Tout indique que le Québec se dirige de nouveau vers un confinement « total » pour quelques semaines, un peu comme au printemps dernier. À la différence que la santé publique recommanderait cette fois l’imposition d’un couvre-feu. Or, comment appliquer cette mesure stricte?

© Alain Jocard/Getty Images Un policier français vérifie si un conducteur a une permission de déplacement le 15 décembre 2020, alors que le couvre-feu de 20h à 6h était nouvellement en vigueur.
D’abord, prenons l’exemple des autres pays qui ont emprunté cette voie. En France, un couvre-feu peut être imposé dès 18 h dans les départements les plus affectés par la pandémie.
Le scénario envisagé au Québec est plutôt une obligation de rester à domicile de 20 h ou 21 h jusqu’à 5 h ou 6 h le lendemain matin. Les modalités seraient définies aujourd’hui, selon nos informations.
Dès samedi, seuls les commerces essentiels, tels que les épiceries et les pharmacies, resteraient ouverts en dehors des heures d’un potentiel couvre-feu. Les écoles primaires et secondaires demeureraient quant à elle fermées quelques semaines de plus.

© Sebastien Bozon/Getty Images Un horaire est affiché dans la vitrine d’une boutique, alors que 15 départements français doivent respecter le couvre-feu.
L’exemple de la France
Comme en France, quiconque n’a pas l’autorisation de se trouver sur la route une fois le couvre-feu en vigueur pourrait donc recevoir une amende salée, selon un expert.
«Les policiers auront le mandat d’intercepter des véhicules en fonction de : est-ce que cette personne-là est justifiée de circuler?», explique Daniel Dancause, spécialiste en mesure d’urgence et conseiller principal chez Prudent groupe conseil, à l’émission matinale Première heure.
«En France, on a déployé le couvre-feu avant les Fêtes, puis on a resserré les mesures», ajoute-t-il. «Ce sont les gendarmes, les policiers municipaux, les militaires qui font des contrôles de la population. Le citoyen doit s’inscrire un site internet pour avoir une autorisation de circulation.»

© /Radio-Canada Daniel Dancause, conseiller spécialisé en mesure d’urgence
Une première depuis la crise d’Octobre?
Contrairement à d’autres régions du globe, le Québec a bien peu d’expérience en matière de couvre-feu. Il faut remonter en fait à la crise d’Octobre 1970.
«C’était le contrôle de la circulation pour s’assurer que les gens qui circulent sur la route ont l’autorisation de le faire et qu’ils sont rattachés uniquement aux services essentiels», rappelle M. Dancause.
Selon lui, l’expérience du confinement de mars dernier contribuera à une mise en application rapide d’un couvre-feu version 2021, si celui-ci est décrété dès samedi.
«Quand on a fermé le Québec en mars dernier, les entreprises ont émis des attestations aux travailleurs [pour leur libre circulation]. Il y a quand même déjà des mesures existantes. Est-ce qu’on ira comme en France où il faut s’inscrire en ligne? Je ne suis pas certain. Je pense que ce sont les mesures de mars qui s’appliqueraient d’abord,» pense l’expert.
Daniel Dancause doute cependant de la capacité des forces policières actuelles à tenir plusieurs points de contrôle simultanément.
«Il faut s’attendre plutôt à ce que les policiers vont continuer de patrouiller comme ils le font présentement, mais qu’ils auront la capacité d’intercepter des véhicules pour vérifier si la personne est autorisée à circuler.»

© Sébastien St-Jean/Getty Images L’île de Montréal compte de nombreux accès.
Couvre-feu ou pas?
Quoiqu’il en soit, Daniel Dancause n’est pas convaincu que la rumeur du couvre-feu va réellement se concrétiser lors de l’annonce de demain.
«La construction va probablement arrêter. Je pense qu’on va malheureusement mettre encore le Québec sur pause. Mais est-ce que le gouvernement va seulement brandir cette possibilité-là [du couvre-feu] demain? »
Chose certaine, la pandémie gagne constamment du terrain dans la plupart des régions urbaines du Québec, observe l’expert.
«L’objectif est de protéger notre système de santé qui est actuellement à sa limite. Ce n’est pas juste une question d’occupation des lits. Des fois, on a l’espace, mais on n’a pas le personnel. »
Daniel Dancause rappelle que le système de santé québécois mène une lutte acharnée depuis plusieurs mois déjà. «C’est l’usure du temps, le surménage qui fait que nos ressources tombent au combat».
Dans son plus récent bilan, la santé publique a recensé 2546 nouveaux cas, 32 décès et 69 hospitalisations de plus au Québec.
Radio-Canada par Alain Rochefort avec les informations de Sébastien Bovet et Alexandre Duval