Posts Tagged ‘Seconde Guerre mondiale’

Roumanie: découverte d’une fosse commune contenant les restes de corps de Juifs

juillet 2, 2019

 

Des archéologues ont exhumé de nombreux restes humains près d’un secteur où ils avaient déjà découvert en 2010 une fosse commune contenant les dépouilles de plus de 100 Juifs tués par l’armée roumaine durant la Seconde Guerre mondiale, a déclaré mardi le parquet général de Roumanie. Des procureurs militaires ont ordonné le 30 juin la délimitation d’un périmètre de protection autour de ce secteur.

«Prévenus par l’Institut Elie Wiesel, nous avons ouvert une enquête concernant la découverte le 29 juin de nombreux restes humains au cours de fouilles archéologiques effectuées à proximité du lieu où une fosse commune avait été retrouvée en 2010», ont déclaré les procureurs. L’Institut Elie Wiesel a déclaré que la fosse découverte en 2010 se trouvait dans une zone boisée appelée Vulturi, dans la commune de Popricani à 400 km au nord de Bucarest, par laquelle les troupes roumaines et allemandes étaient passées au début de leur offensive contre l’Union soviétique.

Une commission internationale dirigée par le prix Nobel de la paix Elie Wiesel a conclu en 2004 que 280.000 à 380.000 Juifs roumains et ukrainiens avaient été tués en Roumanie et dans les zones occupées par les forces roumaines durant la Seconde Guerre mondiale. Nombre d’entre eux ont été éliminés au cours des pogroms comme le massacre de près de 15.000 Juifs à Iasi, tout près de la frontière moldave, ou sont morts dans des trains de la mort ou dans des camps. Vulturi est le deuxième endroit de Roumanie où est retrouvée une fosse commune depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En 1945, 311 corps avaient été retrouvés dans trois fosses communes de Stanca Roznovanu, à Iasi. La communauté juive de Roumanie comptait 750.000 membres avant la guerre. Seuls 8000 à 10.000 Juifs vivent encore dans ce pays.

Par Le Figaro.fr avec Reuters

Allemagne: une bombe de la seconde guerre mondiale désamorcée en plein Berlin

avril 20, 2018

Des experts de la police travaillent au déminage d’une bombe de la Seconde Guerre mondiale près de la gare centrale de Berlin, le 20 avril 2018 / © dpa/AFP / STR

Les forces de sécurité berlinoises ont désamorcé avec succès vendredi une bombe britannique de 500 kg datant de la Seconde Guerre mondiale après avoir dû évacuer une partie du centre-ville de la capitale allemande, dont des ministères.

« Bon boulot! La bombe a été désamorcée. Tout le monde peut regagner son bâtiment » », a twitté la police en milieu de journée.

Elle a ensuite partagé sur le réseau social une photo de la bombe encore fumante sortie de terre et posée sur une palette en bois.

« La bombe de 500 kg, qui n’a pas explosé à l’époque, fait environ 110 sur 45 centimètres, c’est donc un objet assez imposant qui pourrait potentiellement faire beaucoup de dégâts dans la ville », a expliqué un porte-parole de la police berlinoise, Winfrid Wenzel.

Trouvé par des ouvriers sur un chantier au cœur de la capitale allemande, près de la gare principale, l’engin était jugé « sûr » par la police. Les démineurs n’ont eu qu’à faire exploser le détonateur et pas la bombe elle-même.

Les autorités ont dû néanmoins dès le matin par précaution évacuer « tous les bâtiments dans un périmètre de 800 mètres » autour du lieu de la découverte.

Selon la police locale, quelque 10.000 personnes ont été concernées par cette évacuation.

« La police était passée ce matin à 09H00 à la maison pour nous dire de quitter le bâtiment », a expliqué Esen Coskon, une quinquagénaire installée dans l’une des deux écoles où les autorités avaient prévu d’accueillir jusqu’à un millier de personnes.

Mais dans ce local, seule une dizaine de personnes étaient présentes vendredi matin, beaucoup ayant pris leurs précautions en amont. Un grand nombre d’employés du quartier sont ainsi restés chez eux, à l’instar du ministère de l’Economie, dont le siège est situé dans le périmètre de sécurité.

« Environ 1.000 personnes étaient concernées au ministère. Certaines ont pu travailler dans d’autres bâtiments, d’autres depuis chez elles ou certaines ont eu une journée de congé », a déclaré une porte-parole du ministère, Annika Einhorn.

Un hôpital militaire, le gigantesque complexe en travaux des services de renseignements (BND), le musée d’art contemporain Hamburger Bahnhof et celui de médecine faisaient également partie de cette zone évacuée.

