Quels coûts incomberaient à Ottawa advenant que le prince Harry et sa femme s’installent au Canada?
Un mal de tête royal. Selon CNN, c’est ce dont a hérité la reine Élisabeth ll après que son petit-fils Harry, duc de Sussex, et son épouse américaine eurent annoncé leur intention d’acquérir une forme d’indépendance financière, et une indépendance tout court, de la vie de palais.
Le couple princier entend désormais passer une partie de son temps en Amérique du Nord. Même que Meghan Markle aurait déjà plié bagages, fuyant Londres pour se réfugier en sol canadien, d’après la BBC qui cite des sources au palais de Buckingham.
La décision du prince Harry et de sa femme, annoncée mercredi, a eu l’effet d’une bombe, selon le Daily Mail.
Ce tabloïd britannique fondé il y a 124 ans rapporte que la souveraine a tenu, jeudi, des pourparlers de crise avec les princes Charles, William et le principal intéressé, Harry. Dans un chassé-croisé de téléconférences, Sa Majesté a intimé aux parties de présenter des options et de trouver une solution viable à la crise en quelques jours, et non semaines.
Dans une déclaration faite peu après le communiqué sismique publié par le couple princier, le palais de Buckingham s’est dit désappointé. Un terme assez fort dans le registre royal, selon le correspondant de la BBC au palais.
Reste à voir comment tout ceci se déroulera, a de son côté déclaré la Ligue monarchiste du Canada sur Twitter.
De leur dessein, Harry et Meghan n’avaient soufflé mot. La famille royale n’en aurait été avisée qu’une semaine avant l’annonce. D’être ainsi tenus à l’écart a rendu les princes Charles et William incandescents de rage, selon le Daily Mail.
La reine Élisabeth ll aurait réclamé de Meghan et de Harry qu’ils attendent pour rendre leur projet public. Manifestement, Harry n’a pas écouté sa grand-mère et a annoncé tout de go, mercredi, la direction qu’il entendait donner à sa vie familiale et professionnelle.
Ce mercredi 8 janvier 2020 était déjà pourtant très fertile en nouvelles internationales : la nuit précédente, des frappes de missiles par l’Iran s’étaient abattues sur deux bases en Irak. Quelques heures plus tard, le monde stupéfié apprenait l’écrasement en sol iranien d’un Boeing transportant 176 passagers et membres d’équipage. Tous ont péri.
Qu’à cela ne tienne. Le choc causé par la nouvelle de Harry désertant les siens a été tel que, selon l’Agence France-Presse, il a relégué au second plan le vote historique des députés britanniques qui ont donné le feu vert, jeudi, à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
C’est donc dire que les Britanniques, déjà déchirés depuis plus de trois ans par le Brexit, doivent maintenant composer avec le Megxit, amalgame entre le prénom de la duchesse, Meghan et exit.
Sur Twitter, la chaîne info française LCI a titré : « Harry et Meghan filent à l’anglaise : le « #Megxit » expliqué en vidéo ».
La « royauté » de Toronto
Au-delà de l’apparente frivolité de cette bombe royale, des questions se posent quant au projet de Harry, sixième aspirant au trône britannique, et de Meghan Markle, actrice née à Los Angeles, d’accéder à une indépendance financière. Une indépendance très relative, puisque le couple pourra conserver la plus grande partie de ses revenus et de ses avantages, tout en capitalisant sur son image.
Des questions se posent aussi quant à l’ intention du prince et de son épouse d’équilibrer leur temps entre le Royaume-Uni et l’Amérique du Nord.
Le Royaume-Uni, c’est son royaume à lui : né en septembre 1984, le fils cadet de lady Diana Spencer et de Charles, prince de Galles, avait été décrit par Paris Match comme le trublion de la famille avant de s’assagir et d’être pilote d’hélicoptère dans l’armée, allant jusqu’à combattre deux fois en Afghanistan.
L’Amérique du Nord, c’est son terrain de jeu à elle. Née en 1981 d’un père technicien en éclairage à Hollywood et d’une mère travailleuse sociale et professeur de yoga, Meghan Markle a travaillé quelques années à Toronto comme actrice.
L’actrice, divorcée, s’était implantée dans la ville reine au point de s’y faire des amis et, même, d’appartenir à la royauté de Toronto, titrait la BBC à la veille du mariage princier, le 18 mai 2018.
À preuve : lorsqu’elle a uni sa destinée à Harry dans le faste et le blanc, Meghan comptait parmi ses pages et demoiselles d’honneur les jumeaux de sept ans de Ben Mulroney et de sa femme, Jessica Brownstein. Lui, fils de l’ancien premier ministre Brian Mulroney et personnalité de la télévision. Elle, Montréalaise issue de la famille à la tête des magasins de chaussures Browns et styliste pour Sophie Grégoire Trudeau.
Les Mulroney et les Trudeau sont proches et Mme Markle connaît les Trudeau par l’entremise de son travail humanitaire, a écrit la BBC.
Le couple Mulroney était devenu grand ami de Meghan Markle avant même que cette dernière ne rencontre le prince Harry, toujours selon la BBC.
Une grosse surprise et un tas de questions
Mais qu’est-ce que ça peut vouloir dire de s’affranchir financièrement lorsqu’on compte, par exemple, conserver l’usage de sa maison, le cottage de Frogmore sis sur les terres du château de Windsor, à l’ouest de Londres, et rénové à grands frais à même les fonds publics?
Une grosse surprise et un tas de questions : Pourquoi la nouvelle vie de Harry et Meghan est tout sauf claire. Tel est le titre d’un texte d’analyse publié jeudi sur le site Internet de CBC et dans lequel la journaliste, Janet Davison, se questionne : qu’est-ce que cela signifie; est-ce qu’un couple royal peut simplement partir et aller vivre ailleurs?
