Comme chaque année, l’association internationale Mémoires & Partages organise une cérémonie d’hommage aux troupes coloniales enterrées dans les cimetières de Bordeaux.
En cet anniversaire d’armistice où l’héritage des 300 000 soldats des colonies victimes de la Première Guerre mondiale est remis en cause par l’extrême droite à l’Assemblée nationale française, le souvenir de leurs sacrifices doit rester un puissant leitmotiv dans le combat pour l’égalité et la justice.
Gageons que si le député du Rassemblement national Grégoire de Fournas, qui a hurlé « Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique » à son collègue Carlos Martens Bilongo dans l’hémicycle, connaissait l’histoire de France, et plus précisément celle du département qu’il a l’honneur de représenter, il y réfléchirait à deux fois avant de briser les hypocrites efforts de « dédiabolisation » du parti de Jean-Marie, puis de Marine Le Pen.
Lieu de vigilance
C’est ici, en Nouvelle-Aquitaine, dans cette Gironde où le Front devenu Rassemblement national fait ses meilleurs scores, que se sont écrites des pages tragiques. Le port de Bordeaux, porte d’entrée de la Gironde, convoie dès le XVIe siècle les navires qui s’en vont arracher des centaines de milliers d’Africains à leurs terres, pour les déporter et les exploiter dans ces Antilles françaises où l’esclavage est pratiqué à grande échelle. C’est tout naturellement que les infrastructures héritées de l’Ancien régime serviront ensuite à impliquer cette terre girondine dans l’exploitation coloniale.
L’installation du gouvernement français à Bordeaux, en 1914, le débarquement des Américains sur le port de la Lune, le Camp d’hivernage du Courneau sur le bassin d’Arcachon où gisent 940 tirailleurs sénégalais décimés par un bacille, et surtout les centaines de soldats des colonies enterrés dans plusieurs cimetières bordelais font de notre territoire un lieu de mémoire remarquable qui doit aussi être un lieu de vigilance antiraciste.
Dans l’hommage qui sera rendu ce 11 Novembre 2022, cent quatre ans après la fin de la Première Guerre mondiale, aux 593 tirailleurs issus des anciennes colonies gisant dans trois cimetières bordelais – 302 tirailleurs sénégalais, 252 Indochinois, 31 Malgaches, trois Marocains, deux travailleurs coloniaux, un Algérien, un Tunisien et un Soudanais – il y a une exigence de justice. La célébration de l’armistice en 2022 vise à sortir de l’oubli ces soldats gisants en Gironde, associés pour le pire au destin d’une patrie lointaine, chimérique, et de plus en plus tentée par la haine et l’oubli.
Histoire glorieuse
Que des descendants de ces Africains investissent la citoyenneté et la représentation nationale pour servir avec honneur leur patrie d’adoption sans oublier les valeurs républicaines de fraternité qui ont fait de ce pays un creuset multiculturel exceptionnel, est bien l’arête qui restera à jamais en travers de la gorge d’un parti incapable de célébrer les apports de cette diversité au modèle démocratique hexagonal. L’omniprésence dans l’espace public des héritiers de ces anciens soldats des colonies, déterminés à assurer la transmission de cette histoire tragique mais glorieuse aux générations actuelles, est un des facteurs les plus remarquables de l’approfondissement de la démocratie française.
Nous devons continuer à renforcer la législation antiraciste et progressiste sur l’égalité. C’est la condition nécessaire d’un changement de culture pour démanteler le racisme structurel et dénoncer ceux qui utilisent les guerres culturelles comme prétexte pour maintenir leur suprématie.
Avec Jeune Afrique
Par Karfa Diallo
Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine, fondateur-directeur de l’association Mémoires et Partages.
SOUVENIR. Quinze ans après sa disparition, l’œuvre cinématographique et littéraire de Sembène Ousmane garde toute sa force faite d’authenticité et de réalisme.
