Lors de son interrogatoire préalable au procès civil intenté par la famille Bettez contre la Sûreté du Québec (SQ), Michel Perron, le chef de l’équipe d’enquête sur le meurtre de Cédrika Provencher, prétend qu’il s’agit d’une pure coïncidence. C’est ce qu’on apprend dans un avis qui vient d’être déposé à la cour.

Jonathan Bettez à sa sortie du palais de justice de Trois-Rivières en décembre 2017. Photo : Radio-Canada
Le chef d’équipe à la Sûreté du Québec connaissait la date de l’anniversaire de Cédrika Provencher. « Je l’ai su, je le sais avant aujourd’hui, je l’ai su en cours d’enquête », a-t-il admis en interrogatoire.
Le 29 août 2016, Cédrika aurait eu 19 ans. Ce jour-là, la SQ a procédé à l’arrestation de Jonathan Bettez. Le lendemain, il était accusé de possession, de distribution de pornographie juvénile et d’accession à celle-ci. Il a par la suite été acquitté des 10 chefs d’accusations qui pesaient contre lui.

L’avocat Jessy Héroux représente Jonathan Bettez ainsi que ses parents, André Bettez et Huguette Drouin, dans leur poursuite. Photo : Radio-Canada/Guylain Côté
En prévision du procès, les deux parties ont déjà procédé à certains interrogatoires, dont celui de Michel Perron. Les avocats de la SQ et ceux de la famille Bettez ne s’entendent pas sur certains points, qui nécessiteront l’intervention d’une juge.
Donc, pour vous, c’est une coïncidence ?
, a demandé l’avocat de Jonathan Bettez.
Oui
, a répondu Michel Perron en interrogatoire.
Est-ce que vous le saviez avant qu’on procède à l’opération?
Je pense que oui.
Le policer était chef de l’équipe qui enquêtait sur le meurtre de Cédrika Provencher, mais également pour le volet lié aux infractions de nature pornographique.
L’avocat de la famille Bettez, qui poursuit la SQ pour 10 millions de dollars, a difficilement obtenu des réponses à ses questions adressées à M. Perron, peut-on apprendre dans l’avis déposé à la cour.
Le policier a éprouvé des problèmes de mémoire. Il prenait peu de notes lors de ses rencontres de planification. Il n’a plus accès au dossier d’enquête et a détruit certaines de ses propres notes.
Le moment de l’arrestation de Jonathan Bettez a bel et bien été étudié et planifié, mais pour d’autres motifs, selon le policier interrogé.
Le choix de la date est discuté parce qu’il faut avoir du personnel cette journée-là […] il faut s’assurer de choisir une journée à laquelle on sait que les enquêteurs vont être disponibles.
Un plan d’action ficelé quatre mois d’avance
L’équipe policière préparait l’arrestation et les perquisitions chez Emballages Bettez depuis le printemps 2016.
Parmi les documents qui seront au cœur du procès civil à venir se trouve le plan d’action de la SQ dans l’enquête sur le meurtre de Cédrika Provencher.
Datée du 11 avril 2016, la stratégie élaborée par les policiers décrit comment ils comptaient se servir de la pornographie comme outil de levier important
pour l’enquête sur le meurtre.
Le but étant de ne pas relier directement, aux yeux de Jonathan et ses proches, ces opérations comme reliées à l’enquête de Cédrika Provencher
, stipule le document.
La preuve en matière de pornographie juvénile est qualifiée de facultative dans le plan d’action. En interrogatoire, Michel Perron confirme qu’elle était accessoire au meurtre.
En octobre 2018, le juge Jacques Lacoursière n’a pas été tendre envers le travail des enquêteurs de la Sûreté du Québec. Il a qualifié leurs démarches d’opération de pêche
. Les démarches policières étaient abusives et les mandats invalides, a-t-il conclu. Jonathan Bettez n’a jamais été accusé de quoi que ce soit en lien avec la disparition ou le meurtre de Cédrika Provencher.
Aucun document impliquant Martin Prud’homme
Au moment de l’arrestation de Jonathan Bettez, c’est Martin Prud’homme qui était le directeur de la Sûreté du Québec. Lors de la disparition de la fillette, en 2007, il était responsable de l’enquête. Il a pris sa retraite de la SQ en 2021 et travaille maintenant pour la Ville de Montréal. Il est personnellement visé dans la poursuite civile.
Or, dans les documents transmis à la famille Bettez par les avocats des défenseurs, il n’existe aucune note en lien avec son implication dans l’enquête, et ce, pour quelque moment que ce soit depuis le début de l’enquête
, souligne leur avocat.
Le procès civil ne débutera pas avant le 3 juillet 2023, date de mise en état du dossier. D’ici là, Martin Prud’homme et les autres policiers poursuivis – Katherine Guimond, Chantal Daudelin et Jean Lafrenière – seront interrogés.
Avec Radio-Canada par Maude Mautembault