Emmanuel Macron a prôné lundi « l’humilité » et la « responsabilité » de l’action de la France en Afrique, refusant la « compétition » stratégique imposée selon lui par ceux qui s’y s’installent avec « leurs armées, leurs mercenaires », dans un discours sur la nouvelle politique africaine de l’Hexagone.
« Beaucoup voudraient nous inciter à entrer dans une compétition, que je considère pour ma part comme anachronique (…). Certains arrivent avec leurs armées et leurs mercenaires ici et là », a-t-il déclaré dans une allusion à peine voilée à la Russie et au groupe de mercenaires russe Wagner, proche du Kremlin et déployé notamment en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s’en défende.
« C’est le confort des grilles de lecture du passé : mesurant notre influence aux nombres de nos opérations militaires, ou nous satisfaire de liens privilégiés exclusifs avec des dirigeants, ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant », a-t-il ajouté. « Ce temps là a vécu ».
« Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays du continent africain, a-t-il martelé lors d’un discours à l’Elysée à la veille d’une tournée africaine.
Le président français doit enchaîner mercredi avec une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale: le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo (RDC). Lors de la première étape, à Libreville, il participera à un sommet sur la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo.
Le discours intervient aussi après la fin de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel et le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso. Ces deux pays sont désormais contrôlés par des juntes militaires et un sentiment d’hostilité à l’égard de la France y est vivace.
Sur le plan militaire, le président a fait état d’une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et un « nouveau modèle de partenariat » impliquant une « montée en puissance » des Africains.
« La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans (les bases militaires françaises) de nos partenaires africains », a-t-il assuré.
« Pas un pré carré »
La France déploie encore quelque 3.000 militaires dans la région, notamment au Niger et au Tchad, après y avoir compté jusqu’à 5.500 hommes, mais elle entend ré-articuler son dispositif vers des pays du golfe de Guinée, gagnés par la poussée jihadiste, et être moins visible sur le terrain.
Dans cette région, et sur l’ensemble du continent, l’influence de la France et des occidentaux est contestée par la Chine et la Russie. Ainsi, trois des quatre pays que visitera le président français – Gabon, Congo et Angola – se sont abstenus jeudi dernier lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU exigeant le retrait russe d’Ukraine.
L’Afrique n’est pas un « pré carré », il faut passer d’une « logique » d’aide à celle d’investissement, a ajouté Emmanuel Macron.
Le discours de lundi faisait écho à celui de Ouagadougou, en 2017, dans lequel Emmanuel Macron avait marqué sa volonté de tourner la page avec la politique africaine post-coloniale de Paris, la « Françafrique », empreinte de collusions politiques et de liens sulfureux, et tendu la main à une jeunesse africaine de plus en plus méfiante vis-à-vis de la France.
Le président, se présentant comme le dirigeant d’une nouvelle génération, avait alors dénoncé devant 800 étudiants les « crimes incontestables » de la colonisation et appelé à une « relation nouvelle » avec l’Afrique, un pacte qu’il entend élargir à l’Europe.
En juillet, Emmanuel Macron avait déjà effectué une tournée au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau. Il entend poursuivre ses visites sur le continent « quasiment tous les six mois, voire davantage ».
Lundi, il a aussi annoncé « une loi cadre » pour « procéder à de nouvelles restitutions » d’oeuvres d’art « au profit des pays africains qui le demandent ».
Cette loi « sera proposée dans les prochaines semaines par la ministre de la Culture à notre Parlement » et « permettra de fixer la méthodologie et les critères pour procéder » à ces restitutions, « reposant sur un partenariat culturel et scientifique pour accueillir et conserver ces oeuvres », a poursuivi le chef de l’Etat français, en indiquant souhaiter « que cette démarche puisse s’inscrire dans une dynamique plus large et également une dynamique européenne ».
Avec la guerre en Ukraine, de nombreux pays africains sont exposés à des risques de pénurie de produits pétroliers. Le continent ne disposant pas d’infrastructures de stockage suffisantes pour répondre à la demande en temps normal, qui peut dire ce qu’il en serait en cas de disette générale ?
Nous l’avions déjà indiqué dans une précédente tribune sur ce même site : la crise énergétique que traverse le monde – à plus ou moins grande échelle –, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a ouvert les débats sur la sécurité des approvisionnements en gaz naturel dans plusieurs pays d’Europe fortement dépendants des importations de gaz russe pour leurs industries et le chauffage domestique.
Désormais, si l’Amérique du Nord – gros producteur et détenteur de capacités de stockage stratégique d’envergure – et le Moyen-Orient, important producteur et faible consommateur, semblent relativement épargnés, les pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique subissent eux aussi les conséquences de cette crise mondiale à degrés différents.
Pour les pays importateurs de gaz naturel – les plus affectés –, l’un des effets de cette pénurie a été la recherche de sources alternatives d’approvisionnement. Et cela n’est pas aisé car ce sont des projets qui exigent de lourds investissements en infrastructures, qu’il s’agisse de gazoducs ou d’usines de liquéfaction, de navires méthaniers et de terminaux de regazéification pour la chaîne GNL. De plus, les volumes exportés sont compromis sur des contrats de livraison à long terme, laissant peu de marge pour des opérations spot… quoique celles-ci soient de plus en plus courantes dans le cas du GNL.
