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En Tunisie, Kaïs Saïed veut rendre au peuple l’argent qui lui a été volé

janvier 10, 2023

Récupérer l’argent détourné sous Ben Ali ou depuis 2011 pour l’affecter à des projets de développement. C’est le but de la « conciliation pénale » mise en place par le président tunisien, mais dont le cadre juridique inquiète déjà.

Le président tunisien Kaïs Saïed. © Nicolas Fauqué

Après la mise en place d’entreprises citoyennes, le président Kaïs Saïed continue à dérouler son programme. Il pousse les administrations concernées à faciliter la tâche de la Commission de la conciliation pénale, qu’il a désignée en novembre 2022 et à laquelle il a donné six mois pour aboutir à des résultats, selon le décret annonçant la création de cette instance publié en mars 2022.

L’idée n’est pas nouvelle mais elle a maintenant force de loi. Kaïs Saïed part d’un principe de justice sociale – éviter que certains ne s’enrichissent sur le dos d’un peuple déjà dans la précarité – et en fait le fer de lance de sa politique.

Grâce au nouveau dispositif, il compte récupérer pas moins de 13,5 milliards de dinars (environ 4 milliards d’euros) détournés durant l’ère Ben Ali, et au moins autant pour les dix dernières années de gabegie financière et politique. Les ressources ainsi récupérées doivent être affectées à des projets de développement dans des zones sinistrées.

Pour le président, il s’agit à la fois de créer un précédent pouvant jouer sur les équilibres sociaux et de tenir une promesse électorale, tout en tentant de renflouer les caisses de l’État. Le tout obéissant à une logique qui lui tient à cœur et dont il veut démontrer la validité : il suffit de le vouloir et de s’en donner les moyens pour faire aboutir un projet. Projet qu’en l’occurrence Kaïs Saïed avait longuement présenté aux partis et à la société civile en 2012-2013, mais qui était resté sans lendemain.

La récente adoption du dispositif de conciliation sonne donc comme une revanche, et donne au président le rôle de celui qui sait ce qu’il convient de faire. Ici, obliger ceux qui se sont rendus coupables de malversations à investir dans les régions démunies pour générer du développement.

Retour sur la chose jugée

Une opération simple et qui n’est pas inconnue des Tunisiens. Immédiatement après la chute du régime de Ben Ali en janvier 2011, l’une des exigences exprimée par la révolution a été une reddition des comptes.

Corruption, affairisme et népotisme avaient largement contribué à dresser l’opinion contre les détenteurs de pouvoir ou les membres du sérail. Dans la foulée du 14-Janvier, a été mise en place la Commission nationale d’investigation sur les faits de corruption et de malversation. Une instance dont le nom était associé à celui de Abdelfattah Amor, l’ancien doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, qui la préside et qui a été le mentor de l’actuel chef de l’État.

Cette commission a établi une liste de 460 personnes et a transmis les dossiers à la justice. Certains prévenus ont été blanchis, d’autres ont écopé d’amendes et de peines de prison, et d’autres encore sont tout simplement décédés.

On pourrait penser que pour ces derniers, ce chapitre de redevabilité est clos, mais il n’en est rien. Bien au contraire. Le décret de mars 2022 revient, au mépris des principes juridiques les plus élémentaires, sur la chose jugée et considère que tout ce qui a précédé en matière de conciliation est caduc, voire irrecevable.

Pourtant, en dix ans, plusieurs tentatives d’en finir avec cette situation sur laquelle achoppe une réconciliation nationale ont été amorcées. Deux commissions, celle de Abdelfattah Amor et celle de la confiscation, ont référencé tous les manquements constatés durant la période Ben Ali.

Ensuite, l’Instance Vérité et Dignité (IVD) a elle aussi rassemblé des témoignages et engagé des procédures auprès des tribunaux sans que nul ait recensé les résultats obtenus. À ces instances vient encore s’ajouter l’initiative de conciliation politique du président Béji Caïd Essebsi, dont le volet prévoyant l’amnistie des commis de l’État concernés par des dossiers de corruption s’est heurté à un mouvement protestataire « menech msamhine » (« Nous ne pardonnons pas ») et a été écarté de la loi adoptée en 2017.

Un texte trop large

Aujourd’hui, Kaïs Saïed tient à ce que la nouvelle commission obtienne des résultats au plus vite. Une manière de bloquer l’avancée des « forces, entre autres celles du capital, qui voudraient contrer le président », confie l’un des soutiens de la coordination d’El Mnihla, quartier de Tunis où vit le chef de l’État.

Mais à la lecture du décret qui officialise la création de la commission, on a le sentiment que la procédure risque de toucher riches et pauvres indistinctement. La procédure ne tient pas compte des jugements rendus précédemment. Chacun, même présumé innocent, devra démontrer sa bonne foi.

« Plus grave encore, alerte l’avocat et ancien magistrat Ahmed Souab, on peut être condamné sur des intentions. Si on comptait commettre un fait de corruption, même si on n’est pas passé à l’acte, on tombe sous le coup du décret actuel. »

Ayant siégé à la Commission de la confiscation en 2011, le juriste précise aussi que l’identification des personnes et des biens a déjà été effectuée et que les biens confisqués sont depuis au moins dix ans propriété de l’État. Un fait sur lequel l’administration préfère garder le silence, d’autant que depuis, la gestion des biens confisqués par l’État s’est révélée calamiteuse.

Le décret de 2022 prévoit aussi que dans le cas où la commission clôt ses travaux et où l’exécution de la réconciliation n’a pas été réalisée, le dossier retournera entre les mains de la justice et les peines prévues seront appliquées. « Le processus ne prévoit rien pour la justice transitionnelle », déplore un ancien de l’IVD.

« Le projet est trop important pour présenter des lacunes et être traité en six mois. Il faut en finir avec l’idée que rien n’a été concluant depuis 2011 et ouvrir un nouveau chapitre. Sous cet angle, la conciliation pénale peut être fédératrice et provoquer un sursaut salutaire », estime de son côté un candidat aux législatives dans la circonscription de Zaghouan.

Plusieurs magistrats soulignent quant à eux les lacunes et les contradictions du texte créant la nouvelle commission. Et rappellent que c’est ce projet qui a été à l’origine du désaccord entre le président de la République et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qu’il a dissous en février 2022.

Avec Jeune Afrique par Frida Dahmani- à Tunis

Belgique : restitution de la dent de Patrice Lumumba ce 20 juin

juin 18, 2022

L’unique dent restante de l’ancien Premier ministre congolais sera remise à ses trois enfants, François, Juliana et Roland Lumumba, lors d’une cérémonie au Palais d’Egmont à Bruxelles, en présence du Premier ministre belge, Alexander De Croo, ainsi que de son homologue congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, représentant le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Auparavant, la famille Lumumba sera reçue par le roi Philippe au palais royal de Bruxelles.

Patrice Emery Lumumba

La dent de Patrice Lumumba a été saisie par la justice belge en 2016 chez la fille du policier belge, Gérard Soete, aujourd’hui décédé, qui était chargé de découper et de dissoudre dans l’acide, le corps du défunt Premier ministre, deux jours après son assassinat. Elle avait été saisie dans le cadre d’une enquête pour «crimes de guerre» ouverte en 2011 à Bruxelles.

