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Un bébé né dans le RER gagne un pass Navigo
novembre 5, 2012Olivier Adam aux lisières du prix Goncourt
août 23, 2012
D.IGNASZEWSKI/KOBOY/FLAMMARION
On l’a connu plus serein. Certes, la situation est délicate, car, depuis juin, la rumeur court : avec Les Lisières, son dixième roman, Olivier Adam aurait de belles chances de toucher le Graal et de mettre fin ainsi à une série de déconvenues. Présent, en 2005, sur 13 listes de prix avec Falaises, il finissait bredouille. Favori du Goncourt 2007 pour A l’abri de rien, il s’inclinait, au 14e round, devant Gilles Leroy.
Alors pourquoi pas cette année avec ce bon gros roman au profil parfait pour les couverts de chez Drouant (voir la chronique de François Busnel) ? Où l’on retrouve Paul, son héros fétiche, écrivain quadragénaire à la dérive, avec son sens aigu de la paternité, ses névroses conjugales et ses fines analyses sociologiques sur cette France de la périphérie galopante, entre cités et zones pavillonnaires. L’enjeu est d’autant plus fort que le néo-Malouin vient de migrer chez Flammarion après quelque douze années passées aux éditions de l’Olivier. Paris Match, Elle, Le Figaro littéraire, Livres-Hebdo, entre autres publications, l’ont en tout cas misé placé. Même Antoine Gallimard, qui vient de racheter Flammarion, s’y met, susurrant avec un sourire qu' »il serait dommage, sous prétexte que Flammarion vient d’être repris par la maison, de lui enlever toutes ses chances au Goncourt ».
« Il me signifiait que je n’étais pas des leurs »
Lauréat, Olivier Adam serait alors bien obligé de jouer le jeu médiatique, propice aux rencontres et aux portraits. On s’en amuse d’avance tant le fameux Paul, enfant de la banlieue et double de papier d’Olivier, « condamné à errer au milieu de nulle part » après avoir « trahi » son camp, jette l’opprobre sur les journalistes et, plus généralement, sur le « village global » de Saint-Germain-des-Prés, peuplé d’intellectuels et de bourgeois spirituels et méprisants. A leurs yeux, écrit Paul, « j’étais bel et bien un rejeton des classes populaires, un enfant d’ouvrier, un petit-fils d’éboueur ». Du pur Annie Ernaux, avec, en sus, une belle dose d’agressivité.
L’accent porté par les médias sur ses origines modestes, leurs idées toutes faites sur sa personne avant même de l’avoir rencontré (« un ours, retranché dans sa maison balayée par les vents… sauvage et bourru… Tout ça était un pur tissu de conneries que j’alimentais à la demande ») hérissent au plus haut point l’enfant de l’Essonne. Tout comme ses confrères écrivains, qui « étalent leur souffrance au « travail » » et ne voient au-delà du périphérique qu' »inculture crasse et médiocrité ».
Mais le pompon, c’est bien le patron de son ex-maison, les éditions de l’Olivier – traduisez Olivier Cohen – qui le tient. Avec cet homme, note-t-il, tout en froideur, en dureté minérale, en absence de tendresse (comme son propre père), il avait éprouvé une méfiance réciproque et instinctive. « Il ne pouvait s’empêcher, à son corps défendant, inconsciemment sans doute, de signifier en permanence que je n’étais pas des leurs… » Et de comparer son auteur, au grand dam du narrateur, aux écrivains « primitifs » ou « prolétariens ». Comment mieux achever un compagnonnage de plus de dix ans ?
Lexpress.fr par Marianne Payot
Editeurs cherchent chefs-d’oeuvre désespérément
février 9, 2012
T. Dudoit pour L’Express
Que deviennent les milliers de manuscrits envoyés aux maisons d’édition chaque année? Enquête au coeur du système éditorial.
C’est bien connu, tous les Français ou presque sont des écrivains en puissance ! Mais il ne suffit pas de taquiner la muse pour être publié, loin de là : en moyenne, 1 seul manuscrit l’est, sur 6 000 envoyés par la poste aux éditeurs. « Le système de l’édition française fonctionne suffisamment bien », constate Philippe Demanet, secrétaire littéraire du service des manuscrits de Gallimard. « Grâce à un effet de nasse entre éditeurs, il n’y a pas de chef-d’oeuvre oublié dans un placard… » La preuve par le prix Goncourt 2011, L’Art de la guerre, d’Alexis Jenni, un premier roman aussitôt « flairé » par Philippe Demanet : « Pour moi, c’était évident. »
Tous les manuscrits sont-ils lus ?
