Les chauffeurs bloquent désormais trois axes frontaliers, ce qui affecte les échanges commerciaux entre les deux pays et perturbe l’industrie automobile américaine.

Les Etats-Unis s’en mêlent. La Maison Blanche a appelé, jeudi 10 février, le Canada à employer les « pouvoirs fédéraux » pour mettre fin aux convois des opposants aux mesures sanitaires, qui bloquent des axes frontaliers majeurs entre les deux voisins nord-américains depuis plusieurs jours, une menace pour l’économie.
Washington a proposé son « aide pleine et entière », ont fait savoir, jeudi, des responsables de la Maison Blanche, précisant que plusieurs ministres étaient en contact régulier avec leurs homologues canadiens à ce sujet. Ils ont aussi assuré que l’administration Biden était « mobilisée vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour mettre fin rapidement » à la crise.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a de nouveau appelé, jeudi, à la fin des manifestations : « Il est temps que cela finisse, car cela fait mal aux Canadiens », mais sans proposer un plan d’action concret. Son gouvernement a annoncé que des renforts policiers seraient envoyés aux endroits de blocage, mais sans plus de précisions.
L’industrie automobile touchée
Estimant que la situation représentait une « crise nationale », le maire de la ville de Windsor, Drew Dilkens, a annoncé son intention d’« expulser » les manifestants par la force s’il obtenait l’autorisation d’un tribunal. « Le préjudice économique que cette occupation cause au commerce international ne peut pas durer et doit cesser », a-t-il ajouté.
Les manifestants paralysent des voies commerciales essentielles, ce qui perturbe déjà certains secteurs des deux côtés de la frontière, depuis le blocage, il y a quatre jours, du pont Ambassador, qui relie l’Ontario à Detroit (Michigan) aux Etats-Unis. Les manifestants ont en effet ainsi touché un nerf central de l’industrie automobile et forcé les géants du secteur – Ford, Stellantis et Toyota – à suspendre ou à ralentir temporairement les chaînes de fabrication dans plusieurs usines.
La zone autour du pont est cruciale pour l’industrie automobile, explique Jason Miller, expert en chaîne d’approvisionnement à l’université d’Etat du Michigan. « Certaines pièces peuvent traverser jusqu’à cinq, six ou sept fois le pont. » Par ailleurs, ce pont transfrontalier voit passer chaque jour plus de 40 000 travailleurs et touristes et les routiers y font traverser quotidiennement 323 millions de dollars (284 millions d’euros) de marchandises en moyenne.
« Il est impératif que les gouvernements locaux, provinciaux et nationaux du Canada désamorcent ce blocus économique », a déclaré, jeudi, la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, les appelant à prendre « toutes les mesures nécessaires ».
La police « pas en mesure » de faire cesser la manifestation
Le mouvement s’étend sur les routes et semblait dans une impasse dans les rues de la capitale fédérale canadienne, Ottawa, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). Des centaines de camions bloquent toujours les rues, installés devant le Parlement et les bureaux de Justin Trudeau.
La police de la ville a une nouvelle fois expliqué qu’elle n’était « pas en mesure » de « mettre un terme » à la manifestation sans renforts. Son chef, Peter Sloly, a affirmé « ne pas avoir les ressources suffisantes » pour « empêcher l’approvisionnement en essence des camions » qui bloquent les rues, ou pour « procéder à des arrestations ». De fait, malgré un avertissement lancé mercredi aux manifestants, la police n’a procédé qu’à deux nouvelles interpellations, portant leur nombre à vingt-cinq depuis le début du mouvement.
En Europe, les autorités ont pris les devants : des rassemblements prévus pour la fin de semaine ont été interdits, notamment à Paris et à Bruxelles. Ce mouvement, baptisé comme au Canada « convois de la liberté », semble prendre de l’ampleur, notamment dans l’Hexagone, pour protester contre le passe vaccinal. Ses partisans se réclament des « gilets jaunes », la mobilisation populaire de 2018-2019, déclenchée par une hausse des prix de l’essence qui avait tourné à la révolte contre le président Emmanuel Macron.Lire nos explications : Comment le « convoi de la liberté » des camionneurs canadiens tente de s’exporter en France
En Nouvelle-Zélande, où des opposants aux restrictions sanitaires sont rassemblés depuis trois jours près du Parlement à Wellington, des heurts ont éclaté jeudi avec la police. Plus de 120 personnes ont été arrêtées.
Par Le Monde avec AFP