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En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo reste radié de la liste électorale

mai 20, 2023

La CEI maintient l’exclusion de l’ancien président ivoirien de la liste des électeurs, publiée ce samedi ; une décision qui suscite la colère de son parti, le PPA-CI. L’ex-chef de l’État ne pourra pas voter aux élections locales prévues le 2 septembre.

Laurent Gbagbo devant les militants du PPA-CI, en octobre 2022. © ISSOUF SANOGO:AFP

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo reste radié de la liste électorale, publiée ce samedi 20 mai, et ne pourra pas voter aux élections locales prévues le 2 septembre. En réaction à cette décision, son parti, le PPA-CI, a convié, « vu la gravité de la situation », la presse nationale et internationale ce même jour.

Si Laurent Gbagbo a été acquitté par la justice internationale de crimes contre l’humanité commis lors de la crise post-électorale de 2010-2011, il reste sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison en Côte d’Ivoire pour le « braquage » de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 2011. Malgré la grâce accordée par le président Alassane Ouattara l’an dernier dans cette affaire, il reste déchu de ses droits civiques et politiques.

« Injuste »

Samedi, lors de la publication de la liste électorale à Abidjan, Sébastien Dano Djédjé, un cadre du Parti des peuple africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), la formation de Laurent Gbagbo, a dénoncé une décision « injuste ». « Cela remet en cause la crédibilité de la Commission électorale indépendante (CEI). Le processus électoral perd de sa crédibilité », a-t-il ajouté avant de quitter la cérémonie avec la délégation du parti.

LA CEI NE FAIT QU’EXÉCUTER CE QUE LA LOI DIT.

« On ne s’acharne pas sur Laurent Gbagbo. La CEI ne fait qu’exécuter ce que la loi dit », a répondu le président de la commission, Kuibiert Coulibaly. Quelque huit millions d’électeurs sont appelés aux urnes le 2 septembre prochain pour renouveler les conseils municipaux et régionaux de la Côte d’Ivoire.

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Les militants du parti de Laurent Gbagbo voient leurs peines allégées en appel

mars 23, 2023

Condamnés le 9 mars en première instance par la justice ivoirienne à deux ans de prison ferme pour trouble à l’ordre public, ils ont vu leurs peines commuées en sursis au terme d’un procès qui s’est achevé tard dans la nuit.

Au Palais de justice d’Abidjan, le 21 février 2017. © ISSOUF SANOGO/AFP

L’audience s’est achevée hier, mercredi 22 mars, tard dans la nuit. Les 26 militants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), la formation politique de Laurent Gbagbo, condamnés le 9 mars en première instance à deux ans de prison ferme pour trouble à l’ordre public, étaient jugés en appel dans la grande salle du Palais de justice d’Abidjan. Au terme de plusieurs heures de débat, le tribunal a décidé de commuer leur peine en sursis.

Selon un de leurs avocats, Me Tapi, ils devraient être libérés ce jeudi 23 mars quand les démarches administratives nécessaires auront été effectuées. Ces 26 personnes étaient incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) depuis leur arrestation, le 24 février.

En soutien à Damana Pickass

Ce jour-là, le groupe s’était rassemblé, dans le calme, en soutien à Damana Pickass, le secrétaire général du parti, convoqué pour s’expliquer devant un juge d’instruction sur son rôle présumé dans l’attaque d’un camp militaire à Abobo qui avait fait trois morts et un blessé en 2021. Ce dernier était ressorti libre de son audition, mais avait plus tard été inculpé pour « atteinte à la sûreté de l’État, participation à des activités de terrorisme, blanchiment d’argent et détention d’armes ».

Le PPA-CI avait dénoncé des condamnations « iniques, arbitraires et politiquement orientées », « une provocation injustifiée du gouvernement ivoirien à l’égard du parti », et réclamé leur libération. Me Tapi, qui a plaidé l’acquittement, n’exclut pas de se pourvoir en cassation pour tenter de faire annuler ces condamnations.

