Le monstre sacré du cinéma français est de plus en plus radioactif. (Photo d’archives) Photo: Getty Images/Ben A. Pruchnie
Les révélations de ces derniers jours sur le comportement de Gérard Depardieu envers les femmes jettent une lumière crue sur la prise de conscience du cinéma français en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Icône nationale au même titre qu’Alain Delon ou Brigitte Bardot, connu dans le monde entier, Gérard Depardieu a longtemps semblé bénéficier d’une certaine indulgence. Et ce, même après sa mise en examen pour viols, en 2020, à la suite de la plainte d’une comédienne alors âgée d’une vingtaine d’années, Charlotte Arnould.
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Des propos scabreux dévoilés à la télévision française
Depuis la diffusion jeudi, sur la chaîne de télévision France 2, d’une séquence tournée cinq ans plus tôt en Corée du Nord, le monstre sacré semble radioactif.
Sur ces images récupérées par l’émission Complément d’enquête, l’acteur multiplie les propos misogynes et insultants en s’adressant à des femmes, n’épargnant pas une fillette de ses propos obscènes.
C’est des grosses sal*pes
, affirme-t-il notamment au sujet des femmes lors d’une visite dans une écurie, devant la jeune Nord-Coréenne qui lui sert d’interprète.
En même temps, une deuxième plainte pour agression sexuelle a été déposée contre lui par la comédienne Hélène Darras, pour des faits, a priori prescrits, remontant à 2007 sur un tournage.
Depuis, de rares mea culpa se sont fait entendre. Nous sommes tous un peu coupables
, a reconnu sur France 2 le président du syndicat des producteurs de cinéma, Marc Missonnier. Il y avait une tolérance [à l’égard de Depardieu], ce qui est une erreur.
L’actrice Anouk Grinberg, qui le connaît depuis 30 ans et n’a pris que récemment la parole pour épauler Charlotte Arnould, a dénoncé à nouveau lundi, sur la radio France Inter, la monstruosité
de Depardieu. Elle a également appelé le milieu à mettre fin à l’autre monstruosité […], celle des gens du cinéma qui sont indifférents au mal qu’on fait aux femmes, aux humiliations qu’on leur inflige
.
Le vent tourne pour Depardieu
Boulimique des tournages, Depardieu a dû mettre sa carrière sur pause à la fin d’octobre, renonçant à prêter sa voix au prochain film d’animation de Michel Hazanavicius, le réalisateur de The Artist. Et il a été écarté de la promotion d’Umami au printemps dernier. Avec 50 000 entrées en France, le film a d’ailleurs été un cuisant échec.
France Télévisions, dont un responsable a jugé qu’il ne fallait plus célébrer
Gérard Depardieu, se garde toutefois de censurer les œuvres d’une figure majeure du patrimoine cinématographique national.
Le groupe de télévision publique a précisé lundi sa position à l’AFP : Des films avec Gérard Depardieu continueront d’être achetés et diffusés
, dont plusieurs chefs-d’œuvre
. Le film de Xavier Giannoli Illusions perdues, où l’acteur partage l’écran avec Xavier Dolan et Cécile de France, sera notamment diffusé dimanche sur France 2.
La prise de conscience autour de l’interprète de Cyrano de Bergerac fait suite à plusieurs affaires qui marquent un changement d’ambiance dans le 7e art français.
Le 7e art français sous la loupe
Le cinéaste Nicolas Bedos, qui a vu défiler devant sa caméra le gratin du cinéma français, de Guillaume Canet à Isabelle Adjani, sera jugé au début de 2024 pour des attouchements dans une boîte de nuit, un geste involontaire, selon lui. Il est visé depuis juillet par une enquête pour viol et agressions sexuelles après trois plaintes distinctes.
Dans ce contexte, c’est en catimini que la plateforme Amazon Prime a sorti en octobre la nouvelle série du réalisateur, Alphonse, à la distribution pourtant étoilée : Jean Dujardin, Charlotte Gainsbourg, Nicole Garcia…
Plus largement, sous la pression d’activistes, comme le collectif 50/50, et des autorités, la prévention progresse. Les formations en la matière sont devenues obligatoires, tandis que le recours à des coordinateurs et coordinatrices d’intimité pour les scènes de sexe commence à se banaliser.
Mais le cinéma français a déjà connu des périodes d’introspection sur le sujet, avant que la question des violences sexuelles ne retombe dans un relatif oubli. En 2019, l’actrice Adèle Haenel avait dénoncé l’« emprise » du réalisateur Christophe Ruggia alors qu’elle était adolescente, conduisant à sa mise en examen pour agressions sexuelles sur mineur
. Quatre ans plus tard, elle a quitté le milieu, dont elle dénonce la complaisance
.
Par Radio-Canada avec Agence France-Presse