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Canada-Québec/Pénurie de main-d’œuvre : les entreprises doivent ralentir leur croissance, croit FAB 3R

septembre 3, 2022
Des travailleurs manipulent une pièce mécanique suspendue dans une usine.

Les employés de FAB 3R sont spécialisés dans la fabrication, l’usinage et l’assemblage de pièces mécaniques de grandes dimensions. Photo : Radio-Canada

Le manque de main-d’œuvre pourrait forcer des entreprises à ralentir leur croissance dans les prochaines années, et peut-être même à décroître, selon plusieurs experts. L’entreprise trifluvienne FAB 3R a amorcé cette réflexion. Le manufacturier spécialisé en assemblage et usinage mécanique est en croissance, mais la perte d’une quarantaine d’employés le force à revoir son modèle d’affaires.

Même si j’aspirais à retrouver les 150 employés que j’avais avant la pandémie, ça n’arrivera pas, laisse tomber son directeur général, Yves Lacroix. Plusieurs travailleurs ont profité de la crise sanitaire pour partir à la retraite, raconte-t-il, et depuis, l’entreprise peine à trouver des remplaçants.

Yves Lacroix pose dans une usine.

Yves Lacroix est le directeur général de l’entreprise FAB 3R. Photo : Radio-Canada/Josée Ducharme

La concurrence entre les employeurs sera d’autant plus grande avec l’implantation prévue de nouvelles entreprises au parc industriel et portuaire de Bécancour, estime M. Lacroix. La pénurie de main-d’œuvre pourrait s’aggraver jusqu’en 2030, selon lui.

Quand j’entends des entreprises dire qu’elles cherchent de la croissance, on n’est malheureusement pas à un moment pour parler de croissance. Si je regarde autour, avec les investissements qui vont se faire sur la rive sud, où va-t-on trouver toute cette main-d’œuvre? , souligne Yves Lacroix.

Face à cette situation, FAB 3R se questionne aujourd’hui sur l’épaisseur de son carnet de commandes. Le projet s’apparente à une décroissance, mais son directeur général préfère parler d’une consolidation.

On ne veut pas abandonner nos clients, mais on ne veut pas les servir de la mauvaise façon. Ce n’est pas tant qu’on choisit nos commandes, c’est qu’on regarde l’expérience et les équipements qu’on a pour avoir la parfaite adéquation entre les deux pour s’assurer qu’on est en mesure de livrer ce qu’on promet , explique M. Lacroix.

Son objectif est de bâtir une entreprise plus petite dans un horizon de deux à trois ans, pour éviter de surcharger les 110 employés restants.

Il faut plus d’immigrants, dit FAB 3R

Bien que l’entreprise ait amorcé ce processus, Yves Lacroix est convaincu que le salut des entreprises repose sur l’arrivée de travailleurs étrangers. Je pense que la meilleure solution pour le moment passe par l’immigration, parce que ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre la robotisation. 

Il souhaite que Québec et Ottawa accélèrent le traitement des demandes d’immigration. Faisons en sorte que les délais soient plus courts. Il y a bon nombre d’entreprises qui ont des besoins criants, mais ça prend jusqu’à un an et demi, tandis qu’au Nouveau-Brunswick, ils réussissent à avoir quelqu’un à l’intérieur de quatre à cinq mois. 

Une solution à quelques coins de rue

La solution au problème de FAB 3R n’est peut-être qu’à quelques coins de rue de son usine, croit le centre d’emploi pour femme, Le Pont.

Des cohortes pour former des opératrices d’équipement de production et de montage d’équipement électroniques ont déjà été mises en place par l’organisme.

Je lance un cri du cœur. Les organismes en employabilité, c’est une des solutions, j’en suis convaincue , clame la directrice du centre, Annie Brassard.

Annie Brassard parle dans un bureau.

Annie Brassard dirige le centre d’emploi pour femme, Le Pont, situé à Trois-Rivières. Photo : Radio-Canada

Elle est convaincue que son organisme pourrait faire la même chose pour former notamment des machinistes qui pourraient œuvrer chez FAB 3R. Son équipe a d’ailleurs initié un premier contact auprès de l’entreprise, vendredi, et rapporte avoir perçu une ouverture chez le manufacturier.

Radio-Canada avec les informations de Charles-Antoine Boulanger

Le stockage de produits pétroliers : une stratégie gagnante en période de pénurie

juillet 30, 2022

Avec la guerre en Ukraine, de nombreux pays africains sont exposés à des risques de pénurie de produits pétroliers. Le continent ne disposant pas d’infrastructures de stockage suffisantes pour répondre à la demande en temps normal, qui peut dire ce qu’il en serait en cas de disette générale ?

Des personnes font la queue pour du carburant dans une station-service à Yaoundé, le 19 juillet 2022. Depuis près de deux semaines, l’essence et le diesel font défaut dans les principales villes du Cameroun. © DANIEL BELOUMOU OLOMO/AFP

Nous l’avions déjà indiqué dans une précédente tribune sur ce même site : la crise énergétique que traverse le monde – à plus ou moins grande échelle –, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a ouvert les débats sur la sécurité des approvisionnements en gaz naturel dans plusieurs pays d’Europe fortement dépendants des importations de gaz russe pour leurs industries et le chauffage domestique.

Désormais, si l’Amérique du Nord – gros producteur et détenteur de capacités de stockage stratégique d’envergure  – et le Moyen-Orient, important producteur et faible consommateur, semblent relativement épargnés,  les pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique subissent eux aussi les conséquences de cette crise mondiale à degrés différents.

Pour les pays importateurs de gaz naturel – les plus affectés –, l’un des effets de cette pénurie a été la recherche de sources alternatives d’approvisionnement. Et cela n’est pas aisé car ce sont des projets qui exigent de lourds investissements en infrastructures, qu’il s’agisse de gazoducs ou d’usines de liquéfaction, de navires méthaniers et  de terminaux de regazéification pour la chaîne GNL. De plus, les volumes exportés sont compromis sur des contrats de livraison à long terme, laissant peu de marge pour des opérations spot… quoique celles-ci soient de plus en plus courantes dans le cas du GNL.

