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Syrie: Damas meurtrie par les attentats les plus sanglants en deux ans

février 22, 2013
Photo Par Louai Beshara - La série d'attentats qui a frappé Damas jeudi a fait plus de 80 morts selon un nouveau bilan, soit les attaques les plus meurtrières dans la capitale depuis le début du conflit il y a près de deux ans en Syrie
  • AFP/AFP – Photo Par Louai Beshara – La série d’attentats qui a frappé Damas jeudi a fait plus de 80 morts selon un nouveau bilan, soit les attaques les plus meurtrières dans la capitale depuis le début du conflit …plus  il y a près de deux ans en Syrie  moins 
  • Photo Par Louai Beshara - Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier dans la capitale syrienne depuis le début du conflit il y a près de deux ans. Les Affaires étrangères ont donné de leur côté un bilan de 53 mortsLes attentats de jeudi ont été condamnés aussi bien par l'opposition que par le régime qui a accusé des "groupes liés à Al-Qaïda", ainsi que par les Etats-Unis, la Russie et le patron de l'ONU, Ban-Ki-moonPhoto Par Louai Beshara – Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier dans la capitale syrienne depuis le début du conflit il y a près de deux ans. Les Affaires étrangères ont donné de leur côté un bilan de 53 morts
  • Les attentats de jeudi ont été condamnés aussi bien par l’opposition que par le régime qui a accusé des « groupes liés à Al-Qaïda », ainsi que par les Etats-Unis, la Russie et le patron de l’ONU, Ban-Ki-moon

Au total, les violences de jeudi à travers le pays ont fauché la vie de près de 290 personnes selon une ONG syrienne, soit l’un des bilans quotidiens les plus lourds dans cette guerre civile qui ne donne aucun signe de répit.

La Syrie s’enfonce de plus en plus dans la spirale de violences alors les grandes puissances restent divisées sur une solution au conflit. Jeudi, les membres du Conseil de sécurité ne sont même pas arrivés à se mettre d’accord sur le texte d’une déclaration réagissant aux attentats de Damas.

Quatre attentats ont frappé jeudi la capitale syrienne, place forte du régime de Bachar al-Assad, faisant au moins 83 morts, en majorité des civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

La principale attaque a eu lieu dans le centre de Damas, lorsqu’un kamikaze a fait sauter sa voiture remplie d’explosifs près de l’entrée du siège du parti Baas, au pouvoir depuis un demi-siècle, tuant 61 personnes.

L’attentat a fait exploser les fenêtres de l’ambassade de Russie, sans faire de blessés, selon des agences de presse à Moscou. La Russie est l’un des rares pays appuyant le régime du président Assad et continue d’avoir une présence diplomatique à Damas.

Dans ce qui semble être une action coordonnée, un triple attentat a visé le même jour des sièges des services de sécurité dans le nord de Damas, tuant 22 personnes, dont 19 membres des forces gouvernementales, selon l’OSDH qui s’appuie sur un large réseau de militants et de médecins à travers le pays.

Une série d’attentats meurtriers ont frappé ces derniers mois Damas, visant les bâtiments gouvernementaux, des Renseignements ou de la sécurité, dont plusieurs ont été revendiqués par les jihadistes du Front Al-Nosra.

Les attentats de jeudi ont été condamnés aussi bien par l’opposition, qui a évité cette fois-ci de pointer le régime du doigt, que par Damas qui a accusé des « groupes liés à Al-Qaïda », ainsi que par les Etats-Unis, la Russie et le patron de l’ONU, Ban-Ki-moon.

Moscou fustige Washington à l’ONU

Mais si M. Ban a réaffirmé « sa ferme conviction qu’une solution politique est la seule issue », celle-ci semble improbable à court terme, régime et rebelles étant déterminés à en finir avec l’autre partie coûte que coûte.

Les divisions internationales entre pays occidentaux, qui appellent au départ de M. Assad, et la Russie, qui soutient le régime, compliquent aussi la donne.

Ainsi, les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU n’ont pas réussi jeudi soir à se mettre d’accord sur le texte d’une déclaration réagissant aux attentats de Damas, en raison de divergences sur les responsabilités respectives du régime et de l’opposition dans les violences en Syrie, selon un diplomate.

De son côté, la Russie a accusé les diplomates américains de bloquer une condamnation des attentats par le Conseil de sécurité, et affirmé que les Etats-Unis « encourageaient » les attaques des insurgés en bloquant les communiqués du Conseil sur les attaques en Syrie.