Pression sur les prix
Ainsi, le choix de substitution du gaz en Europe s’est donc porté sur les produits pétroliers, la remise en service de centrales au charbon et même le nucléaire. Cela a eu pour effet de reporter les objectifs européens de politique environnementale d’émissions zéro de CO2. À court terme, il est clair que les produits pétroliers offrent une solution plus immédiate et plus souple car leur utilisation est technologiquement dominée. Cependant, cela a créé aussi une pression sur les prix internationaux du brut et des produits pétroliers, qui ont fini par affecter tous les pays importateurs. C’est le cas notamment de nombreux pays d’Afrique, qui se voient subitement entrainés dans une crise qui leur semblait lointaine au départ. Ainsi, en plus de la difficulté de se procurer des produits pétroliers de plus en plus chers – essence, gazole, GPL en particulier –, si la plupart des pays africains ne disposent déjà pas d’infrastructures de stockage suffisantes pour répondre à la demande en temps normal, qui peut dire ce qu’il en sera en temps de pénurie?
Les conséquences d’un risque de rationnement ou de manque de produits pétroliers peuvent non seulement ralentir, voire paralyser, certaines activités économiques et faire flamber les prix – avec les conséquences sociales que l’on imagine –, mais peuvent également créer un climat d’insatisfaction politique généralisée avec l’inflation qui en résultera. Dans le secteur domestique, cela peut signifier un retour à la consommation de bois pour la cuisson et un retrait dans les objectifs de pénétration du GPL à plus grande échelle.
Sortir des sentiers battus
Une politique d’augmentation de la capacité de stockage stratégique des produits pétroliers semble donc une option à étudier sérieusement dès maintenant. Toutefois, les délais de fabrication et de construction de ces réservoirs de grande capacité sont relativement longs, et il convient de regarder les rares opportunités qui se présentent sur le marché.
Par exemple, nous pouvons citer le cas du projet de construction d’un grand complexe pétrochimique au Brésil, qui a été annulé il y a quelques années. Nous savons que deux réservoirs de GPL de 4 000m³ de capacité chacun – qui n’ont pas été montés et dont le fabricant assure toujours la garantie – sont disponibles pour livraison immédiate à un prix très inférieur au prix d’un réservoir commandé maintenant, pour livraison dans huit à dix mois dans le meilleur des cas. Ainsi, en plus de bénéficier d’un prix très avantageux, l’achat de ces réservoirs permettrait à l’acquéreur de mettre en service un projet de stockage de GPL dans un délai moitié moins long que pour un projet greenfield.
En général, c’est dans les périodes de crise qu’il faut sortir des sentiers battus, développer la créativité et se risquer à des solutions innovantes.
Avec Jeune Afrique par Patrick H. Drummond
Ingénieur, directeur général de ICTx Consulting, spécialisé dans le développement de projets gaziers au Brésil et en Afrique.
Ehsanullah Sahil, un réfugié afghan, a été parrainé par un groupe de Canadiens, dont Wendy Long (à droite). Il est arrivé en décembre et s’installe maintenant dans la région du Niagara, en Ontario. Photo: Radio-Canada/Michael Aitkens
Des organismes et individus qui œuvrent à faire venir des réfugiés afghans au pays lancent un cri du cœur : le gouvernement, disent-ils, doit passer à la vitesse supérieure. Un message qui s’accompagne d’idées pour accélérer le processus.
Un peu plus de 4000 Afghans ont rejoint le Canada sur les 40 000 que le gouvernement Trudeau s’est engagé à accueillir.
Parmi ceux qui sont récemment arrivés, un groupe d’environ 250 Afghans parrainés par le privé a atterri à l’aéroport Pearson de Toronto début décembre. Ehsanullah Sahil, nouvellement résident de Niagara Falls en Ontario, était dans cet avion.
Dans son cas, le périple aura duré huit ans. Le jeune homme de 33 ans a travaillé comme interprète pour les Canadiens et les Américains, jusqu’à ce qu’il soit contraint de fuir l’Afghanistan pour sa sécurité.
Arrivé en Indonésie en 2014, il a passé plusieurs années dans un camp de détention – un bâtiment conçu pour accueillir 150 personnes, mais où le double s’entassait, confie-t-il, et d’où il n’avait le droit de sortir qu’une à deux fois par année. Beaucoup de mes amis ont eu des problèmes mentaux, sont tombés malades.
C’est à travers les médias sociaux qu’il entre en contact avec des Canadiens qui deviendront ses parrains. Parmi eux, Wendy Long, fondatrice du groupe Afghan-Canadian Interpreters qui, depuis 2017 déjà, avant la création des programmes d’immigration et humanitaire spéciaux, travaillait à relocaliser des Afghans.
Sahil est un des premiers interprètes pour qui j’ai pu faire quelque chose de concret, dit-elle.
Ehsanullah Sahil est arrivé au Canada début décembre, parmi un groupe d’environ 250 Afghans parrainés par le privé. Photo: Radio-Canada/Michael Aitkens
L’ex-interprète a appris le mois dernier seulement, dans un mélange de joie et de confusion qu’il peine à décrire, qu’il s’envolerait enfin pour le Canada. Après huit ans à être sans emploi, à ne plus être traité comme un être humain, à ne pas pouvoir voyager, j’étais vraiment heureux.
Mais aujourd’hui, alors qu’il commence une nouvelle vie, il pense aussi à tous ses compatriotes restés derrière.
Je demande humblement au gouvernement canadien d’aider les gens qui sont en danger en Afghanistan le plus vite possible.
« Il n’y a plus le temps pour remplir les papiers, les formulaires, attendre. Parce que si on vous attrape, votre vie est finie. » – Une citation de Ehsanullah Sahil
Mission inachevée
Même si nous avons réussi à déplacer certaines personnes, il y a des milliers de demandeurs qui sont bloqués en Afghanistan et que nous avons l’obligation d’aider, martèle Eleanor Taylor, vétérane et directrice de programmes pour l’ONG canadienne Aman Lara.
