Les frictions sont vives en ce moment entre la direction de l’Université de Montréal, qui a exigé un retour en classe cet automne, et le syndicat qui représente ses professeurs. Certains d’entre eux aimeraient avoir l’option d’enseigner à distance. Les membres du Syndicat général des professeures et professeurs de l’Université de Montréal (SGPUUM) ont adopté plus tôt cette semaine des résolutions formulées sur un ton des plus durs envers leur employeur.

© Marc Bruxelle/Getty Images Les professeurs de l’Université de Montréal demandent davantage de flexibilité et une meilleure protection pour la rentrée scolaire au moment où la quatrième vague de la pandémie sévit.
Le SGPPUM condamne vivement l’intransigeance de l’Université de Montréal en matière de gestion de la pandémie», peut-on lire dans le document adopté à l’unanimité lors d’une assemblée générale extraordinaire convoquée pour discuter des enjeux liés à cette rentrée pas comme les autres.
Son intransigeance face à toute forme de compromis, d’adaptation ou d’accommodement quant à l’organisation de l’enseignement est un manque de respect inacceptable envers les appréhensions justifiées de plusieurs membres de son corps professoral».
Le Syndicat presse la direction de changer de cap» et de respecter la volonté des professeurs qui préféreraient enseigner de manière virtuelle en raison de la situation sanitaire actuelle.
Il demande aussi l’ajout de détecteurs de dioxyde de carbone dans les classes afin d’évaluer la qualité de l’air dans ces salles où parfois des centaines d’élèves se rassembleront.
Les professeurs sont très frustrés et ne comprennent pas l’obstination de l’université à vouloir à tout prix faire comme si la pandémie n’existait plus», explique Audrey Laplante, la présidente du SGPPUM. Ils ont l’impression que leur santé psychologique et physique n’est pas considérée.»

© Fannie Bussières McNicoll/Radio-Canada La présidente du Syndicat général des professeures et professeurs de l’Université de Montréal, Audrey Laplante.
Ce n’est pas très rassurant pour la plupart des professeurs», ajoute-t-elle.
La présidente du syndicat déplore que la direction décide de s’aligner avec les directives du ministère de l’Enseignement supérieur alors même qu’elle perçoit des contradictions dans le discours du gouvernement du Québec, qui vient de reporter le retour au bureau de ses fonctionnaires au début octobre.
Elle souligne que d’autres universités dans la province, dont l’Université Concordia et l’Université Laval, ont opté pour des formules hybrides» ou flexibles» où l’enseignement virtuel et en présentiel» cohabitent.
Loin d’un consensus
Mais la question du retour en classe, alors que le Québec est plongé dans la quatrième vague de la pandémie en cours, est loin de faire consensus. Il y a ceux qui prônent la prudence et préféreraient éviter les rassemblements dans les salles de cours. Et il y a une autre portion de la communauté universitaire qui est emballée de voir leur campus reprendre vie.
Le professeur d’histoire Carl Bouchard fait partie de ce groupe. Il s’était ennuyé de ses étudiants. Je suis absolument ravi. L’ambiance est super! Je suis très très heureux de revenir en classe avec les jeunes», dit-il.

© Fannie Bussières McNicoll/Radio-Canada Le professeur d’histoire de la première guerre mondiale Carl Bouchard était tout sourire après avoir enseigné son premier cours en «présentiel» depuis près de deux ans.
La chargée de cours Françoise Guay penche dans la même direction. Elle appuie la directive stricte, mais sans ambages de l’université. Selon moi, c’est important que l’université envoie le message clair à tous les étudiants qu’il faut rentrer en classe», dit-elle. Sinon ça va se faire à moitié et ça va faire des classes avec une atmosphère désagréable.»
Elle a donné son premier cours devant une classe pleine, à sa grande satisfaction. Mes étudiants se sont presque tous présentés, avec des masques, et ils étaient franchement contents d’être là», assure-t-elle.
Entre soulagement et crainte chez les étudiants
La Fédération des associations étudiantes de l’Université de Montréal (FAECUM) refuse de prendre position sur les demandes que les professeurs formulent à la direction. Sa présidente, Marie-Hélène Rivest, affirme toutefois que le retour en présentiel est libérateur pour la santé mentale des étudiants.
Les étudiants rencontrés sont d’ailleurs nombreux à montrer leur enthousiasme à l’idée de réintégrer les salles de cours.
Satisfait, soulagé, c’est le bon mot!» lance Étienne Théberge en souriant. Je peux comprendre l’inquiétude des professeurs, mais en même temps, j’ai l’impression que beaucoup de nos professeurs avaient hâte de nous retrouver», ajoute l’étudiant en cinéma.
Je suis tellement content! Pour la première fois depuis deux ans, je suis vraiment motivé», explique pour sa part Andres Frias, qui entame sa deuxième année à la Faculté de droit, mais sa première dans les salles de classe.
Ses collègues de classe sont sur la même longueur d’onde. Je crois que les professeurs doivent prendre en compte ce que les étudiants veulent. Si les étudiants veulent revenir en classe, il faut respecter ça. En personne, tu apprends mieux!», estime William Houle.
Je trouve ça un peu décevant de la part du syndicat des professeurs. Je trouve que la qualité de l’enseignement diminue quand on est à distance», ajoute Kanitha Marcoux, elle aussi étudiante en droit. Ça fait un an qu’on subit ça, je suis tannée!»

