et leurs familles, rassemblées à Maskwacis, une communauté crie de l’Alberta.
« Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones. »— Une citation de Le pape François
Je demande pardon pour la manière dont, malheureusement, de nombreux chrétiens ont soutenu la mentalité colonisatrice des puissances qui ont opprimé les peuples autochtones, a affirmé le pape, suivi d’applaudissements de la foule.
Je suis affligé, a-t-il continué. Je demande pardon, en particulier, pour la manière dont de nombreux membres de l’Église et des communautés religieuses ont coopéré, même à travers l’indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d’assimilation forcée des gouvernements de l’époque, qui ont abouti au système des pensionnats.
Il a également parlé des nombreux cas exemplaires de dévouement envers les enfants et de la présence de la charité chrétienne dans les pensionnats.
Néanmoins, les conséquences générales des politiques liées aux pensionnats ont été catastrophiques, a-t-il admis.
Dans l’assistance, de nombreux survivants étaient en pleurs et en profondes réflexions.
Certains d’entre vous sont certainement en difficulté pendant que je vous parle, a reconnu le souverain pontife. Il est cependant important de faire preuve de mémoire pour éviter l’oubli, parce que l’oubli mène à l’indifférence.
Et le contraire de l’amour, ce n’est pas la haine, c’est l’indifférence, a-t-il ajouté.
Ces excuses étaient similaires à celles prononcées au Vatican plus tôt cette année. Le pape a en effet demandé pardon pour les crimes commis par des membres de l’Église sans toutefois reconnaître le rôle de l’institution en soi.
« Je vous demande pardon »
Au premier jour de sa visite au Canada, dans la région d’Edmonton, en Alberta, le pape François a demandé pardon aux Autochtones qui ont été arrachés à leurs familles et envoyés dans les pensionnats. Plus de 60 % de ces écoles étaient gérées par l’Église catholique. Environ 150 000 enfants ont été forcés de les fréquenter. Reportage de Mathieu Gohier.
Une première étape
Le pape François a par ailleurs reconnu que davantage doit être fait, outre la demande de pardon.
Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas, mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrain propice à la dissimulation et la perpétuation, a-t-il soutenu.
« Une partie importante de ce processus consiste à mener une sérieuse recherche sur la vérité du passé et à aider les survivants des pensionnats à entreprendre des chemins de guérison pour les traumatismes subis. »— Une citation de Le pape François
Le pape a notamment appelé à ce que les chrétiens et la société civile puissent respecter l’identité et l’expérience des peuples autochtones.
J’espère que des moyens concrets seront trouvés pour les connaître et les apprécier, en apprenant à avancer tous ensemble, a-t-il dit.
Avant cette allocution du pape, un discours de bienvenue a été énoncé par Wilton Littlechild, un survivant du pensionnat Ermineskin et ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation.
Le discours officiel du pape s’est tenu sur le site réservé au pow-wow de Maskwacis. Des danses et des chants traditionnels l’ont d’ailleurs accueilli sur les lieux.
Je me suis revu enfant
Evelyn Korkmaz, survivante du pensionnat de Sainte-Anne, en Ontario, dit avoir attendu 50 ans pour enfin entendre des excuses du pape.
Je suis reconnaissante d’avoir vécu assez longtemps pour vivre ce jour, a-t-elle affirmé en conférence de presse.
Malheureusement, bon nombre de mes amis et camarades du pensionnat ne sont plus parmi nous et n’ont pas pu entendre ces excuses, a-t-elle dit. Les traumatismes qu’ils ont vécus ont eu raison d’eux par le suicide ou la consommation.
J’aurais aimé voir un plan précis du Vatican sur ce qu’il compte faire pour la réconciliation, a-t-elle ajouté.
Mon cœur s’est brisé pour tous les survivants présents. C’était beaucoup d’émotions au même moment, a confié l’un des chefs de Maskwacis, Randy Ermineskin. Je suis allé au pensionnat ici et quand j’attendais le pape, je me suis revu enfant.