Ainsi, lors de la cérémonie au palais d’Egmont, le chef du parquet fédéral belge, Frédéric Van Leeuw, remettra, dans l’intimité, à la famille Lumumba cette dent placée dans un écrin, avant la cérémonie solennelle autour d’un cercueil renfermant ce coffret, en présence d’autorités belges et congolaises. Interrogé le 16 juin par Radio France internationale, Frédéric Van Leeuw a précisé que la dent sera remise à la famille et non pas à l’État congolais. Aussi a-t-il expliqué, la dent de Lumumba n’a pas pu accompagner la récente mission royale en République démocratique du Congo (RDC), parce que c’est un dossier judiciaire et la décision de la remettre à la famille a été prise par un juge d’instruction. « C’est une décision importante de la juge d’instruction, sur demande de la famille. Je dois avouer que cette décision a été prise sous l’influence de ce qui s’est passé en 2020 avec le mouvement Black Lives Matter, après la mort de Georges Floyd. Il y a eu une demande de la famille Lumumba… On commémorait aussi les 60 ans de l’indépendance du Congo. C’était symbolique et compte tenu de l’aspect affectif que cette dent peut avoir, le juge d’instruction a accepté de la rendre. Il a chargé le procureur fédéral de la remettre à la famille et pas à l’État congolais », a déclaré Frédéric Van Leeuw à la RTBF.

Depuis sa saisie en 2016, la dent était gardée  dans un coffre-fort du parquet fédéral belge. « Vu la valeur et le respect dûs à ce qui reste finalement de la dépouille de Patrice Lumumba, il fallait que cette dent soit bien protégée. Et donc elle l’est dans un écrin qui a été fabriqué tout spécialement pour la protéger et elle se trouve dans un coffre du parquet fédéral effectivement, puisqu’on voulait éviter qu’elle soit simplement considérée comme une vulgaire pièce à conviction qui se trouverait au greffe du tribunal », a ajouté Frédéric Van Leeuw à RFI.

Trois jours de deuil national prévus en RDC

Balufu Bakupa-Kanyinda, désigné par la présidence congolaise pour diriger l’opération de restitution des restes de Patrice Lumumba et son retour en RDC, a déclaré, le 17 juin à Bruxelles, que cette dent sera placée dans un cercueil provenant de la RDC et qui sera exposé à l’ambassade à Bruxelles, où il restera deux jours pour un hommage ouvert au public dans la pure tradition congolaise. Le départ pour Kinshasa est prévu le 21 juin en soirée depuis l’aéroport militaire belge de Melsbroek, à bord d’un avion de la compagnie aérienne Congo Airways. Ce dernier arrivera le 22 juin dans la matinée à l’aéroport de N’Djili. Le cercueil effectuera ensuite un périple dans plusieurs provinces de la RDC, notamment à Onalua, le village natal de Patrice Lumumba, rebaptisé Lumumbaville en 2013, pour un deuil familial; à Kisangani, son fief, pour un deuil politique; et à Shilatembo, avant un retour à Kinshasa le 27 juin. Trois jours de deuil national sont prévus du 27 au 30 juin. Le cercueil sera exposé au Palais du peuple, siège du parlement congolais, avant d’être transporté à l’ancienne résidence de Patrice Lumumba et de passer une nuit à la Primature.

Le 30 juin, date du 62e anniversaire de l’indépendance de la RDC, aura lieu la cérémonie officielle de l’inhumation au mausolée construit pour accueillir la dépouille de Patrice Lumumba à l’Echangeur de Limite, dans la banlieue est de Kinshasa, a indiqué Balufu Bakupa-Kanyinda. Pour leur part, Maurice Mpolo et Joseph Okito ont été admis dans l’Ordre national des héros nationaux Kabila-Lumumba, le 14 juin à Kinshasa.

L’enquête judiciaire se poursuit

Né sous le nom d’Elias Okitasombo, Patrice Emery Lumumba avait été assassiné à l’âge de 35 ans, fusillé le 17 janvier 1961, en compagnie de deux de ses proches, l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Maurice M’Polo, et l’ancien vice-président du Sénat, Joseph Okito. Son corps avait été dissous dans l’acide sulfurique sur place, à Shilatembo (dans l’actuelle province du Haut-Katanga, au sud-est du pays). Le policier belge Gérard Soete avait décidé de ramener avec lui quelques reliques comme  » des trophées de chasse « , selon le sociologue belge, Ludo De Witte, auteur d’un livre sur l’assassinat de Lumumba. Seule une dent attribuée à ce dernier avait été récupérée par le parquet fédéral belge.

Le fils aîné, François Lumumba, a déposé plainte en 2011 pour crimes de guerre, tortures et traitements inhumains, contre dix Belges considérés comme impliqués dans l’assassinat de Patrice Lumumba. Dans la plainte, « diverses administrations de l’État belge » sont accusées d’avoir « participé à un vaste complot en vue de l’élimination politique et physique de Patrice Lumumba ». A l’époque des faits, ces personnalités exerçaient des responsabilités politiques ou militaires aux côtés du président sécessioniste katangais, Moïse Tshombe, ou alors étaient diplomates, envoyées au Congo par le gouvernement belge.

Aujourd’hui, selon la presse belge, seules deux des dix personnes initialement visées par la plainte sont encore en vie. Il s’agit de l’ancien diplomate et homme d’affaires Etienne Davignon, 89 ans, et de l’ex-haut fonctionnaire Jacques Brassinne de la Buissière, 92 ans.

Frédéric Van Leeuw a indiqué à RFI que l’enquête continue, rappelant que lors de la commission parlementaire qui avait eu lieu en 2000, des auditions avaient eu lieu à huis clos et le juge d’instruction avait décidé, il y a quelques mois, de faire une perquisition au Parlement pour obtenir le contenu de ces auditions. « Actuellement, il y a un débat juridique qui se fait. Les pièces sont sous scellés. Nous avons soutenu, en tout cas en tant que parquet, qu’il n’était justifiable ni légalement ni moralement de garder secrètes les auditions qui ont été faites à huis clos il y a plus de vingt ans. Il y a un point de vue différent qui a été développé au niveau du Parlement et cette question-là doit être tranchée. Le dossier a été plaidé le 1er juin et l’arrêt de la Cour d’appel est prévu vers le 14 septembre »,  a déclaré le chef du parquet fédéral belge.

Pour ce dernier, l’instruction aboutira à un procès si, au moment où la juge estime que son dossier est clôturé et qu’elle ne peut pas aller plus loin, le parquet fédéral décide de poursuivre X ou Y dans ce dossier. « Donc je ne peux pas encore anticiper cela. La prochaine échéance sera l’arrêt de la Cour d’appel, le 5 septembre. Nous saurons alors si nous pouvons avoir accès aux PV. Là, les décisions de la juge seront différentes : soit il n’y aura pas d’accès, alors l’ensemble des devoirs d’enquête aura été épuisé, puisque toutes les personnes auront été interrogées une ou plusieurs fois. Soit il y aura accès et là, il faudra que les enquêteurs prennent connaissance de ces auditions, qu’ils puissent les étudier et faire les comparaisons nécessaires avec tous les autres éléments du dossier. Mais je pense que dans ce dossier, il faut aller le plus loin possible… Tout en sachant que c’est plus compliqué, après plus de 60 ans », a admis Frédéric Van Leeuw à la RTBF.