Pression sur les prix

Ainsi, le choix de substitution du gaz en Europe s’est donc porté sur les produits pétroliers, la remise en service de centrales au charbon et même le nucléaire. Cela a eu pour effet de reporter les objectifs européens de politique environnementale d’émissions zéro de CO2. À court terme, il est clair que les produits pétroliers offrent une solution plus immédiate et plus souple car leur utilisation est technologiquement dominée. Cependant, cela a créé aussi une pression sur les prix internationaux du brut et des produits pétroliers, qui ont fini par affecter tous les pays importateurs. C’est le cas notamment de nombreux pays d’Afrique, qui se voient subitement entrainés dans une crise qui leur semblait lointaine au départ. Ainsi, en plus de la difficulté de se procurer des produits pétroliers de plus en plus chers – essence, gazole, GPL en particulier –, si la plupart des pays africains ne disposent déjà pas d’infrastructures de stockage suffisantes pour répondre à la demande en temps normal, qui peut dire ce qu’il en sera en temps de pénurie?

Les conséquences d’un risque de rationnement ou de manque de produits pétroliers peuvent non seulement ralentir, voire paralyser, certaines activités économiques et faire flamber les prix – avec les conséquences sociales que l’on imagine –, mais peuvent également créer un climat d’insatisfaction politique généralisée avec l’inflation qui en résultera. Dans le secteur domestique, cela peut signifier un retour à la consommation de bois pour la cuisson et un retrait dans les objectifs de pénétration du GPL à plus grande échelle.

Sortir des sentiers battus

Une politique d’augmentation de la capacité de stockage stratégique des produits pétroliers semble donc une option à étudier sérieusement dès maintenant. Toutefois, les délais de fabrication et de construction de ces réservoirs de grande capacité sont relativement longs, et il convient de regarder les rares opportunités qui se présentent sur le marché.

Par exemple, nous pouvons citer le cas du projet de construction d’un grand complexe pétrochimique au Brésil, qui a été annulé il y a quelques années. Nous savons que deux réservoirs de GPL de 4 000m³ de capacité chacun – qui n’ont pas été montés et dont le fabricant assure toujours la garantie – sont disponibles pour livraison immédiate à un prix très inférieur au prix d’un réservoir commandé maintenant, pour livraison dans huit à dix mois dans le meilleur des cas. Ainsi, en plus de bénéficier d’un prix très avantageux, l’achat de ces réservoirs permettrait à l’acquéreur de mettre en service un projet de stockage de GPL dans un délai moitié moins long que pour un projet greenfield.

En  général, c’est dans les périodes de crise qu’il faut sortir des sentiers battus, développer la créativité et se risquer à des solutions innovantes.

Patrick H. Drummond

Avec Jeune Afrique par Patrick H. Drummond

Ingénieur, directeur général de ICTx Consulting, spécialisé dans le développement de projets gaziers au Brésil et en Afrique.

Canada: La pénurie de main-d’œuvre est causée par le vieillissement de la population

juillet 25, 2022

Les baby-boomers quittent la population active en masse, laissant plus de postes vacants qu’il n’y a de gens pour les occuper, expliquent des économistes.

Un vieil homme s'appuie sur sa canne.

La démographie est à blâmer pour la pénurie de main-d’œuvre, selon des économistes. (Archives) Photo : Istock

Le Canada est en proie à une grave pénurie de main-d’œuvre, mais les économistes affirment que ce n’est pas la faute de la pandémie. Il s’agit plutôt de l’aboutissement inévitable d’un vaste changement démographique qui se prépare depuis des décennies, disent-ils.

[Cette situation] était prévisible il y a 60 ou 65 ans et nous n’avons rien fait pour y remédier, selon Armine Yalnizyan, économiste et membre sur l’avenir des travailleurs de la Fondation Atkinson. Nous savions que cette transition allait se produire.

Selon Statistique Canada, le ratio chômage/emplois vacants – une mesure clé qui sert à comparer le nombre de Canadiens à la recherche d’un emploi au nombre d’emplois disponibles – se situe actuellement à un niveau historiquement bas dans chaque province. En fait, ce ratio est nettement inférieur à ce qu’il était avant le début de la pandémie de COVID-19.

Il y a moins de travailleurs disponibles pour occuper les emplois disponibles. Selon les économistes, le baby-boom de l’après-guerre explique cette situation.

Pas assez de remplaçants

Les personnes âgées de 55 ans et plus quittent la main-d’œuvre canadienne, un exode qui, selon certains économistes, a été accéléré par la pandémie, car de nombreux travailleurs âgés ont opté pour une retraite anticipée. Et il n’y a tout simplement pas assez de jeunes travailleurs pour les remplacer.

En fait, la participation au marché du travail des personnes âgées de 25 à 54 ans approchait les 88 % en mai, soit une hausse de plus d’un point de pourcentage par rapport à février 2020, avant que la pandémie ne s’installe au Canada.

Les baby-boomers quittent [le marché du travail] et il n’y a pas assez de personnes qui entrent en scène, a déclaré Mme Yalnizyan. Nous avons en fait une part plus élevée que jamais de la population en âge de travailler qui travaille.

Cela contredit la théorie selon laquelle une sorte de grande démission parmi les Canadiens en âge de travailler, dont beaucoup ont profité des soutiens au revenu pandémiques, est à blâmer pour tous ces emplois vacants, selon Ian Lee, professeur associé à la Sprott School of Business de l’Université Carleton.

J’ai trouvé [cette hypothèse] très douteuse, car à moins d’être financièrement indépendant… La plupart d’entre nous doivent avoir un revenu pour vivre, a déclaré M. Lee. [Cette idée] n’a tout simplement aucun sens.

Mon premier soupçon en tant qu’économiste du travail est le suivant : est-ce que les gens ne font tout simplement plus partie de la population active? a déclaré Gordon Betcherman, professeur émérite à l’école de développement international et d’études mondiales de l’Université d’Ottawa. Ce n’est pas le cas. Elle est revenue aux niveaux que nous observions avant la pandemie.