Avec Jeune Afrique par Florence Richard

Côte d’Ivoire : le PPA-CI de Laurent Gbagbo choisit de voir le verre à moitié plein

octobre 14, 2022

Dialogue politique, alliances, commission électorale… À quelques jours de son premier anniversaire, le parti de l’ancien président a dressé un premier bilan – forcément positif – de ces douze derniers mois. Sans oublier de critiquer vertement le pouvoir et sa gestion.

L’ancien ministre ivoirien du Budget Justin Katinan Koné à son arrivée à Abidjan, après dix ans d’exil au Ghana, le 30 avril 2021. © SIA KAMBOU / AFP

À Abidjan, ce 13 octobre, le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) a choisi d’ignorer les sceptiques et de jouer la carte de l’optimisme. « Un an après [sa création], le PPA-CI constitue une force politique majeure », s’est enthousiasmé Justin Koné Katinan, deuxième vice-président et porte-parole du parti, lors d’une conférence de presse. Avec ses 18 députés, le parti créé par Laurent Gbagbo le 17 octobre 2021 se présente comme la troisième force politique du pays, après le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d’Alassane Ouattara, et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié.

L’amnistie plutôt que la grâce

Face aux journalistes, Justin Koné Katinan n’a pas communiqué sur le nombre de membres que compte aujourd’hui le PPA-CI, mais il a affirmé que son implantation « progress[ait] très bien ». Il a toutefois promis qu’un point plus précis serait fait lors des célébrations marquant ce premier anniversaire. Celles-ci seront l’occasion d’une prise de parole de Laurent Gbagbo.

En attendant, le PPA-CI a entrepris de dresser un premier bilan des douze derniers mois. S’il s’est félicité de la participation du parti au dialogue politique lancé par le Premier ministre Patrick Achi, il a dit regretter la grâce accordée par le chef de l’État à son prédécesseur en lieu et place d’une amnistie. « Il n’a jamais été question d’une grâce. L’amnistie fait partie des résolutions du dialogue politique et le PPA-CI compte se battre pour cela car il s’agit de l’honneur de son président », a-t-il poursuivi.

Très en verve, il a ensuite critiqué, pêle-mêle, le Plan national de développement (PND), « l’addiction du gouvernement à la dette », la cherté de la vie et « une diplomatie agressive » qui suscite la méfiance des voisins, référence aux tensions actuelles entre le Mali et la Côte d’Ivoire dans l’affaire des 46 militaires ivoiriens.

Le PPA-CI regrette également son absence au sein de la Commission électorale indépendante (CEI) et le fait qu’il n’ait pas pu prendre part au renouvellement de ses représentations locales. « Notre entrée à la CEI n’est pas une faveur, c’est un droit, a-t-il lancé alors que le gouvernement a annoncé, le 12 octobre, le début de la révision des listes électorales. C’est une résolution du dialogue politique qui trouve inacceptable que la troisième force politique du pays n’y soit pas représentée. » Laissant entendre que la légalité de la formation avait été mise en doute, Justin Koné Katinan a insisté sur le fait qu’il avait bien un récépissé du ministère de l’Intérieur, et qu’il comptait se battre pour être intégré. Il a néanmoins appelé les militants à s’inscrire sur les listes.

Émiettement de l’électorat

« Nous allons travailler au renforcement de notre parti sur le terrain. C’est le défi que nous nous sommes lancés et nous prendrons part à toutes les élections », a-t-il affirmé. Dans sa ligne de mire : les scrutins locaux de 2023 et la présidentielle de 2025. Mais le PPA-CI va devoir se battre pour aller chercher les voix de gauche. Entre Charles Blé Goudé, qui a son propre parti (le Cojep), l’ancienne première dame, Simone Gbagbo, qui vient de lancer le Mouvement des générations capables (MGC) et Pascal Affi N’Guessan, qui demeure à la tête du Front populaire ivoirien (FPI), l’électorat s’est considérablement émietté.

Concernant ses alliances, le PPA-CI répète ne faire aucun compromis et réfute les informations selon lesquelles des discussions auraient été entamées autour de la formation d’un gouvernement d’ouverture. Au sujet du PDCI, il a expliqué que leur partenariat avait été dicté par les circonstances. Les deux anciens présidents se parlent d’ailleurs régulièrement, même si Henri Konan Bédié a laissé libre court aux spéculations, lors du bureau politique de son parti, en affirmant que le PDCI allait, lui, devoir réévaluer ses alliances.

