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Victor Guilbert, le lauréat du prix « Le Point » du Polar européen

mars 30, 2022

Avec « Terra Nullius » (Hugo et Cie), le Français Victor Guilbert, qui nous emmène dans une décharge à ciel ouvert, remporte la 20e édition de ce prix.

Victor Guilbert, photographié le 19 mars à Manhattan, où il vit.

Le jury

Jean-Louis Debré Ancien ministre, ancien président du Conseil constitutionnel (président du jury)

Hannelore Cayre Écrivaine, lauréate 2017 du prix

Jacques Dupont Le Point

Irène Frain Écrivaine

René Frégni Écrivain

Julie MalaureLe Point

Christophe Ono-dit-Biot Le Point

François Pirola Ancien président du festival Quais du polar

Le lauréat « Terra Nullius », de Victor Guilbert PAR JEAN-LOUIS DEBRÉ 

« J’ai choisi d’aller à contre-courant de l’actualité et de situer ce polar sur un territoire que personne ne revendique : une décharge sauvage, coincée entre la France et la Belgique, près d’un bidonville, que chacun ignore. » Voilà ce que Victor Guilbert nous dit de ces « hectares de la honte », qui ne sont pourtant pas des territoires sans vie ni sans histoires. Pour les enfants qui y vivent, cette poubelle à ciel ouvert est « leur normalité », poursuit le jeune romancier. Ils sont comme ces lions qui naissent dans les zoos et qui ne verront jamais la savane, analyse Mani, « la cheffe du camp » qui jouxte la décharge.

Hugo Boloren, un petit flic parisien, désabusé, neurasthénique, qui accompagne sa mère à Lille pour consulter un spécialiste de la maladie d’Alzheimer, apprend par la radio qu’un gamin d’une dizaine d’années, Jimcaale, vient de se faire sauvagement agresser dans cette décharge alors qu’il arborait une armure de tôle ondulée et une marmite à confiture transformée en casque en guise de déguisement. On dit de ce garçon qu’il était à la recherche d’un trésor. Mais qu’est-ce qu’un trésor dans une décharge abandonnée des hommes ?

« Terra Nullius » (Hugo Thriller, 320 p., 19,95 €). En poche : « Douve » (J’ai lu, 352 p., 8 €).Extrait« Jim était un chouette gamin, aimé de tous. Il était le rayon de soleil dans l’enfer de cet endroit. »

Dante. La mort de l’enfant succède à trois meurtres non élucidés. Le mystère restant entier, Boloren et deux de ses collègues décident de s’y aventurer, pour « voir ». C’est le début d’une enquête passionnante, de rencontres avec une galerie de personnages mystérieux, d’une vague de haine à la surface de cette mer de rebuts et de rivalités profondes. On sait aussi depuis Douve, la première enquête du flic Hugo Boloren, parue l’an passé, qu’il faut se garder de toute conclusion hâtive.

Le fait d’être dramaturge et auteur de nouvelles permet à Guilbert de montrer un formidable sens du texte. On se prend à noter des saillies, pour leur poésie, ou pour leur écho intime avec quelque vérité universelle. Terra Nullius, ces terres oubliées à la frontière belge, cette cour des Miracles des indigents, des cabossés, peut se lire comme un polar, mais aussi comme un conte. Avec ses personnages de fable, comme dans un film de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. C’est un voyage avec ses étapes, ses épreuves, que Boloren doit passer, et dépasser, pour progresser, tel Dante dans les neuf cercles de l’Enfer. On pourrait dire que l’on souhaite à cet auteur de 38 printemps basé à New York une longue et belle carrière, mais on la lui prédit, pour sûr, spectaculaire.

Avec Le Point