Aman Lara travaille de concert avec un réseau d’organismes et d’individus. Ensemble, ils partagent une base de données des gens à aider. Il y a 13 000 personnes dans notre système. Et parmi ceux qui ont tenté de faire une demande pour venir au Canada, 60 % de ceux qui ont engagé la procédure par courriel n’ont toujours pas été invités à remplir les formulaires, n’ont toujours pas reçu de réponse, fait remarquer Mme Taylor.
Eleanor Taylor, de l’organisme canadien Aman Lara, mis sur pied pour protéger et évacuer des Afghans vulnérables Photo: Zoom
Et le défi, poursuit-elle, c’est que parmi ceux qui ont réussi à faire une demande, environ 40 % ont un passeport. Or ce document se révèle essentiel pour sortir du pays actuellement, notamment par la voie principale du Pakistan, qui l’exige.
Dans ce contexte le Canada doit trouver d’autres méthodes pour ces gens, estime Wendy Long, qui pense que l’affrètement de vols sur place doit à nouveau être considéré. La France vient de sortir quelques centaines de gens d’Afghanistan. J’espère que le Canada pourrait prendre des leçons.
Un réseau d’ONG
Le parcours reste aussi semé d’embûches pour ceux qui ont réussi à rejoindre un pays tiers. L’ONG Journalistes pour les droits humains a, de son côté, une liste de quelque 500 journalistes afghans vulnérables, dont environ 300 ont été évacués vers un autre État.
Pour l’instant, nous avons décidé de mettre une pause sur nos mouvements parce que ce n’est pas du tout clair ce qui va se passer avec ces gens quand ils seront dans un pays tiers, lance la directrice générale, Rachel Pulfer.
C’est là que la participation d’organismes comme le sien pourrait davantage être mise à profit, selon elle.
Elle explique qu’en vertu du système actuel, les personnes qui ont trouvé abri en dehors de l’Afghanistan doivent être recommandés, principalement par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, pour être réinstallés au Canada, ce qui prend plusieurs années.
Or, elle propose que les ONG qui sont déjà en lien avec des Afghans sur le terrain puissent elles aussi être considérées comme des agences de recommandation et ainsi valider rapidement leur statut.
Rachel Pulfer, Journaliste pour les droits humains (JDH). Photo: Radio-Canada/PierreI-Olivier Bernatchez
Il y a les ONG comme Rainbow Railroad, qui travaille avec les communautés LGBTQ, comme Afghan Women’s Organization, qui travaille avec les leaders qui sont des femmes, il y a les anciens combattants. C’est toutes des parties de la population qui sont les priorités du gouvernement. Donc, pourquoi ne pas utiliser leur savoir-faire pour faire avancer les Afghans qui sont encore dans une situation de danger.
« Les listes que nous avons sont toutes créées par des Canadiens qui ont travaillé avec [les gens] là-bas. »-Une citation de Rachel Pulfer
Corey Levine, spécialiste des droits de la personne qui a notamment travaillé avec des groupes de femmes en Afghanistan, va jusqu’à suggérer que tous les Afghans soient déclarés comme des réfugiés prima facie, ce qui leur permettrait de bénéficier d’une protection internationale sans se soumettre au processus de détermination individuelle du statut, selon le Haut Commissariat des Nations Unies sur les réfugiésHCR.
Dans tous les cas, il s’agit d’envoyer le signal aux pays tiers que le Canada est sérieux, ajoute Wendy Long. Donner des garanties à ces gouvernements (comme le Pakistan) que les gens qui sont invités par le Canada, qui passent par ces pays, vont venir au Canada assez vite. Et c’est ça, la diplomatie.
Contacté par Radio-Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté CanadaIRCC souligne que l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se concentre actuellement sur la protection humanitaire dans la région. Et nous prévoyons que les recommandations commenceront en 2022.
Il est important de se rappeler que le HCR a besoin de temps pour identifier et contrôler les réfugiés avant de recommander leurs cas au gouvernement du Canada pour réinstallation. C’est ainsi que le HCR travaille avec tous les pays d’accueil des réfugiés, note une porte-parole.
Le rôle du parrainage privé
Le modèle proposé par les organismes comme Journalistes pour les droits humainsJDH impliquerait aussi davantage le parrainage privé.
Le système de parrainage est une fabrique canadienne depuis plus de 40 ans, rappelle Corey Levine, qui pourrait être encore plus efficace avec certaines adaptations, selon elle, pour le rendre moins onéreux, moins long et moins bureaucratique.
C’est une méthode qui a été utilisée avec les Syriens alors pourquoi pas les Afghans, renchérit Wendy Long.
Wendy Long, fondatrice du groupe Afghan-Canadian Interpreters. Photo: Radio-Canada/Michael Aitkens
En faisant un parrainage, vous avez une relation avec la personne qui vient ici au Canada avant qu’elle vienne. Non seulement ça, mais par exemple Sahil est venu avec sa résidence permanente. La journée d’après on a pu prendre son numéro d’assurance sociale, il peut travailler, on a ouvert un compte de banque. Au lieu d’avoir quelqu’un dans nos hôtels pendant 4 mois où ils ne peuvent rien faire.
Collaboration et volonté
Selon ces intervenants, tous ces éléments – régler les enjeux administratifs, entretenir des liens diplomatiques, noliser des vols, collaborer avec les ONG, moderniser le système de parrainage – sont à la portée d’Ottawa.
