La région de Tchernihiv, qui devait bénéficier d’une désescalade promise mardi par Moscou, a plutôt été « bombardée toute la nuit », selon le gouverneur régional.

Le maire de Tchernihiv, Vladyslav Atroshenko (à droite), parle à un journaliste près d’un centre commercial touché par une frappe russe dans la nuit de mardi à mercredi. Photo : La Presse Canadienne/AP/Vladislav Savenok
Les pourparlers russo-ukrainiens tenus mardi en Turquie n’ont abouti à rien de « très prometteur » ni à aucune « percée », estime le Kremlin, douchant du coup les espoirs d’une désescalade partielle promise par Moscou. La région de Tchernihiv, qui devait en profiter, a plutôt été « bombardée toute la nuit », selon le gouverneur régional.
Il y a beaucoup de travail à accomplir
, a déclaré mercredi le porte-parole du président russe Vladimir Poutine, Dimitri Peskov. Il a tout de même qualifié de positif
le fait que les Ukrainiens aient enfin commencé à formuler de façon concrète [leurs] propositions et à les mettre par écrit
.
M. Peskov a aussi souligné que la Crimée faisait partie de la Russie, et que la Constitution russe empêchait de discuter du sort de quelque région russe que ce soit avec une autre partie. Kiev avait proposé que l’avenir de ce territoire ukrainien annexé par Moscou en 2014 soit discuté sur une période de 15 ans.
Au terme de négociations, mardi, à Istanbul, le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, avait annoncé que la Russie comptait réduire radicalement
ses opérations militaires dans les environs de Kiev et Tchernihiv pour favoriser le dialogue avec l’Ukraine.
Le représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, avait quant à lui fait état de discussions substantielles
et affirmé que les propositions claires
faites par Kiev allaient être étudiées très prochainement et soumises
au président Poutine.
M. Medinski a aussi précisé mercredi que la Russie n’a pas changé sa position de principe au sujet de la Crimée et du Donbass
: Moscou veut que Kiev reconnaisse la souveraineté russe sur la Crimée et l’indépendance des républiques séparatistes prorusses de Donetsk et Louhansk, a-t-il rappelé lors d’une entrevue à la télévision russe.

À Kramatorsk, en Ukraine, un homme se recueille sur le cercueil d’un enfant de trois ans mort avec ses parents lorsque leur véhicule a été attaqué. Ils tentaient de fuir la ville de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine. Photo : La Presse Canadienne/AP/Andryi Andriyenko
Le négociateur russe a cependant reconnu que l’Ukraine répond à des demandes clés de Moscou en se disant prête à devenir neutre, à n’héberger sur son sol aucune troupe ou base militaire étrangère, à renoncer aux armes de destruction massive.
« L’Ukraine a déclaré qu’elle était prête à remplir ces engagements fondamentaux sur lesquels la Russie insiste depuis des années. Si ces obligations sont respectées, alors la menace de créer une tête de pont de l’OTAN en territoire ukrainien sera éliminée. C’est l’essence, la signification et l’importance du document provisoirement agréé […] au plus haut niveau par l’Ukraine. Cependant le travail continue, les négociations se poursuivent. »— Une citation de Vladimir Medinski, négociateur russe
Le négociateur ukrainien Mykhaïlo Podolyak a plutôt déclaré mercredi en point de presse qu’il éprouve un sentiment d’optimisme sur le cycle de négociations d’Istanbul
, lors duquel Kiev a proposé de devenir un pays neutre en échange de garanties de sécurité.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’était plutôt montré sceptique quelques heures plus tôt. Nous pouvons qualifier de positifs ces signaux que nous entendons lors des négociations
, a-t-il déclaré dans son discours vidéo nocturne au peuple ukrainien. Mais ces signaux ne font pas taire les explosions d’obus russes.

