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Le Congo discute d’une restructuration de sa dette avec les négociants en pétrole

avril 22, 2018

Brazzaville a conclu un accord avec le FMI après de longs mois de discussions. Le pays dont la dette a été fortement réévaluée négocie avec Glencore, Trafigura ainsi qu’avec la Chine.

Les discussions ont été longues et houleuses. Le Fonds monétaire international (FMI) et Brazzaville viennent d’annoncer un accord qui apportera un financement sur trois ans au pays. «La République du Congo se félicite d’avoir répondu à l’ensemble des critères pour être éligible » à un tel programme, souligne un communiqué de Brazzaville. Le plus dur reste peut-être à faire : l’Etat doit s’entendre avec ses créanciers (non obligataires) pour restructurer sa dette.

Géants du trading de matières premières

La République du Congo et ses conseillers vont devoir faire accepter un sacrifice aux groupes de négoce de matières premières,  Glencore et Trafigura, ainsi qu’à la Chine qui, à eux trois, détiendraient près de 70% de la dette publique, selon une source bien informée. En septembre, l’agence S&P Global Ratings soulignait l’importance des arriérés de paiement de la compagnie pétrolière congolaise SNPC à l’égard des géants du trading.

Ces contrats, ainsi que ceux signés avec la Chine dans le cadre d’un accord « infrastructures contre ressources minérales » ont longtemps été cachés. C’est après les avoir découverts que le FMI a révisé son estimation de la dette congolaise de 77 % à 110 % du PIB entre mars et octobre 2017 !

Montages opaques et corruption

Le pays dirigé d’une main de fer par Denis Sassou-Nguesso a un lourd passif, ce qui explique que les discussions avec le FMI aient duré aussi longtemps. Le Fonds, qui, dans le passé, a donné son feu vert à un effacement de la dette congolaise (PPTE), exige que Brazzaville n’ait plus  recours au système de préfinancement pétrolier : cette pratique consiste à gager sa future production d’or noir auprès de traders ou groupes pétroliers, en échange d’argent frais. Elle donne lieu à toutes sortes de montages opaques et alimente la corruption.

Aide de 135 millions de la France

Le programme sur lequel le ministère des Finances et le FMI viennent de s’entendre stipule d’ailleurs de «renforcer la gouvernance y compris la transparence dans la gestion des ressources naturelles ». C’est à cette condition que la République du Congo obtiendra une aide financière, notamment un soutien complémentaire de 135 millions d’euros de la part de la France.

Le pays s’apprête donc à vivre sous la surveillance rapprochée des institutions multilatérales pendant des années. C’est peut-être pour éviter d’en arriver là que Brazzaville est allé solliciter d’autres sources au cours des derniers mois.. Il aurait notamment frappé à la porte du royaume saoudien, comme l’indiquait la « Lettre du continent ». Mais cette tentative a semble-t-il échoué.

Le pays traîne par ailleurs toujours un boulet : le  contentieux qui l’oppose à la société Commisimpex , qui détient une créance de plus d’1 milliard de dollars, soit environ 16% du PIB du Congo. Malgré des décisions de justice de 2000 et 2013 en faveur du groupe appartenant à l’homme d’affaires anglo-libanais Mohsen Hojeij, qui fut autrefois un proche de Denis Sassou-Nguesso, cette dette n’est pas prise en compte par le FMI, ni par les agences de notation.

Isabelle Couet

RDC : le M23, une rébellion militaire de plus en plus politique

août 20, 2012

Jean-Marie Runiga (au centre), coordonnateur politique du M23, le 21 juillet 2012 à Bunagana. Jean-Marie Runiga (au centre), coordonnateur politique du M23, le 21 juillet 2012 à Bunagana. © James Akena/REUTERS

Alors que l’envoi d’une force neutre dans l’est de la RDC est en négociation, les rebelles du M23 mettent désormais en avant des revendications de politique générale. Une stratégie dont les finalités restent obsucures, mais qui pourrait servir à gagner du temps.

Après avoir mis en place une ébauche d’administration dans les zones qu’ils contrôlent, les rebelles congolais du Mouvement du 23 mars (M23) poursuivent leur mutation. Dimanche 19 août, ses responsables ont annoncé avoir formé un cabinet politique. Composé de 25 membres, celui-ci compte un président, un chef militaire, un secrétaire exécutif, et des chefs de départements. « Leur rôle sera la gestion de la population dans la zone que nous contrôlons », explique le colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23.