Après aujourd’hui, a-t-il poursuivi, je veux qu’on se concentre sur l’espoir. Nous avons la chance de prendre la parole et de continuer de faire avancer la vérité.
La militante et professeure Cindy Blackstock a pour sa part partagé une réaction vidéo sur les réseaux sociaux. Pour elle, ce sont les actions qui suivront qui comptent le plus.
Ces excuses ne doivent pas être jugées sur la base des mots ‘’je suis désolé’’, mais plutôt sur les actions qui seront par la suite engendrées, a-t-elle dit.
Est-ce que le Vatican donnera un accès complet à ses documents? Est-ce qu’il y aura une réforme interne pour assurer que les abus d’enfants seront éliminés de l’Église? Est-ce que le Vatican prendra la responsabilité des sévices vécus par les enfants?, s’est-elle interrogée.
Le pape demande pardon aux Autochtones
Le pape François est visite au Canada. Il reconnaît les torts de l’église et présente ses excuses aux Autochtones. Entrevue avec Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones était présent à Maskwacis.
Je ne peux pas parler au nom des survivants, mais aujourd’hui j’ai vu beaucoup de pleurs, les gens étaient définitivement touchés; par contre, il est certain qu’il y aura aussi de la déception, a-t-il déclaré aux médias.
Il est clair que ces excuses ne doivent pas être une finalité, a-t-il ajouté. Il y a encore beaucoup de travail à faire, notamment l’accès aux documents, et on espère pouvoir compter sur la collaboration et le soutien de l’Église catholique pour la suite.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a quant à lui émis une déclaration écrite.
« L’événement qui nous a rassemblés aujourd’hui à Maskwacis est le fruit du courage, des efforts de sensibilisation et de la persévérance des Survivants des Premières Nations, inuits et métis qui ont relaté leurs souvenirs douloureux et raconté leurs expériences », a-t-il écrit.
« Aujourd’hui, nous pensons aux enfants qui ont été arrachés à leur famille et privés de leur enfance. »— Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada
« La réconciliation est l’affaire de tous les Canadiens. […] Personne ne doit oublier ce qui s’est passé dans les pensionnats du Canada, et nous devons tous veiller à ce que cela ne se reproduise jamais. »
La gouverneure générale du Canada, Mary Simon, était aussi présente et a réagit par écrit plus tard en soirée. « Certains faits sont indéniables. Il est difficile d’être confronté à notre véritable histoire. […] Plusieurs enfants et familles ne s’en sont jamais remis. Plusieurs enfants ne sont jamais rentrés chez eux. »
« Pour les peuples autochtones, ce moment n’est ni le début ni la fin du parcours de guérison. En tant que pays, nous devons nous interroger : Quelle est notre prochaine étape? Quelle est la société à laquelle nous aspirons? »— Une citation de Mary Simon, gouverneure générale du Canada
La gouverneure générale Mary Simon a rencontré le pape François à son arrivée sur le tarmac. Photo : La Presse Canadienne/Nathan Denette
Une arrivée dans l’humilité
C’est un pape d’une humilité et d’une simplicité étonnantes, malgré l’important cortège de sécurité l’entourant, qui est arrivé à Maskwacis autour de 10 h, heure locale.
Après une visite privée à l’église locale Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, il s’est rendu en fauteuil roulant jusqu’au cimetière d’Ermineskin au son du tambour de l’aîné Jerry Saddleback. Le pape y a pris quelques instants pour prier en silence.
Le pape François a prié en silence devant les tombes du cimetière de Maskwacis, en Alberta, à l’occasion de sa rencontre avec la communauté autochtone, et il a visité le site de l’ancien pensionnat Ermineskin. Photo : Reuters/Guglielmo Mangiapane
Ensuite, le chef de l’Église catholique s’est dirigé vers le site de l’ancien pensionnat, où il a été accueilli par les quatre chefs de Maskwacis, Desmond Bull, Randy Ermineskin, Wilton Littlechild et Vernon Saddleback.