Un marché de Tchernihiv détruit par un bombardement russe. Photo : La Presse Canadienne/AP
Tchernihiv bombardée toute la nuit
Sur le terrain, la promesse d’une désescalade ne s’est pas vérifiée à Tchernihiv, une ville du nord-est du pays qui comptait près de 300 000 habitants avant la guerre. Dans un message publié sur Telegram, le gouverneur de la région, Viacheslav Chaus, affirme plutôt qu’elle a fait l’objet de bombardements d’artillerie et aériens
.
« La soi-disant réduction de l’activité dans la région de Tchernihiv a été démontrée par les frappes ennemies, y compris les frappes aériennes sur Nizhyn, et toute la nuit ils ont bombardé Tchernihiv. Des infrastructures civiles, des bibliothèques, des centres commerciaux, de nombreuses maisons ont été détruits à Tchernihiv. »— Une citation de Viacheslav Chaus, gouverneur de la région de Tchernihiv
Est-ce qu’on croit [à la promesse de réduire les activités militaires]? Bien sûr que non
, a encore dit le gouverneur Chaus, selon qui les habitants de la ville étaient privés d’eau et d’électricité.
Cela confirme une nouvelle fois que la Russie ne cesse de mentir
, a commenté le maire de Tchernihiv, Vladyslav Atroshenko, sur CNN. Ils ont en fait augmenté l’intensité de leurs frappes
, a-t-il ajouté, évoquant une attaque de mortier colossale
dans le centre-ville qui a fait selon lui 25 blessés. Ces chiffres ne peuvent être vérifiés de source indépendante.
Le maire adjoint de Kiev, Mykola Povoroznyk, a toutefois confirmé que la capitale n’a pas été bombardée au cours de la nuit. La nuit s’est déroulée dans un calme relatif, au son des sirènes et de tirs d’armes à feu provenant des combats autour de la ville, mais il n’y a pas eu de bombardements à Kiev
, a-t-il indiqué à la BBC.

Le président Zelensky s’est adressé mercredi aux parlementaires norvégiens, comme il l’a fait dans plusieurs autres pays, dont le Canada et les États-Unis, au cours des dernières semaines. Photo : La Presse Canadienne/AP/Heiko Junge
Washington et Londres ont aussi signalé au cours des dernières heures qu’ils étaient sceptiques face aux engagements russes de désescalade, en observant que les troupes russes aux alentours de la capitale étaient déjà en recul, en raison de contre-offensives ukrainiennes.
Selon un conseiller de la présidence ukrainienne, Oleksiy Arestovitch, la Russie déplace des troupes du nord vers l’est de l’Ukraine pour tenter d’encercler les forces adverses, tout en laissant une partie autour de Kiev afin d’empêcher les Ukrainiens d’acheminer des renforts vers l’est.
Le maire d’Irpin, Oleksandr Markushyn, a quant à lui fait savoir mercredi qu’entre 200 à 300 civils de cette banlieue située au nord-ouest de la capitale ont perdu la vie avant la contre-offensive ukrainienne. Une cinquantaine de combattants ukrainiens ont aussi été tués à Irpin, et des cadavres sont toujours sous des décombres.
Irpin a aussi été la cible de bombes russes dans la nuit de mardi à mercredi, a-t-il dit.
Le pilonnage se poursuit dans le Donbass
Les bombardements russes se poursuivent sans relâche dans la région du Donbass, où Moscou a déjà annoncé qu’elle allait désormais concentrer ses efforts. Cela inclut la ville martyre de Marioupol, sur la mer d’Azov, et les régions de Donetsk et Lougansk, en partie aux mains de séparatistes prorusses depuis 2014.
Selon la chargée des droits de la personne auprès du Parlement ukrainien, Lioudmyla Denissova, les forces russes ont notamment bombardé délibérément un bâtiment du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Marioupol
, ville encerclée depuis déjà plusieurs semaines.
Les avions et l’artillerie ennemis ont bombardé le bâtiment, marqué d’une croix rouge sur fond blanc, ce qui signifie la présence de blessés, de biens civils ou humanitaires
, a-t-elle ajouté, disant ne pas disposer d’informations concernant les victimes
.

Une femme transporte une bouteille d’eau alors que des travailleurs d’urgence interviennent sur les lieux d’un bombardement d’un immeuble résidentiel à Donetsk, en Ukraine, le 30 mars 2022. Photo: Reuters/Alexander Ermochenko
C’est un entrepôt qui était vide, car toute [l’aide] qu’elle contenait avait déjà été distribuée à la population
, a expliqué un porte-parole de la Croix-Rouge, Frédéric Joli, en entrevue à Tout un matin. La Croix-Rouge n’a plus de personnel à Marioupol depuis une semaine, a-t-il souligné.
« On ne sait pas si c’est effectivement notre entrepôt qui a été touché, quelle est la nature des dégâts et s’il peut y avoir des blessés à la périphérie de cet entrepôt. »— Une citation de Frédéric Joli, porte-parole de la Croix-Rouge
Selon le gouverneur de Donetsk, Pavlo Kirilenko, l’armée russe a pilonné presque toutes les villes situées sur la ligne de front dans le Donbass.
Les forces russes ont aussi bombardé des secteurs résidentiels à Lysychansk, dans la région de Lougansk, selon ce qu’a écrit le gouverneur régional, Serhiy Haidai sur son compte Telegram.
Des édifices de plusieurs étages ont été détruits de manière significative
et des victimes ont été signalées
aux autorités, a-t-il dit. Les informations sur le nombre de personnes mortes et blessées sont en train d’être précisées. Il y a beaucoup de décombres
.
Par Radio-Canada avec les informations de Agence France-Presse, Reuters et BBC