Posts Tagged ‘place de la Nation’

Burkina Faso : Alizéta Ouédraogo, la chute de la « belle-mère nationale »

décembre 3, 2014

Alizéta Ouédraogo a fait fortune dans le cuir.
Alizéta Ouédraogo a fait fortune dans le cuir. © Vincent Fournier pour J.A.

C’était l’un des membres les plus influents du premier cercle. Réfugiée à Paris, Alizéta Ouédraogo, l’ex-« belle-mère nationale », dit n’avoir pas vu venir la chute de Compaoré et veut rentrer au pays.

Rien ne s’est passé comme prévu. Jamais Alizéta Ouédraogo n’avait imaginé que deux jours suffiraient à mettre un terme à vingt-sept années de pouvoir, qu’une marée humaine contraindrait Blaise Compaoré à la démission, et que des centaines de manifestants, pressés d’en découdre avec les symboles du régime, pilleraient et incendieraient son élégante maison, située à deux pas de la place de la Nation. À l’en croire, il s’en est fallu de peu : « Je suis partie en sandales, sans passeport, sans vêtements de rechange, sans rien. J’ai tout perdu. »

Et c’est vrai qu’Alizéta Ouédraogo avait beaucoup à perdre. Femme d’affaires prospère, elle a fait fortune dans le cuir et dirigeait, depuis 2011, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina. Une ascension fulgurante qui, ne manquaient pas de rappeler ses détracteurs, avait coïncidé avec le mariage de sa fille Salah avec François, le frère cadet de Blaise Compaoré, en 1994.

Fossé entre l’élite et la jeunesse burkinabè

Le 16 novembre, elle est arrivée à Paris après avoir transité par le Bénin, mais elle refuse de s’étendre sur les circonstances de sa fuite. Tout juste reconnaît-elle avoir voyagé avec un passeport diplomatique béninois. Elle ne souhaite pas non plus dire ce que sont devenus ses proches. « Mon crime est d’avoir François pour gendre », soupire-t-elle en parlant de celui qui fut, pendant plus de deux décennies, le conseiller économique du chef de l’État, jusqu’à être pressenti pour prendre sa succession.

Des événements de la fin octobre, elle retient surtout « le déferlement de haine » qui les a visés elle, ses enfants et des dizaines d’autres dignitaires du régime. Quand François Compaoré a pris la fuite, sa maison a été pillée et présentée par certains médias comme la « maison des horreurs ». La rumeur veut que des fétiches maléfiques y aient été retrouvés. « Tout cela m’a fait rire, prétend-elle. Mon gendre ne pourrait même pas tuer une mouche. »

Sans doute, comme les autres, a-t-elle sous-estimé la profondeur du fossé qui existait entre l’élite et la jeunesse burkinabè. Sans doute n’a-t-elle compris que trop tard que les membres du clan Compaoré cristallisaient toutes les frustrations d’un peuple excédé et qu’elle, qui était si écoutée au sommet de l’État, n’y échapperait pas. « Je pensais que le débat sur la modification de l’article 37 de la Constitution serait tranché par les voies institutionnelles et républicaines. » Au lieu de quoi ses entreprises ont été pillées et incendiées.

« J’ai perdu deux tanneries avec un stock important de marchandises. Les machines ont été détruites par les flammes, les bâtiments ont été mis à sac, les magasins où étaient stockés les produits finis ont été pillés et incendiés, énumère-t-elle. Les manifestants se sont aussi rendus dans ma carrière de granulats routiers et ont détruit une centrale d’enrobage, une centrale de concassage. Ils ont même détruit le siège d’Azimmo, ma société immobilière. » Les dégâts, selon elle, se chiffrent à 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros). « J’ai été obligée de renvoyer chez eux mes 1 287 salariés. Quiconque veut gouverner un pays aussi pauvre que le nôtre devrait se préoccuper de préserver les acquis économiques. »