« Oui, assure Louis Gardel, président du comité de lecture du Seuil depuis dix ans. Au bout de trois pages, on a une première idée de la qualité. Et on décèle aussitôt un ton nouveau. » Justine Lévy, lectrice à mi-temps chez Stock, cherche, elle aussi, la perle rare. Cela n’a pas toujours été le cas. Elle a raconté dans Rien de grave (Le Livre de poche), paru en 2004, ses premiers pas dans le métier et son coup de folie en apprenant que son jeune mari, Raphaël Enthoven, alias Adrien, la quittait pour Carla Bruni, alias Paula la tueuse. Bilan : des dizaines de manuscrits intacts directement jetés à la poubelle ! Cette confession a quelque peu fait grincer des dents à Saint-Germain-des-Prés. Le manuscrit, c’est sacré.
Des chiffres et des lettres
Gallimard reçoit, tous auteurs confondus, près de 6 000 manuscrits par an, le Seuil avoisine les 5 000, chez Robert Laffont et Fayard, c’est plutôt 4 000, tandis que Grasset en annonce « un peu plus de 3 000 minimum », à l’instar de POL. Par ailleurs, certains éditeurs ont un système de notes réservées aux manuscrits. Chez Gallimard, elles sont réparties entre 1 et 2. Le 1, c’est la publication. Le 1,25 signifie une petite réserve, et 1,5 témoigne d’une certaine perplexité. Mais 1,75 et 2, c’est le refus. Chez Grasset, on passe de 1, le manuscrit parfait, à 3 pour un refus. Le 0 est réservé au manuscrit idéal. Il n’a jamais été décerné…
« Chez Grasset, ils sont tous lus », témoigne Bruno Migdal, 53 ans, un scientifique de formation qui a repris des études de lettres sur le tard et qui vient de publier Petits Bonheurs de l’édition (la Différence), récit bref et vif de ses trois mois de stage au service des manuscrits de la Rue des Saint-Pères, en 2004. De Gallimard à Albin Michel, en passant par JC Lattès, les grandes maisons disposent toutes d’un tel service, qui réceptionne les textes non adressés personnellement à un éditeur. « J’ouvre chaque paquet, assure Denis Gombert, de Robert Laffont. Je les fais ensuite indexer – titre, nom, prénom, adresse, date de réception, etc. Mon travail consiste à évaluer rapidement chaque manuscrit : sa valeur et son adéquation à la maison. Dans l’affirmative, je le confie à l’un de nos sept lecteurs. Soit, en fin de compte, 15 à 20 % des manuscrits reçus. Car trop de gens confondent l’expression et l’écriture. »
Qui sont les lecteurs ?
« L’unique lecteur des éditions POL s’appelle… Paul Otchakovsky-Laurens ! » indique Jean-Paul Hirsch, bras droit du patron. Non content d’ouvrir lui-même les paquets chaque matin, l’éditeur d’Emmanuel Carrère lit tous les manuscrits. Cette assiduité lui a permis de repérer illico Truismes, premier roman (1998) et best-seller de Marie Darrieussecq. « Paul décide seul de la publication, même s’il lui arrive de me demander mon sentiment. Ses choix sont délibérés et il assume parfaitement le refus d’un texte qui connaîtra le succès ailleurs », précise Jean-Paul Hirsch. Les autres éditeurs sollicitent l’avis de toutes sortes de lecteurs, pour certains rétribués assez chichement – à partir de 30 euros chaque fiche de lecture chez Fayard, entre 50 et 90 euros chez Grasset ou Robert Laffont. « Nos lecteurs ont des profils très variés, souligne Denis Gombert : une mère de famille de trois enfants, un écrivain, une prof de khâgne… » Elisabeth Samama, responsable de la fiction française chez Fayard, attend d’abord un point de vue. Si son lecteur déteste radicalement un manuscrit, cela peut même lui donner envie de le lire. Bruno Migdal, l’ex-stagiaire de Grasset, déplore pour sa part qu’aucun des deux seuls manuscrits qui lui avaient paru intéressants en trois mois n’ait été publié : « Lorsque la lecture n’est pas suivie d’effet, la motivation s’effrite vite », regrette-t-il.
