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Olivier Dubois, otage au Sahel depuis 2021, a été libéré

mars 20, 2023

Après 711 jours de captivité, le journaliste indépendant a été libéré. Il avait été enlevé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), au Mali.

Olivier Dubois a l'aeroport de Niamey le 20 mars 2023.
Olivier Dubois à l’aéroport de Niamey le 20 mars 2023.© Stanislas Poyet

Le journaliste français Olivier Dubois a été libéré. Il est arrivé libre lundi à l’aéroport de Niamey, près de deux ans après avoir été enlevé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) au Mali, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse.

À sa descente de l’avion, Olivier Dubois est apparu souriant et visiblement ému, vêtu d’une chemise blanche ouverte et d’un pantalon beige.

Olivier #Dubois libéré après près de 2 ans (711 jours) de captivité. Immense émotion a l’aéroport de Niamey pic.twitter.com/vOwYD5Z8ps— Stanislas Poyet (@stanislas_poyet) March 20, 2023

La libération lundi du journaliste français Olivier Dubois est un « immense soulagement » après 711 jours passés au Mali en captivité, « la plus longue pour un journaliste français retenu en otage depuis la guerre au Liban », s’est félicité Reporters sans frontières.

« Nous avions eu des nouvelles rassurantes à plusieurs reprises ces derniers mois, et encore très récemment : il semblait en bonne forme, mais la durée de sa captivité nous inquiétait », a commenté le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, interrogé par l’Agence France-Presse.

Par Le Point avec AFP

Washington apporte son soutien au Niger, pays stable dans un Sahel en crise

mars 16, 2023
Washington apporte son soutien au Niger, pays stable dans un Sahel en crise
Washington apporte son soutien au Niger, pays stable dans un Sahel en crise© POOL/AFP/BOUREIMA HAMA

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken est venu jeudi apporter son soutien au Niger, un pays stable dans une région en proie à la violence jihadiste où la Russie marque des points.

M. Blinken est le premier chef de la diplomatie américaine à se rendre dans l’ancienne colonie française, base militaire-clé pour les forces occidentales dans leur lutte contre les jihadistes au Sahel.

A l’issue d’une rencontre avec le président Mohamed Bazoum, il a annoncé une nouvelle aide humanitaire à la région du Sahel, dont le Niger, d’un montant de 150 millions de dollars, ce qui porte le total de cette aide à 233 millions de dollars pour 2023.

« Le Niger a été rapide dans la défense des valeurs démocratiques menacées dans des pays voisins », a estimé M. Blinken lors d’une conférence de presse, en référence au Mali et au Burkina Faso dirigés par des militaires putschistes.

Avant de s’entretenir avec le président Bazoum, il avait commencé sa visite par une rencontre avec des jihadistes repentis qui bénéficient d’un programme de réinsertion financé à hauteur de 20 millions de dollars par les Etats-Unis.

Ce programme est sur le point d’offrir à ces ex-jihadistes « un meilleur choix » et « de notre point de vue, c’est véritablement un modèle » pour la région, a-t-il déclaré après cette rencontre.

Mercredi, en Ethiopie, M. Blinken a affirmé que ses déplacements dans les deux pays étaient parties intégrantes de l’engagement du président Joe Biden à être « à fond pour l’Afrique avec l’Afrique ».

L’administration Biden souhaite s’engager davantage pour y contrer les influences croissantes de la Chine et – plus récemment – de la Russie.

Le Mali, pays frontalier du Niger, s’est rapproché de la Russie et a rompu l’alliance militaire avec la France et ses partenaires dans la lutte antijihadiste.

Les Occidentaux affirment que des mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner se trouvent au Mali, ce que Bamako nie, parlant d’instructeurs russes.

En février, le Mali a été l’un des six pays à soutenir la Russie en votant contre une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU exhortant Moscou à se retirer d’Ukraine, à l’occasion de l’anniversaire de l’invasion.

« Exemple positif »

Un autre voisin du Niger, le Burkina Faso, lui aussi dirigé par des putschistes et confronté à la violence jihadiste, s’est également rapproché de la Russie et a exigé le départ de 400 soldats français des forces spéciales basés à Ouagadougou.

Dans ce contexte, le Niger est devenu un allié essentiel de la France dans ses efforts militaires en Afrique de l’Ouest: un millier de soldats y sont stationnés.

Les Etats-Unis ont également construit et exploitent la Base aérienne 201 au centre de ce pays désertique, utilisée pour piloter des drones destinés à attaquer et surveiller des jihadistes.

L’histoire du Niger indépendant a été marquée depuis 1974 par une série de coups d’Etat dont le dernier a eu lieu en 2010.

Il a retrouvé la stabilité en 2011 après l’élection de Mahamadou Issoufou qui s’est retiré en 2021, cédant la place à Mohamed Bazoum, pour la première passation de pouvoirs pacifique entre deux présidents élus dans ce pays.

L’action du président Bazoum a été saluée à Washington, notamment lors d’un sommet des dirigeants africains organisé par Joe Biden dans la capitale américaine en décembre.

Une haute responsable américaine voyageant avec M. Blinken a déclaré que ce déplacement visait à soutenir les efforts du président Bazoum qui critique l’action du groupe Wagner.

« Nous pensons qu’ils font les bons choix pour faire face aux types de menaces communes à travers le Sahel. Nous essayons donc de mettre en évidence un exemple positif », a déclaré cette responsable, ajoutant que Washington souhaitait aider Niamey à « professionnaliser » ses forces armées.

« Franchement, le Niger est dans une position très difficile » a-t-elle poursuivi, mais « malgré tous ces défis, les autorités essaient vraiment de faire ce qu’il faut ».