Le conflit a fait plus de 70.000 morts en près de deux ans et poussé à l’exode des centaines de milliers d’habitants. Selon l’OSDH, plus de 200.000 personnes ont été emprisonnées par les forces du régime et des centaines sont mortes sous la torture.

Vendredi, l’organisation de défense de droits de l’Homme Human Rights Watch a demandé un accès aux prisons syriennes après la mort il y a quelques jours d’un militant de 64 ans, Omar Aziz, décédé d’une crise cardiaque, alors qu’il était transporté à l’hôpital de la redoutable prison de Mazzé à Damas.

M. Aziz distribuait de l’aide humanitaire dans les banlieues de Damas en proie aux combats, avant d’être arrêté en novembre dernier.

AFP

Centrafrique: l’armée repoussée après avoir tenté de reprendre Bambari

décembre 29, 2012

Les forces régulières centrafricaines ont été repoussées par la rébellion du Séléka après avoir vainement tenté de reprendre la ville de Bambari (centre), ancienne place forte de l’armée tombée dimanche, a-t-on appris samedi de sources concordantes.

« Je suis encore à Bambari à l’heure actuelle. Nous tenons la ville. On a été attaqués par les FACA hier, mais on les a repoussés. Les combats a duré environ deux heures », a affirmé à l’AFP un responsable du Séléka Djouma Narkoyo, joint par téléphone satellitaire. L’information a été confirmée de source militaire centrafricaine.

Jeuneafrique.com avec AFP

Mali : la drôle de guerre

décembre 3, 2012
Mali : la drôle de guerre Mali : la drôle de guerre

À Mopti et à Sévaré, on est au plus près de la ligne de front du Nord-Mali. Les islamistes armés sont à moins de 200 km. Les militaires prétendent qu’ils sont prêts à se battre, mais refusent encore de voir que, seuls, ils ne peuvent rien ou presque… Reportage.

Assise derrière son comptoir, soeur Évangéline suit les instructions à la lettre. « D’où venez-vous ? Pourquoi êtes-vous là ? Vous restez combien de temps ? » Pour louer une chambre au Centre Jean Bosco de Sévaré, un hôtel appartenant au diocèse, il faut affronter le feu roulant des questions de sa gérante. L’oeil affûté, elle traque la moindre hésitation. « Nous sommes en zone de guerre, se justifie-t-elle. On nous a demandé d’être très vigilants. »

« On », ce sont les autorités administratives et militaires de la communauté urbaine de Mopti-Sévaré. La place forte, le dernier rempart contre les islamistes armés qui, depuis fin mars, contrôlent tout le nord du Mali. Avec sa garde nationale, son camp de l’armée de l’air et sa base de l’armée de terre, où est installé le poste de commandement opérationnel (PCO), Sévaré a des allures de ville-garnison.

Bamako, la capitale malienne, est à 600 km de là, mais moins de 200 km séparent Mopti et Sévaré (deux villes situées à une dizaine de kilomètres l’une de l’autre) de Douentza, première position occupée par des jihadistes. Au-delà de cette ligne, il n’y a plus ni administration ni service public. Peu ou pas de centres de santé. Aucun treillis arborant le vert, le jaune et le rouge – les couleurs du drapeau malien. De fait, à Douentza, on n’est plus au Mali, mais dans un territoire dirigé d’une main de fer par trois groupes jihadistes qui, en quelques mois, ont supplanté les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Nul n’ose plus contester la suprématie d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et des combattants d’Ansar Eddine, emmenés par Iyad Ag Ghali. Femmes voilées, mains et pieds coupés, lapidations, coups de fouet pour les fumeurs ou les consommateurs d’alcool… Moins de 200 km séparent les habitants de la ville de l’horreur.

Check-points

À Mopti, les discussions en cours au Burkina Faso entre Ansar Eddine et le MNLA laissent indifférents. On se moque ici du fait que, le 16 novembre, les deux groupes rivaux se soient dits prêts à « un dialogue politique » avec Bamako. On fait peu de cas des tergiversations des politiciens sur la tenue d’une concertation nationale, censée ouvrir la voie à des élections. Les déclarations en provenance de Paris ou de New York ne sont répercutées que de loin en loin par les médias locaux. À Mopti, seule compte la proximité de la ligne de front, dont on est sûr qu’elle va bientôt bouger. Oumar Bathily, le maire de la ville, explique qu’il a « dû faire face à un afflux de réfugiés qui va sûrement augmenter dès la reprise des combats ». Près de 41 000 déplacés ont été recensés, et l’aide humanitaire peine à satisfaire tous les besoins.