Laurent Gbagbo sera-t-il le candidat du parti en 2025 ? « C’est le vœu des militants, mais la décision revient au président », a-t-il finalement répondu. Un obstacle demeure toutefois : le fait que l’ancien chef de l’État a été condamné à vingt ans de prison dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO » (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest).

Avec Jeune Afrique par Aïssatou Diallo – à Abidjan

Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo en opération séduction auprès des Ébriés

mars 22, 2022
L’ancien président Gbagbo prononce un discours devant les délégués de son nouveau parti, le PPA-CI, à Abidjan le 17 octobre 2021. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA

Neuf mois après son retour à Abidjan, Laurent Gbagbo a assisté à une cérémonie d’hommage rendu par le peuple de la ville. L’occasion de prononcer un discours dans lequel certains ont senti des relents ethnicistes.

Après quelque dix années d’incarcération à la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo n’est semble-t-il pas à neuf mois près. Initialement prévu pour le 17 juin 2021, date du retour de l’ancien président en Côte d’Ivoire, l’hommage des Ébriés a finalement eu lieu le 19 mars à Songon.

Pour l’occasion, un tapis rouge a été déroulé pour l’ex-chef d’État. Tous les villages ébriés du district d’Abidjan étaient représentés, des chefs religieux et quelques politiques également. Les principaux leaders du Parti des peuples africains (PPA-CI) et des représentants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), tels que Noël Akossi-Bendjo et Éric N’Koumo Mobio étaient de la fête.

« C’est à Abidjan que l’ancien président a été arrêté. Il était important d’invoquer les ancêtres pour que la nouvelle mission qu’il s’est assignée avec son parti soit bénie », souligne un proche de l’ancien président.

Yako

Pour Laurent Gbagbo, l’évènement a été l’occasion de faire passer des messages et de flatter l’électorat de la capitale économique. Tout en remontant à l’époque coloniale, il a dénoncé la raréfaction des terres et la spoliation du peuple ébrié.

« L’urbanisation d’Abidjan a dépouillé totalement les Ébriés. Quand je suis devenu président, j’ai fait ce que j’ai pu pour donner des postes à des fils d’Ébriés. Je me disais : “Si cela arrivait dans mon village, qu’est-ce qu’on serait devenu ?” », a-t-il déclaré dans son discours. « Ce qui est arrivé aux Ébriés, il faut que nous veillions à ce que cela n’arrive pas aux autres peuples de Côte d’Ivoire », a-t-il insisté.

EN AFRIQUE, UN PEUPLE QUI N’A PLUS DE FORÊT EST UN PEUPLE MISÉRABLE

« Regardez Abobo. Regardez Marcory, Port-Bouët, Vridi, Songon [des communes d’Abidjan], tout est parti. Je vous dis yako [désolé] pour ça, je vous dis yako pour cette grande souffrance. En Afrique où les peuples sont paysans, un peuple qui n’a plus de forêt, qui n’a plus de brousse et de surface cultivable est un peuple misérable. Je vous dis yako« , a ajouté Laurent Gbagbo.

Un discours ethniciste ? Un appel au repli identitaire ? Dans l’entourage du président, on rejette cette accusation. « C’est une interpellation pour une prise de conscience collective. L’urbanisation ne doit pas nous faire perdre de vue les intérêts de nos populations », prévient un poids lourd du PPA-CI.