Par Le Point.fr avec Niamey (AFP) 

Macky Sall barricade-t-il sa frontière avec le Mali ?

décembre 29, 2022

Soucieux d’anticiper des incursions terroristes venues du Sahel, le président sénégalais vient d’inaugurer un nouveau camp militaire à quelques encablures du Mali.

Le président sénégalais a inauguré une nouvelle base militaire à la frontière avec le Mali dirigé par Assimi Goïta. © Damien Glez

À chaque voisin du Mali d’Assimi Goïta son positionnement politico-diplomatique à l’égard du régime nationaliste de Bamako : estime idéologique ostentatoire de la part du Burkina Faso ou de la Guinée ; mépris plus ou moins contenu de la part du Niger ; agacement explicite de la Côte d’Ivoire, au moment où ses militaires détenus à Bamako depuis cinq mois de détention font face aux juges maliens.

D’autres pays de la sous-région définissent leur diplomatie à l’aune du risque de contagion terroriste, tel le Bénin qui, s’il n’a pas de frontière commune avec le Mali, a déjà été victime d’attentats.

Le GSIM implanté au Sénégal ?

Même épargné, jusque-là, par les attaques jihadistes, le Sénégal prend très au sérieux la menace qui plane le long de l’axe Bamako-Dakar. Selon un rapport de l’ONU de février 2021, des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) seraient déjà « implantés au Sénégal ».

Les spécialistes des questions sécuritaires affirment que les régions de Tambacounda et de Kédougou – près du tiers de la superficie nationale, à la frontière avec le Mali – sont particulièrement vulnérables, du fait de leur enclavement, de leur manque d’infrastructures ou encore du rôle pivot des zones d’exploitation aurifère dans les trafics de drogue, de bois ou d’êtres humains.À LIRECôte d’Ivoire : le nouveau plan d’Alassane Ouattara contre le terrorisme

L’armée sénégalaise a donc décidé de se mobiliser pour que ces régions ne deviennent pas le terreau de groupes radicaux présents au Mali. Déjà, de petites unités du Groupe d’action rapide, de surveillance et d’intervention au Sahel (Garsi) patrouillent dans la zone.

« Renforcer la coopération »

Ce 27 décembre, Macky Sall inaugurait un nouveau camp militaire de plusieurs hectares à Goudiry, à 618 kilomètres à l’est de Dakar, au bénéfice du 4e bataillon d’infanterie. Et le chef de l’État d’évoquer « un vaste projet de modernisation progressive » de la sécurité nationale, avec un « modelage de la cartographie sécuritaire, pour mieux répondre aux besoins des populations », le tout afin de « hisser l’outil de sécurité à la hauteur de la menace actuelle ».

Le pays de la Teranga serait-il en train de se barricader ? Si l’année qui s’annonce sera moins internationale pour le dirigeant sénégalais – il quittera ses fonctions de président en exercice de l’Union africaine en février –, le repli nationaliste n’est pas au programme : le nouveau dispositif sécuritaire mis en place entend « renforcer la coopération avec les pays limitrophes ».

Avec Jeune Afrique

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Les pays du Sahel s’unissent pour l’accès universel à un enseignement de qualité

décembre 5, 2021
Une école du village de Dori, au Burkina Faso, le 20 octobre 2020. © Sam Mednick/AP/SIPA

Réunis dimanche 5 décembre à Nouakchott, les dirigeants sahéliens, accompagnés de la Banque mondiale, promettent « une action concertée et courageuse » sur le front de l’éducation.

Par Mohamed Ould Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie, Roch Marc Christian Kaboré, président de la République du Burkina Faso, Mohamed Bazoum, président de la République du Niger, et Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.

Conformément à la règle et à l’esprit de chacun de nos pays sahéliens, et convaincus que la prospérité des nations tout comme l’inclusion sociale dans nos environnements fragiles en dépendent, l’éducation pour tous a toujours été au centre de nos stratégies de développement.

Ces 15 dernières années, grâce à des politiques volontaristes, nous avons enregistré des avancées significatives, qui fondent notre espoir que, aujourd’hui, tout enfant né au Sahel peut et doit avoir accès à l’école. Ce faisant il accomplira son rêve pour un avenir meilleur. Il deviendra un citoyen modèle et contribuera à la prospérité de la nation.

Entre 2005 et 2018, le nombre d’enfants scolarisés dans le Sahel a quasiment doublé dans l’enseignement primaire passant de 5,9 à 10,8 millions d’enfants. Dans le secondaire, les effectifs ont plus que triplé, passant de 1,4 à 4,6 millions.

Ce sont sur les frêles épaules de ces enfants et de ces jeunes sahéliens qui ont fini leur scolarité ou leur apprentissage que repose l’avenir de notre espace commun. Il est important de relever, pour s’en féliciter, que ce groupe comprend un nombre croissant de jeunes filles et de femmes, qui non seulement sont moins exposées aux mariages précoces et aux violences sexuelles, mais qui deviennent également des actrices du développement au sein de leurs communautés.

Contexte de pression démographique

Ces progrès dans la scolarisation de nos enfants ont bien sûr des coûts budgétaires importants, mais ils sont nécessaires. Ils ont malheureusement induit une baisse de la qualité des apprentissages. Cela nous interpelle, et nous sommes mobilisés pour la redresser.

Répondre à la demande de scolarisation dans un contexte de pression démographique requiert des investissements continus dans la construction des infrastructures, dans le recrutement et la formation de davantage d’enseignants et dans l’acquisition d’équipements et d’instruments pédagogiques. Dans la région du Sahel, avec près d’un million de nouveaux enfants à scolariser chaque année, la course contre la montre est permanente.