Les transports ont été très perturbés car la principale gare de la ville, Hauptbahnhof, utilisée par 300.000 voyageurs quotidiens, se trouvait à l’intérieur du périmètre d’évacuation.

Mais dès la réouverture au public de la gare juste après le désamorçage de la bombe, les voyageurs s’y sont à nouveau engouffrés dans le calme.

– Événement fréquent –

Aussi impressionnante que soit la situation, l’Allemagne a une grande expérience de ce type d’évènements, les découvertes de bombes de la Seconde Guerre mondiale étant relativement courantes.

Les engins lâchées par les Alliés à l’époque et n’ayant pas explosé provoquent toujours des opérations impressionnantes.

La plus grosse évacuation du genre depuis 1945 a eu lieu en septembre 2017, à Francfort, où une énorme bombe britannique dotée d’une charge explosive de 1,4 tonne avait été retrouvée. 65.000 habitants avaient dû quitter leurs domiciles.

Si généralement ces engins peuvent être désamorcés, dans de rares cas une explosion dite « contrôlée » doit avoir lieu. Celle-ci peut provoquer des dégâts importants, comme en 2012 à Munich lorsque des centaines de vitrines et fenêtres avaient été soufflées par un explosif trop instable qui avait dû être détonné de nuit.

Berlin a connu pendant la guerre une campagne d’intenses bombardements, en particulier au printemps 1945, avec un tiers des habitations de la ville détruites et des dizaines de milliers de morts.

Des milliers d’engins ayant fait long feu ont été découverts depuis et quelque 3.000 autres resteraient dans le sous-sol berlinois, selon les experts.

La partie de Berlin concernée par l’évacuation de vendredi est une zone qui a été considérablement développée depuis la chute du Mur en 1989.

Le lieu où la bombe a été retrouvée n’est qu’à quelques centaines de mètres du centre politique et touristique, notamment la chancellerie – le bureau d’Angela Merkel -, et du Reichstag, où siègent les députés allemands.

Romandie.com avec(©AFP / 20 avril 2018 15h12)                

Après le discours du Premier ministre japonais, la Chine voudrait des excuses sincères pour la seconde Guerre mondiale

août 14, 2015

Pékin – La Chine a déclaré vendredi vouloir de la part du Japon des excuses sincères pour les agressions commises lors de la seconde Guerre mondiale, quelques heures après le discours du Premier ministre Shinzo Abe qui a réitéré les sentiments de remords profonds pour les actes commis pendant cette guerre.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a formulé cette demande dans un communiqué diffusé sur son site internet, constituant la première réaction officielle de Pékin après le discours du Premier ministre japonais plus tôt dans la journée à l’occasion du 70e anniversaire de la fin de la seconde Guerre mondiale, lors duquel il a appelé à ce que les générations futures soient exemptées de cet exercice de condoléances et excuses officielles.

Sans citer nommément Shinzo Abe, le ministère des Affaires étrangères a indiqué avoir pris connaissance de la déclaration du dirigeant du Japon en relation avec ces excuses. Il a ajouté que le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Zhang Yesui avait exprimé la position ferme de Pékin sur ce sujet à l’ambassadeur du Japon en Chine, Masato Kitera.

Le discours de M. Abe a été étudié de près, car les souvenirs de l’invasion japonaise qui a commencé dans les années 1930 et a duré jusqu’à la capitulation nippone en 1945 sont toujours une source de colère pour le peuple.

Romandie.com avec(©AFP / 14 août 2015 18h59)

Corps de soldats allemands de 39-45 découverts près de Paris

mai 8, 2014

Les restes de soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale ont été découverts fin avril dans un cimetière de la banlieue parisienne, a annoncé la mairie de Paris dans un communiqué. Une centaine d’individus ont été trouvés.

En vue de la construction d’un nouvel ossuaire au cimetière de Thiais, un diagnostic archéologique a été réalisé le 28 avril. A cette occasion, « près d’une centaine de corps non identifiés ont été découverts », écrit la mairie.

« Les investigations (…) ont permis de déterminer qu’il s’agit de soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale », poursuit-elle dans un communiqué.

« L’ambassadrice d’Allemagne à Paris en a été informée. Le devenir des corps des soldats sera arrêté en collaboration avec les autorités allemandes », précise encore la mairie. Elle indique que « toutes les mesures permettant la conservation et le respect de ces sépultures » seront assurées.