Avec Adiac-Congo par Patrick Ndungidi

La clé de la cellule de Mandela bientôt restituée à l’Afrique du Sud ?

janvier 14, 2022
Damien Glez © Damien Glez

Pause ou conclusion dans la polémique qui a suivi la programmation de la vente aux enchères de la clé de la prison de Madiba ? La séance new-yorkaise prévue le 28 janvier est ajournée…

Peut-on faire feu de tout bois ? Peut-on de feu Madiba faire objet de tout marchandage ? À l’heure où son Congrès national africain (ANC) préparait un 110e anniversaire aux flagrances de corruption, de dissidence et d’échec électoral, les Sud-Africains se désolaient que la clé de sa cellule à la prison de Robben Island soit programmée à la vente, le 28 janvier prochain, à New York. Dans le même lot aux enchères, figuraient une chemise ayant appartenu à Nelson Mandela, des lunettes de soleil, des stylos protocolaires, un vélo d’appartement et une copie de la Constitution signée par l’ancien président sud-africain.

C’est le tabloïd britannique The Daily Mail qui avait annoncé, dès la semaine de Noël, que la clé aurait été cédée par Christo Brand, un ancien gardien du prisonnier politique devenu son ami. Sans se poser plus de questions, la salle des ventes Guernsey’s avait annoncé un prix de réserve de 250 000 dollars et son président, Arlan Ettinger, avait anticipé une liquidation potentielle à plus d’un million de dollars…

Indignation populaire

Le scoop britannique avait provoqué une indignation populaire en Afrique du Sud, la condamnation du gouvernement et la menace d’une plainte contre Christo Brand par l’association sud-africaine des anciens prisonniers politiques. Ironiquement, pour le secrétaire adjoint de l’association, Mpho Masemola, l’objet qui servait à séquestrer est devenu « le symbole de la liberté », associé qu’il est à la libération des détenus politiques de Robben Island, l’île prison où vécut Mandela durant 18 de ses 27 ans d’incarcération par le régime d’apartheid. Un communiqué du gouvernement explique, lui, que « la clé (…) représente le triomphe de l’esprit humain sur le mal ».

L’événement du 28 janvier s’inscrivait-il dans une saine « mandelamania » ou dans une dérive mercantile si souvent redoutée, au regard du merchandising parfois macabre et incongru élaboré depuis la mort du premier président noir d’Afrique du Sud ? Selon la salle des ventes, l’ancien geôlier aurait accepté de renoncer à la quasi-relique – que les autorités lui avaient cédée il y a 30 ans – pour permettre à l’une des filles de Mandela de financer, avec le fruit de la vente, un jardin commémoratif consacré à Mandela, dans son village natal, non loin de sa sépulture.

Le 7 janvier, Guernsey’s annonçait que la vente était « ajournée sine die », « en attendant des vérifications » de l’Agence du patrimoine d’Afrique du Sud (Sahra) quant aux autorisations nécessaires à la sortie de la clé du pays. Le même jour, plus catégorique, le ministre sud-africain de la Culture Nathi Mthethwa affirmait que le passe-partout carcéral serait restitué au pays de Madiba. Un front commun autour d’une vieille clé serait-il la clé d’une réconciliation nationale enfin aboutie ?

Damien Glez

Avec Jeune Afrique par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

RDC : la cérémonie de restitution des restes de Lumumba reportée à juin

janvier 6, 2022
Patrice Lumumba, ramené à Léopoldville, le 2 décembre 1960. © Rue des Archives

Le 17 janvier, la Belgique devait officiellement rendre aux proches de l’ancien Premier ministre l’une de ses dents, prélevée sur son corps après son assassinat, en 1961. Pour expliquer le report de la cérémonie, la présidence congolaise met en avant les mesures de restriction liées à la pandémie de Covid-19.

La cérémonie de restitution, par la Belgique, d’une « relique » de l’ex-Premier ministre congolais, Patrice Émery Lumumba, a été reportée à juin 2022, a annoncé la présidence congolaise le 5 janvier.

Héros de l’indépendance devenu le premier chef de gouvernement du Congo en juin 1960, Patrice Lumumba avait été renversé quelques mois plus tard lors d’un coup d’État. Il avait été exécuté, le 17 janvier 1961, par des séparatistes de la région du Katanga, avec l’appui de mercenaires de l’ancienne puissance coloniale belge.

La Belgique devait remettre au président Félix Tshisekedi une dent qu’un commissaire de police belge affirme avoir prélevée sur le corps de Lumumba lorsqu’il a contribué à le faire disparaître. Cette restitution devait avoir lieu le 21 juin 2021, mais la cérémonie et les hommages qui devaient l’accompagner avaient été une première fois reportés en raison d’une hausse « exponentielle » des cas de Covid-19. Ils avaient ensuite été fixés au 17 janvier 2022, jour du 61e anniversaire de la mort de Lumumba.

Dissous dans l’acide

« La cérémonie de restitution et de rapatriement des restes de l’ancien Premier ministre, Patrice Lumumba, est reportée à juin prochain, à une date proche des festivités de célébration de l’indépendance de la RDC, le 30 juin », a fait savoir un conseiller du président Tshisekedi. « Plusieurs raisons justifient ce report. La principale porte sur les restrictions qui s’appliquent dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19 », a-t-il ajouté, promettant « une communication officielle dans les prochaines heures ».

En 2000, le commissaire de police belge Gérard Soete avait raconté avoir découpé et dissous dans de l’acide les corps de Lumumba et de deux de ses proches, Joseph Okito et Maurice Mpolo, assassinés en même temps que lui. Dans un documentaire diffusé sur la chaîne allemande ARD la même année, il avait précisé avoir conservé des dents de Lumumba et les avait montrées.

En septembre 2020, la justice belge avait répondu favorablement à la demande de la famille de Patrice Lumumba de lui restituer une dent attribuée au leader congolais et saisie chez la fille de Gérard Soete. En 2001, au terme d’une commission d’enquête parlementaire, la Belgique avait reconnu sa « responsabilité morale » dans la mort de Lumumba.

Par Jeune Afrique avec AFP

RDC-Belgique : des restitutions d’œuvres d’art, mais pas tout de suite

décembre 11, 2021
Dans la salle de restauration du musée de la réserve du mont NGaliema, à Kinshasa. © Marie Toulemonde

En visite à Kinshasa fin novembre, le secrétaire d’État belge, Thomas Dermine, a présenté un ambitieux projet autour du patrimoine pillé durant la période coloniale. Qu’en pensent la classe politique et les citoyens congolais ?

« Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue, et je pense que l’heure de la restitution d’objets spoliés au Congo est venue. » C’est avec un ton solennel, et en empruntant les mots de Victor Hugo, que Thomas Dermine entame son discours, en ce 24 novembre 2021, dans la salle de réception du flambant neuf musée national de la République du Congo (MNRDC), à Kinshasa.