Un marché d’employés

Selon les économistes, les données indiquent plutôt l’émergence d’un marché où les travailleurs jouissent d’un énorme pouvoir sur les employeurs.

Il est indéniable que l’équilibre entre les demandeurs d’emploi et les postes vacants a totalement changé, a déclaré M. Betcherman.

Selon Statistique Canada, cela a entraîné des pénuries de main-d’œuvre quasi sans précédent dans presque tous les secteurs d’emploi.

En particulier, le secteur de la construction et le secteur manufacturier ont du mal à recruter des travailleurs qualifiés. Même chose du côté des secteurs de l’hébergement et de la restauration, ce qui comprend les hôtels, les restaurants et les bars.

« Il n’y a tout simplement pas assez de personnes prêtes à occuper des emplois mal payés. »— Une citation de  Armine Yalnizyan, économiste et membre sur l’avenir des travailleurs de la Fondation Atkinson

Les travailleurs ont beaucoup plus de choix maintenant, a convenu M. Lee. Si vous avez plus de choix et que vous n’êtes pas obligé de travailler dans cet secteur d’activité, vous irez travailler dans un secteur où il y a de meilleurs parcours professionnels, où les salaires sont plus élevés et où les horaires sont plus previsibles.

Les salaires devraient augmenter

Cela pourrait forcer les employeurs de certains secteurs d’activité à augmenter les salaires, a déclaré M. Lee.

Je ne veux pas dire que la demande pour ces emplois va disparaître : ce n’est pas le cas, a-t-il déclaré. Mais je crois que nous allons assister à une inflation salariale assez substantielle dans ces secteurs au cours des prochaines années.

Selon Mme Yalnizyan, ce nouvel environnement concurrentiel signifie que les employeurs de certains secteurs devront augmenter les salaires s’ils espèrent conserver les travailleurs qualifiés.

Nous perdons des gens qui ont une formation d’éducateur de la petite enfance parce que nous ne les payons pas plus que les toiletteurs pour animaux. Pourquoi resteraient-ils s’ils peuvent obtenir un meilleur emploi dans un autre secteur?

C’est ce que confirment les données de Statistique Canada, qui montrent que le salaire d’acceptation – le taux horaire minimum auquel les demandeurs d’emploi sont prêts à accepter un poste – dépasse le salaire actuel offert dans presque tous les secteurs, alors que les travailleurs canadiens ont toujours été prêts à se contenter de moins.

Des employés dans un McDonald du Canada.

Le salaire d’acceptation dépasse le salaire actuel offert dans presque tous les domaines. Photo : Radio-Canada

Les économistes estiment qu’il existe d’autres conséquences possibles, notamment une automatisation accrue pour combler le vide laissé par la pénurie de main-d’œuvre.

Certains secteurs pourraient également faire appel à davantage de travailleurs étrangers temporaires pour combler les lacunes au bas de l’échelle du marché du travail, ce qui pourrait atténuer les gains réalisés par les travailleurs nationaux.

Selon Mme Yalnizyan, la hausse des salaires pourrait contribuer à effacer certaines des inégalités causées par un marché du travail qui, pendant des années, a bien payé certains travailleurs et mal payé les autres.

Si nous améliorons réellement les salaires et les conditions de travail, en particulier au bas de l’échelle, nous pourrions créer les conditions nécessaires à l’émergence d’une classe moyenne plus résistante, capable de se permettre d’acheter des biens. C’est ce qui nous échappe depuis un certain temps déjà, a-t-elle déclaré.

Le vieillissement de la population peut être notre ami, pas notre ennemi. Mais nous devons le traiter comme quelque chose de plus qu’une simple pénurie de main-d’œuvre pour les entreprises. Nous devons le traiter comme une occasion de faire de chaque emploi un bon emploi.

Radio-Canada par Radio-Canada avec les informations d’Alistair Steele, CBC

Canada-Santé en Ontario : « Le système est sur le point de s’effondrer »

juillet 25, 2022
Une équipe des urgences transporte un patient sur une civière.

Des urgences de l’Ontario sont forcées de fermer leurs portes, dernièrement. Celle de l’Hôpital Western, au centre-ville de Toronto, a passé près de devoir fermer en fin de semaine dernière. (Archives) Photo : Istock

Samedi, l’urgence de l’Hôpital Western, au centre-ville de Toronto, a passé bien près de devoir fermer ses portes. Dans la province, des salles d’urgence ferment temporairement en raison d’un manque de personnel dans plusieurs régions et depuis quelques semaines déjà. La situation est critique, selon bien des intervenants.

Pour moi, [la situation à l’hôpital Western] est une indication que le système est sur le point de s’effondrer, selon la députée du Nouveau Parti démocratique provincial Marit Stiles.

Ça va prendre des morts pour réveiller le gouvernement, affirme Cathryn Hoy, présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO).

Nous travaillons avec une fraction du personnel que nous avions auparavant, ajoute le Dr Kashif Pirzada, urgentologue à Toronto.

On ferme des départements, on ferme des secteurs dans des départements, on perd nos travailleurs, renchérit le Dr Michael Howlett, président de l’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU).

Selon eux, les solutions à ces problèmes sont évidentes, mais le gouvernement n’est pas à l’écoute.

Un système à risque

Mme Hoy explique comment la direction de l’Hôpital Western a contourné le problème de manque de personnel afin de garder l’urgence ouverte : Ce sont des médecins, des médecins résidents et des étudiants [en soins infirmiers] de 3e ou 4e année qui ont fait le travail d’infirmières autorisées.

Celle-ci offre un exemple de ce qui est actuellement en jeu : Pouvez-vous imaginer s’il y avait eu un carambolage majeur sur la 401 [en fin de semaine] et qu’un nombre élevé de patients était envoyé à des urgences sans infirmières?

Un portrait du Dr Kashif Pirzada.