Le 9 juin 2007, l’étoile d’Ousmane Sembène s’éteignait à Dakar. Homme révolté et artiste engagé, il n’a eu de cesse, à travers son œuvre, de dénoncer les injustices sociales et les travers humains qui gangrènent les sociétés africaines. Ce cinéaste – et écrivain – autodidacte, internationalement reconnu, dont les combats sont d’une étonnante actualité, demeure sans conteste à ce jour l’un des maîtres du septième art du et sur le continent africain. Rien d’étonnant alors que dix ans après sa disparition, son talent et son engagement soient célébrés à la fois au Sénégal, son pays d’origine, mais aussi dans de nombreux autres pays africains.
De l’enfance à la guerre
De son vivant, Sembène Ousmane était considéré en Afrique comme l’un des écrivains les plus importants, mais aussi comme le plus grand des cinéastes. Il écrivait et filmait la rage au ventre. Une rage puisée dans une vie marquée par les blessures. Moins personnelles que collectives. De celles qui forgent les consciences et font naître les œuvres intemporelles.
Ousmane Sembène naît le 1er janvier 1923 à Ziguinchor, en Casamance au sud du Sénégal, dans une famille léboue où les hommes sont pêcheurs de père en fils. Rien ne prédestinait alors le jeune Ousmane à devenir « Monsieur Sembène ». D’abord à l’école coranique puis à l’école française qu’il fréquente dès son plus jeune âge, il développe le goût des langues et des mots. Il étrenne également un tempérament frondeur, qui préfigure l’homme révolté qui sommeille en lui. À 13 ans à peine, il est renvoyé de l’école pour avoir giflé son professeur qui voulait l’obliger à apprendre le corse. À 15 ans, il rejoint Dakar alors capitale de l’Afrique occidentale française, Saint-Louis étant alors la capitale du Sénégal.
C’est un premier tournant dans sa vie, qui va en connaître un second, en 1942. En ces temps des colonies, l’Afrique aussi vit sa guerre mondiale à côté des puissances impériales, la France et la Grande-Bretagne, en difficulté face aux troupes de l’Axe. Alors que dans l’Europe lointaine et inconnue, le conflit fait rage, le jeune Ousmane est mobilisé au sein de l’armée coloniale. Il intègre l’un des bataillons de Tirailleurs sénégalais et participe à la guerre au Niger, au Tchad, en Afrique du Nord et en Allemagne. Un moment décisif, car c’est dans la plaie de cette expérience extrême qu’Ousmane Sembène puisera, plus tard, une partie de son inspiration pour nourrir une œuvre naturaliste, à la Balzac ou à la Zola. Une sorte de néo-réalisme africain.
Après l’Europe de la guerre, celle du travail
1948 marque un autre tournant pour cet artiste qui s’ignore encore. Rentré à Dakar à la fin de la guerre, il repart aussitôt en Europe. Il y restera douze ans. Embarqué clandestinement pour la France, il a pris la direction de Paris où il travaille comme maçon et mécanicien dans les usines Citroën ; ce sera Marseille après où il sera embauché comme docker sur le port. Ce sont des années de dur labeur. L’occasion pour lui, surtout, de se forger une conscience sur sa condition d’Africain, de noir et d’ouvrier. De quoi côtoyer des idéologies qui apparaissent à l’époque comme de résistance, résistance de classe, résistance syndicale. C’est ainsi qu’il adhère à la CGT et au Parti communiste français dans ces années 50 où les mouvements d’émancipation africains sont en pleine ébullition. Sa conscience sociale et politique s’aiguisant, le voilà qui milite contre la guerre en Indochine, pour l’indépendance de l’Algérie aussi. Quand en 1960 le Sénégal devient indépendant, c’est l’heure pour Ousmane Sembène de rentrer enfin chez lui, en Afrique. C’est le début d’une nouvelle vie où ont bourgeonné les leçons des expériences passées.
L’artiste engagé éclôt derrière l’homme
Une autre vie donc qui, en réalité, a commencé quelques années plus tôt. Sembène ressent en effet depuis longtemps la nécessité de se « raconter » afin de dénoncer des injustices dont il a été la victime – parfois –, le témoin privilégié – souvent.
