Depuis sept semaines, des manifestations spontanées paralysent le pays.
Chaque jour, des milliers de contestataires bloquent de nombreuses rues avec des pierres, des branches, des troncs d’arbres, des blocs de béton, des barrières de métal.
Tout ce qu’ils trouvent sert à paralyser la circulation et à empêcher le transport de marchandises vitales. Ils espèrent attiser la colère des citoyens pour forcer le président à démissionner.
Les manifestants ont cependant été moins nombreux dans les rues de Port-au-Prince depuis deux jours, ce qui a permis aux policiers de dégager des artères importantes et permettre à la circulation de reprendre.
Manifestations et violence
La tension semble continuer de monter dans les rues de Port-au-Prince même si les manifestants étaient moins nombreux depuis quelques jours. Il suffit de s’arrêter quelques minutes au carrefour de l’aéroport rebaptisé Carrefour des résistants pour entendre une salve de coups de feu à quelques mètres de là.
Quelques instants plus tard, au Champ de mars, lieu de rassemblement traditionnel de jeunes pour discuter de politique et de la situation en Haïti, d’autres coups de feu retentissent. Ils semblent plus loin, à quelques coins de rue de là. La pétarade est plus longue et on ne sait pas si les tireurs avancent vers la place publique ou non. Mais les jeunes n’y prêtent aucune attention. Ils continuent de discuter entre eux comme si de rien n’était.
Du 15 au 30 septembre uniquement, le Réseau national de défense des droits humains, une ONG haïtienne, a recensé 17 morts et 189 blessés directement en lien avec les soulèvements populaires.
Un président qui incarne les maux affligeant Haïti
Elle vit au quotidien les conséquences de l’inflation galopante de 17 % annuellement. Une douzaine d’œufs lui coûtait 200 gourdes haïtiennes (2,80 $) il y a deux ans et demi. La même boîte coûte aujourd’hui 300 gourdes (4,20 $).
Depuis que Jovenel Moïse est président, nous avons faim et nous manquons de nourriture, dit-elle. Il n’y a pas de travail. Les banques sont fermées. Les écoles aussi. Nos enfants souffrent, affirme Étude.
L’ONU estime que deux millions d’enfants sont privés d’école depuis des semaines en raison du soulèvement populaire et du désordre en Haïti. Étude Lobs a perdu la majeure partie de ses clients puisque son kiosque est situé à côté du Collège Canado-Haïtien.
Elle demeure néanmoins responsable de sa famille et de ses cinq enfants. Son fils de 27 ans, Christian, l’accompagne aujourd’hui. Il n’arrive pas à trouver du travail dans ce pays au taux de chômage avoisinant les 70 %.
Tant qu’à rester à la maison à ne rien faire, je l’amène ici avec moi pour qu’il m’aide, explique Étude.
Des promesses vides et brisées
Joël Célestin est adossé contre le mur tout près d’Étude et de son fils. Il ne se gêne pas pour intervenir lui aussi. Non seulement le président Moïse a-t-il appauvri les Haïtiens, dit-il, il leur a aussi fait des promesses mirobolantes qui ne se sont jamais réalisées, ce qui contribue à la méfiance envers les politiciens.
Aux élections présidentielles de 2016 [à laquelle le taux de participation n’était que de 21 %], il a promis du travail et de l’eau aux citoyens, affirme Joël. Il a aussi promis l’électricité 24 heures par jour, mais on n’a jamais eu ça. Il y a encore des pannes de courant rotatives.
Joël Célestin est artiste dans un pays où les citoyens se battent chaque jour pour leur survie. Penser vendre ses toiles en ce moment n’est tout simplement pas réaliste.
Radio-Canada.ca par Philippe Leblanc