Kigali – Le vice-président du parti rwandais d’opposition FDU, formation non reconnue légalement par les autorités rwandaises de l’opposante emprisonnée Victoire Ingabire, a annoncé à l’AFP avoir été relâché samedi soir, après près de 36 heures d’interrogatoire par la police.
Ils m’ont relâché vers 19H00 (17H00 GMT), a déclaré Boniface Twagirimana, précisant être à nouveau convoqué lundi. Ils m’ont dit que j’étais accusé d’inciter la population à se révolter contre l’Etat, a-t-il expliqué, disant s’être vu reprocher ses commentaires sur les médias sociaux et des entretiens à la radio.
Ils m’ont demandé les mots de passe de mes comptes email et Skype, a-t-il ajouté.
Il a reconnu avoir émis des critiques sur la mauvaise gouvernance du pays, l’absence de démocratie et d’espace politique : Je m’exprime, c’est la liberté d’expression, on ne peut pas empêcher les gens de s’exprimer.
Le porte-parole de la police Celestin Twahirwa a indiqué samedi soir à l’AFP qu’une enquête avait été ouverte contre M. Twagirimana, accusé d’essayer de convaincre les gens de désobéir à la politique et aux programmes du gouvernement.
Dans un communiqué publié avant sa libération, des membres du FDU avaient qualifié cette arrestation de violation continue du droit d’expression au Rwanda, l’estimant liée aux récentes critiques également émises par M. Twagirimana sur la révision constitutionnelle adoptée le 17 novembre par le Parlement.
Une des dispositions-clés de cette nouvelle Constitution, qui doit encore être ratifiée par référendum, permet au président Paul Kagame de se représenter en 2017 – ce que lui interdit le texte actuel – et de potentiellement diriger le pays jusqu’en 2034.
Cette arrestation fait partie de l’arsenal répressif en vue d’intimider la population rwandaise pour qu’elle adhère inconditionnellement au coup d’Etat constitutionnel qui sera consacré par le référendum, avait estimé le FDU dans un communiqué.
En juillet, M. Twagirimana avait notamment déclaré à Radio-France Internationale (RFI) que les débats constitutionnels au Parlement étaient une mise en scène pour montrer qu’il y a eu une discussion.
Les autorités rwandaises affirment que la révision constitutionnelle est le fruit d’une initiative populaire, quelque 3,7 millions de Rwandais ayant signé des pétitions pour demander un maintien au pouvoir de M. Kagame, 58 ans.
Dans ce climat où la population rwandaise n’est pas permise de penser autre chose ou de critiquer, dire qu’ils ont écrit une pétition, c’est un mensonge, avait également lancé M. Twagirimana sur RFI.
De nombreux observateurs doutent de la spontanéité du mouvement populaire et y voient une manoeuvre orchestrée par les autorités, dans un pays régulièrement épinglé pour ses atteintes à la liberté d’expression et son peu d’ouverture politique.
En juillet, Boniface Twagirimana avait également dénoncé les conditions de détention de Victoire Ingabire, présidente du FDU condamnée à 15 ans de prison en décembre 2013 pour conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre, minimisation du génocide de 1994 et propagation de rumeurs dans l’intention d’inciter le public à la violence.
Romandie.com avec(©AFP / 05 décembre 2015 20h38) 