En 1956, il publie son premier roman, Le Docker noir, une histoire inspirée de sa vie de prolétaire sur le port de Marseille. Une critique poignante de la condition ouvrière et des préjugés raciaux. Prolixe, il publie en 1957 Ô pays, mon beau peuple, devenu unclassique de la littérature africaine. Ousmane Sembène y relate le combat d’un homme seul, Oumar Faye, jeune Casamançais marié à une Européenne, qui lutte lui aussi, mais en Afrique cette fois-ci, contre les préjugés raciaux. Une peinture sociologique d’une vérité rare… et toujours d’actualité.
En 1960, c’est au tour des Bouts de bois de Dieu d’être publié. Le roman raconte la grève en 1947 des cheminots africains de la ligne de chemin de fer Dakar-Niger, une ligne qui relie Dakar à Bamako. Leur objectif : accéder aux mêmes droits que leurs collègues français. Suivront un peu plus tard Voltaïque (nouvelles, 1961), L’Harmattan (roman, 1963), Le Mandat (récit, 1964), Xala (récit, 1973), Le Dernier de l’Empire (roman, 1981), Niiwam et Taaw (nouvelles, 1987).
Au total, l’œuvre littéraire d’Ousmane Sembène, humaniste et engagée, qui valorise l’histoire et la psychologie des personnages, est riche d’une dizaine de romans et d’essais dans lesquels Boniface Mongo-Mboussa, l’écrivain et critique littéraire congolais, décèle, au-delà d’une « écriture apparemment simpliste et manichéenne, une volonté de toujours donner à voir la complexité du réel, avec une lucidité et une intransigeance qui font souvent défaut aux écrivains africains contemporains ».
La naissance de Sembène, le cinéaste
Retour en 1960. Le cortège des indépendances africaines s’est ébranlé. Ousmane Sembène est rentré sur sa terre natale, à l’instar de nombre d’intellectuels africains qui entendent participer à la construction de leurs jeunes nations. Certains ne tarderont pas à déchanter. En attendant, Sembène parcourt le continent, de l’ouest au centre. C’est alors qu’une petite musique se met à trotter dans sa tête. Une musique faite d’images animées. Celles du cinéma. Voilà sa vocation. Ousmane Sembène sera cinéaste. Depuis ce jour, même s’il ne cessera jamais d’être écrivain, le septième art sera pour lui une obsession. Non pour lui-même – l’art pour l’art –, mais pour dénoncer – les injustices sociales et les travers humains – et donner à voir une autre image de l’Afrique, au-delà des clichés. Une Afrique paradoxale, en pleine mutation, tiraillée entre traditions et modernité. De quoi pour l’homme d’expérience qu’il est faire rimer talent artistique et engagement social et politique. Donc à près de 40 ans, sur le tard, Ousmane Sembène se lance dans la carrière – cinématographique. Dans une Afrique encore largement analphabétisée, il est convaincu que le cinéma, plus que la littérature qu’il chérit tant, lui permettra de toucher un public plus large. Il excellera dans la peinture d’un continent africain, transfiguré et révolté.
Une bourse et des films marquants
En 1962, cet autodidacte décroche une bourse pour étudier le cinéma aux studios Gorki à Moscou, en URSS. Quelques années et quelques courts métrages plus tard, il réalise en 1966 son premier long-métrage – le premier aussi à être réalisé par un cinéaste d’Afrique noire. La Noire de…, c’est son titre, raconte l’histoire émouvante d’une jeune nourrice sénégalaise qui quitte son pays et sa famille pour venir en France, à Antibes, travailler chez un couple. Celui-ci l’humiliera et la traitera en esclave, la poussant finalement au suicide.
Pour Ousmane Sembène, ce coup d’essai est un coup de maître, couronné par le Prix Jean Vigo. Suivront d’autres chefs-d’œuvre, tels que Le Mandat en 1968, une comédie qui croque avec une ironie mordante les travers de la nouvelle classe bourgeoise postcoloniale qui émerge au Sénégal au sortir de l’indépendance (Prix de la critique internationale au Festival de Venise).