Romandie.com

L’une des résistantes les plus décorées s’est éteinte

août 9, 2011

Membre éminente de la Résistance française, Nancy Wake avait figuré en tête de la liste des personnes recherchées par la Gestapo. Les nazis, auxquels l’Australienne ne cessait d’échapper, l’avaient surnommée la souris blanche.

C’était l’une des résistantes les plus décorées de la Seconde Guerre mondiale avec une dizaine de médailles du monde entier à son actif. Nancy Wake s’est éteinte dimanche à Londres, à quelques jours de son 99e anniversaire. Son nom est moins connu en France que celui des Aubrac mais cette Australienne fut une figure éminente de la Résistance. Elle fit sortir de l’Hexagone plus de 1000 soldats alliés, résistants et juifs puis intégra un réseau de 7000 résistants chargé d’affaiblir les lignes allemandes en préparation du débarquement.

Les nazis la placèrent en tête de la liste des personnes les plus recherchées par la Gestapo. Devant la capacité de Nancy Wake à leur échapper, ils la surnommèrent «la souris blanche». L’Australienne s’est enfuie à ski, a semé en voiture l’avion qui la canardait, a sauté d’un train en marche, parcouru en trois jours 430 km à vélo en plein territoire occupé pour transmettre des codes radios ou encore tué un soldat à mains nues … «Nancy était une femme sublime et les nazis ont longtemps cru avoir affaire à un homme, comme eux, agressif et bardé de révolvers», a noté, lundi, son biographe. Ses exploits ont inspiré au romancier britannique Sebastian Faulks son héroïne Charlotte Gray, portée à l’écran en 2002, avec Cate Blanchett dans le rôle titre.

Toute l’existence de Nancy Wake fut romanesque. Dernière d’une fratrie de six enfants, sa famille quitte, en 1914, alors qu’elle n’a que deux ans, sa Nouvelle-Zélande natale. Son père, journaliste, s’installe à Sydney avant de retourner seul à Wellington, soi-disant pour y tourner un film sur les maoris. Il ne reviendra jamais. Elevée «sans amour» par sa mère, l’Australienne fugue alors à 16 ans et devient infirmière. Un héritage imprévu d’une tante lui permet quelques années plus tard d’accomplir son rêve d’évasion. Nancy Wake part à New York puis à Londres où elle apprend le journalisme. Elle se fixe finalement à Paris au début des années 30 et devient correspondante européenne du groupe de presse américain Hearst.

Elle désire que ses cendres soient dispersées en France

En reportage à Vienne, elle interviewe Hitler et voit, selon ses dires, des juifs enchaînés à une roue, fouettés par des soldats. La scène fera d’elle une opposante acharnée au IIIe Reich. En 1936, elle rencontre son futur mari, Henri Fiocca, un riche armateur. «J’aimais cette vie. Caviar au petit déjeuner, champagne, j’étais toujours élégante», dit-elle. Dès la capitulation française de 1940, le couple s’engage en résistance. Elle aide des soldats britanniques à regagner le Royaume-Uni via l’Espagne et devient un messager. Repérée par les nazis, elle est obligée, elle-même, de fuir. Après une tentative avortée à travers les Pyrénées, qui n’aboutit miraculeusement qu’à une brève arrestation, elle gagne l’Angleterre en 1943. Les services secrets britanniques la forment à l’espionnage et au sabotage puis la parachutent en France au printemps 1944. Elle établit des stocks d’armes et de munitions et met sur pied un système de communication par radio puis guide un réseau de résistance chargé d’affaiblir les lignes allemandes en préparation du débarquement.

«La liberté est la seule chose pour laquelle on mérite de vivre. Je déteste la guerre mais je ne vois pas pourquoi les femmes se contenteraient de tricoter à leurs maris, partis sur le front, des bonnets. J’ai tué beaucoup d’Allemands et je regrette de ne pas en avoir assassiné davantage», racontait Nancy Wake, qui a refusé toutes les avances de ses collègues résistants. Elle ne découvre le sort de son mari qu’après la guerre. Torturé à mort en 1943, ce dernier ne l’a jamais dénoncée.

La paix revenue, l’ancienne résistante regagne l’Australie. Elle se présente sans succès aux législatives de 1949 et 1951 puis repart en Angleterre épouser un pilote de la Royal air force. Le couple revient en Australie dans les années 60. Veuve, Nancy Wake s’installe en 2001 dans un hôtel londonien. Disposant de maigres ressources, la vielle dame, qui consomme six gins tonics quotidiens, reçoit une aide du prince Charles pour payer ses frais. En 2003, une crise cardiaque la conduit en maison de retraite. Chevalier de la Légion d’honneur, médaillée de la Liberté des Etats-Unis, Nancy Wake a été décorée tardivement, en 2004, par l’Australie. L’ancienne résistante a longtemps été en conflit avec Canberra sur la question des droits des anciens combattants. Elle a demandé que ses cendres soient dispersées au-dessus de Montluçon, en France, où elle avait combattu en 1944.