Les comités de lecture
Boutade de Gilles Cohen-Solal, cofondateur des éditions EHO avec sa femme, Héloïse d’Ormesson : « Notre comité de lecture se passe souvent au lit ! » Reste que cette instance rythme la vie de nombreuses maisons, à commencer par le comité de Gallimard, dont le fonctionnement, réglé comme du papier à musique, remonte aux années 1920. Composé de 17 membres, des Richard Millet à Pierre Nora, de Chantal Thomas à Jean-Bertrand Pontalis, il se réunit sous la présidence d’Antoine Gallimard une fois par mois. Comme chez Robert Laffont. Grasset et Le Seuil ont opté pour le rythme hebdomadaire. Mais, partout, la partition se joue selon un scénario identique : les éditeurs arrivent au comité avec leurs fiches de lecture, chacun défend ses manuscrits et les fait éventuellement passer. « La décision finale est assez collective, on peut faire des erreurs à plusieurs, estime Louis Gardel. Lorsque la maison résiste, on envoie le manuscrit à un confrère. Jadis, Roger Grenier me signalait les ouvrages refusés par Gallimard. L’édition n’est pas un milieu si méchant… » Voire. Dans le tome IV de son Journal, feu l’écrivain Jacques Brenner rappelle que, vers les années 1970, Grasset avait créé un faux comité de lecture mensuel à l’intention de l’écrivain Pierre-Jean Launay, membre du jury Interallié et donc « utile », mais dont on ne souhaitait pas la présence dans le vrai comité… Les huiles de la Rue des Saint-Pères – de Claude Durand à Yves Berger – jouaient la comédie de bon coeur. Au comité du Seuil et à celui de Grasset, les discussions sont très animées et le ton monte facilement. Question de tempérament. Ainsi, avec ce grand timide de Patrick Modiano, membre éphémère du comité Gallimard, ce fut « un désastre, parce qu’il ne voulait jamais se prononcer ! » révèle un texte de Robert Gallimard dans le récent Cahier Modiano (l’Herne).
Les « ratages »
Bon livre et succès de librairie : tous les éditeurs en rêvent. D’où le dépit d’Elisabeth Samama en apprenant que sa maison, Fayard, avait raté HHhH, de Laurent Binet, récupéré par Grasset avant d’obtenir le prix Goncourt du premier roman 2010 et de s’écouler à quelque 200 000 exemplaires, selon Edistat. « Nous étions débordés, c’est une stagiaire qui a eu le manuscrit entre les mains et l’a laissé filer », regrette l’éditrice. Depuis ce raté, Fayard a mis au point un système de filtre plus précis, plus rigoureux, où chaque éditeur regarde systématiquement tous les manuscrits de son département. La même mésaventure était arrivée à Olivier Cohen, directeur des éditions de L’Olivier, à qui Anna Gavalda avait envoyé le manuscrit de son premier livre, un recueil de nouvelles qui a fini par être publié au Dilettante en 1999. Lauréat du grand prix RTL-Lire l’année suivante, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part est devenu un immense best-seller, vendu à des millions d’exemplaires… Louis Gardel admet pour sa part qu’il a refusé Ce qu’il advint du sauvage blanc, premier – et formidable – roman de François Garde, récemment paru chez Gallimard. Anne Carrière, elle, se rend un jour dans un Salon où le jeune Joël Egloff dédicace son premier roman drolatique, Edmond Ganglion & fils, paru en 1999 et applaudi par beaucoup. Elle achète un exemplaire. En guise de signature, le jeune homme écrit : « Pour l’éditrice chez qui j’aurais aimé être publié… » Etonnement de l’intéressée, ignorant que Joël Egloff lui avait adressé son manuscrit. Elle a retrouvé le compte rendu de lecture indiquant un « roman mortifère », au prétexte qu’il y est question d’une entreprise de pompes funèbres…
Par Delphine Peras (L’Express)