Tout reconstruire

À n’en pas douter, l’ex-« belle-mère nationale » tient à protéger ses intérêts. Ce qu’elle veut, à 60 ans passés, c’est retourner au pays et tout reconstruire. Sa fortune, insiste-t-elle, n’a pas été constituée à l’ombre du régime : « J’ai gagné mon premier milliard avant que ma fille épouse le frère du président. » Et d’ajouter qu’elle a rencontré Blaise Compaoré en 1986. À l’époque, cette ancienne secrétaire d’une agence de l’ONU se proposait de racheter la filiale locale de la CFAO et la Société burkinabè de manufacture du cuir. « Les opposants ont manqué de patience. Il n’était pas nécessaire d’en arriver là. Compaoré aurait fini par passer la main. » Pas sûr qu’à Ouaga les tenants de l’insurrection soient de son avis.

Jeuneafrique.com par Georges Dougueli

Burkina: sous pression, Isaac Zida promet une transition rapide

novembre 3, 2014

Le nouvel homme fort du Burkina Faso se trouve en position délicate. Contesté dans son pays et sous pression internationale, le lieutenant-colonel Isaac Zida a promis lundi un passage rapide du pouvoir aux autorités civiles. L’Union africaine lui donne 15 jours pour y parvenir.

Lors d’une rencontre des diplomates, Isaac Zida a promis une transition « dans un cadre constitutionnel ». L’organe de transition sera dirigé « par une personnalité consensuelle désignée par tous les acteurs de la vie nationale », a dit M. Zida, soulignant qu’il souhaite que cela se fasse dans un délai « le plus bref possible ».

« Nous ne sommes pas là pour usurper le pouvoir et diriger le pays mais pour l’aider à se tirer de cette situation », a-t-il ajouté. Ses propos laissent à penser qu’un civil – et non plus un militaire – pourrait prendre la tête de la transition.

Menaces de sanctions
Une ouverture qui satisferait les Etats-Unis. Washington, allié privilégié du Burkina dans la lutte contre les jihadistes au Sahel, avait condamné dimanche « la tentative de l’armée burkinabè d’imposer sa volonté au peuple ».

En fin de journée, l’Union africaine (UA) a donné 15 jours aux militaires burkinabè pour restituer le pouvoir aux civils. Faute de quoi, elle imposera des sanctions, a dit à Addis-Abeba Simeon Oyono Esono, président du Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Cette organisation compte 54 Etats membres. Elle oeuvre notamment à la promotion de la démocratie en Afrique.

Retour au calme
Lundi, Isaac Zida a poursuivi ses consultations avec les forces politiques et la communauté internationale à Ouagadougou. Dans la capitale, la situation était redevenue calme après l’intervention musclée de l’armée qui a chassé dimanche les manifestants, notamment de la place de la Nation, rebaptisée « place de Révolution ».

Le grand marché, fermé depuis six jours en raison des événements, a rouvert lundi. Tout comme les banques et les écoles. La circulation a repris dans les artères poussiéreuses de la ville, où le couvre-feu nocturne reste en vigueur.

Globalement, la communauté internationale a vivement réprouvé la prise de pouvoir de facto par les militaires. L’Union européenne (UE) par exemple a aussi demandé à l’armée burkinabè à respecter les droits fondamentaux de la population, y compris celui de manifester pacifiquement.

Romandie.com

Burkina: les concertations reprennent pour former un régime de transition

novembre 3, 2014

 

Burkina: les concertations reprennent pour former un régime de transition
Burkina: les concertations reprennent pour former un régime de transition © AFP

Le nouvel homme fort du Burkina Faso devait poursuivre lundi ses consultations avec les forces politiques et la communauté internationale à Ouagadougou, où la situation était calme après l’intervention musclée de l’armée la veille contre les manifestants.

Après la chute vendredi du président Blaise Compaoré, poussé à la démission par une insurrection populaire après 27 ans au pouvoir, la haute hiérarchie militaire a placé à la tête du pays le lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, mais l’opposition, la société civile et la population réclament un pouvoir civil.