En 1979, Ousmane Sembène fait l’expérience de la censure. Dans son film Ceddo, il relate la révolte, à la fin du XVIIe siècle, de guerriers traditionnels (les Ceddos) aux convictions animistes qui refusent de se convertir aux religions monothéistes. Ousmane Sembène y pourfend le rôle de l’islam et du catholicisme dans le délitement des structures sociales traditionnelles avec la complicité de certaines élites locales. L’œuvre est frappée d’une interdiction de diffusion au Sénégal. Le président-normalien Léopold Sédar Senghor justifie cette décision par… une faute d’orthographe. Le terme « ceddo » s’écrirait, selon lui, avec un seul « d ». En réalité, le pouvoir sénégalais ne souhaite pas se mettre à dos les autorités religieuses du pays.
Censuré également, mais en France et de fait cette fois-ci, un autre de ses grands chefs d’œuvre, le magistral Camp de Thiaroye. Une dénonciation d’un des épisodes les plus sombres de l’armée coloniale française en Afrique : le massacre de Tirailleurs sénégalais par des gradés français le 1er décembre 1944 dans le camp militaire de Thiaroye, à la périphérie de Dakar. Un vibrant hommage à ces Africains « morts pour la France libre ». Le film, Grand Prix du Jury à Venise en 1988, ne sera finalement diffusé en France que bien des années plus tard.
En 2000, Ousmane Sembène s’attaque à la réalisation d’un triptyque sur l’héroïsme au quotidien. Les deux premiers opus sont une ode à la femme africaine, dont l’artiste dénonce la condition. Dans Faat Kiné (2000), il brosse le portrait croisé de trois générations de femmes qui luttent pour gagner leur autonomie et leur liberté. Dans Moolaadé (2004), il évoque le conflit de valeurs entre le droit à la protection et la « salindé », la pratique traditionnelle de l’excision. Quatre fillettes, qui fuient pour échapper à cette coutume, trouvent refuge auprès d’une femme qui leur offre l’hospitalité (le moolaadé) malgré les pressions conjointes du village et de son mari. Un long métrage sanctionné par une pluie de récompenses (Prix du meilleur film étranger décerné par la critique américaine, Prix « Un certain regard » à Cannes, prix spécial du jury au festival international de Marrakech, etc., le tout en 2004). Il n’aura pas eu le temps de finir le troisième tableau.
Au final, l’œuvre cinématographique d’Ousmane Sembène, forte d’une quinzaine de films, s’est inscrit dans le prolongement de son œuvre littéraire dont elle est en partie l’écho. L’artiste y a dénoncé, avec la même verve, les conflits entre dominants et dominés (blancs-noirs, bourgeois-prolétaires, hommes-femmes) et a invité à une inlassable quête d’émancipation, pour les peuples comme pour les individus.
Un cinéaste, un promoteur du 7e art
Militant, Sembène l’est aussi quand il s’agit de promouvoir l’art cinématographique en Afrique. Tout au long de sa longue carrière, il prendra une part très active dans la promotion du Fespaco, le célèbre festival de cinéma africain. En remerciement, une avenue porte désormais son nom à Ouagadougou au Burkina Faso, où le festival se déroule chaque année. Sembène se rendra aussi régulièrement de village en village, de pays en pays, parcourant l’Afrique, pour montrer ses films et engager le débat avec les populations. En 2006, au crépuscule de sa vie, il reçoit les insignes d’officier dans l’ordre de la Légion d’honneur de la République française.
Une reconnaissance honorifique, mais hautement symbolique, qui vient consacrer le talent de l’artiste, mais aussi la bravoure du Tirailleur sénégalais.
Malgré les années, une source d’inspiration
Le 9 juin 2007, Ousmane Sembène s’est éteint à l’âge de 84 ans à son domicile de Yoff à Dakar. Clap de fin sur une vie d’une rare épaisseur. L’artiste laisse derrière lui une œuvre puissante, engagée, d’une étonnante actualité. Une œuvre magistrale, à la fois très africaine et universelle, à la liberté de ton, sans commune mesure aujourd’hui. Une œuvre sombre et joyeuse à la fois. « On rit beaucoup dans les œuvres de Sembène », dit son biographe, Samba Gadjigo, professeur de littérature africaine aux États-Unis. « Et après avoir ri, on se pose des questions et on avance ». Pas de doute, quinze ans après sa mort, Ousmane Sembène garde toute sa force d’inspiration.