Alors que son action a exacerbé les tensions ethniques, le mouvement affiche désormais sa volonté de prendre ses responsabilités envers les populations. Sa restructuration confirme en tout cas l’évolution de la rébellion depuis le début du conflit, en avril. Né de la défection d’ex-membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), le M23 cherche aujourd’hui à prouver qu’il est une structure politique aux ambitions nationales légitimes. « Nous voulons montrer à la communauté internationale et nationale que le M23 n’est pas simplement une organisation militaire, mais un mouvement politico-militaire », dit le colonel Kazarama.

De fait, les revendications du mouvement ont évolué en ce sens. Après avoir demandé le respect des accords du 23 mars 2009, puis s’être érigés en protecteur des communautés tutsies, les rebelles font maintenant de la bonne gouvernance et du respect du résultat de la présidentielle de 2011 leur nouveau cheval de bataille. En nommant des comités locaux de sécurité constitués de ses cadres de base, des autorités coutumières locales ainsi que des élites des communautés, le M23 cherche à améliorer son image auprès des habitants du Nord-Kivu. L’objectif est de montrer que la rébellion est capable de maintenir l’ordre et la paix dans une zone où le gouvernement de Kinshasa a échoué.

Quelles ambitions ?

La structure politique du M23

Président : Bishop Jean-Marie RUNIGA LUGERERO

Chef du haut commandement militaire : Colonel SULTANI MAKENGA

Secrétaire exécutif : Mr François RUCOGOZA TUYIHIMBAZE

Département des affaires politiques et administration du territoire : Mr SENDUGU MUSEVENI

Département des relations extérieures et de la coopération régionale : Me René ABANDI MUNYARUGERERO

Département des affaires sociales et humanitaires : Dr Alexis KASANZU

Département des Finances, Budget et Ressources Naturelles : Mr Justin GASHEMA

Département de l’Agriculture, Pêche et Élevage : Mr Déogratias NZABIRINDA NTAMBARA

Département de la Justice et des droits humains : Me Antoine MAHAMBA KASIWA

Département de la Réconciliation et de l’Unité Nationale : Mr Jean serge KAMBASU NGEVE

Département de Rapatriement des refugies et réinsertion des déplacés internes : Ir. Benjamin MBONIMPA

Département du Tourisme, Environnement et Conservation de la Nature : Prof Stanislas BALEKE

Département de la Jeunesse, Sport et Loisirs : Mr. Ali MUSAGARA

Reste qu’il est encore difficile de voir clair dans les ambitions du M23 : veulent-ils le retour au statu quo d’avant la rébellion ? Le mouvement veut-il aller plus loin, vers le fédéralisme ou un simple changement de gouvernement ? Officiellement, les représentants des rebelles se refusent à expliciter ce qu’implique à leurs yeux « le respect du résultat des urnes ». Mais, devant la rapidité avec laquelle la rébellion a gagné du terrain, certains de ses membres ont revu leur ambitions à la hausse et militent pour que le mouvement demande officiellement le départ du président Joseph Kabila. « C’est trop tard, il faut qu’il parte », martèle un membre du bureau politique.

Deux interrogations demeurent. La mutation du M23 transcrit-elle une réelle volonté de changement national ? Ou est-ce seulement une stratégie pour amener le gouvernement à parlementer ? « Beaucoup d’officiers du M23 aimeraient entamer des négociations avec le gouvernement mais savent très bien qu’ils ne le pourront pas avec, comme demande principale, le départ de Kabila », affirme Jason Stearns, ancien coordinateur du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.

« Ne pas surestimer leur puissance »

Mais d’abord, les rebelles sont-ils capables de menacer Kinshasa ? Pour l’instant non, estime Jason Stearns. « Il ne faut pas surestimer leur puissance, explique l’analyste. Le CNDP contrôlait un territoire trois plus grand que le M23 maintenant, et Kabila n’a pas quitté le pouvoir à cause de cela ». Moins puissant que ne l’était le CNDP, la rébellion se développe cependant rapidement. Les rebelles ont capturé beaucoup de munitions et de matériel, mis en place un camp de formation, alors que, dans le même temps, la multiplication des défections au sein des FARDC vers le M23 ou d’autres rébellions affaiblit encore plus l’armée.

À Goma, les dernières réunions de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) ont précisé la composition de la force neutre qui pourrait être déployée dans le Nord-Kivu et dont les questions logistiques restent à trancher. « Mais aucun bailleur fonds ou diplomate ne croit à cette force », assure Jason Stearns. « Dans le passé, les négociations ont été un moyen pour les rebelles de se réorganiser, de se renforcer, de nouer des liens avec des autres partenaires ».

Selon lui, le risque est que, faute de compromis politique, la confrontation militaire reprenne de plus belle « avec un M23 beaucoup plus organisé, plus formé, et plus fort qu’avant ».

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