NEUF ÉLÈVES SUR DIX N’ONT PAS LE NIVEAU DE LECTURE ET D’ÉCRITURE REQUIS À LA FIN DU PRIMAIRE

Le livre blanc de la Banque mondiale sur l’éducation au Sahel publié aujourd’hui souligne qu’environ neuf élèves sur dix n’ont pas le niveau de lecture et d’écriture requis à la fin du primaire. Deux écoliers sahéliens sur cinq n’arrivent pas jusqu’au bout de leurs études primaires. Ceci pose le problème lancinant de la déperdition scolaire, facteur aggravant des inégalités dans un contexte où une majorité de nos concitoyens doit faire face à des situations de précarité extrême et pour qui scolariser les enfants induits des coûts à ne pas négliger même quand l’école est gratuite.

Le défi sécuritaire, les effets du changement climatique et l’impact de la pandémie de Covid-19 n’ont fait qu’amplifier les enjeux d’apprentissage et de développement d’un système scolaire de qualité, inclusif et équitable pour tous.

Redoubler d’efforts

Face à ce constat, nous, dirigeants sahéliens, nous réunissons le 5 décembre 2021 à Nouakchott, accompagnés de la Banque mondiale, afin de prendre les décisions nécessaires pour faire avancer les réformes éducatives au cours des cinq prochaines années.

La réponse que nous devons apporter doit être coordonnée et intégrée, depuis la petite enfance jusqu’à la formation continue des jeunes adultes. Certains succès au sein de nos pays nous rappellent que la réussite est à notre portée. Au Burkina Faso comme au Niger, des stratégies de scolarisation accélérée ont remis des milliers de jeunes en échec scolaire sur le chemin de l’école pour y acquérir des compétences fondamentales.

En Mauritanie, la mise en place des comités de gestion scolaire permet une implication plus forte des parents. Au Tchad, un mécanisme de paiement mobile a été lancé en 2018, avec l’accompagnement de la Banque mondiale, pour les maîtres communautaires qui représentent 60% du personnel enseignant du primaire. Cette innovation a non seulement permis d’améliorer la présence mais aussi l’implication des enseignants dans leur métier. Au Mali, le taux de scolarisation du secondaire a été multiplié par 2,5 depuis 2000, en s’appuyant sur un modèle dynamique de partenariat public-privé.

De tels dispositifs ont démontré leur efficacité. Nous devons donc redoubler d’efforts pour trouver des solutions pérennes sur la question de la qualité de l’enseignement. Nous devons également aller plus loin en matière d’équité et accorder une plus grande place aux femmes, encore faiblement représentées dans les postes de décision dans nos écoles.

Nos interventions d’urgence ne doivent pas occulter une vision de long-terme, avec une meilleure gouvernance du système éducatif pour renforcer durablement nos écoles.

Soutenir les enseignants

Le premier levier d’actions portera sur la qualité de l’enseignement. Pour ce faire, nous soutiendrons davantage nos enseignants, en les formant et en améliorant leur statut. Ils disposeront d’outils technologiques et pédagogiques et de programmes scolaires actualisés et adaptés. Nous accompagnerons également les éducateurs en perfectionnant le développement de la petite enfance, afin que les enfants arrivent à l’école primaire avec tous les prérequis.

Ces investissements ont pour but ultime d’améliorer l’apprentissage des élèves, permettant le suivi de tous les enfants sahéliens. Plus concrètement, le système d’évaluation des apprenants devra être capable de repérer en amont les potentiels cas de défaillance et de décrochage scolaire. Les équipes gouvernementales seront accompagnées pour qu’elles garantissent l’inclusivité et la sécurité des écoles. Un système d’inspection indépendant observera l’évolution des conditions scolaires.

LA REFONDATION DE L’ÉCOLE DOIT PASSER PAR UNE APPROCHE INTÉGRALE IMPLIQUANT TOUS LES ACTEURS

Le deuxième levier doit être budgétaire. Malgré une hausse des dépenses éducatives au cours des dernières années, il faut aller plus loin que les 3% de notre PIB qu’elles représentent, un chiffre encore trop faible comparé aux 4% de moyenne sur le continent ou au standard international de 6%.

La réforme de nos écoles passera nécessairement par un soutien accru aux familles, afin que l’éducation soit perçue comme un investissement et non plus comme une dépense. Il est aussi de notre devoir, en concertation avec les différents échelons territoriaux, de nous assurer que les filles comme les garçons scolarisés soient des enfants qui bénéficient d’une nutrition de qualité, d’un suivi scolaire personnalisé et d’infrastructures et d’outils pédagogiques adaptés.

Les jeunes Sahéliens passent aujourd’hui environ six années de leur vie à l’école, contre plus de huit ans pour un enfant en Afrique subsaharienne ou 13 en Europe. Ces six années de scolarisation se déroulent dans des conditions si difficiles qu’elles ne représentent que l’équivalent d’un peu plus de trois ans d’école dans un système éducatif de qualité. Ce chiffre doit augmenter significativement et rapidement.

C’EST EN ADDITIONNANT NOS FORCES QUE NOUS MULTIPLIERONS NOS RÉSULTATS

Enfin, la refondation de l’école doit passer par une approche intégrale impliquant tous les acteurs de l’administration, du secteur privé, des communautés, des parents et des enseignants, et examinant le système scolaire dans son ensemble.

Les financements viendront encourager les bonnes pratiques dans un cercle vertueux qui poussera chaque école à mettre en place les meilleures conditions éducatives possibles. C’est ce même sens de la communauté qui rassemble les gouvernements de nos cinq pays et nous incite à agir de manière coordonnée. Nos instituts d’enseignement technique ont beaucoup à apprendre les uns des autres, et c’est en additionnant nos forces que nous multiplierons nos résultats.