En route vers la plage ou avant un traditionnel barbecue en ce dimanche d’été austral au Cap, des Sud-Africains émus s’arrêtent devant la cathédrale Saint-Georges, paroisse de l’ex-archevêque Desmond Tutu, dernière grande figure de la lutte contre l’apartheid, décédé dimanche.
« Il a tellement compté dans la lutte contre l’apartheid. Pour nous, les noirs… », confie à l’AFP Brent Goliath, 44 ans, avant d’éclater en sanglots.
Prix Nobel de la paix en 1984, Mgr Tutu s’est éteint peu après l’aube dans une maison de repos. Affaibli par un cancer, il avait 90 ans.
Sur toutes les chaînes de télévision du pays, des images du petit homme à la robe violette, dansant au côté du dalaï lama ou, hilare, en compagnie de son ami Nelson Mandela, tournent en boucle.
Tenant sa petite-fille par la main, Miriam Mokwadi, 67 ans, s’est rendue à la cathédrale du Cap: « C’est la vérité, Tutu était un héros. Il s’est battu pour nous. Nous sommes libres grâce à lui. Sans lui, notre pays aurait été perdu ».
La nouvelle du décès de celui qui était considéré comme la conscience de l’Afrique du Sud est tombée juste avant la messe. L’annonce a été faite pendant la célébration.
Rapidement, la police a bouclé le quartier. Un livre de condoléances a été disposé à l’extérieur de l’édifice, pour les derniers messages adressés à « The Arch », comme il est affectueusement surnommé dans le pays.
« Aussi triste que cela puisse être, cela apporte sans doute un certain soulagement à la famille, car le père Desmond a beaucoup souffert ces dernières semaines », a déclaré en chaire le père Michael Weeder.
Lumière violette
Une photo en noir et blanc sur laquelle Tutu apparaît souriant, les mains jointes, a été accrochée sur un grillage. Des bouquets de fleurs ont commencé à y être suspendus par des fidèles ou des touristes de passage.
« Je suis née quasiment à la fin de l’apartheid mais toute ma famille parlait de Tutu et il faisait partie du programme d’histoire au lycée », raconte Amanda Xalabile, 30 ans, qui s’est arrêtée sur le chemin du parc, accompagnée de ses deux enfants.
Aucune cérémonie officielle n’est prévue dimanche. Mais la célèbre Montagne de la Table, qui domine la ville, devait être illuminée en violet à partir de 20H00 jusqu’aux funérailles dont la date doit être fixée.
S’enlaçant longuement les uns les autres, les membres de la famille de Tutu se sont petit à petit rassemblés dans sa maison au Cap, sous surveillance policière.
Derrière un cordon de sécurité, une femme en short et débardeur, accompagnée de sa fille, tend un bouquet de fleurs. « Pour la famille », glisse-t-elle aux policiers.
Dans l’autre maison de Desmond Tutu à Soweto, les rideaux sont tirés. Devant cette demeure, à quelques dizaines de mètres de la célèbre maison – transformée en musée – de Nelson Mandela, de jeunes gens branchés viennent prendre des selfies.
« On le voyait passer autrefois quand il faisait son jogging du matin donc bien sûr (…) nous les voisins, on est vraiment émus », se souvient Lerato, un peu plus âgée, dans la rue Vilakazi.
« Quand je buvais un coup, par ici, il était au milieu de tout le monde. Je n’oublierai pas ce monsieur », confie en français Samba, d’origine congolaise.
Desmond Tutu s’était fait connaître aux pires heures du régime raciste de l’apartheid. Il a organisé des marches pacifiques contre la ségrégation et plaidé pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria.
Pour Stephen Moreo, l’archevêque anglican de Johannesburg, « son héritage est celui de son amour pour tous (…) Il disait toujours que Dieu n’est pas le Dieu des chrétiens, mais le Dieu de tout le monde ».