Bilan mitigé

Mais au district de la capitale économique, on relativise l’œuvre de Laurent Gbagbo en la matière et on souligne les réalisations faites depuis 2011. « Les Ébriés ont tout donné pour la construction d’Abidjan, estime Baba Coulibaly, chargé de communication du district d’Abidjan. Lorsqu’Alassane Ouattara a nommé Robert Beugré-Mambé à la tête du district en 2011, il a mis en place un programme de désenclavement des 150 villages Atchan et Akyé. Nous avons bitumé les routes d’accès à ces villages, procédé à l’électrification, l’adduction en eau potable  ainsi qu’à l’assainissement. Grâce à tous ces projets, une localité comme Songon attire de nombreux promoteurs immobiliers. Ce sont des actions concrètes. Mais Laurent Gbagbo, quel bilan peut-il faire de son action pour ces villages ? »

Avec Jeune Afrique

Côte d’Ivoire : Patrick Achi relance le dialogue politique

novembre 9, 2021
Patrick Achi à Abidjan, le 5 novembre 2021 © ISSOUF SANOGO/AFP

Alors que Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié marquent leur rapprochement, le Premier ministre ivoirien a annoncé face à la presse, ce lundi 8 novembre, la reprise des négociations entre les différents acteurs politiques.

Le 8 novembre, le technocrate Patrick Achi a remis les habits du politique. Pour la première fois depuis sa nomination à la tête du gouvernement, en mars dernier, il s’est soumis à l’exercice de la conférence de presse pour présenter la vision du gouvernement et la feuille de route des prochains mois. Lancé par le président Alassane Ouattara et mis en œuvre par Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko, les défunts Premiers ministres, le dialogue politique a connu des fortunes diverses. Parfois contesté par l’opposition, voire boycotté, il visait à instaurer un climat plus serein, notamment dans la perspective de l’élection d’octobre 2020. Une « trêve » consistant en une suspension des mots d’ordre d’appels à la grève, des sit-ins et autres modes de protestation avait été finalement actée. Selon nos informations, Patrick Achi cherche à la prolonger.

Gbagbo et Bédié représentés

La relance du processus de dialogue doit se faire avec les représentants des principaux partis d’opposition, mais en l’absence de leur leader. Ni Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ni Laurent Gbagbo pour le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), ne seront autour de la table des négociations. Ce seront leurs collaborateurs qui seront appelés à les représenter.

Le retour de ce dernier, le 17 juin dernier, après dix années de démêlés judiciaires à la Cour pénale internationale, a changé la donne politique. Si Laurent Gbagbo soigne ses relations avec Alassane Ouattara, qu’il a rencontré en juillet, il s’est surtout affiché auprès d’Henri Konan Bédié ces derniers temps. Les deux opposants disent envisager une alliance forte contre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), au pouvoir, en vue de la prochaine présidentielle, en 2025.

Avec Jeune Afrique par Baudelaire Mieu – à Abidjan

Francis Akindès : « Il y a une ambiguïté dans le discours de Laurent Gbagbo »

octobre 23, 2021
Laurent Gbagbo, lors du lancement de son nouveau parti, le PPA-CI, à Abidjan, le 17 octobre 2021. © SIA KAMBOU/AFP

L’ACTU VUE PAR… Chaque samedi « Jeune Afrique » invite une personnalité à décrypter un sujet d’actualité. Le chercheur Francis Akindès analyse la manière dont le retour sur le devant de la scène politique de l’ancien président ivoirien rebat les cartes.

L’élection de Laurent Gbagbo à la tête de sa nouvelle formation politique, le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), et les prises de parole de l’ancien président ivoirien, en tribune ou dans la presse, marquent le retour sur le devant de la scène d’un animal politique. Quatre mois après son retour à Abidjan, suite à son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) au terme d’une décennie de procédure, l’ancien président ivoirien laisse planer le doute sur ses intentions de se lancer dans la course à la présidentielle, quitte à considérer que l’éventuelle instauration d’une limite d’âge pour les candidats ne le concerne pas.P

De ses demandes portant sur le retour des exilés à ses positions vis-à-vis d’Alassane Ouattara et d’Henri Konan Bédié, en passant par les conséquences politiques de la rupture de ses relations avec l’ancienne première dame Simone Gbagbo et l’épée de Damoclès que constitue sa condamnation à 20 ans de prison dans l’affaire du « casse de la BCEAO », Francis Akindès, sociologue et enseignant à l’Université de Bouaké, décrypte les conséquences du retour de l’ancien président, bien décidé selon lui à prendre « une revanche personnelle ».