Avant l’arrivée du souverain pontife, l’ambiance était déjà ponctuée d’émotions fortes parmi les gens présents.
Mon cœur bat très fort, a confié, ému, André Carrier, un survivant des pensionnats qui est le vice-président de la Fédération métisse du Manitoba.
J’ai subi les abus sexuels d’un prêtre, alors écouter les excuses du pape, c’est la première étape vers la réconciliation, a-t-il ajouté.
Le pape en compagnie des chefs de Maskwacis. Photo : (Nathan Denette/The Canadian Press)
Plusieurs dignitaires présents
Plusieurs leaders autochtones et représentants de l’État canadien étaient présents lors de ce premier événement de la visite papale.
La cheffe de l’Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, était accompagnée des trois leaders de délégations s’étant rendues à Rome rencontrer le pape ce printemps : Gerald Antoine (Premières Nations), Cassidy Caron (Métis) et Natan Obed (Inuit).
L’ancien chef de l’APN, Phil Fontaine, qui est lui aussi allé à Rome, faisait partie de l’assistance.
En plus de certains sénateurs et députés fédéraux, le premier ministre Justin Trudeau, la gouverneure générale Mary Simon, les ministres Marc Miller et Patty Hajdu ainsi que le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jagmeet Singh étaient sur place.
En fin de journée, le pape François s’est aussi rendu à l’église Sacré-Cœur des Premières Nations d’Edmonton, pour y rencontrer une délégation autochtone et des paroissiens.
Mardi, il officiera une messe au stade du Commonwealth, où plus de 60 000 personnes sont attendues.
OTTAWA — La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) annonce mercredi qu’une délégation notamment composée de survivants des pensionnats pour Autochtones et de jeunes des Premières Nations, des Inuits et des Métis rencontrera le pape François au Vatican du 17 au 20 décembre.
La délégation sera accompagnée pour l’occasion d’un petit groupe d’évêques canadiens de même que d’intervenants en santé mentale.
Le président de la CECC, Mgr Raymond Poisson, croit qu’il s’agira d’une étape importante dans les efforts de l’Église catholique pour renouveler, renforcer et réparer les relations avec les peuples autochtones du Canada.
Mgr Poisson affirme que l’Église réfléchira aux actions qu’elle peut entreprendre pour venir en aide aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés.
La Conférence des évêques catholiques du Canada explique que ce voyage sera l’aboutissement d’échanges continus avec l’Assemblée des Premières Nations (APN), le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapiriit Kanatami et d’autres chefs autochtones.
Les délégués élaborent actuellement le programme et l’itinéraire du voyage, mais la CECC assure que les représentants du Vatican ont d’ores et déjà confirmé que le Saint-Père participera à des réunions privées avec les délégués des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour entendre leurs témoignages personnels à propos des pensionnats pour Autochtones et des séquelles qu’ils ont laissées.
Les délégués auront également l’occasion d’exprimer leurs espoirs et leurs attentes en vue de l’éventuelle visite papale au Canada.
La Conférence des évêques catholiques du Canada signale qu’elle assumera les frais de voyage et d’accueil de la délégation officielle au Vatican.
De nombreuses personnes prennent la rue, à Ottawa, pour exhorter le gouvernement fédéral à déclencher une enquête indépendante sur les pensionnats pour Autochtones.
Les députés néodémocrates Mumilaaq Qaqqaq et Charlie Angus ont donné rendez-vous aux manifestants devant la flamme du Centenaire, sur la colline du Parlement. Des aînés autochtones devaient aussi mener la marche qui doit mener les personnes rassemblées devant les bureaux du ministère de la Justice.
Les appels à l’ouverture d’une enquête ont été lancés peu après la détection de multiples sépultures non marquées sur les sites d’anciens pensionnats, notamment en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.