Bassiste émérite, doublé d’un inimitable compositeur, « Alphonso » est décédé samedi 25 décembre 2004 au C.H.U. (Centre hospitalier et universitaire) de Brazzaville à l’âge de 62 ans.
Farouche individualiste de l’expression profane afro-bantoue, Alphonse Ntaloulou en était l’une des plus fascinantes personnalités. Il était plongé dès son enfance dans la tradition, essentielle et féconde qui engendra les formes citadines de la rumba moderne les plus exigeantes.
Considéré comme l’un des plus grands bassistes de la musique congolaise moderne, il fut surtout un « musicien pour musiciens », expérimentant avant tout le monde de nouvelles possibilités à la guitare basse, avec des sonorités électroniquement bien travaillées.
Compositeur de grand talent, cet ancien sociétaire de l’orchestre Cercul Jazz, qui a intégré Les Bantous en Septembre 1963, (en remplacement de Francis Bithsoumani « Celi Bitsou ») Alphonse Ntaloulou « Alphonso » a su s’imposer dans « Les Bantous de la Capitale », aux côtés des grands noms tels que Gerry Gérard Biyela, Joseph Samba « Mascott », Nino Malapet, Jean-Serge Essous, etc …
On lui doit plusieurs chansons à succès qui ont fait bouger le Congo et l’Afrique, dont les plus connus sont : « Mama na pesi yo melesi », « C’est l’amour », « Koyaka te » et surtout celle qui a battu tous les records de vente et de popularité : « Choisis ou c’est lui ou c’est moi ». C’est sûrement sa meilleure chanson, variée et parfaitement équilibrée, elle aborde un sujet d’amour très courant dans la société congolaise.
Le Comité international du mémorial Thomas Sankara lance le 2 octobre prochain une campagne populaire de levée de fonds pour la construction d’un mémorial dédié au capitaine révolutionnaire burkinabè Thomas Sankara.
Le colonel Bernard Sanou, ami et camarade politique du président Sankara, qui préside ce Comité, répond en exclusivité aux questions de JA.
Jeune Afrique : Le Comité international du mémorial Thomas Sankara (CIM-TS) lance le 2 octobre prochain une campagne de collecte de fonds pour la construction d’un mémorial dédié au président révolutionnaire. Pourquoi cette intitiative ?
Colonel Bernard Sanou : Je dois préciser avant tout que ce projet architectural fait partie d’un ensemble d’activités élaboré par le Comité internationale du mémorial Thomas Sankara lors du colloque organisé en 2016 à Ouagadougou. Par ce mémorial, nous voulons faire revivre le souvenir de l’homme du peuple qu’incarnait le capitaine Sankara. Raison pour laquelle nous avons voulu que l’activité soit coordonnée en vue d’éviter d’entacher son image. Nous avons ainsi demandé aux camarades d’attendre le lancement officiel de cette campagne pour ensuite répliquer dans leurs pays respectifs.
Le plus important pour nous est de faire en sorte que cette activité participe à faire revivre l’image de père de la révolution burkinabè. Thomas Sankara était un homme du peuple, c’est pourquoi nous avons l’ambition de concrétiser ce projet par l’action populaire comme il l’a fait en mobilisant les masses autour des grands chantiers de la Révolution
Quel lien faut il établir entre le CIM-TS et les autorités ?
Les autorités actuelles sont partie prenante du projet de construction du mémorial Thomas Sankara. À preuve, le lancement de la campagne de souscription est placé sous le patronage du président Kaboré ainsi que le parrainage de l’ancien président ghanéen Jerry John Rawlings, que nous attendons le 2 octobre prochain à Ouagadougou. Nous voulons seulement créer un symbole par cette action. L’État burkinabè contribue au projet.
À ce jour, je peux vous affirmer que le CIM-TS a reçu des promesses de soutien de pays amis comme Cuba, l’Angola, l’Afrique du Sud. Et le mouvement que nous lançons va s’étendre sur une longue période, dans la mesure où le projet de mémorial comprend plusieurs phases comme des réalisations à Gaoua, au Prytanée militaire de Kadiogo (PMK), là où Sankara a fait respectivement ses études primaires et secondaires. À Tema-Bokin, son village d’origine et surtout à Pô, où Sankara a bâti le bataillon « Bailo »qui s’est particulièrement illustré lors du conflit contre le Mali en 1974, nous allons faire des réalisations qu’il appartiendra au ministère en charge du Tourisme d’intégrer dans les circuits touristiques.