Le secrétaire d’État belge, chargé du brûlant dossier des œuvres d’arts pillées durant la colonisation, a fait le déplacement pour présenter aux Congolais l’approche esquissée par la Belgique, afin de décider du sort des quelques 109 000 artefacts conservés aujourd’hui à l’Africa Museum de Tervuren. Le projet, qui devrait être voté dans les semaines à venir au Parlement belge, doit jeter les bases d’une coopération bilatérale autour de la question de leur héritage commun.

Démarche avant-gardiste ?

Réunis devant lui, une quarantaine de chercheurs et autorités politiques congolaises, dont le président de l’Assemblée nationale Christophe Mbosso et celui du Sénat Modeste Bahati Lukwebo, mais aussi des représentants religieux et royaux. Tous écoutent attentivement : le moment est hautement symbolique. Ce projet de restitution du patrimoine culturel congolais est une étape nécessaire à la réconciliation des deux peuples liés par un passé « trouble » et douloureux. La Belgique vient de franchir une étape avec la publication, au début du mois, d’un rapport d’historiens, commandé par le Parlement, qui détaille au cours de 700 pages « la brutalité » du régime colonial qui a fait quelque dix millions de morts.

Alors que les relations de Bruxelles avec Kinshasa se sont dégradées depuis l’élection de Félix Tshisekedi, le déplacement de Thomas Dermine, avec la ministre belge de la Coopération au développement Meryame Kitir, est particulièrement stratégique. C’est un pas de plus vers la réconciliation et la possibilité d’un déblocage de fonds.

LE TEMPS N’EFFACE RIEN. IL ÉTAIT DONC TEMPS POUR DES EXCUSES AU PLUS HAUT NIVEAU DE L’ÉTAT

Trentenaire, fraîchement arrivé au gouvernement, Thomas Dermine incarne une nouvelle génération politique décomplexée qui n’a plus peur de regarder avec franchise son histoire. Après un mea culpa de rigueur : « Le temps n’efface rien. Au mieux, il recouvre d’un voile des souvenirs éteints qui se rallument à la première brise. Il était donc temps pour des excuses au plus haut niveau de l’État. » Ensuite il tranche : « Les objets acquis par nos ancêtres de façon illégitime ne nous appartiennent pas. Ils ne sont pas à nous. Ils appartiennent au peuple congolais. Point final. »

Toutes les œuvres acquises de 1885 à 1960 par la Belgique au Congo seront donc « a priori restituables ». Puis, il poursuit en détaillant méthodiquement les modalités de cette démarche à portée « holistique » et « avant-gardiste » au regard d’autres pays européens.

Thomas Dermine, Placide Mumbengele, Meryame Kitir
Thomas Dermine, Placide Mumbengele, Meryame Kitir © Marie Toulemonde

À en croire les applaudissements de l’audience, le discours a fait mouche. « Une page est tournée », salue Christophe Mbosso. Et la volonté de réconciliation partagée. « On parle le même langage », insiste le directeur du musée Henry Bundjoko. Lors de la table ronde qui a précédé le discours et à laquelle la ministre de la culture congolaise Catherine Katumbu a participé, on parlait même de « révolution copernicienne ». Mais qu’en est-il réellement ? Qu’en pensent la classe politique congolaise et les citoyens ?

Restitution versus reconstitution

Les contours du projet se sont dessinés dans un contexte d’ébullition en Europe, après que la France a jeté un pavé dans la mare avec la publication du rapport  Felwine Sarr et Bénédicte Savoy (2018), après la vague Black Lives Matter et le déboulonnage de statues du roi Léopold II qui en a découlé. Si Emmanuel Macron vient d’ailleurs de restituer en grande pompe, au Bénin, 26 œuvres pillées lors de la mise à sac des palais du royaume d’Abomey en 1892,  il ne s’agit surtout pas pour le secrétaire d’État belge de marcher dans les pas du président.

De dix ans son cadet, Thomas Dermine met un point d’honneur à s’en différencier. « Je ne suis pas un cascadeur de la politique, je travaille pour le fond, pas pour créer du spectacle. C’était plus facile de demander à Guido Gryseels, directeur de Tervuren, deux masques et une statue symboliques et problématiques – on sait lesquels en plus – et de faire deux, trois photos. Mais est-ce-qu’on ne reproduit pas des schémas coloniaux en se donnant bonne conscience avec des actes symboliques ? » questionne-t-il avec un sourire taquin.

Contrairement à la France, donc, la Belgique ne se concentre pas sur une collection spécifique et considère l’ensemble du patrimoine public. L’idée est de mettre sur pied, « d’ici à 2022 », une commission mixte, instituée par un accord bilatéral, composée de manière paritaire d’experts scientifiques belges et congolais. Cette équipe sera chargée de déterminer si les oeuvres, en priorité celles ayant fait l’objet d’une demande de restitution, ont été acquises de manière légitime ou illégitime. Dans le second cas, le transfert de propriété juridique serait immédiat. La question du retour physique de l’objet serait organisée dans le temps « pour s’assurer de sa conservation, préservation et valorisation ».

DERMINE PRÉFÈRE OPTER POUR LE MOT RECONSTITUTION, EMPRUNTÉ EN DERNIÈRE MINUTE AUX CONGOLAIS

Le terme « restitution », choisi par les Français, témoigne selon le secrétaire d’État d’une forme d’européocentrisme puisque c’est l’action des Européens qui est mise en avant. « Il faut au contraire adopter une position centrée sur la perspective du Congo qui est de reconstituer l’identité culturelle d’un peuple, […] qui a été trop longtemps privé de la mémoire, de la créativité et de la spiritualité de ses ancêtres. » Dermine préfère opter pour le mot « reconstitution », emprunté en dernière minute aux Congolais qui l’avaient employé lors d’un forum dédié. Tout est bon pour se démarquer, et tant pis si ça cafouille côté presse flamande car dans leur langue, reconstitution n’a pas réellement de traduction…

Terme flou et chantier colossal

Si, pour le ministre, « il faut se poser la question : l’a-t-on volé ? La réponse c’est oui ou non », dans les faits, la réalité est plus complexe.

Guido Gryseels, l’emblématique directeur de Tervuren depuis 20 ans, cheville ouvrière du projet, estime que plus de 900 œuvres – 1 % des collections –  sont éligibles à une restitution immédiate, à l’image de la statue du chef Ne Kuko, dont on a la preuve qu’elle a été acquise de manière illégitime par Alexandre Delcommune lors d’une expédition punitive, fin 1878.

Le marchand belge Alexandre Delcommune a volé la « kitumba » à un roi de Boma en 1878
Le marchand belge Alexandre Delcommune a volé la « kitumba » à un roi de Boma en 1878 © RMAC Tervuren

Près de 58 % – 63 000 objets – resteront à priori dans le domaine public belge car acquis « de manière légitime ». C’est le cas de la « grande pirogue » – 22 mètres – exposée à Bruxelles depuis 1958, qui fut officiellement un don de l’administration territoriale au roi Léopold III, en visite au Congo un an plus tôt. Mais qu’est-ce qu’un don dans un contexte de domination systémique et violente ? Ne faut-il pas sortir des termes juridiques – trace de transaction – et préférer une approche morale au cas par cas ?

QU’EST-CE QU’UN DON DANS UN CONTEXTE DE DOMINATION SYSTÉMIQUE ET VIOLENTE ?