Le Nouveau Parti démocratique demande, depuis le début juillet, une enquête criminelle indépendante sur les pensionnats pour Autochtones. On souhaite la nomination d’un procureur spécial qui interagirait avec la Cour pénale internationale.
Le bureau du ministre de la Justice, David Lametti, a depuis écarté l’idée de demander une enquête criminelle. On fait valoir qu’il s’agit d’un pouvoir exclusif réservé à la police.
WINNIPEG — L’archidiocèse de Saint-Boniface, au Manitoba, a écarté de la pratique pastorale un prêtre qui avait laissé entendre en chaire que des survivants de pensionnats pour Autochtones avaient menti dans le seul but de toucher les indemnités du gouvernement fédéral.
L’archevêque de Saint-Boniface, Albert LeGatt, a indiqué jeudi qu’il désavouait les propos de Rhéal Forest tenus lors d’une messe en l’église Saint-Émile, à Winnipeg, plus tôt ce mois-ci. Le prêtre n’est plus autorisé à prêcher ou à enseigner en public, a ajouté l’archevêque LeGatt.
Au cours de cette messe, diffusée sur les réseaux sociaux dans des vidéos maintenant supprimées, le prêtre Forest a déclaré que les élèves aimaient ces pensionnats et que certains avaient soutenu avoir été victimes d’agressions sexuelles pour toucher les indemnités. Le prêtre a également déclaré en chaire que les médias étaient mauvais.
Mgr LeGatt se dit désolé de la douleur que les remarques du prêtre ont causée aux Autochtones, en particulier aux victimes des pensionnats fédéraux. L’archevêque demande pardon et assure que le diocèse et les dirigeants de l’Église ont la responsabilité de comprendre la vérité sur ce qui s’est passé dans ces pensionnats pour Autochtones.
Les récentes découvertes faites sur les sites de pensionnats autochtones soulèvent plusieurs sentiments de part et d’autre selon le prêtre de la Paroisse Saint-Martin de Tours en Haute-Mauricie, Marc Lahaie. Ce dernier serait en faveur que des fouilles aient lieu à La Tuque si les anciens pensionnaires en font eux-mêmes la demande.
«Je pense que les Premières Nations s’attendent à ça et qu’ils veulent des réponses à leurs questions. C’est à eux qu’il faudrait toutefois poser la question», lance-t-il.
Marc Lahaie côtoie les Atikamekw depuis une dizaine d’années dans le secteur de la Haute-Mauricie. Il estime que c’est un privilège de pouvoir côtoyer les membres des Premières nations et il en compte d’ailleurs parmi ses amis. Pour lui, la meilleure façon d’aller de l’avant avec une réconciliation c’est «de marcher ensemble et surtout en sachant qu’on n’a pas tous les mêmes points de repère».
«C’est tout un processus», avoue-t-il.
Marc Lahaie avait assisté aux audiences de la Commission de vérité et réconciliation du Canada lors de son passage à La Tuque en 2013. «Après cette journée-là, j’étais allé prendre une marche sur la rive ouest. Je n’étais plus capable de rien faire de la journée. Quand tu écoutes des gens qui racontent ce qu’ils ont vécu, tu n’es pas dans l’intellectuel ou dans l’analyse: ça vient te toucher profondément.»
Le prêtre Lahaie ajoute «qu’il n’y a rien à défendre et qu’il faut prendre le coup et arrêter de mettre des nuances. Non, non, c’est vrai, il y a des choses qui se sont passées. Il faut avouer et s’excuser.»
Les plus récentes découvertes touchent également les mêmes cordes sensibles que celles de la tristesse et de la colère, selon le prête originaire du Cap-de-la-Madeleine. «Il y a de la tristesse et de la colère pour ce que les Premières Nations ont vécu, et aussi pour tant de religieux et de religieuses qui ne peuvent pas dire un mot, qui ne sont pas tous des pareils», estime Marc Lahaie.