De nombreux pays émergents ont démontré que l’école était le premier lieu dans lequel investir pour préparer l’avenir. Une action concertée et courageuse de notre part, et en étroite collaboration avec les partenaires internationaux dans ce secteur, mènera à des effets positifs immédiats et de long terme : une jeunesse bien formée, qui a confiance en elle-même, est garante d’une prospérité partagée.

Avec Jeune Afrique

Burkina Faso : Kemi Seba expulsé avant une manifestation contre la présence française au Sahel

octobre 30, 2021
Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Capo Chichi, lors d’une manifestation contre le franc CFA et la « Françafrique », à Dakar, le 19 août 2017. © Clement Tardif pour Jeune Afrique

Selon les informations recueillies par Jeune Afrique, l’activiste franco-béninois Kemi Seba a été expulsé du Burkina ce samedi. La veille, il avait été interpellé alors qu’il était en route pour Bobo-Dioulasso.

Le séjour de Kemi Seba au Burkina Faso aura été de courte durée. L’information a été confirmée à Jeune Afrique par plusieurs sources : Kemi Seba a été expulsé du pays samedi 30 octobre après-midi, le lendemain de son arrivée. Il aurait embarqué dans un avion en direction de Cotonou.

Vendredi 29 octobre, aux alentours de 14 heures, Kemi Seba et plusieurs personnes travaillant avec lui ont été interpellés à Sabou, une petite ville située sur la RN 1, à 80 km de Ouagadougou. L’activiste franco-béninois se rendait à Bobo-Dioulasso pour participer à une manifestation « contre le néocolonialisme » qui devait se tenir ce samedi.

Selon nos sources, Kemi Seba et trois membres de son ONG, Urgences panafricanistes, ont été détenus par les services de sécurité burkinabè mais les motifs de leur interpellation restent inconnus. À ce stade, nous ignorons ce qui leur est reproché », a déclaré à Jeune Afrique Roland Bayala, porte-parole de la Copa-BF, organisatrice de la manifestation. Dans la matinée de samedi, ils ont été conduits à l’aéroport de Ouagadougou, selon Prosper Farama, l’avocat de Kemi Seba. Si ce dernier a été expulsé, ses trois collaborateurs sont toujours détenus par les services de sécurité burkinabè.

Lutte contre la présence française

L’activiste était arrivé dans le pays à l’invitation de la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa-BF), une plateforme qui milite contre la présence militaire française au Sahel. Des manifestations similaires ont déjà eu lieu au Mali et en Guinée ces derniers mois.8’À LIRESénégal : Kemi Seba, prêcheur panafricaniste

N’ayant pas reçu le feu vert des autorités, les organisateurs ont décidé de surseoir à la marche et proposé de tenir en lieu et place un meeting. « Là encore, nous avons reçu un refus catégorique. Les autorités pensaient que Kemi Seba venait pour déstabiliser le pays. Après d’intenses pourparlers, elles nous ont concédé la salle du gouvernorat pour une conférence publique. À notre grande surprise, Kemi Seba a été interpellé avant même d’arriver à Bobo Dioulasso », explique Roland Bayala, porte-parole de la Copa-BF. Lequel tient à clarifier la position de son mouvement : « notre lutte est dirigée contre la présence française et l’impérialisme et non contre nos autorités ».

Coutumier des coups d’éclats

En 2019, Kemi Seba avait déjà été expulsé de Ouagadougou après des propos jugés outrageants contre le chef de l’État burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, qu’il avait accusé d’être aux ordres de Paris. Un tribunal burkinabè l’avait finalement condamné à deux mois de prison avec sursis pour outrage au président. Un an plus tôt, le militant anti-CFA, qui effectuait une tournée de présentation de son ouvrage intitulé « L’Afrique libre ou la mort » avait pourtant été reçu avec tous les égards par le président Roch Marc Christian Kaboré.

Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Capo Chichi, se définit comme un « polémiste et conférencier panafricain ». Jouissant d’une certaine popularité, mais adepte des déclarations extrémistes contre la France et le franc CFA, il est coutumier des interpellations et a été de nombreuses fois expulsé de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ces dernières années.

Avant de se rendre à Ouagadougou ce vendredi, il était à Conakry. Trois ans après avoir été expulsé du pays, il avait fait son grand come-back, s’affichant avec Mamadi Doumbouya, le chef de la junte qui a renversé Alpha Condé le 5 septembre dernier. 

Avec Jeune Afrique par Nadoun Coulibaly – à Ouagadougou

Rama Yade : « L’échec américain en Afghanistan, un avertissement sérieux pour le Sahel »

août 30, 2021
Un Marines américain, dans la province afghane d’Helmand, en juin 2009 (archives).

Si la France a retiré ses troupes d’Afghanistan dès 2014, elle est toujours présente militairement au Sahel, malgré un retrait annoncé. Les désastreux événements de Kaboul doivent inciter Paris à réfléchir aux conditions de l’évacuation de ses soldats.

En septembre 2008, alors Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux Droits de l’Homme, c’était déjà la deuxième fois que je me rendais à Kaboul pour rendre visite à nos soldats français. Cette fois, sur le camp de Warehouse, je me suis recueillie devant le monument aux Morts érigé en mémoire de ceux d’entre eux tombés sur le sol afghan et il y en avait eu 10 au mois d’août précédent tombés dans une embuscade.