La journée de dimanche a été marquée par la mort d’un jeune homme qui manifestait devant la télévision nationale, tué par une balle perdue, selon l’armée, lorsque les soldats ont dispersé l’attroupement.

M. Zida doit rencontrer à 10H00 (locales et GMT) des représentants du corps diplomatique au ministère des Affaires étrangères, tandis que les chefs de l’opposition doivent se concerter en milieu de journée au siège du parti de leur chef de file, Zéphirin Diabré.

Le chef du régime de transition s’est entretenu dimanche soir avec les ambassadeurs de France, des Etats-Unis et de l’Union européenne, mais rien n’a filtré sur leurs discussions, les diplomates se refusant à toute déclaration.

M. Zida a aussi discuté avec Jean-Baptiste Ouedraogo, président du pays entre 1982 et 1983 avant d’être renversé par un pustch. Ce dernier n’a pas fait de commentaire.

Le Burkina Faso, petit pays sahélien de 17 millions d’habitants, sera aussi le thème d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, à 12H00 GMT à Addis Abeba.

Dans les rues de Ouagadougou, la circulation avait repris normalement lundi matin, avec l’habituel ballet de mobylettes.

Le grand marché, centre névralgique du commerce fermé depuis six jours en raison des événements, a rouvert, ainsi que les banques, a constaté un journaliste de l’AFP.

La capitale a vécu dimanche une journée mouvementée.

A coup de gaz lacrymogène et de tirs de sommation, l’armée a chassé les milliers de manifestants qui contestaient sa prise de pouvoir sur la place de la Nation, devenue le lieu emblématique du mouvement de contestation populaire.

Les militaires ont aussi dispersé plusieurs centaines de personnes devant la radio-télévision nationale, où un général et ex-ministre de la Défense de Compaore, Kouamé Lougué, et une dirigeante d’un petit parti politique, Saran Sérémé, ont tenté vainement de se proclamer chef de l’Etat devant les caméras.

Malgré ce coup de force militaire, le lieutenant-colonel Zida a réitéré dimanche soir son engagement à conduire un processus de transition en concertation avec toutes les composantes de la société burkinabè.

« Le pouvoir ne nous intéresse pas, seul l’intérêt supérieur de la Nation prime », a-t-il affirmé au nom de l’armée dans un communiqué. « Un organe de transition sera mis en place avec toutes les composantes qui seront arrêtées par un large consensus, et dont la durée sera précisée ».

– Condamnations internationales –

La communauté internationale a vivement réprouvé la prise de pouvoir de facto par les militaires.

Les Etats-Unis, alliés de poids, ont condamné « la tentative de l’armée burkinabè d’imposer sa volonté au peuple », appelant « l’armée à transmettre immédiatement le pouvoir aux autorités civiles ».

La médiation internationale tripartite au Burkina, conduite par l’ONU, l’Union africaine (UA) et la Cédéao, l’organisation régionale de l’Afrique de l’Ouest, a évoqué la menace de « sanctions » si l’ordre constitutionnel, qui prévoit un intérim du président du Parlement, n’était pas respecté.

L’Union européenne a demandé à l’armée burkinabè à respecter les droits fondamentaux de la population, y compris celui de manifester pacifiquement, tandis que le président ghanéen John Dramani Mahama, qui dirige la Cédéao, a appelé « au dialogue » et à la retenue pour éviter que « la situation déjà précaire » ne dégénère.

La France, ancienne puissance coloniale et premier bailleur de fonds du Burkina Faso, ne s’est pas encore exprimée sur les derniers événements qu’elle suit de très près, comme plusieurs pays africains dont les chefs d’Etat envisageaient, comme M. Compaoré, de modifier leur Constitution pour se maintenir au pouvoir.

