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Le gouvernement sud-soudanais cherche à écarter Machar des négociations

juin 22, 2018

L’opposant sud-soudanais Riek Machar à Addis Abeba le 21 juin 2018 / © AFP / YONAS TADESSE

Les pourparlers de paix sud-soudanais ont pris vendredi une mauvaise tournure, le président Salva Kiir s’efforçant de marginaliser le chef rebelle Riek Machar, même s’il a dû se résoudre à une nouvelle rencontre avec lui lundi à Khartoum.

Les différents acteurs d’une guerre civile déclenchée en décembre 2013, deux ans après l’indépendance du pays, et qui a fait des dizaines de milliers de morts, près de quatre millions de déplacés et provoqué une crise humanitaire catastrophique, continuent à souffler le chaud et le froid.

Mercredi soir, la rencontre à Addis Abeba entre Salva Kiir et Riek Machar avait laissé percer l’espoir qu’une solution négociée soit bientôt trouvée. Il s’agissait de la première entrevue en deux ans entre deux personnalités dont la rivalité est à l’origine de la guerre.

Les bureaux du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui préside l’Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement), l’organisation régionale qui œuvre depuis de longs mois à réactiver le processus de paix, avaient publié des photos des trois hommes se donnant l’accolade.

Et jeudi, un sommet avait réuni à Addis Abeba plusieurs chefs d’État des pays membres de l’Igad, le Soudanais Omar el-Béchir, le Kényan Uhuru Kenyatta, le Somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, mais pas l’Ougandais Yoweri Museveni, un acteur-clé, pour accentuer encore la pression.

Vendredi, le gouvernement sud-soudanais a douché l’enthousiasme des plus optimistes en affirmant que Riek Machar, chef du SPLM-IO (Mouvement populaire de libération du Soudan – Opposition), n’avait pas sa place dans le gouvernement d’union nationale.

Le président sud-soudanais Salva Kiir (c) arrive au sommet de l’Igad le 21 juin 2018 aux côtés du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (d) et du président kenyan Uhuru Kenyatta (g) / © AFP / YONAS TADESSE

« Nous en avons assez de Riek Machar, des dommages que Riek Machar a causés aux Sud-Soudanais », a déclaré en conférence de presse à Addis Abeba le ministre de l’Information Michael Makuei, un des durs du régime.

Il a appelé M. Machar, s’il veut être président un jour, « à attendre les élections », montrant, par cette prise de position, à quel point les inimitiés sont solidement enracinées, en dépit des sourires de façade.

La guerre avait éclaté en décembre 2013 à Juba, lorsque M. Kiir, un Dinka, avait accusé M. Machar, son ancien vice-président, de l’ethnie nuer, de fomenter un coup d’État.

Avant cette semaine, les deux hommes ne s’étaient plus parlés en face-à-face depuis juillet 2016, quand avaient éclaté dans la capitale Juba d’intenses combats entre leurs troupes.

– Rencontre lundi à Khartoum –

Des Sud-Soudanaises font la queue pour des vivres dans un centre de protection des civils à Bentiu, au Soudan du Sud, le 13 février 2018 / © AFP / Stefanie GLINSKI

Ces affrontements avaient forcé M. Machar à fuir en Afrique du Sud, et signifié l’échec d’un accord de paix conclu en août 2015 ayant permis au chef rebelle d’être réinstallé au poste de vice-président.

Malgré sa rhétorique anti-Machar, le gouvernement a cependant cédé à la requête des chefs d’État de l’Igad d’organiser une nouvelle rencontre entre MM. Machar et Kiir lundi à Khartoum, au Soudan.

« C’est une décision des chefs d’État et nous la respecterons », a assuré M. Makuei. Les deux camps négocient depuis des mois sous l’égide de l’Igad, mais cette nouvelle réunion doit permettre doit permettre d’accélérer le processus.

Elle est une des principales décisions adoptées cette semaine. Elle sera suivie d’une autre rencontre à Nairobi et l’accord final devrait être signé à Addis Abeba dans un délai de deux semaines, d’après le gouvernement sud-soudanais.

Dans cet intervalle, M. Machar sera autorisé à rester dans une de ces villes, mais le gouvernement sud-soudanais a affirmé avoir obtenu de l’Igad qu’il ne puisse ensuite demeurer « dans la région ou quelque part près du Soudan du Sud ».

Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011 / © AFP / Sophie RAMIS

Parmi les différends à régler figure le poste de vice-président, occupé actuellement par Taban Deng, un ancien allié de M. Machar qui avait fait défection en juillet 2016 avec une partie du SPLM-IO, selon un document transmis à la presse par le gouvernement.

Ce texte indique notamment qu' »aucun compromis sur le partage du pouvoir » au sein du gouvernement n’a été trouvé et qu’un désaccord persiste sur « le calendrier pour l’unification des forces armées ».