Le Dr Kashif Pirzada est urgentologue à Toronto. Photo : Radio-Canada

Le Dr Pirzada rappelle que le système subit une grande pression. Il y a une énorme charge sur le système hospitalier, en particulier au cours des deux dernières semaines. Les gens attendent 6 à 8 heures, parfois plus, pour voir un médecin aux urgences.

Le problème des conditions de travail

Le Dr Howlett affirme que le problème n’est pas nouveau, que les solutions sont évidentes et que, malgré tout, rien n’est fait. On doit travailler à améliorer de beaucoup les environnements de travail afin de travailler sur la rétention [du personnel].

Selon le Dr Pirzada, les effectifs sont beaucoup plus bas qu’avant. Nous avons eu beaucoup de gens – des infirmières et des médecins – qui quittent le terrain et trouvent un travail plus facile ailleurs.

Mme Hoy est d’accord. Les infirmières démissionnent, elles prennent leur retraite, elles vont ailleurs pour un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail. Il faut que ça s’arrête. Je ne sais pas quoi dire de plus. La preuve est là. Ils ferment les urgences!

Un portrait de Cathryn Hoy.

Cathryn Hoy est la présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO). Photo : Radio-Canada

Le gouvernement doit arrêter de s’attendre à ce que les infirmières paient les pots cassés chaque fois.

Le réseau d’hôpitaux University Health Network (UHN), qui gère l’Hôpital Western entre autres, abonde dans le même sens dans un communiqué publié samedi. Les professionnels de la santé continuent de relever le défi, mais cela a été une tâche très longue et difficile et les employés sont fatigués.

« [Les infirmières] sont épuisées, elles sont fatiguées, certaines d’entre elles n’ont pas pris de vacances depuis trois ans, leur santé mentale est terrible. »— Une citation de  Cathryn Hoy, présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO)

Des solutions évidentes

Le Dr Howlett affirme que la liste de solutions est simple et établie depuis longtemps. Nous sommes conscients de cette situation depuis plusieurs années maintenant. Notre association en parle depuis plus d’une décennie.

En plus des problèmes liés aux conditions de travail, le Dr Howlett ajoute à la liste : On doit ouvrir la porte à plus de diplômés étrangers et s’assurer qu’ils puissent intégrer le système rapidement. […] On doit retirer les barrières interprovinciales pour les infirmières, les médecins, tous les travailleurs [de la santé], pour qu’ils puissent se déplacer là où les besoins sont les plus criants.

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Le Dr Pirzada s’explique mal comment on a pu en arriver à ce point. Nous n’avons vu aucun leadership pour corriger ces problèmes structurels. Nous n’entendons rien de neuf des hauts dirigeants [des hôpitaux] ou des dirigeants politiques.

Pour Mme Stiles, c’est une question de pénurie de main-d’œuvre. Il s’agit d’un gouvernement qui n’a pas pris la situation au sérieux ou aussi rapidement qu’il le fallait. J’aimerais voir la nouvelle ministre [de la Santé, Sylvia Jones] proposer des solutions.

Marit Stiles

Marit Stiles est la députée du NPD provincial dans Davenport. Photo: Radio-Canada

Le Dr Pirzada affirme que le travail des infirmières doit être récompensé. Donnez-leur une prime de danger. Donnez-leur plus d’argent pour faire les travaux difficiles. C’est là que nous en avons besoin en ce moment.

Il y a deux semaines, les ministres de la Santé des différentes provinces ont demandé plus d’argent au gouvernement fédéral.

Les salaires de tous les employés du secteur public ontarien, ce qui comprend les infirmières, sont plafonnés à une augmentation de 1 % par année par le gouvernement de Doug Ford.

Le ministère de la Santé de l’Ontario n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de Radio-Canada.

Radio-Canada par avec des informations de Yanick Lepage

Risque de pénurie de blé en Afrique: le président ivoirien s’en préoccupe

juin 15, 2022

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, s’est dit préoccupé par la poussée inflationniste et le risque de pénurie de plusieurs produits comme le blé en Afrique.

« Nous sommes préoccupés, c’est le moins que je puisse dire, par le ralentissement de la croissance mondiale et la disponibilité pour l’Afrique de certains produits comme le blé, les engrais et bien sûr par la poussée inflationniste », a déclaré le chef de l’Etat ivoirien, à l’ouverture de l’Africa CEO Forum, sommet économique réunissant 1 500 chefs d’entreprises et décideurs politiques à Abidjan. 

Il a notamment cité l’exemple de l’Inde qui a interdit les exportations de blé mi-mai.

« Une telle situation inflationniste pousse les gouvernements et les entreprises à réévaluer leur dépendance aux réseaux internationaux. C’est réellement une remise en cause de la mondialisation et de la notion du commerce mondial. Cette situation a été accentuée par la crise en Ukraine », a-t-il ajouté. 

Avant même la guerre en Ukraine, l’insécurité alimentaire s’était accentuée dans le monde en raison des conflits, des crises climatiques et économiques. Mais le conflit russo-ukrainien a aggravé la crise, les deux pays assurant à eux seuls 30% du commerce mondial de blé. Et avec la guerre, les prix de l’énergie, des aliments et des métaux ont flambé. 

« Cette convergence des crises offre au continent africain une occasion unique d’opérer les changements structurels nécessaires à la transformation de nos économies », a de son côté affirmé Makthar Diop, directeur général de la Société financière internationale, une branche de la Banque mondiale. 

L’Africa CEO Forum doit notamment mettre l’accent sur la souveraineté économique du continent africain. 

Avec Adiac-Congo d’après AFP

Canada-Québec/Pénurie d’infirmières: la population invitée à ne pas aller à l’Hôpital du Lakeshore

juin 11, 2022

MONTRÉAL — En raison d’un manque de personnel, le Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (SPSSODIM) demande à la population d’éviter de se rendre à l’Hôpital général du Lakeshore, situé à Pointe-Claire, pour cette fin de semaine. 

La présidente du syndicat, Johanne Riendeau, indique par voie de communiqué qu’il «manque la moitié des infirmières sur plusieurs quarts de travail», soulignant que par endroit jusqu’à six infirmières de plus seraient nécessaires.  