À Sévaré comme à Mopti, des check-points permettent de filtrer les arrivées. Des soldats abrités sous des tentes ou à l’ombre des acacias surveillent mollement les allées et venues. Le dispositif n’est pas très convaincant, mais rassure – un peu – les populations. « Ici, vous êtes en sécurité, promet soeur Évangéline. L’armée contrôle tout, ils ont arrêté des gens… Vous le saviez ? »

Rares sont ceux qui sont ouvertement favorables au plan d’intervention de la Cedeao

La presse malienne et internationale avait largement relayé l’information : le 4 novembre, les gendarmes ont intercepté un apprenti jihadiste, un Français d’origine malienne, à la gare routière de Sévaré. Ibrahim Ouattara tentait de rallier Tombouctou à bord de l’un des rares cars bancals qui osent encore faire le trajet. Depuis, « tout le monde surveille tout le monde, observe Mamoudou Bocoum, journaliste à Radio Kaoural, la radio communale. Chacun de nous a des yeux derrière la tête. On n’a pas envie d’en voir débarquer d’autres ou même que des jihadistes s’infiltrent ici et commettent des attaques. »

Dans son bureau climatisé du gouvernorat de Mopti, Mamadou Gaoussou Traoré, conseiller aux affaires administratives et juridiques, n’en revient toujours pas : « Je ne comprends plus rien. Alors qu’on ne pense qu’à se débarrasser des jihadistes, il y a des jeunes, en France, qui cherchent à les rejoindre. C’est insensé ! Comment peut-on penser que ça [les exactions commises par les groupes armés, NDLR], c’est l’islam ? » peste-t-il, avant de vanter la tradition de tolérance qui caractérise sa région. « Mopti, cela veut dire « rassemblement » en peul. Nous avons toujours vécu ensemble. Nous devons combattre ceux qui veulent utiliser la religion pour cacher leurs trafics. »

Femmes s’entraînant au maniement des armes à Sévaré. Elles appartiennent à la Force de libération des régions Nord du Mali (FLN), une milice d’autodéfense qui prétend pouvoir se battre contre les jihadistes.

© Reuters

Hagards et poussiéreux

Est-ce une manière d’approuver le plan d’intervention proposé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et sur lequel doivent se prononcer les Nations unies ? Non. Rares sont ceux qui y sont ouvertement favorables. Les seuls habilités à mener les combats, explique-t-on à Mopti et à Sévaré, ce sont les militaires maliens. Même si on les a vus rentrer hagards et poussiéreux après la débâcle du mois de mars, quand les garnisons du Nord sont tombées les unes après les autres sous les assauts conjugués du MNLA et d’Ansar Eddine. « C’est une question d’honneur, martèle Moussa Maïga, un commerçant originaire de Gao réfugié à Mopti. L’armée malienne a perdu ces villes, c’est à elle de les reprendre ! » Lui n’a pas de mots assez durs pour parler de ces soldats qui « passent leur temps dans les maquis et qui, au moindre prétexte, se bagarrent avec des jeunes de la ville ». Au fil des mois, la cohabitation est devenue compliquée, et le commandant de région lui-même a dû intervenir pour ramener le calme.

Le colonel Didier Dacko, 45 ans, dirige le PCO de l’armée redéployé à Sévaré après la chute de Gao. Il fait partie de la première promotion du prytanée militaire de Kati – tout un symbole pour les Maliens qui vouent une admiration sans bornes aux porteurs d’uniforme de la première heure. Les éloges se succèdent lorsque l’on évoque le nom de ce Bobo originaire de San, dans la région de Ségou. Dans les états-majors de la sous-région, on le décrit comme un officier de grande valeur, qui a le sens de la patrie chevillé au corps. Ses hommes, eux, parlent d’un « officier exceptionnel » et « profondément meurtri par l’état de l’armée ». À Sévaré, un commandant affirme « l’avoir vu pleurer quand il a dû quitter Gao ». « Il était le dernier, se souvient-il. On a dû le forcer à partir. Aujourd’hui, il n’a qu’une envie : retourner au front. » Si intervention il devait y avoir, le colonel Dacko serait un des hommes clés du dispositif militaire. Il n’est pas rare de le voir sillonner la ville au volant de son pick-up.