Le plus gros souci concerne les quelques 45 000 objets dont on ignore comment ils ont été acquis et comment ils ont transité du Congo à Bruxelles, il y a plus d’un siècle. Pour ces derniers, et en attendant les éventuels résultats de leur analyse de provenance, ils seront conservés dans le domaine public mais rendus « aliénables ». Le terme est flou et le chantier colossal.

En effet, aujourd’hui seule une personne est employée à temps plein pour mener ce travail de recherche, débuté début juin, à Tervuren. Et les financements manquent. Alors après plusieurs piques de Guido Gryseels à ce sujet, le secrétaire d’État qui lui prête une oreille attentive, lui promet un budget de 2 millions par an consacré à l’analyse de provenance. Une petite victoire, mais les résultats pourraient nécessiter des dizaines d’années de travail.

Rien ne presse

Et tant mieux car du côté congolais, le temps ne presse pas. Le président Tshisekedi l’avait déjà affirmé lors de l’inauguration du MNRDC, deux ans plus tôt : « Un jour il faudra bien que notre patrimoine revienne au Congo mais il faut le faire de manière organisée et concertée. Il ne faut pas le faire précipitamment. » Même son de cloche chez le directeur du musée, Henry Bundjoko, « On a d’abord besoin d’une reconnaissance, (juridique) ensuite on n’est pas pressé », et Christophe Lutundula, le ministre des Affaires étrangères : « Nous avons notre rythme, notre gestion de la démarche qui nous oblige à travailler dans la sérénité… mais avec l’objectif de faire de la démarche un élément qui contribue au renforcement de nos relations. »

Le Musée national de la République démocratique du Congo (MNRDC), à Kinshasa.
Le Musée national de la République démocratique du Congo (MNRDC), à Kinshasa. © Marie Toulemonde

Contrairement à d’autres pays du continent, comme le Bénin, le Sénégal ou encore le Tchad, la RDC n’a pas fait de demande officielle de restitution. Et pour cause. Tout le monde est bien conscient que le terrain est mal préparé et qu’il faut à tout prix éviter les « ratés », comme le rappelait Christophe Lutundula en référence aux « dons » d’œuvres effectués sous Patrice Lumumba, qui s’étaient rapidement évaporés dans la nature une fois retournés au pays. Les vols, s’ils ont diminué, sont encore réguliers.

LES ŒUVRES DEVRONT ÊTRE DÉPLACÉES MAIS PERSONNE NE SAIT ENCORE OÙ, LA RÉSERVE DU NOUVEAU MUSÉE EST DÉJÀ PLEINE

Si le président adopte cette approche prudente, c’est qu’il sait que les capacités d’accueil et de conservation du pays, principal argument prôné par les anti-restitutions, sont encore insuffisantes. Aujourd’hui, près de 33 000 objets des collections publiques congolaises sont entassés dans des conditions de conservation inquiétantes dans l’ancienne réserve privée de Mobutu au mont Ngaliema. Ils vont bientôt devoir être déplacés mais personne ne sait encore où les conserver car la réserve du nouveau musée est déjà pleine. Aucun budget n’a été débloqué à ce jour pour en construire une autre.

Dans la salle de restauration du musée de la réserve du mont NGaliema, à Kinshasa.
Dans la salle de restauration du musée de la réserve du mont NGaliema, à Kinshasa. © Marie Toulemonde

De manière plus globale, la culture est encore loin d’être une priorité au sein du gouvernement qui peine à faire rentrer les recettes de l’extraction minière qui se perdent entre les « crocs-en-jambe » dans l’administration et la corruption, pour reprendre l’expression de Christophe Mbosso. Pourtant, c’est la culture que Félix Tshisekedi a choisi de mettre à l’honneur cette année à l’Union africaine. Quelques jours avant l’arrivée de la délégation belge, il a même instauré une commission sur le sujet des restitutions, sans que sa composition ait été dévoilée. Un colloque panafricain vient également de s’achever, dimanche 5 décembre, sur cette thématique à Kinshasa.

LA BELGIQUE NE MENTIONNE À AUCUN MOMENT UNE AIDE FINANCIÈRE DÉDIÉE AUX MUSÉES CONGOLAIS

Dans ces conditions, beaucoup se demandent pourquoi, dans le projet de reconstitution, la Belgique ne mentionne à aucun moment une enveloppe d’aide financière précise, dédiée aux musées congolais pour préparer le retour des œuvres, comme ont pu le faire l’Allemagne avec le Nigeria et la France avec le Bénin.

Les institutions culturelles françaises, élément essentiel de la diplomatie de Paris, sont d’ailleurs bien mieux implantées à Kinshasa que leur pendant belge. Le nouveau musée national MNRDC, qui a coûté 21 millions de dollars, a lui été financé par… la Corée du Sud. La Chine, en situation de disgrâce avec les affaires minières de la Sicomines notamment, semble elle aussi faire de la culture un faire-valoir politique. L’ambassadeur Zhu Jing visitait des musées congolais, dimanche 5 décembre.

Seul Tervuren fait réellement office de représentant belge de la culture au Congo. En effet, l’institution est connue de Kinshasa à Lubumbashi, où elle a développé de multiples programmes de formation. Elle est incarnée par la figure de Guido Gryseels, accueilli avec des égards de ministre par de nombreux acteurs congolais de la recherche. C’est d’ailleurs avec son complice Placide Mumbengele, le directeur de l’Institut des musées nationaux du Congo (INMC), qu’il met sur pied le projet de « reconstitution ».

Sujet élitiste

Mais pour la jeune génération congolaise, le discours belge est loin d’avoir l’écho attendu. Comme le témoignent, Nizar Saleh et Paul Shemisi, deux cinéastes locaux qui travaillent dans les quartiers populaires kinois, « Ça reste un sujet élitiste. Pour la plupart des gens, il faut d’abord survivre au quotidien.

CES ŒUVRES ONT-ELLES RÉELLEMENT LEUR PLACE DERRIÈRE LA VITRINE D’UN MUSÉE ?

À l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, alors que le secrétaire d’État vient juste de sortir de l’atelier de peinture qu’il était venu visiter, un débat s’improvise autour du sujet. Pour Chimbalanga, jeune artiste kinois, l’acte de transfert de propriété ne signifie rien : « Ces œuvres nous appartiennent déjà. Ce n’est pas un papier juridique qui changera quoique ce soit. » « Pour moi le terme devrait être réparation ou reconstruction », poursuit Isaac, qui souhaite que les Belges « qui ont dû beaucoup s’enrichir avec ce patrimoine volé », compensent en bâtissant des musées et en formant la jeunesse.

Pour Chimbalanga, jeune artiste kinois, l’acte de transfert de propriété ne signifie rien.
Pour Chimbalanga, jeune artiste kinois, l’acte de transfert de propriété ne signifie rien. © Marie Toulemonde

D’autres ne comprennent pas l’intérêt d’un retour de ces objets. En sortant du village, le masque qui avait une utilité dans la communauté, un emplacement, a perdu son caractère sacré. Les échanges témoignent aussi de la position des Occidentaux qui ont, ces dernières années, eu tendance à mettre en avant l’esthétique des objets au détriment de leur origine culturelle et cultuelle. Phénomène qui a par ailleurs permis d’alimenter le marché privé de l’art classique africain et donc le pillage. Finalement, ces œuvres ou objets ont-ils réellement leur place derrière la vitrine d’un musée ?