Loin de cette confusion, l’ex-président Compaoré jouit d’un refuge doré à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire voisine dirigée par son ami Alassane Ouattara, où il est logé depuis vendredi dans une luxueuse résidence d’Etat.

Jeuneafrique.com avec AFP

Burkina: l’armée prend le contrôle de la télévision et de la place de la Nation

novembre 2, 2014

Ouagadougou – L’armée burkinabè a pris le contrôle dimanche de deux lieux stratégiques de la capitale Ouagadougou, la radio-télévision nationale et la place de la Nation, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des soldats du régiment de sécurité présidentielle ont tiré en l’air dans la cour d’entrée du bâtiment de la télévision peu après 14H00 (locales et GMT) pour disperser une foule de manifestants, avant de se rendre maîtres des lieux en quelques minutes.

Le régiment de sécurité présidentiel est l’unité du lieutenant-colonel Isaac Zida, désigné par l’armée samedi pour diriger un régime de transition après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir et réfugié en Côte d’Ivoire.

Tous les personnels de la radio-télévision ont été évacués, ainsi que les journalistes étrangers.

L’armée a simultanément pris le contrôle de la place de la Nation, haut lieu de la contestation publique, où des milliers de manifestants étaient réunis, selon un journaliste de l’AFP.

Des soldats sont arrivés à bord de plusieurs pick-up, ont tiré en l’air et ont lancé des grenades lacrymogènes, faisant fuir les manifestants.

Les soldats ont ensuite quadrillé la place, dont on ne peut pas approcher désormais à moins de 100 mètres.

Romandie.com avec(©AFP / 02 novembre 2014 15h58)

Burkina: opposition et société civile appellent à un grand rassemblement dimanche à Ouagadougou

novembre 1, 2014

Ouagadougou – L’opposition et la société civile burkinabè ont appelé samedi à un grand rassemblement sur la place de la Nation à Ouagadougou, dimanche à 8 heures du matin, ont-elles annoncé lors d’une conférence de presse.

La Place de la Nation, située dans le centre de Ouagadougou, a été le lieu de rassemblement privilégié cette semaine des manifestations populaires qui ont chassé du pouvoir le président Blaise Compaoré.

Les partis de l’opposition et les organisations de la société civile burkinabè, qui s’étaient réunis en début d’après-midi, ont exigé une transition démocratique et civile, refusant la confiscation du pouvoir par l’armée après la chute du président Blaise Compaoré.

Les chefs de l’armée ont désigné samedi midi le lieutenant-colonel Isaac Zida comme chef du régime de transition au Burkina Faso.

La conférence de presse de l’opposition et de la société civile et l’appel au meeting avaient été annulés dans un premier temps. Mais le point presse s’est finalement tenu et l’appel au rassemblement a bel et bien été lancé, sans explication sur ces revirements successifs.

Romandie.com avec(©AFP / 01 novembre 2014 19h19)

Burkina-Faso: Des centaines de manifestants opposés à une prochaine révision constitutionnelle

octobre 28, 2014

Des centaines de manifestants opposés à une prochaine révision constitutionnelle, le 27 octobre.
Des centaines de manifestants opposés à une prochaine révision constitutionnelle, le 27 octobre. © AFP

Les opposants à une révision constitutionnelle qui permettrait le maintien au pouvoir du président burkinabè Blaise Compaoré se sont massivement mobilisés mardi à Ouagadougou. L’opposition a revendiqué la présence d’un million de manifestants.

Ouagadougou a des allures de ville déserte mardi. Les commerces, les services publics ou encore les banques sont restées fermées,  alors que tôt dans la matinée, des manifestants, pour la plupart des jeunes issus des quartiers défavorisés, munis de balais et de sifflets convergeaient vers la place de la Nation en scandant des slogans hostiles au pouvoir. « Blaise dégage », »27 ans, ça suffit ! », « Libérez Kossyam » ou encore « notre nombre est notre force », pouvait-on entendre.