Nous attendons donc l’ouverture du procès avec impatience
Nous avons apporté une énorme contribution à la manifestation de la vérité dans cette affaire. Personnellement, j’ai été auditionné par le juge d’instruction. Nous suivons de près l’évolution de la procédure judiciaire. Certes, l’enquête avait quelque peu stagné. Mais avec le juge d’instruction François Yameogo, le dossier a connu des avancées. Ce dernier nous a même assuré de son intention de boucler l’enquête avant la fin de cette année. Nous attendons donc l’ouverture du procès avec impatience.
Quels étaient vos rapports avec le président Sankara et les circonstances de votre rencontre ?
Le président Sankara était pour moi un ami et un camarade politique. En tant que membre du Conseil national de la Révolution, nous nous retrouvions lors des rencontres politiques avec les camarades civils et les organisations de gauche. Étant alors directeur du génie militaire et responsable de la sécurité du secteur ouest de la capitale, j’étais amené à échanger régulièrement avec Thomas Sankara. S’agissant de notre rencontre, je dois dire que nous nous connaissions depuis 1955. Nous avions fréquenté l’école primaire à Gaoua.
Mais nos véritables retrouvailles remontent à l’année 1966, lorsque nous sommes entrés au Prytanée militaire de Kadiogo. C’est là que nos relations ont été intenses, avant de nous séparer encore pour notre formation d’officiers en 1969-1970 – lui à Madagascar et moi à Saint Cyr en France. Je suis rentré en 1974, en pleine guerre avec le Mali. Lorsque l’état-major a lancé la mobilisation générale, nous nous sommes retrouvés encore une fois sur le front. À la fin du conflit, j’ai été stationné à Djibo et lui a Pô, où il avait commencé la mise en place du Centre d’entraînement commando.
Au retour, nos rapports étaient devenus hebdomadaires. Je me rendais tous les weekends à Pô pour pour l’aider à monter son orchestre dénommé « Missile Bande de Pô », et c’était l’occasion de discuter des affaires du pays. En 1980, alors que le climat politique était délétère sur fond de désaccords entre partis politiques, les officiers supérieurs, voyant d’un mauvais œil le regroupement de jeunes officiers, ont décidé de nous disperser. Sankara a alors été muté à l’état-major de l’armée et moi envoyé en stage en Allemagne. Mais nous sommes restés en contact jusqu’aux événements du 4 août 1983 qui ont précipité mon retour au pays.
J’ai senti ce jour-là en Thomas Sankara la solitude du chef
Pouvez-vous nous raconter vos souvenirs les plus forts des années de pouvoir de Sankara ?
(Silence) Je crois, si ma mémoire est bonne, que c’était le dernier dimanche de juillet 1987. Sankara m’appelle au téléphone – « Gringo » (surnom qu’ils se sont donné depuis le PMK) – et demande à me voir. Mais, cette fois c’était différent. L’entretien, qui dure plus de deux heures, est en réalité un monologue. J’ai senti ce jour-là en Thomas Sankara la solitude du chef. Le président Sankara était profondément déçu de n’avoir pas eu l’accompagnement militant des camarades les plus proches – militaires et civils – avec lesquels il avait pris le pouvoir.
Sankara m’a clairement exprimé sa déception vis-à-vis du manque d’honnêteté et de courage politique ainsi que de la mauvaise foi de ses compagnons de lutte qu’il accusait d’avoir travesti les mots d’ordre. J’ai vu alors en Sankara un président à la croisée des chemins. L’exemple que je peux citer est la fameuse guerre qu’on lui a prêté contre la chefferie coutumière. Mais c’est inexact, d’autant que Sankara m’avait dit à Po que les meilleur alliés que nous pourrions avoir dans la gestion du pouvoir de l’État étaient bel et bien les chefs traditionnels. Il fallait seulement que nous trouvions le bon tempo pour les débarrasser de certaines prérogatives rétrogrades. Malheureusement, il n’y est pas parvenu.