Le SPLM-IO a condamné les « propos irresponsables » de M. Makuei, estimant qu’ils étaient destinés à « faire dérailler le processus de paix ». La rébellion avait dès jeudi fait part de ses propres réticences, qualifiant d' »irréaliste » la manière dont sont menés les actuels efforts de paix.

Ce conflit a depuis le début été marqué par des revirements en tout genre, comme en témoigne le dernier cessez-le-feu en date, scellé le 24 décembre à Addis Abeba sous l’égide de l’Igad, et violé dès son entrée en vigueur.

Et malgré la pression internationale, rien ne dit que M. Kiir soit disposé à faire des concessions, ses forces semblant en passe de prendre le dessus militairement face à une rébellion de plus en plus éclatée.

Romandie.com avec(©AFP / 22 juin 2018 14h26)

Treize téléspectateurs d’un match de foot tués dans un bar de Juba

novembre 7, 2016

Juba – Une fusillade dans un bar de Juba pendant la retransmission d’un match du championnat anglais de football, samedi soir, a fait au moins treize morts, a déclaré lundi la police de la capitale sud-soudanaise.

Un précédent bilan faisait état de huit morts mais plusieurs personnes ont succombé à leurs blessures et le drame a fait 13 morts et 10 blessés, a indiqué à l’AFP le porte-parole adjoint de la police de Juba, Kwacijwok Dominic Amondoc.

La fusillade a été déclenchée selon par lui par un homme furieux de s’être vu demander un droit d’entrée à 45 centimes d’euros (0,5 dollar) dans ce bar qui retransmettait le match de première ligue entre les équipes de Chelsea et Everton.

Un homme ivre a voulu rentrer dans le bar et en a été empêché par le gérant qui lui a demandé de payer. Il est parti furieux, mais il est revenu avec une arme et a commencé à tirer au hasard, a précisé M. Amondoc.

La fusillade s’est produite vers 21H00 (18H00 GMT) dans un bar de Gure, un quartier pauvre dans la périphérie sud-ouest de Juba.

Wani Patrick qui se trouvait dans le bar a été blessé à la main.

Quand j’ai été touché, je suis tombé et des gens sont tombés sur moi. Je n’ai pu me relever que lorsqu’il a eu fini de vider son chargeur, a-t-il rapporté à l’AFP depuis l’hôpital de Juba où il est soigné. Beaucoup de gens ont été touchés par balle, beaucoup de gens sont morts, a-t-il ajouté.

L’homme est parvenu à s’enfuir. Une enquête est en cours, a précisé le ministre adjoint de l’Information, Paul Akol Kordit.

C’est très regrettable et le gouvernement condamne cet acte dans les termes les plus forts et nous nous engageons à faire tout notre possible pour protéger notre peuple et mettre derrière les barreaux ces gens qui tuent des innocents sans aucune raison, a-t-il ajouté.

L’insécurité dans la capitale sud-soudanaise s’est détériorée depuis le début de la guerre civile il y a trois ans, avec la présence de milices armées et de gangs criminels.

Juba a été le théâtre de violents affrontements début juillet entre les forces du président Salva Kiir et celles du chef rebelle Riek Machar, qui ont fait des centaines de morts. Les violences se poursuivent depuis dans plusieurs régions du pays.

Romandie.com avec(©AFP / 07 novembre 2016 14h03)

Un journaliste sud-soudanais abattu à Juba

août 20, 2015

Juba – Un journaliste sud-soudanais a été abattu par des inconnus, dans ce qui ressemble à un assassinat ciblé, ont annoncé jeudi des confrères de la victime, précisant que son argent et son téléphone mobile n’avaient pas été volés.

Peter Moi, reporter du quotidien indépendant New Nation, a été abattu mercredi soir à Juba, après avoir quitté son travail. Ce meurtre intervient quelques jours après que le président sud-soudanais Salva Kiir eut publiquement menacé de tuer les journalistes travaillant contre le pays.

La liberté de la presse ne signifie pas que vous pouvez travailler contre le pays, avait lancé M. Kiir à des journalistes à l’aéroport de Juba, où il embarquait à destination de la capitale éthiopienne Addis Abeba pour d’ultimes pourparlers en vue de mettre fin à la guerre civile qui ravage le Soudan du Sud depuis 20 mois.

Si certains d’entre vous (journalistes) ne savent pas que ce pays a déjà tué des gens, nous allons le démontrer un jour, avait menacé le chef de l’Etat, des propos rapportés par le Comité de Protection des journalistes (CPJ).

Selon le CPJ, citant des journalistes locaux, ces menaces répondaient à des critiques sur le caractère stérile et interminable des négociations d’Addis Abeba.

La police n’a fait aucun commentaire dans l’immédiat concernant ce meurtre.

En revanche à Washington, le porte-parole du département d’Etat John Kirby s’est déclaré très préoccupé et a réclamé aux autorités sud-soudanaises une enquête rapide et minutieuse.