Une grande mobilisation de l’opposition conduite par ses leaders comme Zéphirin Diabré  (chef de l’opposition), le sankariste Me Benewendé Stanislas Sankara ou encore Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement populaire pour le progrès, a rassemblé plus d’un million de personnes selon les organisateurs. La marée humaine s’est ensuite dirigée pacifiquement vers la Cathédrale puis l’avenue Kwamé N’Krumah en passant par le Round point des Nations-unies avant de rejoindre le point de départ de la marche.

Les citoyens ont également manifesté leur mécontentement dans les principales ville du pays, comme à Banfora, Ouahigouya, Dori, Manga ou encore à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, où une statut du chef de l’État – le mettant en scène avec l’ex-guide libyen, Mouammar Kadhafi – a été démantelée.

« C’est la fin de Blaise Comparé, vous avez vu la mobilisation contre la modification de l’article 37. Il faut donc qu’il (Compaoré) retire le projet de loi à l’Assemblée », a exigé le leader sankariste, Me Sankara.

Accueilli sous des acclamations, Zephirin Diabré a salué une mobilisation gigantesque qui marque le lancement d’une campagne de désobéissance civile. « Nous lançons un dernier avertissement à Blaise Compaoré pour qu’il retire purement et simplement son projet de loi ».

L’Assemblée nationale examinera jeudi un projet de loi gouvernemental très controversé, visant à réviser l’article 37 de la Loi fondamentale pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels. Ce changement permettrait à Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans et qui devait achever en 2015 son dernier mandat, de se présenter à nouveau à l’élection présidentielle. Alors qu’il doit être examiné le 30 octobre, Zephirin Diabré a appelé les burkinabè à organiser une résistance populaire généralisée pour s’opposer au projet de loi.

« L’opposition est pour la paix », a-t-il martelé tout en dénonçant des propos belliqueux du camp d’en face. La marche pacifique a finalement viré aux échauffourées entre forces de l’ordre et manifestants décidés à prendre le siège de l’hémicycle.

Jeuneafrique.com par Nadoun Coulibaly, à Ouagadougou

Burkina Faso : « Blaise Compaoré doit partir »

janvier 18, 2014
Des manifestants burkinabè lors de la marche du 18 janvier. Des manifestants burkinabè lors de la marche du 18 janvier. © AFP

Des manifestants burkinabè lors de la marche du 18 janvier. Des manifestants burkinabè lors de la marche du 18 janvier. © AFP

Des milliers de Burkinabè ont défilé samedi dans les rues de Ouagadougou pour protester « contre la création du Sénat, contre la modification de l’article 37 et contre la mauvaise gouvernance ». Les participants de la marche du 18 janvier entendaient bien faire passer leur message : non à un nouveau mandat de Blaise Compaoré en 2015. Reportage.

Le jour s’est levé depuis trois heures sur la place de la Nation, épicentre de Ouagadougou, mais le soleil, caché par les nuages, ne s’est toujours pas montré. « Il pleut ! Il pleut ! » s’égosille l’animateur à la tribune devant une foule encore clairsemée. Plusieurs mois que les Burkinabé n’avaient pas vu tomber une goutte. Dans les rangs de l’opposition, on veut y voir un signe du destin. « La pluie, c’est bon présage chez nous », glisse un des organisateurs de la marche du 18 janvier « contre la création du Sénat, contre la modification de l’article 37 (qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels et, de fait, interdit à Blaise Compaoré de se représenter en 2015, NDLR) et contre la mauvaise gouvernance » – marche organisée par plusieurs partis d’opposition et des organisations de la société civile.

« Ils doivent quand même avoir peur là-bas », poursuit l’animateur. Là-bas, c’est le palais de Kosyam dans son esprit. Là d’où règne Blaise Compaoré sur le pays depuis des années. Là où, veut croire Germain, un enseignant arrivé parmi les premiers sur la place, « on a dû prier toute la nuit pour qu’il pleuve ».