Vendredi, près d’une vingtaine d’organisations afghanes-canadiennes ont aussi écrit une lettre ouverte au gouvernement qui contient une série de recommandations face à cette crise, entre autres la nomination d’un ambassadeur extraordinaire pour l’Afghanistan.
On a vu le gouvernement avancer de façon beaucoup plus adroite pendant la crise syrienne de 2015. Des milliers de Syriens ont été amenés au Canada en 100 jours, souligne Corey Levine.
Corey Levine, spécialiste en droits de la personne. Photo: Zoom
Nos partenaires du gouvernement travaillent très fort, mais de façon compartimentée. Il n’y a pas une agence qui repose au-dessus de ce projet. Il nous faut une construction organisationnelle qui permet d’appliquer tout le poids du gouvernement à ce problème, évalue Eleanor Taylor.
Je pense qu’il y a des choses qu’on peut faire s’il y a une volonté. Ça, c’est la chose qui est importante maintenant, conclut Rachel Pulfer, qui se dit par ailleurs inspirée par l’implication de la société civile jusqu’ici.
Le gouvernement, lui, assure qu’il reste déterminé à remplir ses engagements. Le pays accueillera un mélange de réfugiés pris en charge par le gouvernement, de réfugiés parrainés par le secteur privé et de personnes qui viennent au Canada par l’entremise de programmes de réunification familiale, rappelle une porte-parole d’IRCC.
Le Canada dit aussi qu’il continue de travailler avec toutes sortes de partenaires, y compris les pays voisins et alliés de la région, et qu’il s’engage à appuyer les Nations unies dans la coordination d’une intervention humanitaire internationale.
L’Iran a conclu samedi avec la Chine, pays « ami des temps d’épreuves », un accord de coopération stratégique et commerciale sur 25 ans aux contours mystérieux après plusieurs années de discussions.
Ce « pacte de coopération stratégique de 25 ans » a été signé par le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, et son homologue chinois, Wang Yi, en visite à Téhéran, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les grandes lignes et les détails de l’accord doivent encore être dévoilés. Tout ce que l’on sait du document signé par les deux ministres, c’est qu’il s’agit, selon Téhéran, d’une « feuille de route complète », comportant des « clauses politiques, stratégiques et économiques » pour « 25 ans de coopération ».
La signature de ce pacte illustre la priorité donnée aux relations avec « l’Est » (c’est-à-dire pour l’Iran des Etats comme la Chine, les deux Corées, l’Inde, le Japon ou la Russie) conformément à l’inflexion donnée par le guide suprême iranien Ali Khamenei en 2018 en rupture avec l’un des slogans les plus populaires de la révolution iranienne de 1979 : « Ni Ouest, ni Est, République islamique. »
Pour Pékin, l’accord s’inscrit dans son vaste projet d’infrastructures dit des Nouvelles routes de la soie lancé avec plus de 130 pays.
La Chine est le premier partenaire commercial de la République islamique d’Iran même si, selon des chiffres iraniens, le volume des échanges entre les deux pays a chuté avec le rétablissement, en 2018, de sanctions américaines contre Téhéran, dans la foulée de la dénonciation par Washington de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
« Actions appréciables »
Cité vendredi par l’agence Ilna, le chef de la chambre de commerce sino-iranienne à Téhéran, Majid-Réza Hariri, a indiqué que le volume des échanges entre Pékin et Téhéran était tombé à environ « 16 milliards de dollars » en 2020, contre « 51,8 milliards de dollars » en 2014.
La Chine, qui était l’un des principaux acheteurs du pétrole iranien avant ces sanctions a fortement réduit, officiellement, ses achats de brut en provenance de la République islamique.
Selon des informations de presse, les importations chinoises de pétrole iranien ne se sont cependant jamais taries et elles auraient même augmenté récemment.
Selon un communiqué de son ministère, « M. Zarif a qualifié la Chine d’ami des temps d’épreuves » et a déclaré à M. Wang : « Nous remercions la Chine pour ses positions et actions appréciables en ces temps de sanctions cruelles contre l’Iran. »
En recevant le ministre chinois, le président Hassan Rohani, a dit souhaiter que Pékin « continue d’être un partenaire commercial majeur avec l’Iran » et vouloir « plus de coopération dans le domaine des coentreprises », selon un communiqué de la présidence.
« Pays fiables »
M. Rohani a aussi salué l’opposition de la Chine « à l’extravagance américaine et aux sanctions unilatérales » de Washington.
La visite en Iran de M. Wang, qui a reçu il y a quelques jours son homologue russe Sergueï Lavrov en Chine, survient dans un climat de défiance renforcée de la République islamique vis-à-vis de l’Occident et dans une période de tensions persistantes entre Moscou, Pékin et Téhéran d’un côté et les Etats-Unis de l’autre depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier.
La dénonciation unilatérale par Washington en 2018 de l’accord international sur le nucléaire iranien et l’incapacité des Européens à aider la République islamique à contourner les sanctions américaines rétablies cette année-là, ou encore à relancer l’accord, ont achevé de convaincre les autorités iraniennes que l’Occident n’est pas un partenaire « digne de confiance », selon l’expression de M. Khamenei.
La genèse du pacte irano-chinois remonte à la visite du président chinois Xi Jinping à Téhéran en janvier 2016.
Téhéran et Pékin s’étaient alors engagées dans un communiqué commun « à mener des négociations pour la signature d’un accord de coopération élargie sur 25 ans » et « de coopérer et avoir des investissements réciproques dans les différents domaines, notamment les transports, les ports, l’énergie, l’industrie et les services ».