Ce n’est pas la première fois que l’Hôpital du Lakeshore est aux prises avec une pénurie d’employés. En août 2020, le SPSSODIM invitait également la population à se présenter aux autres urgences de la région pour se faire soigner en raison d’un manque criant de professionnels de la santé. 

Mme Riendeau estime que la situation actuelle n’est plus sécuritaire à l’urgence, ni pour la population ni pour les membres qui sont épuisées, dit-elle.  

«Nous avons un taux d’occupation qui dépasse 150 % […], il ne nous est plus possible d’assurer des soins sécuritaires et de qualité à la population normalement desservie par notre établissement», a déclaré Mme Riendeau dans un communiqué.

En soirée vendredi, le site web Index Santé indiquait que le taux d’occupation de l’Hôpital du Lakeshore était de 126%. Au total, 18 personnes patientaient depuis au moins 24 heures sur une civière et neuf patients depuis 48 heures. 

Ailleurs dans le réseau montréalais, le taux d’occupation était également alarmant à certains endroits. Vendredi vers 21h30, l’Hôpital Royal Victoria affichait un taux d’occupation de 155% et l’Hôpital général juif, un taux de 187%. 

Par ailleurs, le SPSSODIM soutient que le personnel de la santé appréhende la saison estivale. Il lance un appel au gouvernement afin de mettre en place «des mesures incitatives pour pouvoir traverser l’été et obtenir des ratios sécuritaires pour prodiguer des soins de qualité à la population de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal». 

Sur son site web, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal mentionne qu’il existe des solutions de rechange à la visite à l’urgence, telles que consulter son pharmacien de quartier ou téléphoner au 8-1-1.  

Également desservis par le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, l’Hôpital LaSalle affichait un taux d’occupation de 60% vendredi soir, et l’Hôpital de Lachine, un taux de 57%, selon le site web Index Santé. 

Avec La Presse Canadienne

Canada-Québec: Cinq spectacles annulés par Culture Trois-Rivières en raison de la pénurie de main-d’œuvre

mai 31, 2022
Marie-Mai sur scène.

Le spectacle de Marie-Mai prévu le 11juin à la salle J.-Antonio-Thompson est notamment annulé. Photo : Courtoisie / Francos de Montréal – Frédérique Ménard-Aubin

Culture Trois-Rivières vient d’annuler cinq de ses spectacles prévus en mai et juin par manque de personnel. « C’est par bienveillance pour nos équipes qui sont déjà surchargées et épuisées que nous prenons cette décision », mentionne Mélanie Brisebois, directrice des arts de la scène pour Culture Trois-Rivières.

Le spectacle de Marie-Mai prévu le 11 juin à la salle J.-Antonio-Thompson est notamment annulé.

Je suis tellement déçue, j’avais hâte de venir jouer chez vous et de retrouver l’énergie qu’on vous connaît. Chaque show qu’on a fait sur place a toujours été mémorable, a écrit l’artiste sur son compte Instagram.

Une des deux représentations de la pièce de théâtre de Robert Lepage, La face cachée de la lune, sera également annulée soit celle du 24 juin. Finalement les spectacles de P-A Méthot (28-29 mai) et de Billy Tellier (21 mai) ont déjà été annulés.

Le manque de main-d’œuvre se faisait déjà sentir avant la pandémie, mais les nombreux arrêts des salles de spectacle ont accentué le problème. Plusieurs techniciens ont quitté le domaine et ces gens spécialisés en son ou en éclairage ne sont plus disponibles.Les bancs de la salle J.-Antonio-Thompson à Trois-Rivières.

La salle J.-Antonio-Thompson (Archives) Photo: Radio-Canada

En plus de ses équipes permanentes, Culture Trois-Rivières dit avoir régulièrement besoin de main-d’œuvre supplémentaire pour tenir ses spectacles, parfois jusqu’à 10 employés de plus par représentation. Il est donc difficile de trouver ces ressources spécialisées dans le contexte actuel. L’organisation espère pouvoir favoriser la formation et le partage d’employés avec d’autres diffuseurs pour éviter l’annulation d’autres spectacles.

Des conséquences sur la prochaine saison

La pénurie de personnel qualifié pour opérer des salles de spectacle aura certainement des répercussions pour les prochaines saisons de diffusion chez Culture Trois-Rivières. L’équipe dit travailler à construire une programmation qui offrira des semaines équilibrées pour le personnel.

Le problème ne touche pas seulement Culture Trois-Rivières, selon Mélanie Brisebois : c’est à la grandeur du Québec que cette pénurie de ressources techniques se fait sentir et elle semble malheureusement s’installer pour plusieurs années.

Avec Radio-Canada par Anne-Marie Lemay

Levée du blocus d’Odessa : Macron propose de passer par l’ONU

mai 31, 2022

Moscou bloque tous les navires présents dans le port ukrainien depuis plusieurs semaines. En conséquence, l’Occident redoute une pénurie de céréales.

20 millions de tonnes de cereales sont actuellement bloquees a Odessa.
20 millions de tonnes de céréales sont actuellement bloquées à Odessa.© BENJAMIN FURST / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le président français Emmanuel Macron a annoncé mardi 31 mai avoir proposé à Vladimir Poutine le vote d’une résolution à l’ONU pour lever le blocus russe du port d’Odessa, l’objectif étant de permettre l’exportation des céréales ukrainiennes qui y sont bloquées. « J’ai proposé, dans la discussion que nous avons eue avec (le chancelier allemand) Olaf Scholz samedi dernier, au président Poutine que nous prenions l’initiative d’une résolution aux Nations unies pour donner un cadre très clair à cette opération », a-t-il déclaré à l’issue d’un sommet européen à Bruxelles.

En effet, depuis plusieurs semaines, la Russie impose dans la mer Noire un blocus aux ports ukrainiens, en particulier à celui d’Odessa. Et ce, alors que l’Ukraine cherche désespérément à exporter les quelque 20 millions de tonnes de céréales stockées dans les silos du pays d’ici aux prochaines récoltes prévues cet été, qui nécessiteront à leur tour d’être entreposées.