Lefigaro.fr par Constance Jamet

Le manuscrit inconnu de Léopold Sédar Senghor

août 1, 2011

Capturé par les Allemands, le soldat Léopold Sédar Senghor est transféré de camp en camp, en France, de 1940 à 1942. Après sa libération, il raconte son quotidien dans un document resté longtemps inconnu et qui n’avait jamais été publié dans son intégralité. Exclusif.

« Paris, le 27 juin 1942. J’ai l’honneur de vous transmettre un compte rendu de captivité qui m’a été remis par un prisonnier indigène récemment libéré. Ce prisonnier sénégalais est professeur agrégé dans un lycée de Paris. P.O. Le chef du bureau de l’inspection des camps : Docteur Bonnaud. » C’est ainsi qu’est présenté un document confidentiel de 7 pages, dactylographié et conservé aux Archives nationales, à Paris. Ce document a été redécouvert en juin 2010 par un historien allemand, Raffael Scheck, alors qu’il effectuait des recherches sur les conditions de détention des soldats issus des colonies, en France, pendant la Seconde Guerre mondiale. Très vite, cet universitaire s’est dit qu’il tenait là une pépite. De celles dont rêve tout chercheur. Combien y avait-il de professeurs sénégalais agrégés dans l’Hexagone, à l’époque ? Un seul : Léopold Sédar Senghor, qui avait réussi l’agrégation de grammaire lors de sa seconde tentative, en 1935, à l’âge de 29 ans.

« Je croyais que les biographes connaissaient ce document, raconte Raffael Scheck. J’ai commencé à lire tout ce que je pouvais sur le sujet, à faire des vérifications et des recoupements. Tout le monde m’a confirmé que ce texte était inconnu. » Le témoignage, non signé, rédigé dans un français sans fioritures mais rigoureux tant au niveau de la syntaxe que de l’orthographe, s’insère plutôt bien dans ce que les biographes savaient déjà de la vie de Senghor pendant la guerre. Fantassin de deuxième classe affecté au 31e régiment d’infanterie coloniale, membre d’un peloton de sous-officiers, capturé par les Allemands en juin 1940 à la Charité-sur-Loire 1, il fut transféré de camp en camp – à Romilly, Troyes, Amiens… – en zone occupée, expédié au Frontstalag 230 de Poitiers, puis au Frontstalag 221 de Saint-Médard, près de Bordeaux, avant d’être libéré pour cause de maladie durant l’année 1942.

Les prisonniers coloniaux en France

Le document exhumé fait partie des archives du Service diplomatique des prisonniers de guerre (SDPG), qui traitait de toutes les questions relatives aux soldats de l’armée française placés en détention, en Allemagne comme en France. Mis en place par le gouvernement de Vichy, le SDPG est plus connu sous l’intitulé Mission Scapini, du nom du député de droite qui la dirigeait. Qu’un compte rendu de captivité ait été demandé en 1942 à Senghor, un soldat instruit et cultivé, ne doit pas surprendre : le 17 avril de cette année-là, le général Henri Giraud s’évade de la forteresse de Königstein, suscitant la fureur de Hitler qui décide alors de mettre fin aux inspections de camps de prisonniers par les Français ou la Croix-Rouge… S’adresser à ceux qui viennent d’être libérés devient le seul moyen d’en savoir plus sur ce qui s’y passe.

Et de fait, ce témoignage de Senghor donne un aperçu très juste, presque clinique, des conditions de vie des prisonniers coloniaux en France. Dès les premières lignes, le lecteur sait à quoi s’en tenir. « C’est le régime du rutabaga 2 et du bâton », écrit Senghor. Et plusieurs fois, il revient sur l’obsédante question de la nourriture. Pis que le froid, l’humidité, la boue, le travail, « le plus démoralisant est la faim ». Par comparaison, la violence physique qui fait parfois irruption pour un rien semble presque moins cruelle. « […] Le camp est commandé par le capitaine Hahn. C’est un officier très dur (prussien ?). […] Il fait tirer sur un Sénégalais qui « chipe » des pommes de terre, et celui-ci est tué », raconte froidement Senghor avant de résumer, plus loin : « C’est le règne de l’arbitraire. »