Réappropriation 

Cette réflexion s’est poursuivie au Colloque panafricain pour la renaissance africaine, à Kinshasa, le 2 décembre, au cours duquel Clémentine Faïk-Nzuji, chercheuse en symbologie africaine, s’est montrée exaspérée. Malgré ses demandes répétitives, et cela depuis trente ans, aucune page du programme scolaire congolais n’aborde encore les cultures traditionnelles africaines. « Nous devons sensibiliser la jeunesse à la valeur sacrée et l’importance sociale de ces objets […]. Aujourd’hui, l’enfant africain a peur de son patrimoine parce qu’il a été diabolisé. »Ces propos, Emery Mwazulu Diyabanza, activiste panafricain des restitutions et porte-parole de l’association Unité, Dignité, Courage (UDC), les partage et les complète : « Nous avons besoin de nous réapproprier notre patrimoine culturel, dont l’énergie est emprisonnée dans les musées occidentaux […]. Mais sans la réhabilitation de la vérité historique et la restitution des œuvres, nous ne pouvons déclencher cette réconciliation avec nous-mêmes. »

L’Académie des beaux-arts de Kinshasa.
L’Académie des beaux-arts de Kinshasa. © Marie Toulemonde

C’est précisément ce besoin de réappropriation que douze artistes africains tentent d’exprimer à travers un projet artistique nommé « l’esprit des ancêtres », sous l’impulsion de l’artiste Géraldine Tobé et soutenu par l’historien de l’art à l’Université libre de Bruxelles, Hans de Wolf. L’idée, partir à la recherche de ce patrimoine perdu, se reconnecter avec les racines spirituelles d’avant la colonisation et l’évangélisation.

En effet, comme le soulignait dans son discours Thomas Dermine, de nouvelles générations de Congolais et de Belges se rencontrent aujourd’hui. Elles sont les héritières d’un passé commun qu’elles n’ont ni vécu ni voulu. « Au sein du gouvernement actuel, un seul ministre était né au moment de l’Indépendance. […] Cela influence fortement notre rapport au Congo sur la volonté de regarder notre passé en face et de vouloir construire un avenir fraternel sur les bases d’un juste équilibre », ajoute-t-il.

Une œuvre de Géraldine Tobé, née le 9 février 1992 à Kinshasa.
Une œuvre de Géraldine Tobé, née le 9 février 1992 à Kinshasa. © Géraldine Tobé

Cette quête, Pamela Tulizo, photographe et membre du projet de Géraldine Tobé, l’a entamée dans le cadre de son projet sur les héroïnes oubliées du Congo. Résidant à Goma, où aucun document historique ne lui était accessible, elle a dû travailler à distance avec les étudiants belges de Tervuren qui ont cherché pour elle, dans les archives nationales aujourd’hui conservées à plus de 10 000 km de son village, les traces de son passé.

Avec Jeune Afrique par Marie Toulemonde – Envoyée spéciale à Kinshasa

Angola: Isabel dos Santos sommée par la justice de restituer 422 millions d’euros d’actions

juillet 30, 2021
Isabel dos Santos, ici à Porto le 5 mars 2015, était absente à l’audience.

L’Institut néerlandais d’arbitrage (NAI) a rendu sa décision concernant la fille de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos. Elle devra restituer des actions d’une valeur de 422 millions d’euros à la compagnie nationale pétrolière Sonangol.

Selon cet Institut, qui fait partie de la Cour internationale d’arbitrage, la transaction par laquelle Isabel Dos Santos a acquis en 2006 une participation indirecte de 6% dans le groupe pétrolier et gazier portugais Galp Energia via une société néerlandaise est « nulle et non avenue ».

La décision du NAI est datée du 23 juillet et entrevue vendredi après sa publication par le quotidien néerlandais Financieel Dagblad (FD). La décision n’a pas été rendue publique par l’Institut lui-même.

Dans les procédures d’arbitrage, les parties conviennent souvent que la décision reste confidentielle, rapporte le FD.

Luanda Leaks

Isabel dos Santos, fille de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos, est accusée de corruption par la justice de son pays. Elle fait aussi l’objet d’une enquête au Portugal, ancienne puissance coloniale, alors qu’elle a également été mise en cause par les « Luanda Leaks », enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) fondée sur la fuite de 715 000 documents.

Isabel dos Santos avait été nommée « première femme milliardaire d’Afrique » en 2013 par le magazine américain Forbes.

Une décision contraignante

Avant de quitter la présidence en 2017, son père l’avait nommée à la tête de la puissante compagnie pétrolière nationale Sonangol, poste dont l’actuel chef de l’État João Lourenço l’a limogée en 2018.

La décision du NAI évoque des « transactions kleptocratiques » via lesquelles Isabel dos Santos et son époux, Sindika Dokolo, décédé l’année dernière, se sont personnellement enrichis avec des biens de l’État angolais. Il s’agit d’un jugement de droit civil juridiquement contraignant, a souligné le quotidien FD.

Par Jeune Afrique

Les États-Unis vont restituer à l’Irak quelque 17 000 pièces archéologiques volées

juillet 28, 2021

Ces antiquités ont été pillées lors des conflits qui ont dévasté l’Irak au cours des dernières décennies, notamment après l’invasion américaine de 2003.

Le président des Etats-Unis, Joe Biden (à droite), et le premier ministre irakien, Mustafa Al-Kadhimi, se sont rencontrés à la Maison Blanche, le 26 juillet.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden (à droite), et le premier ministre irakien, Mustafa Al-Kadhimi, se sont rencontrés à la Maison Blanche, le 26 juillet. SAUL LOEB / AFP

C’est un trésor d’environ 17 000 objets archéologiques, datant de près de 4 000 ans. Une restitution des Etats-Unis à l’Irak « sans précédent », s’est félicité le ministre irakien de la culture, Hassan Nazim, mercredi 28 juillet. « Il s’agit de la plus importante restitution d’antiquités à l’Irak », a-t-il déclaré dans un communiqué, en ajoutant que cette annonce était le « résultat de plusieurs mois d’efforts des autorités irakiennes en liaison avec leur ambassade à Washington ».

Les 17 000 pièces seront transportées dans l’avion du premier ministre irakien, Moustafa Al-Kadhimi, qui rentre jeudi en Irak après une visite de plusieurs jours à Washington, où il a rencontré le président américain, Joe Biden. La majorité des restitutions documentent « les échanges commerciaux pendant la période sumérienne », l’une des plus anciennes civilisations de la Mésopotamie, selon le communiqué du ministère irakien de la culture.

Des pillages inquantifiables

Parmi les biens rendus pourrait figurer une tablette d’argile cunéiforme, vieille de 3 500 ans, que les Etats-Unis comptent rendre à l’Irak. Elle est considérée comme « un bien culturel volé », introduit frauduleusement sur le marché de l’art américain, selon le ministère américain de la justice, qui n’a cependant pas précisé quand elle serait de retour dans le pays.