« La décision dépend d’un accord de la Russie et des garanties qu’elle apporte : face au déminage (du port d’Odessa) qui est indispensable pour que les vraquiers et bateaux puissent être acheminés et prendre ces céréales, (il faut) des garanties de sécurité apportées aux Ukrainiens pour éviter qu’ils ne soient attaqués », a insisté le président français. Kiev a besoin de « garanties légitimes de sécurité, c’est le cadre des Nations unies qui nous permettra de le faire », a ajouté le chef de l’État, tout en soulignant également « le rôle très important de la Turquie, compte tenu de sa responsabilité dans la mer Noire » et de ses échanges récents avec Moscou.

Des « routes prioritaires » temporairement mises en place

« Il n’est pas question que, sous le couvert d’un corridor maritime pour des raisons humanitaires, il y ait une fragilisation de la situation sécuritaire de l’Ukraine », a renchéri devant la presse Charles Michel, président du Conseil, l’organe de représentation des États membres.

Dans l’immédiat, la Commission européenne a également proposé de mettre sur pied des « routes prioritaires » par route et par chemin de fer, en mobilisant les capacités de fret de l’UE, pour acheminer une partie des stocks de céréales bloqués. « Nous travaillons sur cette proposition de la Commission, et avons discuté lors du sommet sur les différentes possibilités pour trouver des routes alternatives, mais c’est compliqué, pour des raisons logistiques, et c’est plus onéreux », a souligné le président du Conseil européen. Ces voies alternatives par train et par route permettront au mieux de transporter un tiers des stocks de blé, a confié à l’Agence France-Presse un responsable européen.

Par Le Point avec AFP

Canada: Pénurie de main-d’œuvre oblige, des enfants de 11 ans sont déjà au travail au Québec

mai 30, 2022

Si certains jeunes s’épanouissent, d’autres voient leurs droits bafoués.

Des mains essuient des ustensiles.

Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale dit ne pas disposer des données nécessaires pour établir un décompte des travailleurs âgés de 14 ans et moins. Photo: Radio-Canada/Alexis Gacon

Au Québec, un nombre croissant de préadolescents occupent des postes laissés vacants par la pénurie de main-d’œuvre, notamment dans les épiceries et dans le secteur de la restauration rapide. Face à ce nouveau contexte et compte tenu du risque de décrochage scolaire, plusieurs experts réclament des changements pour mieux encadrer le travail des enfants.

Qu’est-ce que vous souhaitez commander? C’est Amanda, 11 ans, une petite blonde aux yeux bleus pétillants, qui pose cette question. Sa tête dépasse à peine le comptoir.

Amanda, c’est la petite nouvelle de la cantine La Grande Gueule, à Saint-Alphonse-de-Granby. Derrière elle, les friteuses fonctionnent à plein régime. Amanda travaille en cuisine entre 12 et 18 heures par semaine. Ici, près du quart des 32 employés sont âgés de 11 à 15 ans.Un homme et une jeune fille lèvent le pouce.

À la cantine La Grande Gueule, à Saint-Alphonse-de-Granby, sept employés sur 32 sont âgés de 11 à 15 ans. Photo: Radio-Canada/Alexis Gacon

Au départ, le patron d’Amanda, Pascal Lamarche, n’était pas sûr de pouvoir embaucher des employés si jeunes. Des gens m’avaient dit : « As-tu le droit? » J’ai eu un doute. […] Mon comptable m’a envoyé l’information de la CNESSTCommission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail : il n’y a pas d’âge!

Au Québec, contrairement à la plupart des provinces canadiennes, il n’existe pas d’âge minimum pour travailler. En Colombie-Britannique, par exemple, cet âge est passé de 12 à 16 ans l’an dernier. Mais ici, seule une autorisation parentale écrite doit être demandée par l’employeur si la jeune personne que celui-ci veut embaucher a moins de 14 ans. Or, plusieurs interlocuteurs à qui nous avons parlé soutiennent que les employeurs ne la demandent pas toujours.

Elle a été gérée comme une adulte

Dans la cuisine du restaurant, Amanda semble insensible à la pression. Je sais ce que c’est que les rushs. Souvent, le midi ou à l’heure du souper, on a beaucoup de commandes […]. J’aime l’ambiance. Pourquoi a-t-elle commencé si jeune? Parce que j’aime travailler et je trouvais que c’était une bonne place.

La jeune équipe semble en effet se serrer les coudes et travailler dans la bonne humeur. Il en faut, car les tâches ne sont pas si simples et le rythme est soutenu. Le plus difficile, c’est de supporter la chaleur et de blanchir les frites. Si tu peux blanchir un après-midi par semaine, tu vas être capable de tout faire dans la cantine, parce que les paniers sont pesants et il fait chaud, explique Pascal Lamarche.

Au restaurant, Amanda est une employée comme les autres, dit son patron. Pour l’instant, elle fait des journées de six heures, car je ne connais pas encore sa capacité à travailler. Ses parents me disent qu’elle serait capable de faire des journées pleines. On analyse ses points forts, ses points faibles, l’endurance qu’elle va avoir. […] Tant qu’elle veut travailler, on le fait!

Même si elle est très jeune, Amanda n’a pas reçu un encadrement adapté à son âge, détaille le propriétaire. Même constat chez Marianne, qui a commencé à 12 ans à servir dans un restaurant à Saint-Jean-sur-Richelieu l’année dernière : On m’a montré les bases et on m’a dit : « vas-y! »

C’est elle qui a demandé à travailler, explique son père, Sylvain. Elle a de bonnes notes, on sait qu’elle adore apprendre. Si les notes en pâtissent, elle arrête. Mais là, elles n’ont pas baissé. Elle avoue sa joie de gagner en autonomie et d’apprendre de nouvelles choses. Elle a aussi appris à faire abstraction des remarques de certains clients qui n’hésitent pas à commenter son air juvénile ou sa taille. Il y a un client qui m’a dit que la table était trop haute pour moi!

