
Émile-Antoine Roy-Sirois est mort en Ukraine le 18 juillet 2022, alors qu’il était au front dans le Donbass. Photo: Radio-Canada
Depuis le début de la guerre, au moins trois Canadiens sont morts sur le champ de bataille en Ukraine. Une mère québécoise, dont le fils n’est jamais revenu, demande de ne pas les oublier.
Il fait partie des milliers de combattants étrangers partis pour aider à défendre le pays contre l’invasion russe. Émile-Antoine Roy-Sirois, 31 ans, n’était pourtant pas un militaire. Il avait étudié la philosophie et travaillait au service à la clientèle dans une entreprise de Montréal, à l’hiver 2022.
Une semaine après [le début de la guerre], il a commencé à parler de partir
, raconte sa mère, Marie-France Sirois. Ça le touchait, il en avait les larmes aux yeux. Je voyais que ça venait le chercher, c’était fou.
Elle décrit son fils comme quelqu’un de gentil, qui se faisait un devoir de dénoncer les injustices. Les images de civils ukrainiens sous les bombardements, particulièrement les enfants, lui étaient insupportables.
Quand il était petit, il a vécu de l’intimidation, se souvient Marie-France. Il est devenu un grand gaillard, mais je pense qu’il est resté […] le petit garçon qui aurait voulu qu’il y ait plus de gens autour pour le protéger.

Marie-France Sirois et son fils, Émile-Antoine, étaient très proches, comme « en symbiose », dit-elle. Photo : Radio-Canada
Plusieurs membres de la famille ont tenté de le dissuader de se rendre au front, en vain. Rien ne pouvait le convaincre, le faire changer d’idée
, laisse tomber sa mère.
En quelques semaines, Émile-Antoine a quitté son emploi et sous-loué son appartement au centre-ville. Il est parti pour l’Ukraine le 27 mars.
J’aurais voulu connaître Émile-Antoine plus longtemps
En route, le Québécois a bien vu qu’il n’était pas le seul à faire ce périple.
J’aurais voulu connaître Émile-Antoine plus longtemps
, explique James, un jeune Américain. Nous nous sommes rencontrés en Pologne. J’ai vu tout de suite son sac à dos camouflage et je lui ai demandé s’il allait en Ukraine comme moi. Il m’a dit oui et comme il n’avait pas de plan particulier, il a rejoint notre groupe.
Je suis content qu’il ait décidé de le faire, ajoute-t-il. Il nous faisait rire constamment.
Émile-Antoine s’est lié d’amitié avec ses compagnons, qui se sont tous enrôlés dans l’armée ukrainienne au mois de mai.

Émile et AJ, un jeune vétéran de l’armée américaine, se sont rencontrés dans un bar de Kiev. Photo : Alex Chan Tsz Yuk
L’un d’entre eux, surnommé AJ, un autre Américain, raconte qu’ils se sont retrouvés dans l’œil de la tempête
durant l’été.
À un moment en juin, nous étions à Lysychansk, précise-t-il. Nous avons presque été encerclés avant que les Russes prennent la ville.
Quelques semaines plus tard, le 18 juillet, leur unité se trouvait près de Siversk, dans la région de Donestk, quand elle a été prise sous le feu de l’artillerie russe.
L’un de nos camarades a été atteint par des éclats d’obus. Émile-Antoine et d’autres ont tenté de le mettre sur une civière, et c’est là qu’ils ont été tués
, explique AJ, qui n’était qu’à quelques mètres.
Lui et les autres ont battu en retraite, puis ils sont revenus chercher les corps de leurs amis.
Émile-Antoine, Luke et Bryan – deux Américains – de même qu’Edvard – un Suédois – ont eu droit à une cérémonie en leur honneur.
J’ai gardé plusieurs photos et vidéos d’Émile-Antoine, confie AJ. C’était mon premier vrai ami en Ukraine. C’était vraiment un bon gars.
Il lui aura fallu deux jours pour appeler Marie-France et lui apprendre la nouvelle.
Ne pas oublier
Mon fils, je pensais l’avoir longtemps
, déplore-t-elle aujourd’hui, toujours affligée par le deuil.
« Ce que je trouve le plus triste, c’est qu’Émile-Antoine avait encore beaucoup de belles choses à vivre. »— Une citation de Marie-France Roy-Sirois, mère d’Émile-Antoine Roy-Sirois
Elle se console en se disant qu’il a été heureux jusqu’à la fin, qu’il se sentait utile et qu’il était habité d’un certain sentiment d’accomplissement.
Je n’aime pas la guerre, dit-elle, mais je pense qu’il faut souligner le courage de personnes comme mon fils qui disent : « On ne peut pas accepter ça. »
Selon Affaires mondiales Canada, au moins trois Canadiens ont perdu la vie en Ukraine depuis le 24 février 2022.

Marie-France Sirois a pu compter sur le soutien de la communauté ukrainienne de Montréal après le décès de son fils. Photo : Radio-Canada
Marie-France se console également grâce au soutien de la communauté ukrainienne de Montréal, qui a organisé une messe pour son fils à l’église de l’Assomption-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, en août dernier.
À la fin de la cérémonie, les gens sont venus pour m’offrir leurs condoléances et demander pardon, raconte-elle. C’était quelque chose d’inoubliable. Je leur disais : « Vous n’avez pas à demander pardon, vous souffrez déjà tellement. »
Aujourd’hui, elle et son fils sont liés à ce peuple pour toujours.
Avec Radio-Canada par Sébastien Desrosiers