L’ayatollah Khamenei avait alors jugé « tout a fat correct et sage » ce projet, affirmant que l’Iran cherchait « à élargir ses relations avec des pays indépendants et fiables tels que la Chine ».
L’opposition ivoirienne a organisé samedi un grand meeting pour afficher son unité contre la candidature contestée d’Alassane Ouattara à un troisième mandat le 31 octobre.
C’est la fin de journée et le soleil descend doucement sur la lagune Ebrié. Davy quitte le quartier du Plateau à Abidjan où il a assisté au meeting organisé par l’ensemble de l’opposition ivoirienne. La trentaine, militant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) depuis les années 2000, il porte un t-shirt vert en l’honneur de sa formation et de son chef, Henri Konan Bédié.
Il se dit pourtant un peu déçu : « C’était important d’être là pour dire que nous sommes opposés au 3e mandat d’Alassane Ouattara. Mais j’attendais un mot d’ordre clair. Nous sommes prêts. Mais on doit savoir exactement ce qu’on attend de nous. Nos leaders ne peuvent plus se cacher. Il faut assumer. »
Ces derniers jours, les proches et communicants de Bédié ne se cachaient pas pour l’annoncer, montrant volontiers les muscles : ce meeting allait marquer le grand début de la désobéissance civile. Après avoir lancé ce mot d’ordre le 20 septembre, Henri Konan Bédié allait enfin en préciser le contenu.
Pas de grosse annonce
Prenant la parole pour clôturer l’évènement, le chef de file de l’opposition, en sa qualité de doyen et d’ancien chef de l’État, Bédié n’a pourtant fait aucune grosse annonce. Tout juste a-t-il assuré que « la dictature du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) unifié sera vaincue dans quelques jours ou quelques semaines » et appelé le « secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à se saisir du dossier ivoirien pour la mise en place d’un organe électoral indépendant crédible avant l’élection présidentielle ».
« Bédié a envie d’être candidat, mais il est coincé par la pression mise par Guillaume Soro et Laurent Gbagbo. S’il n’a pas su galvaniser les militants ce samedi, quand aura-t-il l’occasion de le faire ? Le pouvoir ne nous laissera plus nous réunir de cette manière », estime un de ses proches. L’élection est toujours prévue le 31 octobre, et la campagne doit se dérouler du 15 au 29.
Véhémence
Avant lui, les autres personnalités de l’opposition réunies au stade Félix Houphouët-Boigny s’étaient montrées bien plus offensives. Pascal Affi N’Guessan, dont la candidature a aussi été retenue, a appelé à une transition politique pour la renaissance de la Côte d’Ivoire ». « Demain et après demain, soyons en action sur le terrain pour le départ d’Alassane Ouattara », a poursuivi l’ancien Premier ministre, présent au côté d’Assoa Adou, représentant de la branche rivale du Front populaire ivoirien (FPI).
SELON LES INTERVENANTS, LES ATTAQUES CONTRE ALASSANE OUATTARA ONT PARFOIS EU DES RELENTS XÉNOPHOBES.
Albert Mabri Toikeusse et Marcel Amon Tanoh, dont les candidatures ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, se sont montrés particulièrement véhéments à l’encontre du chef de l’État ivoirien, dont ils étaient les alliés il y a encore quelques mois. « Aujourd’hui, nous devons nous lever dans les villes et les villages pour barrer la route à Ouattara », a lancé l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, évoquant « une patrie menacée par des gens sans foi ni loi », « une équipe mafieuse ».
Compagnon de route d’ADO pendant plus de trente ans, Amon Tanoh s’est adressé à celui dont il fut le directeur de cabinet et le ministre des Affaires étrangères : « Dites-lui de libérer notre pays. Nous sommes prêts à mourir pour notre pays ».
Relents xénophobes
Selon les intervenants, les attaques contre Alassane Ouattara ont parfois eu des relents xénophobes. « Nous allons le chasser de notre pays. Il va reconnaître d’« où il vient », a lancé Apollinaire N’Guessan de la plateforme Agir, à l’encontre de celui qu’il a appelé « le mosi », en référence à ses origines burkinabè. En tribune officielle, ces propos ont jeté un froid, plusieurs personnalités demandant à ce que l’intervention cesse.
S’ils n’ont pas totalement rempli le stade, les militants de l’opposition ont tout de même répondu présent. Les accès au Plateau bouclés, beaucoup ont dû marcher de longues minutes pour s’y rendre. Toute la matinée, des centaines de personnes ont ainsi défilé le long du boulevard lagunaire. Comme Ange, venu de Yopougon, tous racontaient la même histoire : « Nos véhicules sont bloqués par la police, qui veut nous faire croire que le stade est déjà plein. » Militant du FPI, Jean-Marie explique de son côté que son véhicule a été attaqué alors qu’il venait de la commune proche de Koumassi. Les organisateurs ont de leur côté annoncé que plusieurs cars de militants avaient été bloqués à Aboisso, Grand-Bassam ou Bonoua, d’autres attaqués à Yopougon ou Port-Bouët.
En cours de meeting, un jeune accusé d’être un « microbe » – nom générique donné aux enfants en conflit avec la loi – a été lynché par une foule importante. Il ne doit sa vie qu’à l’intervention du service d’ordre.
Pour la première fois depuis le début de la pandémie du nouveau coronavirus, la Suède a reconnu que ses mesures contre le virus auraient pu être meilleures.