Malgré cette présence militaire assumée, la France que je représentais s’enorgueillissait néanmoins de sa singularité, par contraste avec l’approche américaine purement militaire. Voilà ce que je déclarais alors : « Les Afghans ont encore en mémoire l’ancienneté de notre coopération. Nous avons là-bas deux lycées français, créés dans les années 1920, qui ont une excellente réputation. L’hôpital français de Kaboul est une référence. Notre coopération archéologique pour la connaissance du patrimoine afghan, que les talibans avaient saccagé, comme avec la destruction des Buddah de Bamyian, est exemplaire. Et notre armée a noué des relations de proximité avec la population ».

Avertissement

À travers cette déclaration, c’est toute la spécificité de la diplomatie française que je m’efforçais de mettre en lumière. À l’inverse des Américains, nous savions, nous Français, aller plus loin en étant au plus près des populations et penser le développement à long terme. Quelle fierté lorsqu’entourée de petites filles Afghanes scolarisées au lycée français Malalai, je voyais dans leur regard l’avenir d’un Afghanistan libre et souverain, et d’abord pour les femmes !

À cet égard, au vu des conséquences désastreuses du retrait précipité des troupes américaines d’Afghanistan, on aurait pu penser que les Européens, en particulier les Français instruits de leur singulière approche en Afghanistan, auraient appliqué une stratégie différente sur les terrains de combat où ils sont impliqués, comme le Sahel. Or, tel n’est pas le moindre des paradoxes que de constater la concomitance du retrait américain d’Afghanistan et la fin de l’opération Barkhane au Sahel.

Ce retrait français, avec la fermeture de bases militaires de Kidal, Tessalit et Tombouctou dans le Nord du Mali en 2022, s’organise alors que les critiques des populations civiles à l’endroit de la France n’ont jamais été aussi fortes. Et voilà que la France subit les mêmes reproches au Sahel que les Etats-Unis en Afghanistan. Comment en est-on arrivé à cela alors que, nous Français, savions mieux que n’importe qui l’importance d’accompagner l’intervention militaire de préoccupations plus sociales en direction des populations civiles (emploi des jeunes, inclusion des femmes, gouvernance, lutte contre la corruption etc) ?

La tragédie afghane doit agir comme un avertissement sérieux pour la gestion de la situation sahélienne. Elle résonne d’un écho singulier en Afrique où certains craignent qu’un retrait précipité de la France n’entraine le même scenario catastrophe, quand d’autres, au contraire, la pressent de partir pour éviter l’enlisement.

Certes, les situations dans deux territoires que 8 000 km séparent, ne sont pas totalement comparables. La France ne se retire pas tout à fait : elle prépare une « transformation profonde » de la présence française et entre 2 500 et 3000 militaires devraient prendre en charge la lutte antiterroriste internationalisée. Elle a sans doute une connaissance plus approfondie d’une région sur laquelle elle avait exercé une longue tutelle coloniale. Quant aux jihadistes sahéliens, répartis sur cinq pays au moins, ils n’ont aucune expérience gouvernementale contrairement aux talibans qui ont dirigé l’État afghan entre 1996 et 2001.

Néanmoins, les deux zones sont confrontées à des défis similaires : il s’agit de territoires soumis à un interventionnisme militaire occidental et sous pression insurrectionnelle islamiste (Al-Qaida est un acteur clé dans les deux régions). En 2012, occupé par les jihadistes, le Mali avait failli basculer avec la chute promise de Bamako.

Un soldat français en patrouille à Gao, dans le nord du Mali, en août 2018.

LES PRÉSENCES ÉTRANGÈRES NE PEUVENT ÉTERNELLEMENT DURER

D’ailleurs, les jihadistes du Sahel n’ont pas tardé à réagir, galvanisés par la victoire éclair des talibans. Le chef de la branche sahélienne d’Al-Qaida, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), qui avait prêté allégeance aux talibans au moment de sa création en 2017, a ainsi rendu hommage à l’« émirat islamique d’Afghanistan, à l’occasion du retrait des forces américaines d’invasion et de leurs alliés », après « deux décennies de patience ».

Tirer les leçons

Tout ceci montre que les présences étrangères ne peuvent éternellement durer : si avec les États-Unis, la durée de 20 ans avait semblé anormalement longue, la présence française depuis 2013 avec les opérations Serval puis Barkhane peut susciter des interrogations sur sa longueur.

Selon les données de the Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), l’année 2020 a été la plus meurtrière depuis le déclenchement de la guerre au Sahel. Les États qui consacrent 30 % de leur budget à la sécurité sont incapables de s’attaquer aux racines de la contagion terroriste, ni de remédier au chômage des jeunes, à la pauvreté, à l’absence de services publics dans de vastes territoires désertiques et à la mal gouvernance.

Ni les 15 000 soldats de la Minusma ni les programmes européens de formation à la sécurité (EUTM and EUCAP) n’ont pu changer la donne. La communauté internationale elle-même n’a jamais tenu ses engagements financiers en matière de développement économique et social. Résultat : selon une déclaration faite en janvier 2020, l’envoyé spécial des Nations unies, avec « plus de 4000 décès », « le nombre de victimes d’attaques terroristes a été multiplié par cinq en trois ans au Burkina Faso, au Mali et au Niger », entre 2016 et 2019.

De l’échec afghan, il est encore temps de tirer les leçons pour le Sahel. Clairement, il est un appel aux Etats africains à ne plus compter uniquement sur les troupes étrangères mais à construire des armées nationales fortes, à mieux s’occuper des populations (pour éviter que le dénuement ne les entraine dans les rangs des combattants jihadistes) et à lutter contre la corruption qui a porté un coup fatal au gouvernement afghan décrédibilisé aux yeux des populations. Le fuite lâche et éperdue du président Ghani au moment de l’entrée des troupes talibanes dans Kaboul en a été l’illustration la plus éclatante.

