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Conte : La Carpe et la Sardine

septembre 1, 2011

Tsimpété la Carpe et Tsangui la Sardine vivaient toutes les deux dans le Djoué, un affluent du fleuve Congo.

Un jour, une coupure d’eau intervint dans la ville et les enfants du quartier Ya Mamba (le frère des eaux) vinrent solliciter les deux amies, s’ils pouvaient se laver avant de partir à l’école de Kingouari. Elles acceptèrent et leur offrir la gentillesse d’utiliser le bord du cours d’eau à proximité des roseaux leur interdisant de ne pas partir au large.

Pendant qu’ils jouaient à la surface du Djoué, se jetant des mains de fines quantités d’eau qui produisaient des sons en tapotant la belle peau de l’affluent, entre joie et éclats de rire, Tsonga se détacha des autres. Il se faufila sous les herbes et atteignit le milieu de l’eau où la profondeur devenait importante. Il commençait à boire des gorgées, se débattait dans un effort de dernier espoir, agitant la main; ses collègues de classe qui le virent ne purent l’approcher de peur de les emporter et il se noya. Ils regagnèrent tous le rivage, le visage triste, pleurant et s’essuyant la morve qui leur coulait des narines provoquée par la frayeur de l’événement.

L’écho des pleurs se fit entendre auprès de Tsimpété la Carpe et de Tsangui la Sardine qui s’amusaient entre les jacinthes se cachant sous les larges feuilles vertes invitant l’un et l’autre à la découverte du point de refuge.

Quand elles approchèrent le groupe d’écoliers, celui-ci leur fit part de la triste nouvelle de la disparition de Tsonga qui venait de se noyer.

– Chers écoliers pourquoi n’avez vous pas respecté l’interdit qui vous a été dicté gratuitement de ne pas aller au large car certains endroits sont trompeurs à l’œil et réservent des surprises dangereuses ?

La Carpe et la Sardine promirent de retrouver le corps de Tsonga et partirent à sa recherche. Elles longèrent le Djoué d’un bout à l’autre, sans suite favorable. Elles repartirent en fouillant sous l’eau, aucun résultat de preuve d’une présence quelconque. Ils se séparèrent avec les écoliers qui partirent chez-eux pour annoncer la nouvelle aux parents et aux maîtres de l’école. C’était la grande consternation.

Tsimpété et Tsangui continuaient leur investigation sous les folles herbes mais également les jacinthes et prirent la décision de la poursuivre jusqu’au-delà du Djoué dans le fleuve Congo. Emportées par le courant des cascades passant entre les grosses pierres rocheuses, elles se retrouvèrent dans le puissant et majestueux fleuve Congo qui exhalait son souffle aquatique devant l’œil chaud du soleil tropical qui caressait par ses rayons sa belle peau douce. Les recherches consistant à retrouver Tsonga furent vaines.

Fatiguées, elles eurent faim. Ni la Carpe, ni la Sardine, aucune des deux ne trouva à manger. Tsimpété se retourna contre la bonté et la docilité de son amie la Sardine lui montra ses dents pour la croquer. La Sardine effrayée, prit la fuite et dans sa persécution, elle se cogna contre un objet au corps mou ne sachant pas qu’elle était sa nature. Elle recula, fit un bond pour bien le regarder. Elle se retrouva au-dessus d’un ventre ballonné. Or c’était celui du cadavre de Tsonga qui flottait à la surface de l’eau. Elle n’eût pas le temps d’exprimer sa joie devant la furie de la Carpe. Et pour détourner l’attention de Tsimpété la Carpe, elle rentra rapidement par les portes ouvertes des narines du noyé et se cacha dans la grande chambre de son ventre. La Carpe en arrivant devant le corps flottant ne vit pas sa proie mais seulement celui qu’elle cherchait depuis les eaux du Djoué. Elle contourna le cadavre dans une interrogation sans mots.

La Carpe alla appeler les pêcheurs du village de Mafouta pour venir l’aider à sortir Tsonga. Ceux-ci rafistolaient leur filet au moment de la sollicitation et prirent leur pirogue pour la suivre jusqu’au lieu de la découverte. Ils placèrent le corps de Tsonga dans leur embarcation. Arrivés sur la berge, ils étalèrent le noyé sur de grandes feuilles de bananier et le dépecèrent pour vider la quantité d’eau qu’il avait bue.

A la grande surprise, ils virent comme d’habitude, une belle petite Sardine qui gesticulait et remuait ses nageoires. Encore toi ! Lui demandèrent les pêcheurs ce qu’elle faisait dans le ventre d’autrui. Elle leur répondit cette fois-ci qu’elle avait trouvé refuge à la suite de la persécution de Tsimpété la Carpe qui voulait la manger lorsqu’elles cherchaient depuis le Djoué le noyé et en arrivant dans le fleuve Congo, la faim se transforma en violente inimitié, en rupture d’amitié. Ils eurent pitié d’elle car tous les moyens de protection sont bons même dans le cadavre d’un corps humain.

Les pêcheurs du village Mafouta libérèrent Tsangui la Sardine en la renvoyant dans l’eau et celle-ci repartit informer la famille de Tsonga. Aussitôt, ils jetèrent le filet à Tsimpété la Carpe pour l’attraper afin de la manger. Elle se fit prendre dès le premier contact et alla terminer sa vie dans la cuisson des vieilles marmites des pêcheurs.

L’amitié rompue à l’amiable vaut mieux que celle de la rancœur consistant en la disparition de l’autre car la méchanceté peut se retourner contre son auteur par la loi de la justice naturelle et sociale.