Cela n’a visiblement pas brisé l’élan qui était né en juin dernier, lorsque l’opposition avait rassemblé des dizaines de milliers de manifestants pour contester la création d’un Sénat jugé « budgétivore et inutile ». Depuis, Compaoré a fait comprendre à ses concitoyens qu’il entendait bien modifier la Constitution pour se représenter – c’était en décembre -, et certains des barons de son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), lui ont fait faux bon – début janvier. Ils sont là ce matin, place de la Nation. Roch Marc Christian Kaboré est arrivé main dans la main de Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition qui fut lui-même un cadre du parti au pouvoir dans les années 1990. Victor Tiendrébéogo, un ministre du Mogho Naaba, le roi des Mossi, est là lui aussi, tout comme Simon Compaoré, l’ancien maire de la capitale. Seul manque Salif Diallo, un autre des « barons » démissionnaires.

Sous la tente qui les protège de la pluie, ils côtoient les leaders de l’opposition : Bénéwendé Sankara, Hama Arba Diallo, Ablassé Ouédraogo, Saran Sérémé, Boukary Kaboré dit « Le lion »… Combien sont-ils ce matin autour d’eux ? Certainement pas 200 000, chiffre avancé par quelques journalistes. Mais plusieurs dizaines de milliers, oui. 60 000 ? 70 000 ? 120 000 ? Qu’importe. Au fil de la marche et des slogans (« Libérez Kosyam », « Démission »), le message envoyé à Kosyam est clair : si Compaoré persiste dans sa volonté de briguer un nouveau mandat, il trouvera face à lui des Burkinabé résolus.

Il y a là des jeunes (peu d’enfants), des vieux, des femmes. Des chemises africaines ou occidentales, des faso dan fani (la tenue imposée sous la révolution de Thomas Sankara), des maillots de l’équipe nationale de football… Il y a des balais à brosse, des balais végétaux ou des balais de paille, en référence au Balai citoyen, l’une des organisations de la société civile qui a appelé à manifester et qui veut envoyer Compaoré « à la retraite en 2015 ». Il y a aussi des pancartes explicites : « 1987. Je suis né, il était déjà au pouvoir » ou encore « Les cimetières sont pleins de personnes qui se croyaient indispensables… »

« Notre combat ne fait que commencer »

Après la marche, qui s’est déroulée sans heurts dans le centre de Ouagadougou, voilà le temps des discours. Le rappeur Smockey, un des animateurs du Balai citoyen, cite les paroles que Compaoré avait tenues en 1987 après l’assassinat de Sankara : « Je n’ai jamais rêvé du pouvoir. Je ne m’y accrocherai pas ». « Vingt-six ans après, il est toujours là », peste Smockey, avant d’inviter le président à « rentrer quand même dans l’histoire » en transmettant le pouvoir à son successeur « dès 2015 ».

« Nous n’avons qu’un seul Mogho Naaba. Tout autre prétendant veut voler l’histoire », clame ensuite Arba Diallo. Qui poursuit, provocateur : « Nous sommes tous des CDP, ce qui veut dire : Compaoré doit partir ». Hilarité générale.

C’est Diabré qui finira (Roch Kaboré, lui, n’aura pas droit au micro, mais tout de même à quelques acclamations). « Avec cette mobilisation historique, le monde sait maintenant qu’au Burkina Faso, le peuple est debout pour dire non au pouvoir à vie, attaque le chef de file de l’opposition. Rien ne sera plus comme avant ». Et de réclamer la « dissolution » de la Fedap-BC, une association de soutien au président qui a pris les rênes du CDP au fil des ans. Et d’appeler les cadres du CDP à rejoindre les opposants : « Nous n’avons pas de revanche à prendre ». Et de lancer un nouvel avertissement au président : « Notre combat ne fait que commencer ».

Jeuneafrique.com par Rémi Carayol, envoyé spécial