Il était une fois, un jeune Écureuil gris, à la queue touffue et belle mais aussi dansante et remuante, aux grands bonds, s’amusait entre les branches d’un vieil Érable qui venait de perdre tous ses vêtements des feuilles de l’automne.
Un jour, pendant que le soleil caressait son doux pelage, pour changer d’air, l’Écureuil prit la décision de descendre et rencontra, au carrefour du tronc des branches jumelles, d’une longueur identique, une Corneille noire, venant du Parc des pins qui, tantôt croassait, tantôt babillait. Elle visitait le bois sec, picorant entre les écorces de l’arbre. Elle attrapait, à la première apparition, des larves d’insectes par sa fine bouche qui se reposaient mortellement dans son jabot. Elle s’en régalait copieusement et s’essuyait le bec frottant les parois des branches comme si elle embrassait la vieille peau de l’arbre. Pour lui accorder l’entière tranquillité à son repas, il lui laissa manger à sa faim et partit se promener plus loin.
Pendant ce temps, l’Érable qui surplombait la vaste cour était content du service gratuit rendu par la Corneille consistant à le débarrasser de ces nuisibles agents indésirables qui rongeaient sa peau et le vidaient de sa substance. Il la remercia malgré son exposition aux intempéries du vent, de la poussière et de la pluie qui l’avaient dénudées. Il lui dit :
– Chère Corneille, je t’envie que ton plumage te serve de protection avec le mauvais temps qui arrive. Quant à moi, je vais prendre sur tout mon corps la neige tombante. Elle va me couvrir dans la pureté de sa plénitude et la blancheur éclatante de sa fraîcheur. Je vais grelotter et je n’aurais pas de quoi me réchauffer. Je ne peux pas me cacher nulle part comme toi car je suis condamné au sol de mon enracinement.
– La nature a voulu que tu souffres un peu pendant la dure saison sans pourtant mourir car tu as l’assistance humaine de la création. Tu n’es pas le seul à vivre ces moments difficiles et désagréables de l’hiver. Mais la neige fait du bien dans l’entretien et à la conservation de toute forme d’existence.
Certes! Je ne peux plus changer le fil conducteur de mon destin.
Quand ils marquèrent la pause dans la conversation, l’Écureuil arriva et s’approcha de la Corneille se balançant sur l’un des bras effeuillé de sa multitude, admirant la migration des canards et des oies qui fuyaient l’arrivée, à pas doux de l’hiver, voyageant et émettant des cris fugitifs désespérés en d’interminables sons : coin, coin, coin. Dès lors, l’Écureuil bougea sa tête et lui montra sa patte veloutée, en direction, des colonnes argentées des palmipèdes qui formaient des rais au ciel, se déplaçant et dessinant un beau paysage linéaire. L’Érable leva aussi ses yeux et goûta à cette sensation oculaire semblable à un film documentaire riche en découverte de belles images du monde.
A la fin du spectacle lorsque les colonnes de ces autres amis du ciel s’éloignèrent, à la limite du regard et au-delà de l’horizon, l’Érable demanda à l’Écureuil et au Corneille de ramasser ses feuilles de plusieurs couleurs de l’automne qu’il avait fait tomber dans la cour de récréation de l’école. Les deux amis acceptèrent la proposition comme une agréable sollicitation de propreté et de salubrité. Ils demandèrent du matériel nécessaire pour charger ces débris inutiles mais bon pour le compost. Il leur dit de descendre et de regarder au pied de son tronc, à l’endroit où les enfants de l’école avec la direction avaient placé une boîte d’argent servant à son entretien quand son feuillage devient trop abandon, de prendre quelques pièces pour le bon usage de leur achat.
A cet effet, ils prirent l’argent et partirent acheter des sacs noirs au supermarché. Quand ils revinrent avec lesdits objets, ils ramassèrent toutes les feuilles jaunes, oranges, rouges et violettes de l’automne puis les entassèrent dans les sacs. L’Écureuil se servait parfaitement de ses pattes à la fourrure soyeuse tandis que la Corneille utilisait son bec au maigre plumage pour une utilité exemplaire. Mais durant ce ramassage n’ayant pas de cache-nez, la Corneille qui avalait et respirait constamment la poussière fut grippée alors que son ami l’Écureuil, étant plus malin, avait coupé une partie de ses poils et s’était bouché les narines. Il n’attrapa pas la grippe. Une grippe qui lui provoqua la toux. L’Érable informé du travail bien fait par la direction ensemble avec les enfants de l’école, leur demanda de prendre la totalité restante de l’argent contenu dans sa boîte de générosité. Ils eurent cent dollars qu’ils se partagèrent.
Cependant, la Corneille tomba malade. Elle était atteinte d’une quinte de toux qui devint grasse. Préoccupé, l’Érable rédigea une petite note qu’il remit à l’Écureuil pour aller chercher du sirop dans le magasin du fabricant pouvant soulager la grippe de la Corneille. Dès que le vendeur vit seulement la note portant la signature de l’Érable, il le servit rapidement sans hésiter puis il ramena le sirop. Il passa au supermarché et acheta encore du miel, des citrons et de l’ail pour fabriquer un bon mélange de tisane. Il jugea bon de le garder chez lui sous le plafond de l’école, sa résidence principale et le soigna pendant deux semaines en lui administrant la préparation de sa dose selon le mode d’emploi : matin, midi et soir.
Durant son séjour, ils mangeaient ses provisions de noix, de champignons et d’insectes. A son départ, il lui remit encore des graines de pin et des chenilles à emporter. Ils sortirent et partirent dire au revoir à l’Érable avant de prendre la route du Parc des pins.
Heureux et comblés de joie, ils s’embrassèrent sautillant des pattes et des ailes pour exprimer, à la fois, leur rapprochement et leur attachement.
Depuis lors, l’Écureuil et la Corneille avaient tissé une fidèle amitié sur les branches de l’Érable sans se battre comme deux ennemis car chaque fois, ils se séparent toujours bien dans la différence de leur genre.
La couleur des poils, des plumes et de la peau ne peut pas être un obstacle pour l’amitié et la compagnie dans le monde des êtres vivants.
© Bernard NKOUNKOU