En juin, il avait expliqué à Jeune Afrique qu’il n’avait « pas besoin des troupes de la Cedeao pour libérer [le Mali]. Un soutien aérien serait le bienvenu, mais nous pouvons nous en passer ». Aujourd’hui, s’il consent à nous recevoir tard le soir, entouré de ses plus proches collaborateurs, il refuse d’aborder les questions militaires. Un téléphone vissé à l’oreille, à l’affût de la moindre information en provenance du Nord comme du Sud, il fait valoir le devoir de réserve auquel il est astreint. Tout juste reconnaît-il ronger son frein en attendant les ordres qui l’enverront au-delà de Konna, un bourg situé à 70 km au nord de Mopti, où sont stationnés la plupart des militaires maliens. Combien sont-ils ? Quatre mille, cinq mille ? L’armée refuse de confirmer les chiffres les plus couramment avancés, mais à Bamako, une source militaire nous assure qu’ils sont « plus de deux mille ».

Pas de négociations avec les gens qui ont du sang sur les mains.

Fatoumata Siré Diakité, vice-présidente du Front du Refus

En attendant l’arrivée des instructeurs promis par l’Union européenne, 17 officiers français sont venus à Sévaré, le 15 novembre, pour tenter d’évaluer les besoins de l’armée malienne. « Nous avons besoin de formation en matière de guidage, explique un militaire sous le couvert de l’anonymat. En cas de tirs aériens, il faut des militaires qualifiés au sol pour donner des positions exactes aux pilotes d’avion. Pour le reste, nous pouvons former nos soldats : la majorité d’entre nous a fait ses classes aux États-Unis, en Algérie ou en Allemagne », ajoute-t-il convaincu.

Optimisme

Un optimisme un peu fou qui fait fi du rapport de forces, pour l’instant en faveur des groupes armés. Mais, à Bamako, la grande opération de « reconquête du Nord » a presque disparu des discours officiels. Le 18 novembre, le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a affirmé que « le dialogue [était] inévitable » et a souligné que les combattants du MNLA et d’Ansar Eddine étaient des Maliens – par opposition aux étrangers d’Aqmi, avec lesquels il n’y aurait pas de négociation possible.

Ces miliciens qui veulent libérer le Mali

Il n’y a pas que l’armée qui se prépare à affronter les islamistes qui contrôlent le nord du Mali. Nées au début des années 1990 pour se protéger des rezzous des rebelles touaregs, les milices d’autodéfense sont majoritairement composées de Songhaïs et de Peuls : Force patriotique de résistance (FPR), Boun Ba Hawi (« la mort vaut mieux que la honte »), Force de libération des régions Nord du Mali (FLN), Ganda Koy (« propriétaires terriens »), Ganda Izo (« les enfants du pays »)… Ces derniers se sont installés à Soufroulaye, petite commune située à une dizaine de kilomètres au sud de Sévaré. Pour Ibrahim Issa Diallo, leur chef, pas question d’attendre une hypothétique intervention internationale qui débuterait au mieux en 2013. « On ne peut pas toujours attendre, ce n’est pas possible ! s’emporte-t-il. Nous allons tenter quelque chose si ça continue de prendre du temps. » Muni de quelques carabines et de fusils (il refuse d’en préciser le nombre), Diallo est persuadé qu’il peut faire reculer les jihadistes avec ses 800 recrues. Oubliant un peu vite que certains de ces combattants sont soupçonnés d’accointances avec les islamistes. M.G.-B.

Le Front du refus (FDR, la coalition hostile au coup d’État du 21 mars) a manifesté son désaccord. « Pas question de négocier avec des gens qui ont le sang de Maliens sur les mains », a déclaré sa vice-présidente, Fatoumata Siré Diakité. Même chose pour Yèrè wolo ton, une association membre de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam, soutien de la junte) qui avait appelé à manifester le 22 novembre, réclamant la démission du Premier ministre. Pour eux comme pour beaucoup, il n’est pas envisageable de discuter avec ceux qui ont pris les armes. « Un groupe veut l’indépendance, l’autre l’application de la charia… Ni l’une ni l’autre ne sont possibles. De quoi peut-on discuter ? » s’emporte Ousmane Sylla, commerçant à Bamako.