Cette expérience lui semble bénéfique, même si le stress peut la gagner, raconte son père, comme cette fois où elle a échappé un plateau en verre par terre. Elle a pleuré. Le patron lui a dit : « Si tu pleures trop, tu t’en retournes à la maison! » Elle a été gérée comme une adulte, puis on l’a vue, elle a bien répondu, elle a essuyé ses larmes et […] elle y est retournée.

Sans jeunes, je ne suis pas capable d’avancer

Dans son restaurant, Pascal Lamarche évoque le fort potentiel d’Amanda. Ce potentiel sied aussi à un contexte : celui de la pénurie de main-d’œuvre. Actuellement, le chômage est sous la barre des 4 % au Québec. Sans les jeunes, je ne suis pas capable d’avancer, car les adultes qui veulent travailler les week-ends, c’est difficile à trouver maintenant, explique le patron du restaurant.Une femme souriante aux cheveux gris.

Roxane Larouche, représentante nationale aux TUAC, section du Québec Photo: Radio-Canada/Alexis Gacon

Roxane Larouche, représentante nationale au syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC Canada), se rend bien compte que l’âge ne compte plus au moment de recruter dans le secteur de l’alimentation. Notre plus jeune membre a 11 ans. Le représentant de service a été très surpris.

Elle observe que les jeunes adolescents sont de plus en plus nombreux à travailler dans les épiceries de la province. C’est une tendance que semble confirmer la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui a vu le nombre de blessures subies par des moins de 16 ans au travail plus que doubler entre 2018 et 2021, passant de 85 à 203.

« On voit plus de jeunes, donc le risque de blessures existe et ça pose plein d’autres défis. C’est une toute nouvelle réalité. On pensait avoir des textes de conventions qui pouvaient répondre à toutes sortes de situations, mais force est de constater que non. […] Comment encadrer ces jeunes-là? Il faut trouver des solutions maintenant, car le problème, c’est maintenant qu’il arrive! […] On est dans une situation de jamais vu. »— Une citation de  Roxane Larouche, représentante nationale au syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce

Cependant, le nombre de travailleurs de 14 ans et moins est difficile à mesurer. Le ministère du Travail du Québec ne fait pas le décompte de ces employés. En effet, le décompte, basé sur les informations de Statistique Canada, commence à l’âge de 15 ans.

D’après l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017, 22 % des jeunes du secondaire avaient un employeur qui les rémunérait. Cette proportion passe de 6 % en première année du secondaire à 47 % en cinquième secondaire.

Est-ce que tu penses que l’école, ça va être son plan A ou D?

Roxane Larouche s’inquiète du risque de décrochage quand elle observe la concurrence des entreprises qui s’arrachent les services des très jeunes, particulièrement à l’extérieur de Montréal.

« Un employeur qui a engagé un jeune d’environ 12 ou 13 ans se l’est fait voler par la scierie qui l’a embauché pour balayer à 26 dollars de l’heure. […] La question qu’on se pose, c’est : est-ce qu’on a ouvert la voie à un décrochage? […] Ces questions doivent être analysées, car c’est un problème de société. »— Une citation de  Roxane Larouche, représentante nationale au syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce

Mme Larouche fait observer que certains parents envoient leur enfant travailler dans une épicerie comme si c’était un camp de jour qui ne coûte rien.

À l’école Amos, à Montréal, l’enseignante Marie-Betty Desrouillères questionne ses élèves, âgés de 16 à 20 ans, sur le sujet du travail des jeunes. Beaucoup sont entrés sur le marché du travail dès le début de leur adolescence.

Le jeune qui commence à travailler à 11 ans […], est-ce que tu penses que l’école, ça va être son plan A ou D ? Un des élèves s’exclame : Son plan C!

Parmi ceux qui l’écoutent, certains travaillent de nuit et arrivent en classe sans avoir dormi, comme Assitan, 19 ans, tressée et cernée. Elle occupe un emploi depuis déjà six ans.

Ces jours-ci, elle finit son quart dans un dépanneur à 7 h, puis elle marche une demi-heure pour se rendre à l’école. Elle n’a pas commencé à travailler par choix; elle l’a fait pour aider sa mère. On est quatre enfants, elle est toute seule. Il y a des choses à acheter, mais elle n’a pas assez [d’argent].

Au Québec, jusqu’à l’âge de 16 ans, les employeurs doivent veiller à ce que l’école passe avant le travail. Ils ne peuvent pas demander à leurs employés de manquer l’école pour travailler et doivent s’assurer que les jeunes puissent être à leur domicile de 23 h à 6 h, sauf quelques exceptions (le gardiennage, notamment).

Toutefois, Assitan, depuis qu’elle a commencé à travailler, n’a pas souvent senti beaucoup de compréhension de la part de ses différents patrons. Les employeurs vont te manipuler. Ils vont te faire sentir à l’aise. Il n’y avait pas un jour où mon téléphone ne sonnait pas. Ils vont dire « on t’aime » juste pour que tu fasses plus d’heures.

Jemima, une autre élève de l’école Amos, travaille depuis ses 14 ans et déplore le manque de considération des gérants d’établissements de restauration rapide où elle a été employée. Tout ce qui est fast food, les boss ne sont pas compréhensifs. Moi, quand je disais que je ne pouvais pas rentrer au travail et que je devais étudier, ils me coupaient tous mes autres quarts. Je n’avais pas de quarts la semaine suivante.

On ne peut pas laisser aux enfants la responsabilité de leur propre bien-être

Selon Sarah Denenne, une avocate spécialisée en droits des enfants, il est temps que le Québec revoie sa copie dans le domaine. Il doit y avoir place à une réforme. Là, en ce moment, l’état du droit actuel, c’est qu’on doit déléguer la responsabilité de la protection au bon jugement de l’employeur et de l’enfant lui-même. […] Dans la loi, il est écrit qu’il ne doit pas avoir un travail disproportionné qui nuise à son développement; c’est très vague. Et ça, c’est une chose à laquelle il faut s’attaquer.