À supposer que Harry et sa petite famille s’établissent au Canada − une monarchie constitutionnelle − deviendraient-ils alors citoyens canadiens? demande encore Janet Davison.
La reine, qui personnifie l’État, n’a pas besoin de passeport pour voyager et, en tant que reine du Canada, elle est Canadienne dans ce contexte, affirme l’auteure et historienne Carolyn Harris, une Torontoise experte de la famille royale citée par CBC.
Mais cet état de fait ne s’applique pas à la famille élargie d’Élisabeth ll, selon Carolyn Harris. Les autres membres de la famille royale n’ont pas automatiquement la citoyenneté dans tout le Commonwealth, dit-elle en substance.
Harry ne va pas « coucher sous les ponts »
Pour Harry, duc de Sussex, devenir indépendant financièrement nécessite qu’il renonce à la contribution de la famille royale, a expliqué en entrevue sur RDI l’historien et spécialiste de la monarchie, James Jackson. L’allocation royale que reçoivent Meghan et Harry représente 5 % de leurs dépenses officielles. Le reste est financé par les revenus privés du prince Charles, héritier du trône.
Écoutez, a affirmé M. Jackson dans un soupir, tous les membres de la famille royale sont riches. Il [Harry] a hérité de la reine-mère, il a hérité de sa propre mère et va hériter de la reine. […] Alors c’est un peu hypocrite, comme disent les journaux britanniques.
Et, dès qu’il [Harry] quitte l’Angleterre, qui va payer pour sa sécurité? demande James Jackson. S’il s’installe au Canada, qui va payer? Est-ce que c’est le gouvernement canadien?
Pour l’historien, la possibilité que le couple princier élise domicile dans l’une ou l’autre des provinces canadiennes est réelle : S’il fallait parier, je dirais qu’ils vont s’installer au Canada.
Harry, successeur de Julie Payette?
Le quotidien canadien The National Post titrait jeudi qu’une majorité de Canadiens veulent le prince Harry comme gouverneur général. Selon un sondage Postmedia, mené par la firme Dart and Maru/Blue Voice Canada, plus de 60 % des Canadiens disent être en faveur de la nomination de Harry comme gouverneur général.
Le National Post cite John Wright, partenaire de la firme Dart, qui s’étonne que 47 % des Québécois soient en accord avec l’idée que le prince Harry succède à la gouverneure générale Julie Payette.
Le sondage de Postmedia avait un échantillon de 1515 Canadiens et est considéré comme exact dans une proportion de +/- 2.9 points de pourcentage. Il a été mené le 6 janvier dernier, soit deux jours avant que le prince Harry et Meghan Markle annoncent leur intention de se distancier de la famille royale.
Noël sur l’île de Vancouver
C’est au Canada que le duc et la duchesse de Sussex avaient choisi de passer la période des Fêtes, en compagnie de leur petit Archie, né en mai dernier.
Après son séjour en Colombie-Britannique, il [Harry] est allé voir le haut-commissaire du Canada pour le remercier, rapporte James Jackson. Il a dit : »L’accueil était merveilleux au Canada, les gens étaient tellement gentils ». Après des louanges pareilles, comment peut-il s’installer aux États-Unis?
M. Jackson affirme aussi que Harry a davantage confiance en la presse canadienne qu’en celle, à sensation, des États-Unis.
L’ombre de Lady Di
La presse à sensation britannique a peut-être poussé Harry et Meghan à se retirer de la famille royale, selon l’hypothèse avancée par Michael Jackson, ancien chef du protocole de la Saskatchewan.
Les médias sont difficiles en Angleterre et ils rendent la vie pénible pour ces jeunes couples et leurs enfants, affirme Michael Jackson.
En octobre, le prince Harry a intenté des poursuites judiciaires contre le tabloïd Mail on Sunday pour avoir publié une lettre de Meghan adressée à son père.
L’acharnement de la presse à sensation britannique rappelle de douloureux souvenirs au plus jeune fils de Lady Di. Harry n’avait que 13 ans lorsque sa mère a péri dans un accident, en tentant d’échapper à des paparazzi.
Ma plus grande peur est que l’histoire se répète, a-t-il déclaré dans une lettre. J’ai perdu ma mère, et maintenant je vois ma femme devenir la victime des mêmes forces puissantes.
Loin de Buckingham
D’autres membres de la famille royale ont déjà poursuivi l’ambition de se créer une vie en dehors du palais de Buckingham. L’ancien chef du protocole en Saskatchewan rappelle le cas du prince Edward, qui s’est impliqué dans le domaine du théâtre pendant plusieurs années.
Paris Match rappelle lui l’histoire du roi Edouard Vlll qui avait abdiqué en décembre 1936 : Moi, Edward le Huitième, Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande, et des Dominions Britanniques au-delà des Mers, Empereur des Indes, déclare ici Ma détermination irrévocable à renoncer au Trône, pour Moi-même et pour Mes descendants.
Edward VIII ne voulait pas être roi sans le soutien de sa chère Wallis, écrivait Paris Match. Wallis Simpson était une Américaine, deux fois divorcée, et c’est pour l’épouser qu’il a renoncé au trône.
À quelques détails près, l’histoire semble se répéter. Au lendemain de la parution du communiqué du duc et de la duchesse du Sussex, Paris Match a titré : Meghan ou Wallis, les Américaines ne réussissent pas à la royauté britannique.
Par Radio-Canada.ca avec Anne Marie Lecomte