Francis Akindes.
Francis Akindes. © DR

Jeune Afrique : Que vous inspire le retour en politique de l’ancien président ivoirien, quatre mois après être rentré à Abidjan et après dix ans d’absence ?

Francis Akindès : Cela correspond à deux choses. D’abord, Laurent Gbagbo montre son intérêt pour le champ politique dont il a été l’un des principaux animateurs pendant plusieurs décennies. Par son absence, pour les raisons que l’on connaît, un vide s’est créé. Il a manqué à l’opposition, dont il est resté une figure tutélaire. Il revient donc prendre la place qu’il considère être la sienne.

La deuxième chose est qu’il a une revanche personnelle à prendre. Primo, par rapport à son extraction brutale de l’arène politique en 2010 ; secondo, vis-à-vis de son ancien colistier, Pascal Affi N’Guessan, qui a repris les rênes du Front populaire ivoirien (FPI). Comme il l’a dit lui-même, il lui laisse « l’enveloppe » FPI… Et tertio, à l’ancienne première dame Simone Gbagbo, il entend montrer que c’est lui, le chef.

Simone Gbagbo, qui n’a pas été associée à la création de ce nouveau parti, a depuis lancé son propre mouvement. Quelle conséquence, pour Laurent Gbagbo ? 

Ce que Laurent Gbagbo aura d’abord à gérer, c’est le morcellement notable du mouvement qui l’a accompagné jusque-là. Le PPA n’hérite pas de toutes les composantes du FPI historique, car Affi N’Guessan va en prendre une partie. Et Simone Gbagbo également, car une frange de l’électorat lui est favorable et lui restera fidèle.

Le nouveau parti de Laurent Gbagbo part avec des boulets au pied, puisqu’il ne profite pas de la mécanique et du système du FPI, constitué initialement par ces trois protagonistes. Cela a un coût politique que Laurent Gbagbo devra gérer.

Lors de ce congrès, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, d’Henri Konan Bédié) et le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, d’Alassane Ouattara) étaient représentés. Faut-il y voir une étape importante dans le processus de réconciliation ou une entente de façade ?

On peut lire la chose de deux manières. La première est que chacun des partis politiques fait l’effort, et montre des signes en faveur de ce processus de réconciliation. Mais en même temps, ils ne perdent pas le nord. Chacun a son agenda politique et son couteau dans le dos… Le moment venu, malgré le fait que l’on se réunisse dans le même lieu, le temps d’un week-end pour se congratuler, les dissensions et les oppositions vont renaître et le combat continuer.

LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS EST UNE PROBLÉMATIQUE MAJEURE AU SEIN DE LA CLASSE POLITIQUE IVOIRIENNE QUI PEINE À FAIRE PLACE AUX PLUS JEUNES

Laurent Gbagbo a de nouveau réclamé le retour des exilés et la libération des « prisonniers politiques ». Il a également affirmé que rien, pas même une limitation de l’âge à 75 ans pour être candidat à la présidentielle, ne l’empêcherait de concourir s’il le souhaitait… Ce positionnement ne risque-t-il pas de fragiliser les signes d’un apaisement avec Alassane Ouattara, observés depuis le retour de l’ancien président ?

La question du retour des exilés et celle de la libération des prisonniers ont été mises sur la table dès la rencontre entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, le 26 juillet. Il n’y a rien de nouveau.

Celle sur la la limitation de l’âge des candidats à la présidentielle, probablement à 75 ans, cela avait été annoncé par le président Ouattara juste après sa réélection. Si cette hypothèse de limite d’âge était entérinée, cela signifierait que les trois leaders, Gbagbo, Bédié et Ouattara sortent de la course politique. Et l’on assistera, de fait, au renouvellement des générations politiques tant attendu par les Ivoiriens, fatigués de voir les mêmes visages de « frères » ennemis politiques depuis plus de trente ans.

Déjà, Alassane Ouattara envoie des signaux en faveur du renouvellement, en promouvant des jeunes dans les différents appareils politiques et administratifs et en rajeunissant son gouvernement. Il avait lui-même fait la promesse de ne pas se représenter, échaudé qu’il fut par cette affaire de troisième mandat – qu’il dit avoir assumé malgré lui – et que ses partisans qualifient plutôt de « premier mandat de la troisième République ». La nuance est importante.