Une commission d’enquête pour dresser le bilan du « modèle » suédois
Mercredi 3 juin, 38 589 cas de coronavirus avaient été détectés en Suède depuis le début de la crise sanitaire, et 4 468 personnes sont décédées des suites de la maladie, selon les autorités sanitaires. Par comparaison, les voisins scandinaves Danemark et Norvège -qui se sont confinés et qui comptent moitié moins d’habitants que la Suède- déplorent respectivement 580 et 237 morts du coronavirus. «Il est clair qu’il y a un potentiel d’amélioration dans ce que nous avons fait en Suède [contre le virus]. Il serait bien de savoir plus précisément ce que l’on doit stopper pour mieux prévenir la propagation de l’infection», a ajouté Anders Tegnell. Pour protéger sa population, le gouvernement suédois en avait appelé à la «responsabilité» de chacun, au respect des gestes barrière et avait encouragé le télétravail. Parmi les mesures restrictives prises, l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes, la suspension des visites dans les maisons de retraite et la fermeture des lycées et universités. Face à la pression de l’opposition, le gouvernement suédois a fait savoir lundi qu’il confierait avant l’été à une commission d’enquête la tâche d’analyser la stratégie du pays pour lutter contre la pandémie.
Henri Konan Bédié, qui vient d’officialiser son alliance politique avec Laurent Gbagbo, a accordé un entretien à Jeune Afrique. À un an de la présidentielle, il assume ses changements d’alliance, affiche ses ambitions et détaille sa stratégie politique.
« Il n’y a pas d’âge limite en politique. » À 85 ans, le sphinx de Daoukro affiche ses ambitions dans la perspective de la présidentielle de 2020, se posant désormais en opposant farouche à son ancien allié Alassane Ouattara.
Dans l’entretien qu’il a accordé le 10 septembre à Jeune Afrique, à paraître dans notre édition du 22 septembre, le patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) détaille notamment sa stratégie d’alliance avec le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo – dont le retour prochain à Abidjan a été hypothéqué par la décision de la procureure de la Cour pénale internationale de faire appel de l’acquittement prononcé en faveur de l’ancien président ivoirien.
La présidentielle en ligne de mire
Et peu importe que les deux partis, qui « travaillent désormais ensemble au sein d’une même plateforme politique », soient aux antipodes en terme idéologique, l’un étant socialiste, l’autre libéral. « C’est une entente pour travailler ensemble à des objectifs précis en vue l’élection présidentielle de 2020 », assure Henri Konan Bédié. Quant à la présidentielle, « chaque parti aura son candidat. Mais au second tour, le mieux placé recevra le soutien de l’autre », affirme-t-il.
Le président du PDCI, qui n’oublie pas de porter quelques coups de griffes à ceux des cadres qui ont rejoint le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) – « une trahison » -, revient également sur ses relations avec Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale passé à l’opposition.
Avec le président ivoirien, son ancien allié, il affirme qu’« il n’y a plus de dialogue ». « Contrairement à moi, [Alassane Ouattara] n’a pas le droit de se présenter », assène Henri Konan Bédié, qui met également en garde contre un éventuel « tripatouillage » de la Constitution qui permettrait au chef de l’État d’instaurer une limite d’âge pour les candidats à la présidentielle.
On le croyait fatigué, malade, mais Étienne Tshisekedi, opposant historique, demeure incontournable au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social. Rentré fin juillet à Kinshasa, il a entamé une refonte du parti.
Commune de Limete, 11e Rue. Devant le siège de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), un groupe d’hommes, fervents supporters d’Étienne Tshisekedi, palabre à l’ombre des manguiers. Depuis que le « Líder máximo » a fait un retour triomphal à Kinshasa, fin juillet, des jeunes viennent ici en nombre, chaque matin, pour parler politique en petit comité. Ils se font appeler « les parlementaires debouts » (surnom dont ils s’affublaient déjà sous Mobutu).
Mais, ce jour-là, les nerfs sont à vif. Personne ne sait encore ce qu’a prévu Étienne Tshisekedi pour le 19 décembre : un sit-in ou une manifestation ? Tous attendent le mot d’ordre de l’opposant historique, qui, en dépit de ses 83 ans, demeure incontournable dans le jeu politique congolais.
Le Rassemblement se renouvelle
À l’intérieur du siège de l’UDPS, des cadres du Rassemblement (la principale plateforme de l’opposition) affinent leur stratégie de protestation contre le « glissement » du calendrier électoral. Parmi eux : Jean-Marc Kabund-A-Kabund, bombardé secrétaire général du parti un mois plus tôt. À 35 ans, cet homme originaire du Katanga a été choisi par le Vieux pour lui servir de porte-voix.
Dans cette formation peuplée de caciques en tous genres, la décision de Tshisekedi a pris tout le monde au dépourvu. « L’entourage du chef a été très surpris, confirme Raph Kabengele, l’un de ses proches collaborateurs. Personne n’a été consulté en amont. Il y a quelques mois encore, Tshisekedi était perçu comme un homme très fatigué, malade, manipulé par sa famille et par ses conseillers. Mais il a démontré que c’est lui qui tient encore la baraque ! » Exit donc le doyen Bruno Mavungu, soupçonné en interne de connivence avec le camp du président Kabila, et place à de nouvelles têtes pour redynamiser un parti qui a parfois l’air d’un club de vieux et indéboulonnables barons.
Tout est allé très vite. Mavungu lui-même n’a pas vu venir son éviction. Mais Tshisekedi préparait son coup depuis quelques jours. Début août, il avait discrètement reçu Kabund dans sa résidence, avenue des Pétunias. « Le président m’a expliqué qu’il avait une mission à me confier, sans me donner plus de détails », se souvient l’intéressé.