Quant à la France, qui avait pressenti l’impasse américaine en Afghanistan au point de retirer ses troupes fin 2012 après avoir perdu 89 des siens et dépensé près de 500 millions d’euros cette année-là, elle doit maintenant appliquer ses propres principes au Sahel, ceux-là mêmes, qu’en son nom, j’avais défendus à Kaboul, si elle ne veut pas connaître le même sort que les États-Unis en Afghanistan.

Avec Jeune Jeune Afrique par  Rama Yade

Directrice de l’Africa Center Atlantic Council.

Macron mise sur Bazoum et fait du Niger le cœur du dispositif français au Sahel

juillet 9, 2021
Mohamed Bazoum et Emmanuel Macron, à l’Élysée, le 9 juillet 2021, lors de leur conférence de presse commune à l’issue du sommet virtuel du G5 Sahel.

Un mois après avoir annoncé la « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel, Emmanuel Macron a livré les grandes lignes du futur dispositif à ses homologues ouest-africains. Et Niamey y occupe une place centrale.

Quel sera le dispositif militaire français au Sahel après la fin annoncée de l’opération Barkhane ? De Paris à Bamako en passant par Niamey, la question a donné lieu à de nombreux débats et spéculations. Ce vendredi 9 juillet, à l’issue d’un sommet en visioconférence entre les chefs d’État du G5 Sahel et le président français, Emmanuel Macron a tranché : l’engagement de la France dans la zone sahélienne passera « d’une opération militaire à un dispositif de coopération », a-t-il affirmé depuis Paris, au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue nigérien Mohamed Bazoum.

La présence de ce dernier, seul président du G5 Sahel à avoir fait le déplacement, ne devait d’ailleurs rien au hasard, tant le futur dispositif fait de Niamey le pilier principal de la stratégie sécuritaire française dans la Sahel.

Fermeture progressive

Emmanuel Macron a annoncé la fermeture progressive des bases militaires françaises dans le nord du Mali, un processus qui démarrera d’ici la fin de cette année. Les bases de Kidal, Tessalit et Tombouctou seront concernées « d’ici le début de l’année 2022 », a précisé le président français, confirmant les annonces de Florence Parly, sa ministre des Armées. La présence militaire française va en revanche s’appuyer sur une coopération militaire renforcée avec les armées nationales, notamment via la Task Force Takuba – qui aura sa base à Niamey – et le partenariat avec la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM).

LA NATURE DE NOTRE ENNEMI COMMANDE UNE AUTRE COOPÉRATION

Cette annonce intervient un mois après celle de la fin de l’opération Barkhane. Huit ans après son lancement, en août 2014, dans la continuité de l’opération Serval au Mali, l’opération extérieure française la plus importante du XXIe siècle a enregistré des résultats plutôt mitigés, selon de nombreux observateurs.

Le président français et son homologue nigérien avaient participé, plus tôt dans la journée, à un sommet du G5 Sahel organisé par visioconférence par le Tchadien Mahamat Idriss Déby et auquel étaient présents le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et le Malien Assimi Goïta.

« Rationalisation » de l’engagement français

« Nous ne pouvons que souscrire avec ce que la France est en train de faire, nous concevons que cette voilure soit réduite », a commenté Mohamed Bazoum. « La nature de notre ennemi commande une autre coopération », a ajouté le président nigérien, évoquant une « rationalisation » de l’engagement français avec laquelle les pays du G5 Sahel sont « absolument d’accord ».

« Niamey sera très fortement musclée. Les forces françaises présentes dans le pays vont muscler le commandement actuel de la force Takuba. Les forces qui sont associées vont être intégrées à des unités de forces spéciales », a précisé pour sa part Emmanuel Macron. « Il est important qu’on ait une connaissance du terrain dans toutes les actions de coopération et de réassurance et d’avoir des forces qui savent travailler avec les armées sahéliennes », a-t-il ajouté.

Le dispositif qui prendra la suite de Barkhane – qui compte 5 100 hommes déployés dans la zone sahélienne – représentera à terme entre 2 500 et 3 000 hommes. Il s’appuiera en outre sur les forces françaises basées en Côte d’Ivoire. Le président français a d’ailleurs insisté sur le fait que le risque terroriste « se dissémine dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest » et concerne désormais tous les pays du Golfe de Guinée. Les forces françaises seront donc mobilisables pour être déployées dans l’ensemble de la région, et pourront y intervenir à la demande des pays partenaires.

IL NE FAUT PAS PERMETTRE QUE DES MILITAIRES PRENNENT LE POUVOIR PARCE QU’ILS ONT DES DÉBOIRES SUR LE FRONT

Interrogé sur la situation au Mali, où le colonel Goïta a mené deux coups d’État, contre Ibrahim Boubacar Keïta, puis contre Bah N’Daw, Mohammed Bazoum a assuré que les chefs d’État ouest-africains avaient été « intraitables sur la mise en œuvre les dispositions prises par la Cedeao ». Et d’ajouter : « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres et des chefs d’États. Qui va faire la guerre à leur place ? »

Dans leur communiqué final, au ton sensiblement moins polémique, les chefs d’État du G5 Sahel ont affirmé avoir « pris note » de la décision du président français de « transformer le dispositif militaire français déployé au Sahel ». Une décision qui « s’inscrit dans le cadre des discussions conduites depuis le sommet de Pau, en janvier 2020, et poursuivies lors du sommet de N’Djamena, en février 2021″, précise le communiqué.