Sankara a toujours été un homme pressé. Nous l’avions senti dès le PMK, lorsque élève du jour, il nous faisait passer une journée au pas de course !
Koffi Olomidé, lors d’un concert à Dakar. Crédits : SEYLLOU / AFPSi certains fans du roi de la rumba congolaise, qui a été incarcéré mardi 26 juillet à Kinshasa pour « coups et blessures volontaires » sur l’une de ses danseuses, espèrent une indulgence de la justice congolaise, d’autres ont gardé un goût amer de son passage à Abidjan fin 2015.
Grande admiratrice du chef de village de Molokai, Bakarissa Traoré, 27 ans, esthéticienne fait défiler sur son téléphone portable les images de l’arrestation du chanteur. Soudain, elle marque un arrêt sur les menottes passées aux poignets de la star. Elle soupire longuement et se lâche : « C’est bien fait pour lui ! C’est mon artiste préféré, mais il commet un peu trop d’impairs ces derniers temps ».
« Un moment inoubliable »
En décembre 2015, Bakarissa Traoré faisait partie des milliers de spectateurs qui avaient pris place au Palais de la Culture de Treichville pour assister au concert de Koffi Olomidé. « C’était le cadeau que m’avait offert mon compagnon et j’avais tout prévu pour que cela soit un moment inoubliable », explique-t-elle.
Mais après 45 minutes de spectacle, Koffi Olomidé a mis fin à sa prestation. Il reprochait au promoteur du spectacle, le non-respect d’une clause du contrat interdisant la présence d’autres caméras dans la salle. La tension est alors montée dans la salle et les échauffourées qui se sont déclenchées avec une partie du public ont obligé l’artiste à quitter les lieux sous escorte policière. Le lendemain, ses danseuses ont été prises en otage dans leur hôtel d’Abidjan avant d’être exfiltrées par la police.
« Justice clémente »
« Il a touché le cachet du promoteur, pris notre argent et écourté notre plaisir, se désole Barakissa Traoré, qui garde malgré cela un poster de l’artiste sur le mur de son salon de coiffure de Yopougon (à l’ouest d’Abidjan). Après tout, je suis une de ses fans depuis mes 13 ans. »
Egalement présente au concert de décembre, Sylvie Koné, 26 ans, a de la peine depuis l’incarcération de son idole. « Les images sont choquantes, certes, mais il faut admettre que Papa [Koffi Olomidé] a présenté des excuses comme il se devait sur les plateaux de télévision et partout. La justice congolaise doit être clémente », plaide t-elle.
Elle attend que les juges accordent une grâce à l’artiste en tenant compte de son statut. « Ailleurs, on ne traite pas une star locale de la sorte : en l’arrêtant et en lui passant les menottes aux poignets en public », proteste-elle.
Lemonde.fr par Alexis Adélé, contributeur Le Monde Afrique, à Abidjan
Sous la tente vierge du refuge
Coulent des idées de déluge
Parfois blanches la journée
Parfois noires la soirée.
Dans cette bâche neuve de protection
Aux quatre coins de son implantation
Le souffle de vie paisible retrouve l’espoir
Dans la dure traversée du désespoir.
Quand apparaît le premier soleil
Du réfugié face au phare du ciel
La vie commence à planter son décor
Avec des souvenirs du dernier sort.
Du fond de sa tombe sans voix
Dans les bas-fonds sans toits
Le poète dort avec sa muse
Qui s’enferme dans la cornemuse
Loin de la cité bruyante au bord de la mer
Son âme dans le village de sa terre
Repose à l’ombre de ses ancêtres
Dans le souffle du feuillage terrestre
Descendant dans le caveau de sa demeure
Dans le ventre béant de la terre
Sous le poids du crépuscule vespéral
Psalmodiant l’air de la brise temporelle
Le souvenir de sa voix académique
Aux dernières portes de l’enfer endémique
Résonne comme une audience sollicitée
Martelant ses pas vers les Champs-Élysées