En dépit de ces conditions de vie difficiles, la situation des prisonniers n’est pas de l’ordre de l’invivable. « Les camps coloniaux étaient administrés par des Allemands, explique Raffael Scheck. Mais la majorité des prisonniers étaient éparpillés dans des Kommandos de travail, parfois à 100 km du camp, où ils étaient en contact avec des civils français. Les gardiens se sont comportés de manière assez conciliante avec les soldats : ils sont devenus assez humains et des amitiés ont existé en dépit des barrières linguistiques. » Le texte de Senghor confirme en partie cette analyse : « Vraiment, pendant l’été 1941, nous mangeons assez bien pour des prisonniers. Et les tirailleurs sénégalais dans les Kommandos mangent encore mieux. Il est vrai que ceux-ci mangent à la table du fermier, et que presque chacun d’eux a une marraine qui le gâte dans la mesure du possible. Les Françaises, par leur générosité désintéressée et leur courage, ont été les meilleures propagandistes de la France. » Le futur président du Sénégal fait là allusion aux marraines de guerre qui pouvaient « adopter » un soldat colonial, lui écrire, lui envoyer des colis, voire lui rendre visite à l’hôpital, ce qui déboucha parfois sur de belles histoires d’amour…

Les lecteurs contemporains du témoignage de Senghor seront sans doute frappés par ce qu’il écrit des relations, difficiles, entre les soldats issus des différentes colonies. « Solidarité assez étroite entre ceux des différentes colonies : Antillais, Malgaches, Indochinois, Sénégalais. Seuls les Arabes sèment des germes de discorde (les Marocains exceptés). Ils cherchent à s’emparer des meilleures places (secrétariat, cuisine, bonnes corvées, etc.). Pour cela, ils dénigrent les autres, en particulier les intellectuels noirs, qu’ils présentent comme des francophiles et des germanophobes. »

Les différences culturelles et le racisme expliquent évidemment en partie cette situation. Mais, pour Scheck, ces différends viennent aussi du fait que « les mouvements nationalistes hostiles à la puissance coloniale étaient plus forts avant la guerre en Afrique du Nord qu’en Afrique-Occidentale française (AOF), même si la grande majorité des Maghrébins a éprouvé une forte solidarité avec la France en 1939 ». Senghor n’exprime pas autre chose quand il raconte cette anecdote, après la libération surprise de 10 000 Arabes, en décembre 1941 : « Un Sénégalais demanda alors à un médecin : « Pourquoi faites-vous libérer les Arabes qui vous trahissent et non pas ceux qui vous sont restés fidèles ? » Il traduisait la pensée de tous. »

Propagande

En réalité, les Maghrébins étaient une cible privilégiée de la propagande allemande. « Les nazis considéraient les Africains du Nord comme membres de races supérieures aux subsahariens, explique Scheck. En outre, il existait une tradition pro-islamiste allemande datant de l’alliance avec l’empire turc durant la Première Guerre mondiale. Pour des raisons stratégiques, les prisonniers nord-africains étaient intéressants pour l’Allemagne nazie. Une fois libérés, ils pouvaient aider une présence militaire allemande en Afrique du Nord – bases aériennes et maritimes contre les Britanniques et les États-Unis – et, éventuellement, déclencher un djihad contre les Britanniques au Proche-Orient. » Senghor perçoit très bien cet intérêt des Allemands. Il écrit : « Les « intellectuels » arabes, je veux dire ceux qui avaient quelque instruction, étaient les meilleurs agents de l’Allemagne. Ils prêchaient leurs compatriotes et dénigraient la France devant les Allemands. » C’est plus tard, en décembre 1944, que le massacre du camp de Thiaroye (Sénégal) contribuera à modifier de manière radicale l’image de la « patrie des droits de l’homme » aux yeux des anciens combattants d’origine subsaharienne…

Selon toute vraisemblance, Senghor a rédigé ce compte rendu peu après sa libération – il avait simulé une maladie –, entre février et juin 1942. Si les informations qu’il donne éclairent les historiens sur les conditions de vie dans les Frontstalags, elles méritent aussi d’être analysées au regard de l’influence qu’une telle captivité a pu avoir sur un jeune intellectuel de 36 ans. Pour qui sait lire entre les lignes, ce témoignage contient les germes du Senghor à venir, le poète, l’homme politique.

1. Le lieu n’est pas certain, ce pourrait être Villabon ou Bourges, dans le Cher.

2. Légume consommé durant la Seconde Guerre mondiale, une période de pénurie.

Jeuneafrique.com par Nicolas Michel