Avec Jeune Afrique par Fatoumata Diallo

France: Macron annonce la fin de l’opération Barkhane en tant que politique extérieure

juin 10, 2021

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé ce jeudi une « transformation profonde » de la présence militaire au Sahel.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé jeudi une « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel et la mise en place d’une alliance internationale antijihadiste dans la région. « À l’issue de consultations (…), nous amorcerons une transformation profonde de notre présence militaire au Sahel », a-t-il dit lors d’une conférence de presse, annonçant la « fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure » et la mise en œuvre » « d’une alliance internationale associant les États de la région ».

Par Le Point

[Tribune] – Pour une intervention des institutions africaines au Sahel

avril 28, 2021
Au Mali, patrouillent conjointement les soldats francais de la force Barkhane et ceux des forces armées maliennes du G5 Sahel

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger connaissent une crise profonde qui ne trouve aucune solution dans les actions antiterroristes mises en place. Il est temps que d’autres acteurs africains prennent leurs responsabilités.

La crise au Sahel central est l’une des plus importantes au monde, avec 14 millions de personnes ayant besoin d’une aide d’urgence au Burkina Faso, au Mali et au Niger. En 2020, plus de civils ont été tués par des soldats censés les protéger que par des groupes armés non étatiques. Pourtant, aucun soldat burkinabé, malien, nigérien ou chef de milice impliqué dans des violations des droits de l’homme n’a encore été traduit en justice.

Stratégies défaillantes

En ma qualité d’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits humains au Mali, j’ai constaté que les souffrances et l’instabilité ont été d’une telle ampleur qu’on pourrait penser que ce conflit aurait fait l’objet d’une médiatisation globale et aurait été la priorité de l’attention mondiale. Toutefois, cela n’a pas été le cas, comme en témoigne le fait que, sur les plans d’intervention humanitaire de 2020, seuls 48 % ont été financés au Mali, 60 % au Burkina Faso et 61 % au Niger.

Malgré toutes les informations disponibles sur le conflit, les gouvernements sahéliens et leurs partenaires internationaux ont réagi à la crise principalement par une optique antiterroriste qui ne s’attaque pas suffisamment aux causes profondes de la crise, ni met la protection des civils au cœur de leur réflexion. Les défaillances de gouvernance stratégique , la corruption et l’impunité ne sont toujours pas résolues, ce qui a permis à la crise de progresser et de perdurer.

Un récent rapport de la Coalition citoyenne pour le Sahel intitulé « Sahel: ce qui doit changer » fait valoir que les attaques des groupes djihadistes continuent et doublent chaque année depuis 2016. L’augmentation spectaculaire des morts civils aux mains des forces de sécurité de l’État illustrent clairement que l’accent mis sur une approche antiterroriste au Sahel central ne fonctionne pas.

La France et d’autres membres de la communauté internationale ont une responsabilité à endosser afin de résoudre les conflits dans la région à plus long terme, en particulier dans le contexte du colonialisme.
Ce n’est un secret pour personne qu’au cœur de la crise de gouvernance au Sahel central se trouve l’échec de la construction de l’État-nation. Plus précisément, l’incapacité de briser le modèle hérité des politiques coloniales en vertu desquelles chaque colonie était gouvernée séparément en fonction de son utilité individuelle.

SOLUTIONS AFRICAINES AUX PROBLÈMES AFRICAINS

Le colonialisme a eu pour conséquence directe le manque d’intégration au niveau national et sous-régional, remettant en question la cohésion nationale dans les trois États sahéliens centraux, et les prédisposant au cycle répété de la polarisation, de la radicalisation et des conflits. Néanmoins, ces liens historiques n’exonèrent pas les États africains de leur responsabilité et de leur rôle de leadership. Les gouvernements sahéliens, avec le soutien de l’Union africaine, ont l’obligation d’entendre et d’agir par rapport aux aspirations de leurs citoyens. Notre orientation politique ne peut plus être éclairée par des sommets convoqués à la hâte par des puissances extérieures – cela va à l’encontre de toute notion d’autodétermination et de « solutions africaines aux problèmes africains ».

Les pays sahéliens doivent répondre à la crise en donnant la priorité à la protection de leurs citoyens, en particulier des civils. Les principes de bonne gouvernance exigent une meilleure gestion de la diversité, du dynamisme ethnoculturel et territorial, ainsi que la gestion des ressources naturelles, y compris la dynamique concernant les conflits agriculteurs-éleveurs. Ces règles ont des répercussions sur l’étendue de la représentation des citoyens dans le processus politique. Une bonne gouvernance responsable exige que les gouvernements centraux et leurs autorités locales fournissent des services essentiels, efficaces et efficients à tous les citoyens, et sans discrimination.

Le changement est maintenant urgent. Les inégalités qui se reflètent dans les déséquilibres persistants entre les zones urbaines et rurales dans l’investissement public ne peuvent pas perdurer, pas plus que la corruption dans la gestion des budgets du secteur de la défense et l’impunité des forces armées qui commettent des actes de violence contre les civils qu’elles sont chargées de protéger.

La Coalition citoyenne pour le Sahel est cette union relativement jeune d’organisations de la région sahélienne, du continent africain et de partenaires du monde entier. Elle a utilisé, avec succès, le pouvoir d’une voix unie pour proposer audacieusement de nouvelles solutions mesurables et mettre à nu  le décalage entre les défaillances de gouvernance, leur contribution à l’escalade du conflit et le coût d’une insistante réponse militarisée générant une surabondance de morts parmi les civils.