La tablette comporte des fragments de l’Epopée de Gilgamesh, considérée comme l’une des plus anciennes œuvres littéraires de l’humanité, qui narre les aventures d’un puissant roi de Mésopotamie en quête d’immortalité. La décision judiciaire américaine « représente une étape importante vers le retour de ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale dans son pays d’origine », a affirmé mardi la procureure Jacquelyn Kasulis, chargée du dossier.

Les antiquités irakiennes sont pillées depuis des décennies, à la faveur des multiples conflits qu’a connus le pays, notamment de l’invasion américaine de 2003. « Il est impossible de quantifier le nombre de pièces qui ont été volées sur les sites archéologiques », a expliqué Qahtan Al-Obaid, directeur des antiquités et du patrimoine du musée de Bassora, la deuxième ville d’Irak. Les pillages relèvent généralement du crime organisé, mais sont parfois aussi le fait de populations locales qui cherchent à assurer leur survie, a-t-il précisé.

Les sites archéologiques à travers le pays ont été sévèrement endommagés et négligés, et les musées pillés à la chute du dictateur Saddam Hussein, en 2003. Quelque 15 000 possessions ont ainsi été volées dans le seul musée national d’Irak, situé à Bagdad. « J’espère que dans un futur proche nous pourrons récupérer le reste de nos biens, notamment en Europe », a déclaré le ministre irakien de la culture dans son communiqué.

Avec Le Monde avec AFP

Restitutions des œuvres au Bénin et au Sénégal : les députés français votent « pour »

décembre 17, 2020
Les portes du palais du roi Gélé, de l’ancien Dahomey, exposées au musée du Quai Branly, à Paris.

Deux jours après le vote négatif du Sénat, l’Assemblée nationale française a adopté définitivement la loi de restitution des biens promis par le président Emmanuel Macron au Bénin et au Sénégal. Le bras de fer entre les deux chambres du Parlement français va cependant se poursuivre en 2021.

Fin de partie, mais pas fin de l’histoire. La Constitution française donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale en cas de désaccord avec le Sénat, ce sont bien les députés qui viennent de conclure le long feuilleton de la restitution au Bénin des 26 objets issus du pillage du palais d’Abomey, exposés au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, ainsi que l’officialisation du transfert – déjà effectué physiquement mais présenté comme un prêt – du sabre et du fourreau d’El Hadj Omar Tall au Sénégal.

Avec ce vote, il s’agit « d’accompagner une jeunesse africaine en quête légitime de son identité patrimoniale », a souligné le rapporteur du texte, le député Yannick Kerlogot (LREM, majorité présidentielle), qui a évoqué « l’attente et l’engouement des populations concernées ». La ministre française de la Culture, Roselyne Bachelot, a pour sa part insisté sur le fait que cette loi incarnait la volonté de « renouvellement et d’approfondissement du partenariat entre la France et le continent africain » affichée par l’exécutif français.

Ce vote vient répondre à celui, négatif, de la chambre haute, mardi 15 décembre. Le président (centriste) de la commission de la Culture du Sénat, Laurent Lafon, avait alors justifié le rejet du texte en affirmant qu’il ne s’agissait « en aucun cas d’un vote contre les restitutions au Bénin et au Sénégal », mais d’une « opposition à la méthode du gouvernement ».

Une méthode en question

Méthode qui consiste, comme dans le cas de la couronne ornant le dais royal de la reine Ranavalona III, exposée depuis 1910 au Musée de l’armée, à Paris, et transférée début novembre à Madagascar, ou des crânes de combattants récemment renvoyés en Algérie, à conclure avec les pays destinataires des « conventions de dépôt » qui ne valent pas transfert définitif de propriété. Et ne contreviennent donc pas au principe légal français d’inaliénabilité des collections possédées par les musées nationaux.

Un procédé aujourd’hui « dévoyé », estime la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, présidente de la mission d’information sur les restitutions : « Le lendemain de leur arrivée en Algérie, qui s’est faite en catimini, les crânes ont été inhumés. »

Face à Emmanuel Macron et aux députés de sa majorité, qui veulent aller vite sur le sujet au nom d’impératifs diplomatiques notamment, les sénateurs affirment se poser en garant de la légalité et du respect de critères scientifiques.

C’est d’ailleurs le sens des quinze mesures qu’ils ont présentées le 16 décembre, qui prévoient notamment une « recherche sérieuse de la provenance des œuvres et des objets » détenus par les musées français, une « meilleure contextualisation des œuvres exposées », une « circulation facilitée des œuvres » (y compris françaises), une « conservation des traces » (copies, par exemple) des œuvres restituées et, surtout, la création d’un « Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens », auquel seraient associés les chercheurs des pays demandeurs.

Vers une guérilla parlementaire

En bloquant le texte sur les objets béninois et sénégalais, les sénateurs ont donc surtout voulu attirer l’attention sur le sujet des restitutions au sens large. Opposés à la multiplication de textes ad hoc officialisant les transferts d’œuvres au cas par cas, ils continuent à plaider pour une vraie discussion permettant d’élaborer une loi générale sur le sujet.

Démarche nécessaire sur le fond comme sur la forme car, en cas de désaccord sur une loi, les constitutionnalistes français ont prévu une procédure de « navette » entre les deux chambres du Parlement, mais en offrant à l’Assemblée nationale la possibilité de trancher si le débat s’éternise. Le Sénat peut donc se lancer dans une guérilla et s’opposer, au coup par coup, à chaque nouvelle décision de restitution. Mais il perdra à chaque fois et ne peut espérer peser vraiment que dans le cadre de la discussion d’un vrai texte général, déconnecté de tout contexte d’urgence politique liée aux promesses ou aux amitiés du président en place.

La présidente de la mission d’information sur les restitutions, Catherine Morin-Desailly, et ses deux co-rapporteurs, Pierre Ouzoulias (communiste) et Max Brisson (Les Républicains, droite) promettent d’ailleurs le dépôt d’un nouveau texte inspiré par les quinze mesures présentées le 16 décembre ès le début 2021.

Avec Jeune Afrique par Olivier Marbot

RDC: la fille de Lumumba demande ses «reliques» au roi des Belges

juillet 21, 2020

 

La Belgique avait reconnu sa «responsabilité morale» dans la mort de Lumumba au terme d’une commission d’enquête parlementaire.

La fille du héros de l’indépendance du Congo Patrice Emery Lumumba, a demandé au roi des Belges le retour au pays de ses «reliques», près de 60 après l’assassinat de ce «héros sans sépulture». «Nous les enfants de Lumumba, nous la famille Lumumba, nous demandons le juste retour des reliques de Patrice Emery Lumumba sur la terre de ses ancêtres», écrit Juliana Amato Lumumba dans une lettre au roi Philippe de Belgique.

Cette lettre parvenue mardi 20 juillet à l’AFP est datée du 30 juin dernier, jour du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo, ex-colonie belge. À cette occasion, le roi Philippe avait présenté des «regrets» historiques pour les «souffrances et les humiliations» infligées aux Congolais pendant la colonisation.