Du côté du PDCI et du FPI, ce renouvellement a beaucoup plus de mal à s’opérer. C’est une problématique majeure au sein de la classe politique ivoirienne. Tous partis politiques confondus, celle-ci laisse le sentiment d’éprouver des difficultés à faire de la place aux plus jeunes, surtout à la porte du pouvoir exécutif. Gbagbo s’est dit prêt à passer le flambeau à une autre génération tout en affirmant qu’il fera de la politique jusqu’à sa mort. Quel paradoxe ! Surtout que l’ancien président n’a pas habitué ses militants à faire de la politique en deuxième ligne. C’est une véritable ambiguïté dans son discours, de nature à poser quelques problèmes.

IL VA FALLOIR QUE LE PPA-CI NOUS EXPLIQUE CE QU’IL MET DANS LE MOT SOCIALISME

Comment qualifieriez-vous la nature des relations entre Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ?

Ils tentaient déjà, alors que l’ex-président était en prison, un rapprochement. Mais il ne faut pas qu’ils fassent de la politique sur des malentendus. Je ne vois pas comment des activités politiques peuvent être menées dans le cadre d’une promesse d’alliance aussi floue. Ils se voient, mettent en scène leurs rencontres. Mais, pour l’instant, il n’y a rien de concret. Rien n’est politiquement lisible.

Et dans l’histoire politique récente de ce pays, on nous a habitués aux alliances qui se font et se défont au gré des intérêts du court terme.

Laurent Gbagbo a une épée de Damoclès au-dessus de la tête : sa condamnation à 20 ans de prison dans l’affaire dite du « braquage de la BECEAO ». Il n’a, pour le moment pas bénéficié d’une amnistie, pourtant souvent évoquée. Cela vous étonne-t-il ?

Selon le pouvoir, la justice a tranché. Et elle a la possibilité d’exhumer cette décision pour bloquer toutes avancées de Laurent Gbagbo en cas de débordements. Tous les analystes de la scène politique ivoirienne le savent. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, sur cette question, se regardent en chiens de faïence, en attendant qui dégainera le premier. La question des usages politiques possibles de cette décision de justice est un non-dit dans leur relation.

Le PPA-CI insiste sur sa dimension panafricaniste. Est-ce un positionnement qui relève de la stratégie politique en opposition au libéralisme du gouvernement ou d’une réelle conviction pour Laurent Gbagbo ?

Je n’ai pas compris l’alignement de ces trois mots au PPA : socialisme, panafricanisme et souverainisme. D’abord, que veut dire être socialiste aujourd’hui dans un monde où cette idéologie, intrinsèquement en perte de vitesse quasiment partout dans le monde, ne permet plus de penser et d’organiser l’action politique ? Les mots, en politique, ont une importance. Il va bien falloir que le PPA-CI nous explique ce qu’il met dans son socialisme, alors que les politiques économiques en Côte d’Ivoire, même du temps de la gouvernance de Laurent Gbagbo, entre 2000 et 2010, ont toujours été d’inspiration néolibérale.

Idem pour le panafricanisme et le souverainisme. Quel lien le PPA fait-il entre panafricanisme et souverainisme ? Ce sont des mots qui ont vraiment besoin d’être clarifiés, car on a l’impression d’avancer dans un clair-obscur. Et puis, que veulent dire ces termes dans le contexte politique ivoirien actuel ? On aimerait bien le savoir.

Avec Jeune Afrique par Florence Richard – à Abidjan

Côte d’Ivoire : avec un nouveau parti, Laurent Gbagbo signe son grand retour en politique

octobre 16, 2021
Laurent Gbagbo, en juin 2021. © Leo Correa/AP/SIPA

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lance ce week-end un nouveau parti politique pour « réunir la gauche », avec l’élection présidentielle de 2025 en ligne de mire.