Les réactions des représentants de l’Union africaine, de la France et de l’Allemagne ont été vues. Leur appui explicite à la nouvelle approche envisagée prouve que les efforts militaires ne peuvent, à eux seuls, résoudre les crises profondément enracinées du Sahel, ni protéger les civils. Cela indique que le changement au Sahel pourrait effectivement être en vue. Toutefois, des mesures concrètes sont encore nécessaires pour transformer des déclarations une réalité.
Les Sahéliens doivent maintenant tenir pour responsable leurs dirigeants, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’Union africaine et les partenaires internationaux afin de placer les populations au centre de la réponse et de mettre fin à leurs souffrances en s’attaquant, d’abord et avant tout, aux causes profondes du conflit.

Je crois que la ténacité, l’activisme et la créativité qui résident dans le peuple sahélien ne permettront plus aux dirigeants, dans la région et au-delà, de se reposer sans donner la priorité aux populations civiles.

Par  Alioune Tine

Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits humains au Mali, Fondateur du think tank AfrikaJom.

Sahel : la France envoie 600 soldats supplémentaires pour renforcer l’opération Barkhane

février 2, 2020

Pilotes de Mirage 2000 au camp Kosseï, poste de commandement de la force Barkhane (photo d'illustration).

Pilotes de Mirage 2000 au camp Kosseï, poste de commandement de la force Barkhane (photo d’illustration). © Richard Nicolas-Nelson/AP/SIPA

 

Les forces françaises de l’opération Barkhane, engagée au Sahel contre les actions de plus en plus meurtrières des groupes jihadistes, vont passer de 4 500 à 5 100 militaires d’ici fin février.

« L’essentiel des renforts sera déployé dans la zone dite des trois frontières » (Mali, Burkina Faso, Niger », a indiqué dimanche 2 février un communiqué signé de la ministre des Armées, Florence Parly. « Une autre partie de ces renforts sera engagée directement au sein des forces du G5 Sahel pour les accompagner au combat ».

Ces 600 militaires supplémentaires, essentiellement au sol, seront accompagnés d’une centaine de véhicules (blindés lourds, blindés légers et logistiques) et seront déployés d’ici la fin du mois, a appris l’AFP de source militaire.

Depuis plusieurs mois, les groupes jihadistes multiplient les attaques dans la zone, entretenant une insécurité chronique pour les civils et infligeant des pertes régulières aux armées locales. La France a elle même perdu 13 soldats en novembre, dans un accident entre deux hélicoptères au combat.

Critiques des opinions publiques africaines

Depuis, Paris veut donner un coup de fouet à un dispositif que ses détracteurs accusent de s’enliser, et qui suscite de plus en plus de critiques au sein des opinions publiques africaines.

Le président Emmanuel Macron, qui avait déjà annoncé en janvier un renfort de 220 soldats, lors d’un sommet à Pau (sud-ouest de la France) avec les pays du G5 Sahel (Niger, Mali, Burkina, Tchad, Mauritanie), porte donc au total à 600 le nombre de troupes supplémentaires allouées à Barkhane.

Une « revue d’efficacité » sur ce renforcement est prévue dans six mois. « Le président veut du résultat », a-t-on ajouté à l’état-major, en évoquant la nécessité du « retour de la gouvernance » dans une région extrêmement vaste et désertique.

« Cette étape majeure de notre engagement au Sahel doit marquer un tournant à la fois dans la mobilisation de nos partenaires européens et la montée en puissance des forces du G5 », précise le communiqué. Car si la France s’engage un peu plus, elle n’entend pas le faire seule.

Maintien des États-Unis ?

Le Tchad devrait bientôt déployer un bataillon supplémentaire. Et le gouvernement tchèque va tenter d’obtenir de son Parlement d’envoyer 60 soldats pour la force Takuba, qui rassemblera des unités de forces spéciales européennes. Paris s’attend par ailleurs à ce que d’autres membres de l’UE suivent rapidement.

De son côté, Florence Parly revient des États-Unis où elle a tenté de convaincre son homologue Mark Esper de maintenir l’engagement américain en Afrique, crucial pour Barkhane sur le plan de la logistique et du renseignement.

Mark Esper n’a pas encore tranché. Mais le chef du commandement militaire américain en Afrique (Africom), le général Stephen Townsend, a estimé qu’un retrait du soutien américain « ne serait pas aller dans la bonne direction », tout en appelant les Européens à « relever le défi et en faire plus au Sahel pour aider la France ».

« 4 500 hommes au Sahel, c’est dérisoire ! »

Ce renforcement est en tout cas conforme à la volonté du chef d’état-major français des armées. Le général François Lecointre avait prévenu en janvier que les 4 500 troupes de Barkhane ne suffiraient pas et qu’il proposerait au président Macron des renforts supérieurs aux 220 annoncés à Pau.

« Dans cette zone extrêmement vaste, les moyens qui sont mis à disposition de l’opération Barkhane ne sont pas suffisants pour qu’on puisse avoir des soldats déployés H24, 7 jours sur 7 », avait-il argué. « Mais 4 500 hommes au Sahel, c’est dérisoire ! », faisait-il déjà valoir en novembre à l’Assemblée nationale.

Plusieurs analystes et hauts responsables ont estimé que les prochains mois seraient essentiels pour inverser la tendance aujourd’hui favorable au groupes jihadistes.

Leurs méthodes – souvent des attaques éclair de quelques dizaines d’assaillants en moto capables de disparaître aussi vite qu’ils sont arrivés – poseront probablement des problèmes encore longtemps à la force Barkhane et ses alliés. « Je ne pense pas, malgré cette inflexion, que nous allons à la fin de l’année pouvoir crier victoire », admettait en janvier le général Lecointre.

Par Jeuneafrique.com avec AFP