Patrice Emery Lumumba reste un «héros sans sépulture», rappelle sa fille dans cette lettre écrite «au nom de la grande famille» du héros national. Premier ministre en 1960, renversé, arrêté, Patrice Emery Lumumba a été livré à ses ennemis, les séparatistes katangais, qui l’ont assassiné le 17 janvier 1961, avec l’aide d’hommes de main belges.

En 2000, l’un de ces Belges, le commissaire de police Gérard Soete, racontera à l’AFP avoir découpé et dissous dans l’acide le corps de Lumumba et deux de ses fidèles, Joseph Okito et Maurice Mpolo. Dans un documentaire diffusé sur la chaîne allemande ARD la même année, M. Soete affirmera avoir conservé des dents de Lumumba, en les montrant. En 2016, le sociologue Ludo De Witte avait porté plainte contre la fille de M. Soete, accusé de détenir une dent de l’ancien Premier ministre qu’elle a également montrée dans une interview à un journal.

Dans sa lettre, la fille de Patrice Lumumba dénonce «les déclarations abjectes, faites en Belgique, de détention de quelques-uns de ses restes». En 2001, la Belgique avait reconnu sa «responsabilité morale» dans la mort de Lumumba au terme d’une commission d’enquête parlementaire.

Par Le Figaro avec AFP

La France acte la restitution d’objets d’art au Sénégal et au Bénin

juillet 17, 2020

Statues royales de l'ancien Dahomey, l'actuel Bénin, datant du XVIIIe siècle exposées au Musée du Quai-Branly.

Statues royales de l’ancien Dahomey, l’actuel Bénin, datant du XVIIIe siècle exposées au Musée du Quai-Branly. © Christophe Petit Tesson/MAX PPP 

La France va rendre légalement un sabre historique au Sénégal et vingt-six objets du patrimoine béninois. Cette décision inédite n’ouvre cependant pas la voie à la restitution de toutes les œuvres africaines pillées pendant la colonisation.

Cotonou avait reçu une fin de non-recevoir quand, en juillet 2016, les autorités béninoises avaient réclamé à la France la restitution de « trésors pillés » lors de la période coloniale. Quatre ans plus tard, le gouvernement français a changé, son positionnement aussi.

Mercredi 15 juillet, un projet de loi porté par la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, qui prévoit la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin a été examiné en Conseil des ministres. Une première.

Si celui-ci est voté au Parlement, la loi va acter, sous un délai maximal de un an, à compter de sa publication au journal officiel, le transfert de propriété du sabre avec fourreau du conquérant El Hadj Oumar Tall, fondateur de l’empire Toucouleur qui avait été symboliquement remis – sous forme de prêt de cinq ans  – par la France, au président Macky Sall, lors de la visite à Dakar du Premier ministre Édouard Philippe.

Ce sabre avait été confisqué par le général Archinard qui avait participé à la conquête coloniale de l’Afrique de l’Ouest à la fin du XIXème siècle.

Pillages d’œuvres

Cette loi va également permettre à Emmanuel Macron d’honorer une promesse qu’il avait formulée à Ouagadougou en novembre 2017, à savoir, « rendre vingt-six œuvres au Bénin » qui appartiennent au « Trésor de Béhanzin ». Parmi ces objets, seront entre autres restitués la statue d’anthropomorphe du roi Ghézo, celle du roi Béhanzin, la porte du Palais Royal d’Abomey … des oeuvres hautement symboliques pour le Bénin, autrefois appelé le Royaume de Dahomey.

Entreposées au Musée du Quai-Branly, ces œuvres avaient été pillées lors du sac des palais des rois d’Abomey par les troupes coloniales françaises. Trônes et sceptres royaux, bracelets d’argents et d’étain, pièces d’or, portes sacrées, statues anthropomorphes furent apportées en France, tels des trophées, par le général Alfred Amédée Dodds en 1892.

Les prédécesseurs du président français n’avaient jamais accepté de suivre cette voie

« Ce projet de loi relatif à la restitution des œuvres africaines exprime la volonté du président Macron de changer son approche vis-à-vis de l’Afrique. Ses prédécesseurs n’avaient jamais accepté de suivre cette voie », se réjouit-on à l’Élysée.

Une jurisprudence Bénin et Sénégal

Une victoire pour la jeunesse africaine, considère Marie-Cécile Zinsou, historienne de l’art et présidente de la fondation Zinsou qui se consacre à l’art contemporain.  « La mission fondamentale du patrimoine va permettre à la jeunesse africaine d’avoir accès à son histoire avec la conditionnalité qu’une fois que la loi est votée, la France devra restituer les œuvres africains. »

Puis de conclure : « Ce projet de loi crée un précédent, et je pense que le jour où le Mali et la Côte d’Ivoire vont aussi faire des demandes, celles-ci vont être écoutées, car il y aura déjà eu la jurisprudence Bénin et Sénégal ».

Mais cette loi va-t-elle ouvrir le droit à la restitution d’œuvres à tous les pays qui en feront la demande auprès de la France ? La réponse est « non » car il n’existe pas de loi générale qui revient sur le caractère inaliénable des objets exposés dans les musées. Dans le projet de loi qui sera présenté à l’Assemblée nationale, c’est la loi spécifique de sortie de collection qui a été retenue.  « Le président préfère procéder au cas par cas », défend l’Élysée.

En effet, le principe d’inaliénabilité, conformément à l’article 451-5 du code de patrimoine qui stipule que « les biens constituants les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie du domaine public et sont à ce titre inaliénables », n’a pas été amendé comme le préconisait le rapport Sarr-Savoy.

Ainsi, la restitution ne concerne que le Sénégal et le Bénin et uniquement les objets précisés par le texte : le sabre d’El Hadj Oumar Tall et les 26 œuvres béninoises promises par le président français.

Les pays comme la Côte d’Ivoire ou encore le Mali qui demanderont à la France de leur restituer leurs biens patrimoniaux devront eux aussi se soumettre au calendrier législatif français. À terme, ces lois ad hoc risquent de fortement ralentir le processus de restitution.

Restitution sous conditions ?

Si la France a promis de rendre un certain nombre de biens, elle ne compte pas le faire dans n’importe quelles conditions. Le ministère de la Culture s’est engagé  d’accompagner dans une certaine mesure les pays auxquels il restitue les œuvres d’art. Cela va passer par la formation professionnelle, notamment au métier de la conservation. La France exige également que les pays concernés possèdent des espaces pour conserver de manière durable les objets restitués.

Alors qu’en matière muséale le Sénégal semble bien loti – Dakar a récemment inauguré le musée des civilisations noires –, ce n’est pas forcément le cas pour le Bénin, et la France compte apporter sa pierre à l’édifice.

C’est dans ce cadre que Paris a signé, en décembre 2019, avec Cotonou, un programme commun de travail entre les deux pays. Celui-ci prévoit l’appui à la construction, à Abomey, dans le sud du pays, du Musée de l’épopée des amazones et des rois d’Abomey et la rénovation des palais existants, avec un financement de 14 millions d’euros de la part de l’Agence française de développement (AFD).

Cette démarche bien que vertueuse ne doit néanmoins pas se substituer aux décisions des  pays.  Il appartient avant tout aux États africains de juger s’ils sont en capacité ou non de réceptionner des œuvres qui leur ont été retirées pendant la période coloniale.

Avec Jeune Afrique par Fatoumata Diallo