Ce dernier regrette qu’on mette tout le monde dans le même panier. Lui qui connaît personnellement des personnes qui ont tout donné pour la société. «Mon autre peine, c’est comme dans les familles et les nations. Dans les religieux et les religieuses, spécialement ceux qui ne sont pas décédés. Il y a eu des gens qui ont été d’une générosité et d’un don de soi inouï, comme on a des grands-parents qui ont été des héros. Ils ont fait ça en silence et ils passent ‘’pour des pareils’’ et ils ne peuvent pas dire un mot», souligne Marc Lahaie.
Est-ce que l’Église devrait présenter des excuses aux Premières nations? La question semble simple, mais la réponse, elle, demeure complexe. «La manchette crée une perception qu’en plus d’avoir fait des dégâts, l’Église ne veut pas s’excuser, ce qui n’est pas le cas», précise M. Lahaie.
«La question a été posée 150 fois dans la Commission de vérité et réconciliation, c’était un des points. L’Église en a pris acte, mais le processus était plus long. C’était déjà en démarche. Avec la nouvelle qui est sortie, les gens vont dire que c’est à cause de la pression et que ce n’est pas sincère, etc. Alors que c’était déjà en processus. […] Au-delà du Pape, l’Église fonctionne beaucoup par diocèses. Dans les endroits, il y a plusieurs évêques qui se sont excusés au nom de l’Église. Il y a beaucoup de communautés religieuses qui l’ont fait», note-t-il.
Dans la paroisse Saint-Martin-de-Tours, il y a un registre paroissial qui date de plus de 100 ans et même si certaines informations sont difficiles à retracer, on met tous les efforts nécessaires pour répondre aux questions des gens. «Je pense que le plus important au-delà de tout ça, c’est d’accompagner les gens qui ont besoin d’avoir des réponses à leurs questions, mais aussi dans le processus de deuil. […] C’est certain que des événements font remonter de la colère, mais il faut en arriver à autre chose pour être en paix.»
«Il faut qu’on chemine, qu’on avance et qu’on trouve le plus de paix possible», a conclu Marc Lahaie
À la lumière des macabres découvertes faites récemment en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, Victoria accorde une enveloppe de 12 millions de dollars pour soutenir les Premières Nations dans leur recherche sur les sites d’anciens pensionnats pour Autochtones.
Au cours des ans, il y a eu 18 pensionnats pour Autochtone en Colombie-Britannique. Le premier, le pensionnat St Mary’s de Mission, a ouvert ses portes en 1863 pour les refermer 121 ans plus tard, en 1984.
Les Premières Nations souhaitent maintenant entamer des fouilles sur plusieurs des sites d’anciens pensionnats pour les Autochtones afin de mettre en lumière le destin tragique des enfants qui ne sont jamais rentrés à la maison.
Plusieurs de ces sites à travers la province et le pays sont encore la source de beaucoup de questions sans réponse et de douleurs terribles», souligne le ministre des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation, Murray Rankin, dans un communiqué.
En plus d’aider dans la recherche, la documentation et la commémoration sur les sites des anciens pensionnats, ce montant servira également à fournir un soutien au bien-être communautaire, à la culture et à la santé mentale.
C’est un important premier pas pour soutenir la résilience et la guérison des Premières Nations de la Colombie-Britannique», illustre la présidente du Conseil de la santé des Premières Nations (FNHA), Charlene Belleau.
Le gouvernement provincial travaillera de concert avec Ottawa et le FNHA afin de coordonner le soutien nécessaire pour la santé mentale et culturelle pour les Autochtones qui ont vécu de la détresse ou des traumatismes à la suite des récentes découvertes.
Pendant plus d’un siècle au Canada, plus de 150 000 enfants des Premières Nations, des Métis et des Inuit ont été placés dans des pensionnats pour Autochtones.