« C’est le grand retour de Laurent Gbagbo sur la scène politique », se félicite Justin Koné Katinan, porte-parole de l’ancien chef de l’État. Depuis son arrivée à Abidjan le 17 juin, acquitté par la justice internationale qui le jugeait pour crimes contre l’humanité dans la sanglante crise post-électorale de 2010, Laurent Gbagbo n’a pourtant jamais été très loin de la politique.

Visite chez l’ex-président et ancien rival Henri Konan Bédié, rencontre de « réconciliation » avec le chef de l’État Alassane Ouattara, rupture consommée avec son ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan : il a occupé le paysage politique ivoirien. « Assumons de faire de la politique », avait-il lancé dès le 10 juillet dernier, lors de sa visite chez Henri Konan Bédié.

Le Front populaire ivoirien (FPI), son parti historique fondé dans la clandestinité en 1982, étant désormais aux mains de Pascal Affi N’Guessan, Laurent Gbagbo a choisi de donner un nouveau souffle à son retour en créant sa propre formation.

Panafricanisme

Près de 1 600 délégués sont attendus au prestigieux Hotel Ivoire d’Abidjan pour rédiger le manifeste et les textes de cette nouvelle formation qui devrait s’appeler « Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire » (PPA-CI). Dans le nom comme dans le logo – deux mains entrelacées dans une carte d’Afrique – qui seront proposés dimanche, l’accent est mis sur la dimension panafricaine du parti. La souveraineté de l’Afrique face aux puissances occidentales devrait d’ailleurs faire partie des thèmes phares du congrès ce week-end.

SIMONE GBAGBO ENVOIE DES SIGNAUX CES DERNIÈRES SEMAINES POUR FAIRE CAVALIER SEUL

Pas question pour autant de délaisser la politique nationale en Côte d’Ivoire. Dans l’entourage de l’ancien président, le mot d’ordre est clair : ce nouveau parti vise à recréer un débat politique dans un pays où l’opposition est considérablement affaiblie depuis 10 ans.

« Nous voulons constituer un parti d’opposition politique normal qui apporte une critique. Pour que le débat quitte la violence et devienne essentiellement politique », clame Justin Koné Katinan. « On attend de voir si ce sera une opposition réelle ou un parti en quête du pouvoir. On verra comment ils vont procéder, quel sera leur programme alternatif », estime l’analyste politique Sylvain N’Guessan.

Avec Simone Gbagbo ?

Reste à savoir quelles personnalités politiques ivoiriennes rejoindront cette plateforme. Une grande partie des cadres et anciens ministres du FPI vont suivre leur ancien leader dans cette nouvelle aventure, mais quelques inconnues demeurent.

Simone Gbagbo d’abord. L’ex-Première Dame, dont Laurent Gbagbo a demandé le divorce à son retour en Côte d’Ivoire envoie des signaux ces dernières semaines pour faire cavalier seul, à l’image du lancement d’une plateforme la soutenant.

Charles Blé Goudé, ensuite. L’influent pilier du régime de Gbagbo (2000-2011), dont il a été le co-accusé à la Haye, est toujours bloqué aux Pays-Bas depuis son acquittement, faute de passeport, mais entretient le mystère sur son rôle lors de son retour en Côte d’Ivoire.

Enfin Guillaume Soro, ancien chef de la rébellion qui a aidé Alassane Ouattara à accéder au pouvoir contre Laurent Gbagbo et aujourd’hui tombé en disgrâce, condamné à perpétuité en juin pour « complot » et actuellement en exil. De quoi laisser la porte entrouverte à celui qui incarne désormais une frange de l’opposition au chef de l’État.

« Ceux qui veulent nous rejoindre savent à quoi s’en tenir. Nous sommes un parti de gauche, et ceux qui s’y retrouvent peuvent venir », glisse Justin Koné Katinan. Le lancement de ce parti, quatre mois après le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, est en tout cas une première étape vers la présidentielle de 2025. Un projet de l’exécutif visant à limiter l’âge des candidats à 75 ans pourrait toutefois constituer un obstacle aux ambitions de Laurent Gbagbo. En 2025, il aura 80 ans.

Par Jeune Afrique avec AFP