Quant à l’intervention militaire, rien ne dit qu’elle pourrait débuter rapidement. Le 19 novembre, Romano Prodi, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon au Sahel, a affirmé que rien ne serait possible avant septembre 2013. Un audit de l’armée malienne, mené par des experts internationaux, vient à peine de commencer, et les 250 formateurs européens ne seront pas là avant la fin de l’année. Ils devront former quatre bataillons de soldats maliens (2 600 hommes) à l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro, avant leur départ pour le front.

En attendant, la nuit tombe sur Sévaré. Huit militaires entassés dans un pick-up patrouillent à vitesse réduite. Au Fiesta Club, l’un des derniers « bars branchés » encore ouverts, on boit des bières, on danse, mais dans quelques heures la tension grimpera de nouveau. Ici, désormais, on se réveille au bruit des armes automatiques.

Jeuneafrique.com Par Malika Groga-Bada, envoyée spéciale

Omrane Shaaban, le défunt héros de la nouvelle Libye

septembre 29, 2012

Dans les sables de Libye, là où il repose depuis bientôt un an, Mouammar Kadhafi a dû esquisser l’un de ses sourires mauvais qui glaçaient ses interlocuteurs. Car mardi 25 septembre, l’un des rebelles qui avait contribué à sa capture, Omrane Shaaban, l’a rejoint six pieds sous terre. Ce jeune Libyen de 22 ans a été inhumé à l’issue d’une gigantesque prière organisée à Misrata, sa ville natale, une place forte de l’insurrection contre le despote halluciné de Tripoli.

Quelque 10 000 personnes ont assisté aux obsèques d'Omrane Shabaane, le 25 septembre, à Misrata.
Quelque 10 000 personnes ont assisté aux obsèques d’Omrane Shabaane, le 25 septembre, à Misrata. | ANIS MILI/REUTERS

Près de 10 000 habitants, massés sur la pelouse du stade municipal, se sont prosternés devant sa dépouille, enveloppée dans le drapeau libyen. Consacré martyr de la patrie, Omrane Shaaban était décédé la veille, dans un hôpital parisien, où il avait été transféré en urgence à la mi-septembre, après avoir passé deux mois dans les geôles de Bani Walid, une ville au sud de Misrata tenue par des nostalgiques du colonel Kadhafi.

Le jeune homme, ingénieur de formation, y avait été kidnappé en juillet, alors qu’il participait, au sein de la brigade Deraa Libya, une milice rattachée au ministère de la défense, à une opération destinée à libérer des journalistes de Misrata, précédemment capturés.

Blessé par balle dans un accrochage avec des miliciens de Bani Walid, visiblement torturé par ses ravisseurs, Omrane Shaaban n’avait plus que « la peau sur les os », selon ses parents, quand Mohamed Megarief, le président du Parlement libyen, avait obtenu sa libération, le 13 septembre.

Le jeune rebelle devait sa célébrité aux photos et aux vidéos qui l’avaient montré en train d’arrêter un Kadhafi aux abois, le visage hagard et ensanglanté, le 20 octobre, à proximité d’une canalisation, en lisière de la ville de Syrte.

IL A DÉSARMÉ  KADHAFI, LUI CONFISQUANT SON PISTOLET EN OR

Avec quelques compagnons d’armes, Omrane Shaaban avait appris qu’une cinquantaine de véhicules tentaient de fuir la ville, alors assiégée par les rebelles. Ils s’étaient lancés à la poursuite du convoi, qui devait entre-temps être bombardé par les forces de l’OTAN engagées aux côtés des insurgés.

Les rescapés, dont le Guide et quelques-unes de ses gardes du corps, avaient tenté de se cacher dans un tuyau de béton. « L’un d’eux a agité le drapeau blanc, avait raconté Omrane Shaaban, au quotidien espagnol El Pais. Il nous disait que son chef est ici et qu’il était disposé à se rendre. Mais nous n’avions pas imaginé une seconde que ce chef en question pouvait être Kadhafi. »

De ce groupe de thuwar (rebelles) chanceux, l’histoire a retenu qu’Omrane Shaaban est celui qui a désarmé Mouammar Kadhafi, lui confisquant son fameux pistolet en or. Le dictateur libyen décéda peu après, probablement sous les coups de combattants de Misrata, où son corps fut exposé pendant plusieurs jours.

La mort d’Omrane Shaaban pourrait rouvrir l’une des plaies mal refermées de la nouvelle Libye : l’antagonisme entre Bani Walid et Misrata. Les combattants de cette dernière menacent de se faire justice si les autorités n’arrêtent pas au plus vite les meurtriers du nouveau héros libyen.

Lemonde.fr par Benjamin Barthe