© Bernard NKOUNKOU

Conte : La Sardine et le Silure

juillet 8, 2011

Martine la Sardine blanche du fleuve Congo vivait dans un palais majestueux au toit vert des jacinthes de bois.

Plongée dans l’ennui d’absence de loisirs, un jour elle partit se promener et rencontra aux cataractes, dans la turbulence et le tumulte des eaux, Arthur le Silure, au teint d’ébène qui jouait au cerf-volant. Elle demanda si elle pouvait se joindre à lui. Celui-ci accepta sans un brin d’hésitation. Ils s’amusèrent à pleine joie, rigolèrent en suivant le cerf-volant qui dansait aux caresses du vent. Ils se cognèrent parfois contre de petits cailloux et roulèrent sur le sable fin du fleuve. Le vent qui était au rendez-vous dans ce beau jeu du ciel redoubla de vigueur et le cerf-volant se propulsait plus haut dans les airs accompagnés de nombreux cris de salutation dans son mouvement. Pendant que les deux amis jubilaient sur le sable, le cerf-volant s’accrocha dans son voyage au sommet d’un palmier.

Martine la Sardine commençait à se lamenter pour cet espoir ludique suspendu dans les bras verts du palmier. Arthur le Silure lui rassura qu’il réussirait à descendre le jouet de son arrêt momentané. Il ramassa des cailloux et commençait à les jeter pour faire tomber le cerf-volant. Il invita aussi sa campagne à cet exercice d’adresse. Mais dans cet acte de décision, un gros caillou lancé par Arthur le Silure traversa le palmier et alla cogner un tombeau en un bruit assourdissant, rebondit et se morcela. Soudain, une fumée grise s’échappait et prenait une forme humaine dressant debout une vieille dame qui dormait depuis une éternité : c’était Bertille l’Anguille.

– Mes enfants : pourquoi aviez-vous dérangé mon sommeil ?

Ses simples paroles faisaient trembler le sable et l’herbe sauvage, produisaient un tourbillon aux alentours qui remuait fortement leurs habits et leurs cheveux tandis que les poils de leur peau se dressaient comme des aiguilles rigides.

– Mémé, Mémé ! nous n’avons pas fait exprès. On voulait tout simplement descendre notre cerf-volant par le jet des pierres c’est pourquoi maladroitement un caillou est tombé sur ta demeure. Veuille bien nous en excuser.

– Alors que puis-je faire pour vous mes petits-enfants ?

– Si tu peux nous aider à décrocher notre cerf-volant. Nous savons que tu en es capable.

– Merci de la certitude que vous reposiez sur moi.

Bertille l’Anguiille s’approcha de l’arbre, se concentra un moment, ses yeux devinrent rouges, dégageant du feu et elle retrouva les souvenirs de son vivant lorsqu’elle grimpait sur les palmiers pour aller manger les noix mûrs d’un goût exceptionnel lui donnant une peau luisante. Elle s’enroula le long du tronc, arriva au sommet et descendit le cerf-volant. Ils remercièrent Bertille l’Anguille qui regagna son tombeau pour retrouver sa paix de l’âme.

Cependant, le jouet de Martine la Sardine et d’Arthur le Silure était perforé par les aiguilles du palmier, il n’était plus bon et ne pouvait plus s’envoler. Ils le prirent, l’enroulèrent d’une pierre et le jetèrent au-dessus du fleuve Congo. Le cerf-volant s’ouvrit quand même et se déposa comme un parachute en perte de vitesse, tomba droit à la surface de l’eau.

Par ailleurs, le soleil au zénith balançait sa férule de rayons de plein fouet. Ils eurent faim et soif puis mangèrent des tiges de roseaux. Ils creusèrent des vers de terre et firent la pêche pour avoir du poisson à manger. Durant toute la partie de la pêche, seule Martine la Sardine capturait le poisson. Pourquoi? Quand ceux-ci remontaient à la surface de l’eau, au temps chaud, par la clarté rayonnante et blanchâtre de Martine, les poissons exprimaient une grande joie pour mordre son appât. Mais au moment où ils émergeaient et qu’ils découvraient la présence d’Arthur le Silure, le trouvant trop noir, ils fuyaient son approche et n’osaient pas mordre à son hameçon. Pauvre de lui ! il rentra bredouille. Un peu confus. La compagnie ne pouvait pas se limiter à l’unique gain d’une partie.

Pour le consoler, Martine l’invita chez elle dans son palais. Elle prépara le poisson. Ils mangèrent ensemble, burent du bon vin. A chaque fois, il terminait toujours goulûment sa part de nourriture. Il mangeait, mangeait, mangeait. Il ne cessait de demander à manger à Martine la Sardine. Celle-ci lui dit un moment qu’elle ne pouvait pas opérer un miracle de la multiplication de poisson.

Fâché, il saisit le couvercle, regarda et constata effectivement que plus rien n’y était, il renversa toute la marmite, brisa les verres de table, renversa les chaises puis s’en prit à Martine la Sardine qui de sa petite taille s’étant débattue mais en vain, il la mangea pour assouvir sa faim. II en raffola bestialement la chair de Martine qui lui procura un appétit supérieur.

C’est pourquoi depuis lors, le Silure quand il est dans le même étang que la sardine, finit toujours par la manger. Leur cohabitation n’est plus amicale et recommandée chez les pisciculteurs.

Le service d’un bonheur dans l’amitié peut parfois se transformer dans le malheur.

© Bernard NKOUNKOU