Il n’aura fallu que deux semaines pour que Deb Haaland exprime publiquement sa profonde consternation devant les centaines de sépultures anonymes découvertes près de sites d’anciens pensionnats pour Autochtones au Canada.
Le département entreprendra une enquête sur les décès survenus dans les pensionnats pour les Autochtones et les conséquences durables de ces établissements», a écrit la secrétaire d’État à l’Intérieur dans une note mardi dernier.
Ce n’est qu’en reconnaissant le passé que nous pourrons travailler vers un futur dont nous serons tous fiers», a-t-elle ajouté.
Moins d’un mois s’est écoulé entre la publication de ce mémo par Mme Haaland et l’annonce de la découverte de 215 sépultures anonymes à Kamloops, en Colombie-Britannique. En termes géopolitiques, moins d’un mois équivaut à un clin d’œil.
De plus, il est rare que des nouvelles en provenance du Canada aient un impact aussi drastique et rapide sur les affaires politiques des États-Unis, un pays où les Autochtones font d’ailleurs rarement les manchettes.
Or, l’ampleur de cette enquête à venir pourrait toutefois être révélatrice de l’ampleur des découvertes à faire en sol américain.
Il y a une prise de conscience», a affirmé Chase Iron Eyes, un avocat et activiste autochtone de longue date qui s’implique auprès du People’s Law Project, basé dans le Dakota du Nord.
Et maintenant, on ne peut plus se fermer les yeux sur ces vérités.»
Deux pays distincts, un système similaire
Les similarités entre les pensionnats pour Autochtones canadiens et américains ne s’arrêtent pas là. Je pense qu’en termes d’ampleur, c’est assez comparable», a indiqué Circe Sturm, professeure en anthropologie et spécialiste des questions autochtones à l’Université du Texas à Austin.
Au tournant du siècle, après que le Bureau des affaires indiennes des États-Unis eut pris le relais des missionnaires chrétiens, 147 écoles de jour et 106 pensionnats étaient en fonction, selon Mme Sturm.
En comparaison, au Canada, on estime que jusqu’à 130 pensionnats ont été en fonction de 1831 à 1996, et c’est sans compter les centaines d’écoles de jour.
Dans les deux cas, des centaines de milliers d’enfants sont passés par ces institutions.
Au Canada, la Commission de vérité et réconciliation évalue à au moins 3200 le nombre d’enfants qui y sont morts. De l’aveu même du ministre canadien des Services aux Autochtones, ça pourrait même être le double».
Ligne bilingue d’appui pour les survivants des pensionnats pour Autochtones au Canada : 1 866 925-4419
L’enquête lancée aux États-Unis par Deb Haaland tentera de recenser toutes les écoles qui faisaient partie du programme, en mettant l’accent sur toutes archives en lien avec des cimetières ou de potentiels sites d’enterrement qui pourraient ensuite être utilisées pour localiser des restes humains non identifiés».
Le Département assurera également la liaison avec les communautés autochtones des États-Unis, y compris en Alaska et à Hawaï, concernant la gestion de telles sépultures et la production d’un rapport final d’ici avril prochain.
La nouvelle a généré un intérêt médiatique hors du commun aux États-Unis, faisant notamment la une du Washington Post vendredi et décrochant une page complète dans le New York Times.
S’il fallait découvrir ces tombes pour que les Canadiens se rendent compte à quel point nous avons du travail à faire, ce sera peut-être un point de départ pour en accomplir encore davantage», a notamment déclaré Justin Trudeau lors d’une conférence de presse vendredi matin.
Des leaders autochtones pressent le premier ministre canadien d’obtenir des excuses de l’Église catholique formulées par le pape François lui-même en sol canadien, ce qu’il a déjà réclamé à plusieurs reprises, sans toutefois obtenir de réponse.
Si le président américain Joe Biden se joignait à lui, la demande pourrait toutefois être plus difficile à ignorer.