© Fannie Bussières McNicoll/Radio-Canada Ces trois étudiants en droit sont ravis d’enfin rencontrer leurs camarades de classe.
D’autres étudiants se montraient pour leur part très sensibles aux arguments des professeurs craintifs.
Moi, je ne comprends pas quelle était l’urgence de retourner sur le campus», lance Félix Ducharme, qui étudie en relations industrielles. On a beau porter des masques, on est entassé comme des sardines en classe», déplore-t-il.
Un avis que partage sa collègue Maude Martin : C’est difficile d’être à l’aise avec la situation lorsqu’on ne sait pas ce qui va arriver si un de nos camarades contracte la COVID-19», souligne-t-elle. Est-ce qu’on va perdre des heures de formation importantes? Est-ce qu’on va retomber en ligne en milieu de session? Il faut arrêter de jouer avec l’anxiété des étudiants», demande l’étudiante.
Certains d’entre nous ont une santé fragile, d’autres fréquentent des gens à risque», précise-t-elle. Il y avait certainement une autre façon de faire que celle d’exiger le retour sur les bancs d’école.»

© Fannie Bussières McNicoll/Radio-Canada Ces deux étudiants en relations industrielles auraient préféré avoir la possibilité de choisir entre un retour partiel ou complet en classe.
Invitée à réagir aux résolutions adoptées par le SGPPUM, l’Université de Montréal dit avoir entendu les inquiétudes exprimées par certains professeurs», mais aussi les préoccupations des étudiants qui sont majoritaires à souhaiter un retour en classe». Elle ajoute que des mesures d’accommodement ont été offertes aux professeurs dont la condition médicale présente un risque particulier».
Concernant la ventilation des classes, la direction indique que des tests récents montraient une qualité de l’air adéquate dans tous les bâtiments testés» et qu’elle a confiance en la qualité de l’air de [ses] campus.»
Insatisfaction sur d’autres campus
Le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), Jean Portugais, confirme que les tensions sont présentes sur d’autres campus montréalais présentement.
On observe que dans les grands centres, notamment les universités montréalaises, les inquiétudes sont plus vives, sans doute parce que la concentration d’étudiants par classe est plus grande», indique-t-il. Après plus d’un an de pandémie, les gens sont étonnés, à juste titre, qu’il y ait encore du laxisme et de l’improvisation de la part des directions d’université et du gouvernement.»
Geneviève Hervieux, du Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) affirme recevoir beaucoup de questions pratico-pratique» de la part de ses membres qui se demandent une clarification des règles sanitaires.
Mme Hervieux s’inquiète par ailleurs d’avoir observé bien peu d’ouverture de la part de l’UQAM pour des accommodements pour des enseignants. Elle indique avoir vu plusieurs collègues se faire refuser une exemption d’enseignement en classe malgré des problèmes de santé sévères et attestés. Les personnes dites à risque» ou qui ont un membre de leur entourage particulièrement vulnérable sont laissées pour compte selon elle.
Un passeport vaccinal pour aller à ses cours?
À l’Université McGill, la décision d’imposer le retour en classe pour tous, sauf pour les très grands groupes, fait aussi grincer des dents dans le corps professoral.
Dans un mémo interne obtenu par Radio-Canada, l’Association des professeurs de l’Université McGill (MAUT) écrit que l’administration nous dise que la seule façon approuvée d’enseigner est de le faire 100 % en personne ne repose sur aucune base pédagogique solide et ne respecte pas la liberté académique de l’enseignant».
Janine Mauzeroll, ex-présidente de l’Association, ne parle pas de tensions franches avec la direction, mais la MAUT lance un pavé dans la mare en demandant ce que bien d’autres hésitent à faire : l’imposition du passeport vaccinal pour les activités d’enseignement assorti d’une possibilité de se faire dépister.
Si la FQPPU ne se positionne pas pour la vaccination obligatoire sur les campus, son président demande toutefois au gouvernement d’uniformiser les directives en matière de mesures sanitaires, de vaccination et d’accommodements.
Les mesures sanitaires sont laissées à la discrétion de chaque institution en ce moment» , déplore Jean Portugais. Nous demandons au gouvernement du Québec de dicter des règles de fonctionnement claires pour l’ensemble des universités. Il ne le fait pas. Il doit le faire maintenant! La rentrée est commencée!»
Avec CBC/Radio-Canada