Le 11 août, il est propulsé au poste de numéro deux de l’UDPS. Pour l’instant, il partage un bureau avec Félix Tshisekedi, mais, selon certaines indiscrétions à la présidence du parti, le fils du vieil opposant devrait bientôt être nommé secrétaire général adjoint chargé des questions politiques.
Depuis, Tshisekedi a engagé une refonte des structures du parti et chargé Kabund de lui proposer une liste de nouveaux dirigeants. « Depuis son retour à Kinshasa, Tshisekedi veut doter l’UDPS d’une équipe de combat, plus adaptée au contexte politique actuel », résume Tharcisse Loseke, un de ses conseillers.
Un climat politique précaire
Plus l’échéance du second et dernier mandat constitutionnel de Kabila approche, plus le climat politique se crispe, et les confrontations entre majorité et opposition se multiplient dans les rues de la capitale et des autres grandes villes du pays. « C’est dans cette optique qu’il a fait appel à Kabund, un jeune très engagé », renchérit Loseke. « Kabund incarne le Tshisekedi d’il y a trente ans, poursuit Kabengele. Il porte un discours antisystème, avec lequel nos militants sont en phase. »
De fait, Kabund défend mordicus la ligne radicale de Tshisekedi et fait montre de la même intransigeance que son mentor. « Pas question d’accorder ne serait-ce qu’une seconde de plus à Kabila après le 19 décembre [date de la fin de son second mandat constitutionnel] », martèle-t‑il, coiffé de ce béret popularisé par Tshisekedi et qui est aujourd’hui perçu en RD Congo comme un signe de ralliement. Combien sont-ils à le suivre ? Il est difficile d’avancer un chiffre. Une certitude : Tshisekedi n’a pas perdu sa capacité de mobilisation d’antan.
Depuis les manifestations des 19 et 20 septembre, qui ont dégénéré en affrontements entre les militants de l’UDPS et les forces de l’ordre, le vieil opposant se replace même au cœur du dénouement de la crise politique en cours. Le sphinx prend des allures de phénix qui renaît de ses cendres. Évêques et diplomates occidentaux et africains en poste à Kinshasa défilent à Limete pour le rencontrer et tenter de le persuader de rejoindre la table des négociations.
Impassible, Tshisekedi s’en tient aux préalables qu’il a posés : respect de la Constitution et de la résolution 2277 du Conseil de sécurité [laquelle recommande notamment un dialogue inclusif, nldr], libération des prisonniers politiques, cessation des poursuites contre les opposants, transformation du Groupe international de soutien au facilitateur en un panel de facilitation.
Et si la présidentielle ne se tient pas dans les délais ?
En son absence, le dialogue politique qui s’est officiellement ouvert le 1er septembre s’enlise à la Cité de l’OUA, sur les hauteurs de la capitale. Interpellée par « le sang qui a coulé à Kinshasa pour réclamer le respect de la Constitution », l’Église catholique a suspendu sa participation. Ce qui apporte davantage d’eau au moulin de Tshisekedi et de ses alliés de Genval (du nom de la commune belge où le Rassemblement a vu le jour), qui s’apprêtent à organiser, de leur côté, un conclave.
Au menu des échanges, une question : si la présidentielle ne se tient pas dans les délais – hypothèse la plus probable –, que va-t‑il se passer à l’issue du mandat du chef de l’État sortant ? « Il faut réfléchir à un mécanisme qui garantirait l’alternance dans une situation de non-organisation de la présidentielle », répond Kabund.
Le Rassemblement concocte le scénario d’une transition sans Kabila.
Autrement dit, le Rassemblement concocte le scénario d’une transition sans Kabila. Avec Tshisekedi dans le rôle-titre, celui d’un président de la République chargé de conduire le pays vers des élections apaisées. « Ce serait une belle fin de carrière politique pour un homme qui a consacré sa vie à la lutte pour l’avènement d’un État de droit en RD Congo », se permettait de rêver, le 18 septembre, Moïse Moni Della, cadre du Rassemblement. Le lendemain, il était arrêté pour avoir pris part à la grande manifestation de l’opposition.
Il n’a que 35 ans mais milite depuis deux décennies déjà au sein de l’UDPS. Originaire du Haut-Lomani, province née du démantèlement du Katanga, dans le sud-est du pays, Jean-Marc Kabund-A-Kabund a gravi un à un les échelons du parti : à Kananga d’abord (dans l’ancien Kasaï-Occidental) puis à Kamina (ex-Katanga), où il a dirigé la fédération provinciale du parti pendant huit ans et jusqu’à sa promotion au poste de secrétaire général de l’UDPS.
L’implanter dans l’un des fiefs ethniques de Kabila, lui qui était étiqueté « parti des Kasaïens », ne fut pas chose facile. Kabund a été plusieurs fois arrêté. Début 2015, il a passé un mois en prison pour avoir appelé à des protestations contre le projet de loi électorale. À Kinshasa, Bruno Mavungu, son prédécesseur, n’avait pas bronché, estimant que le parti n’était « pas concerné » par cette réforme tendant pourtant à conditionner la tenue de la présidentielle à l’organisation d’un recensement…
François Hollande au Mont-Saint-Michel, le 31 octobre. Crédits photo : Liewig Christian/Liewig Christian/ABACA
La stratégie du président qui ne produit pas encore de résultats commence à agacer au sein de la majorité.
