Le nombre d’étudiants étrangers souhaitant rester au Québec est en chute libre depuis la réforme du PEQ. Pour renverser la vapeur, le gouvernement Legault compte revoir des programmes d’immigration.
La ministre de l’Immigration Christine Fréchette a prévu d’alléger les critères d’accès au Programme de l’expérience québécoise. Photo : Radio-Canada/Sylvain Roy Roussel
Le gouvernement de François Legault s’apprête à abandonner une partie de la controversée réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), mise en place en 2020 par l’ancien ministre de l’Immigration Simon Jolin-Barrette.
Selon les informations de Radio-Canada, Québec compte désormais alléger les critères d’accès à ce programme, essentiellement pour les diplômés étrangers francophones.
Cette mesure est pilotée par l’actuelle ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, qui a abordé ces enjeux lors d’une récente tournée auprès d’acteurs communautaires, des affaires et du milieu de l’enseignement.
Les détails de cette réforme devraient être annoncés par le gouvernement Legault dans les prochains jours. D’autres programmes d’immigration pourraient également être revus.
Le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, est à l’origine de la controversée réforme du PEQ, en vigueur finalement depuis 2020. Photo: Radio-Canada/Ivanoh Demers
Moins d’expérience de travail exigée
La réforme du PEQ était au cœur du mandat de Simon Jolin-Barrette au moment de la prise du pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018. Ce programme, très populaire, était considéré comme une voie rapide vers l’immigration permanente pour les diplômés et les travailleurs étrangers, déjà au Québec.
Estimant qu’un nombre trop élevé de candidats utilisaient le PEQ, l’actuel ministre de la Justice avait durci les conditions de sélection. Un choix qui avait provoqué des vagues au Parlement, l’intervention de François Legault, la grogne des universités et du monde des affaires, puis l’abandon d’une première mouture.
Finalement, Québec avait opté pour l’ajout d’une expérience de travail. Désormais, les diplômés doivent par exemple acquérir une expérience dans des domaines ciblés, variant d’au moins 12 à 18 mois selon la formation initiale, avant de pouvoir postuler au PEQ.
Ces critères, selon nos informations, seront revus à la baisse dans le volet réservé aux diplômés. Québec souhaite maintenant faciliter l’accès à ce programme, mais uniquement pour les étudiants francophones ou diplômés dans un programme en français.

Près de 55 000 étudiants étrangers étaient inscrits dans les universités du Québec à l’automne 2022, mais de moins en moins tentent de rester au Québec. Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers
Baisse radicale des demandes
Officiellement, le cabinet de Christine Fréchette reste prudent, mais confirme vouloir favoriser une immigration francophone
et reconnaît que « les étudiants internationaux, particulièrement ceux qui parlent français, sont une richesse pour le Québec ».
La ministre Fréchette avait déjà avoué, fin novembre, vouloir une immigration exclusivement francophone ou francotrope dans les prochaines années.
Québec vise particulièrement la rétention de ces diplômés. Or, ces derniers, selon des données figurant dans une demande d’accès à l’information, sont de moins en moins nombreux à vouloir rester au Québec.
Depuis l’instauration de cette réforme du PEQ, le nombre d’étudiants ayant fait une demande pour s’installer durablement au Québec est en chute libre.
Nombre d’étudiants ayant soumis une demande de sélection permanente
- 2019 : 4859
- 2020 : 5465
- 2021 : 2938
- 2022 : 2268
L’an passé, moins de 2300 étudiants ont demandé un certificat de sélection du Québec, contre près de 5500 en 2020. Soit une baisse d’environ 60 %.
Pourtant, dans le même temps, le nombre d’étudiants étrangers présents au Québec ne cesse d’augmenter. À l’automne dernier, 54 321 étudiants étrangers étaient inscrits dans les universités québécoises, contre 49 304 à la même période en 2021, d’après des données du Bureau de coopération interuniversitaire.
Des consultations à la fin de l’été
Repoussées d’une année en raison des dernières élections provinciales, les consultations pluriannuelles visant à déterminer les prochains seuils d’immigration auront lieu à la fin de l’été.
Dans les prochaines semaines, Québec devrait publier un cahier d’informations visant à préparer ces rencontres. Dans ce document, le gouvernement Legault pourrait insérer ses orientations pour les années 2024 à 2026.
À l’heure actuelle, Québec n’a pas fermé la porte à une augmentation des cibles. En 2023, jusqu’à 52 500 immigrants permanents pourraient être admis au Québec.
Une volonté gouvernementale saluée
Cette marche arrière est d’ores et déjà saluée par les milieux des affaires et de l’enseignement supérieur.
Il y a moins de popularité avec le PEQ, mais avec les nouvelles exigences, ce n’est pas si surprenant. C’est le résultat des nouvelles règles du jeu. Il est grand temps qu’on reparle d’immigration dans un contexte plus rationnel
, indique Charles Milliard, président de la Fédération de la chambre de commerce du Québec.
Selon ce dernier, la ministre Fréchette connaît la réalité des affaires
et aurait une approche rationnelle
concernant l’immigration.
« Il faut une volonté pour garder des talents francophones et francophiles. Les gens qui choisissent le Québec ne méritent pas un traitement d’immigration aussi long. »— Une citation de Charles Milliard, président de la FCCQ.
C’est une question de compétitivité
, souligne Claire Launay, porte-parole de l’organisme Le Québec c’est nous aussi.
Les étudiants internationaux sont déjà intégrés. Il faut être plus attractif que les autres provinces pour les garder. Or, depuis l’ancienne réforme, ce n’est plus le cas
, regrette-t-elle, tout en « encourageant le gouvernement à créer de nouvelles voies d’accès à la résidence permanente » et à « augmenter les seuils d’immigration » pour éviter la « précarité [des] statuts temporaires ».
Aux yeux de la Fédération des cégeps, Québec se dirige dans la bonne direction.
« Une fois qu’ils ont suivi une formation en région, les étudiants ont un diplôme québécois, un logement, des amis, et sont intégrés. Les possibilités qu’ils demeurent sont importantes. »— Une citation de Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps
Notre objectif, c’est de convertir l’étudiant en travailleur. Il ne faut donc pas avoir de barrière. Présentement, on n’est pas les plus attractifs et tout le monde recherche des étudiants de qualité
, estime son président Bernard Tremblay.
Le choix logique, ajoute-t-il, c’est de miser sur ces étudiants.
Avec Radio-Canada par Romain Schué