Le Québec est lié à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée par le Canada en 1991. Celle-ci stipule qu’il faut fixer un âge minimum pour travailler(Nouvelle fenêtre). Selon Sarah Dennene, le Québec est en retard sur cette question.

« On est dans un système pensé pour l’adulte et l’enfant a des besoins spécifiques : il faut protéger le développement spécifique de l’enfant. Qu’est-ce qui va être dans son intérêt? Dans le contexte actuel, est-ce que l’impératif économique ne va pas prendre le dessus sur la protection de l’enfant? […] On ne peut pas laisser aux enfants la responsabilité de leur propre bien être. […] Ils ne peuvent pas tenir tête à leurs employeurs. Plus on est jeune, plus c’est difficile. »— Une citation de  Sarah Denenne, avocate spécialisée en droits des enfants

D’après l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017(Nouvelle fenêtre), parmi les élèves qui occupent un emploi durant l’année scolaire, ceux qui travaillent de 11 à 15 heures par semaine ou 16 heures et plus étaient proportionnellement plus nombreux à présenter un niveau élevé de détresse psychologique que ceux qui consacraient moins de 11 heures par semaine à leur emploi (34 % et 37 % contre 29 %).

Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale a décliné nos demandes d’entrevue. Dans un courriel, les communications du ministère soutiennent que les lois du travail au Québec encadrent déjà le travail des adolescents.

Radio-Canada par Alexis Gacon

Canada/Pénurie de main-d’œuvre : le gouvernement du Québec cible des étudiants étrangers

mai 27, 2022
Une pancarte de l'université.

Des étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières pensent que la mesure d’exemption des droits de scolarités en faveur des étudiants étrangers devaient s’appliquer à tous les programmes d’étude (archives). Photo : Gracieuseté: UQTR

Des étudiants internationaux à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) voient en la mesure d’exemption du gouvernement du Québec une occasion manquée d’économiser sur leurs droits de scolarité. Une mesure tardive selon eux, mais qui constitue un plus pour les futurs étudiants internationaux.

Les étudiants internationaux ciblés dans le programme d’exemption des droits de scolarité doivent s’intéresser aux domaines où le manque de main-d’œuvre est le plus criant. Ils n’auront plus à payer 24 000 $ pour une année d’études à l’université, mais 3000 $, comme c’est le cas pour les étudiants québécois. De plus, ils doivent s’inscrire à temps plein dans une université francophone et être prêts à s’installer en région.

Masseni Doumbia vient de boucler sa maîtrise en gestion de projet à l’UQTR. Les deux années d’études lui ont coûté plus de 30 000 $. La nouvelle mesure annoncée par Québec arrive un peu tard dans son parcours académique. Elle y voit tout de même l’occasion d’embrasser de nouvelles opportunités.

« C’est sûr que j’aurais préféré en bénéficier, mais bon je peux toujours m’inscrire dans une autre matière et apprendre plus. Cela me donne l’opportunité d’avoir plus de diplômes. »— Une citation de  Masseni Doumbia, étudiante internationale finissante à la maîtrise à l’UQTRUne étudiante internationale à l'UQTR assise près de la cafétéria.

Même si elle vient de terminer sa maîtrise en gestion de projet à l’UQTR, Masséni Doumbia affirme qu’elle profitera de la nouvelle mesure d’exemption du gouvernement pour obtenir plus de diplôme Photo : Radio-Canada/Josée Ducharme

C’est une bonne idée au départ, estime Masséni Dumbia. Mais elle croit que la meilleure formule c’est d’élargir le cadre du programme pour permettre à plus d’étudiants d’en bénéficier.

Élisabeth Gomis, une autre étudiante internationale, abonde dans le même sens. Elle trouve dommage que la mesure ne s’applique pas à l’ensemble des professions.

C’est aussi le point de vue du recteur de l’UQTR. Ç’aurait été bienvenu que ce soit l’ensemble des programmes qui soit visé, dit Christian Blanchette, mais on voit que le gouvernement a une stratégie très orientée vers certaines des professions qui sont en manque. C’est bienvenu dans ces professions-là.

« On apprécierait un programme qui nous permet d’attirer des étudiants dans toutes les disciplines parce que la pénurie de main-d’œuvre s’observe dans toutes les disciplines. »— Une citation de  Christian Blanchette, recteur de l’UQTR

Par ailleurs, M. Blanchette pense que la mesure d’exemption du gouvernement est une solution à moyen terme qui peut contribuer à atténuer le problème, et qu’il ne s’agit pas de la seule solution à mettre en place. Il admet toutefois qu’il s’agit d’une mesure attractive qui permettra de recruter plus d’étudiants.

Les étudiants francophones traités en parents pauvres

Christian Blanchette déplore le temps pris par Ottawa pour livrer les permis aux étudiants étrangers. Il appelle à une hausse du taux d’acceptation des étudiants internationaux francophones.

Les dossiers des étudiants francophones qui ont choisi des universités québécoises doivent être traités de manières diligentes et qu’on ait des taux d’acceptation plus élevée qu’un étudiant sur 10 affirme t-il.

Le président de l’Association générale des étudiants de l’UQTR accueille positivement la nouvelle mesure d’exemption, cependant il aurait préféré que le gouvernement règle le problème à la source en adoptant une résolution face à la déréglementation des droits de scolarité des étudiants internationaux. Philippe Dorion invite le gouvernement à revoir son plan pour cette catégorie d’étudiants.

« L’ Association Générale des étudiants de l’UQTR est contre la déréglementation, et nous demandons au gouvernement de faire une étude d’impact sur les droits de scolarité des étudiants internationaux et sur le financement des universités au Québec. »— Une citation de  Philippe Dorion, président de l’Association générale des étudiants de l’UQTR

Il faut que la solution dure dans le temps et ne s’applique pas à une période spécifique ou à un groupe d’étudiants, soutient M. Dorion.

Cette mesure non rétroactive entrera en vigueur à partir de l’automne 2023. Une enveloppe de 80 millions $ sera disponible sur quatre ans dans le cadre de ce programme.

Avec Radio-Canada par

Anne Merline Eugène

Anne Merline Eugène