Il a la bougeotte. À cinq semaines des régionales, et à plus d’un an de la présidentielle, François Hollande est partout. Depuis la rentrée, le chef de l’État a sillonné le territoire, à raison d’une vingtaine de déplacements. Celui de jeudi, en Lorraine, est emblématique de cette boulimie: en un seul après-midi, le président s’est rendu dans trois villes différentes et abordé autant de sujets: le service militaire volontaire, à Montigny-lès-Metz ; la rénovation urbaine, dans la banlieue de Nancy ; le logement, enfin, à l’occasion d’un discours fleuve à Nancy.
L’an dernier, à la même époque, le chef de l’État n’avait effectué que deux ou trois déplacements seulement. «L’opposition de la Manif pour tous et l’impopularité rendaient les déplacements moins faciles», reconnaît un conseiller qui veut croire que cette page est tournée. Fin août, Hollande a demandé à ses équipes de lui ficeler un agenda de reconquête. Le président savait que le temps était compté, alors que novembre et décembre seront consacrés à la conférence sur le climat, au régalien (un conseil de défense est prévu jeudi) et à l’international (Chine et Corée, Malte, Turquie).
Parallèlement, Hollande enchaîne les interventions médiatiques: Le Dauphiné libéré, Arte, RTL, Le Chasseur français… Le chef de l’État sera sur Europe 1 mardi. Il devrait également accorder un entretien à L’Express à la fin du mois sur les enjeux climatiques. Pour l’Élysée, le paysage médiatique est aujourd’hui tellement éclaté qu’il faut «varier les supports». «Il faut faire à la fois Society et Le Chasseur français», argue un conseiller. Mais d’autres proches du président s’interrogent sur «cette manière d’appréhender la société comme des segments d’un marché». «Cette stratégie est-elle payante?», s’interroge l’un d’eux.
C’est la question. Alors que Hollande ne décolle pas dans les sondages, cette communication tous azimuts suscite de plus en plus d’interrogations au sein de la majorité. «Il saute sur tout ce qui bouge, soupire le député PS Christophe Caresche. Ce suractivisme communicationnel a des effets pervers: mettre en scène son impopularité (les sifflets à La Courneuve, NDLR) et banaliser sa parole.» Sévère, un ministre ne dit pas autre chose: «Cette frénésie de déplacements est surréaliste et rend illisible son action. En période de crise, plus vous vous agitez, plus vous faites peur. Il faut au contraire faire preuve de maîtrise, rester présidentiel.»
À l’Élysée, on défend la nécessité d’aller à la rencontre des Français. «Cela correspond à l’ADN du président, explique un conseiller. Il pense que c’est la meilleure façon de faire de la politique: voir les gens…» «Hollande fait ce qu’il sait faire, ajoute un dirigeant PS. Quand il était à 3 % dans les sondages, il a fait toutes les Fêtes de la rose, tous les comices agricoles… Tout le monde disait qu’il était dingo! À la fin, il est président de la République!»
La communication présidentielle monte également en puissance sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook. Les stratèges du chef de l’État, qui surveillent ce qui se pratique outre-Atlantique, ont noté que les candidats aux primaires utilisaient massivement le réseau de photos Instagram. Ils ont donc lancé un compte en octobre. L’Élysée pourrait créer aussi un compte Snapchat, autre réseau d’échanges de photos, en novembre. «La plupart des dirigeants politiques américains en ont un maintenant», relève un conseiller, qui précise qu’Instagram et Snapchat permettent de «toucher les jeunes».
L’Élysée se convertit au «story telling»
Depuis 2012, Hollande a également fait le choix d’ouvrir grand les portes de l’Élysée. Journalistes, dessinateurs, réalisateurs ont eu accès à la vie quotidienne du palais, côté coulisses… Cette stratégie de la transparence est parfaitement assumée par un président qui répète qu’il n’a «rien à cacher». Pour ses proches, c’est aussi un moyen, espère-t-on, de rendre ce président impopulaire «accessible» et «proche des Français». Tout en restaurant une image très dégradée. Hollande n’échappe pas non plus à cette règle: plus le pouvoir s’échappe, plus est grande la tentation de le mettre en scène.
Mais la machine s’est grippée: le documentaire du réalisateur Yves Jeuland, qui a passé six mois dans les coulisses du palais, a été jugé par beaucoup, à gauche, comme contre-productif pour le chef de l’État, qui apparaît dépassé par des événements sur lesquels il semble avoir peu prise. La place accordée dans ce film à la communication et au jeune conseiller du président, Gaspard Gantzer, a également été jugée excessive par de nombreux ministres ou députés PS. Le communicant du président, qui s’est attiré des jalousies à mesure qu’il devenait incontournable au palais, assume: «Il peut exister une incompréhension des concitoyens qui ne savent pas ce qui se passe de l’autre côté. D’où l’importance d’une certaine transparence, même s’il n’est pas possible de tout montrer.»
Mais dans les rangs socialistes, on regrette que Hollande fasse «du Sarkozy». Depuis l’arrivée de Gantzer, en avril 2014, les stratèges du président s’inspirent en effet, en partie, de leurs prédécesseurs. Comme l’était Franck Louvrier, l’ex-communicant de l’Élysée (2007-2012), Gaspard Gantzer reste accessible et réactif, ce qui est précieux pour la presse. Il s’est également converti au story telling, un procédé de communication consistant à découper l’action en «séquences», afin de pouvoir raconter une histoire et donner du sens, tout en gardant la main sur l’agenda médiatique. Un procédé que les socialistes critiquaient sous le quinquennat précédent. «Une communication politique se juge à l’aune des résultats électoraux, philosophe un proche du président. Attendons de voir.»