Il a demandé aussi au président Kiir de renier ses propos menaçant contre des journalistes.

Plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud a proclamé son indépendance en juillet 2011, après plus de deux décennies de conflit contre Khartoum. Il a replongé dans la guerre depuis le 15 décembre 2013, quand des combats ont éclaté au sein de son armée, minée par des antagonismes politico-ethniques alimentés par la rivalité à la tête du régime entre M. Kiir et son ancien vice-président Riek Machar.

Les organisations de défense de la liberté de la presse ont mis en garde à plusieurs reprises contre le climat d’intimidation qui règne au Soudan du Sud et la volonté de tuer dans l’oeuf tout débat sur les moyens de mettre fin à la guerre civile, marquée par de nombreux massacres et atrocités, qui a fait des dizaines de milliers de morts.

Début août, les forces de sécurité avaient fait fermer deux journaux et une radio, leur reprochant selon des journalistes, d’avoir fait campagne pour l’accord de paix, signé lundi à Addis Abeba par les rebelles mais pas par M. Kiir et que le gouvernement a depuis qualifié de capitulation inacceptable.

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, dont le pays est le parrain de l’indépendance du Soudan du Sud, a appelé mercredi le président Kiir et ce dernier lui a assuré qu’il comptait signer l’accord de paix d’ici 15 jours, avait rapporté mercredi le département d’Etat.

Washington, impliqué depuis 18 mois pour trouver un règlement au conflit sud-soudanais, a remis ces jours-ci la pression sur le président Kiir, brandissant la menace de sanctions à l’ONU.

Romandie.com avec(©AFP / 20 août 2015 23h22)

L’ONU promet d’empêcher le Soudan du Sud de devenir « un autre Rwanda »

mai 1, 2014
Une Soudanaise et son enfant souffrant de malnutrition à Juba, le 14 mars 2014. © Ivan Lieman

Une Soudanaise et son enfant souffrant de malnutrition à Juba, le 14 mars 2014. © Ivan Lieman

L’ONU empêchera un génocide au Soudan du Sud, un pays « au bord de la catastrophe », ont averti mercredi à Juba des responsables des Nations Unies, avertissant les dirigeants des deux camps qui s’affrontent qu’ils seraient tenus responsables des massacres et de la famine qui menace.

« Le mélange mortel de griefs mutuels, d’appels à la haine et de tueries de représailles (…) semble prêt à entrer en ébullition et (…) ni les dirigeants sud-soudanais ni la communauté internationale ne semblent réaliser à quel point la situation est désormais dangereuse », a déclaré la Haut Commissaire de l’ONU au droits de l’Homme, Navi Pillay.

Les combats qui opposent depuis la mi-décembre l’armée fidèle au président Salva Kiir aux troupes loyales à son ancien vice-président Riek Machar se sont accompagnés de massacres et d’exactions contre les civils sur des bases ethniques. A la rivalité entre MM. Kiir et Machar, se greffent de vieux antagonismes entre Dinka et Nuer, les deux principales communautés du pays dont ils sont respectivement issus.

De récents massacres de civils à Bentiu (nord-est) et Bor (est) ont « mis en évidence combien le Soudan du Sud est proche du désastre », a insisté Mme Pillay, à l’issue d’une visite de deux jours dans le plus jeune pays du monde, indépendant depuis juillet 2011.

Des « appels à la haine » et des tueries « sur des bases ethniques » laissent craindre que « ce conflit dérape dans une violence grave qui échappe à tout contrôle », a de son côté estimé le Conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng, qui accompagnait Mme Pillay.

Photo du 29 avril 2014 délivrée par la Mission des Nation unies au Sud Soudan (Unmiss) de la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Navi Pillay (d) et du conseiller spécial pour la prévention des génocides, Adama Dieng (g) au Sud Soudan. © Isaac Alebe Avoro

Les leçons de l’histoire

Il a assuré que l’ONU prendrait « toutes les mesures possibles » pour « protéger les populations (sud-soudanaises) d’un autre Rwanda », en référence au génocide qui y fit quelque 800.000 morts en 1994, essentiellement dans la minorité tutsi, et que l’ONU fut incapable d’empêcher.

« Le président (…) et Riek Machar (…) doivent prendre leurs responsabilités » pour empêcher des exactions et « nous devons nous assurer que les responsables des crimes commis ici en répondent », a-t-il dit.

« L’actuelle culture de l’impunité ne peut que miner nos efforts. Nous avons appris cela à nos dépens (…) notamment du génocide perpétré il y a 20 ans au Rwanda », a-t-il souligné.

Des enquêtes vont déterminer « ce que les chefs politiques et militaires savaient, auraient dû savoir, ou s’ils se sont abstenus de prendre des mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher des crimes de guerre ou contre l’humanité », a rappelé Mme Pillay.

La Haut-Commissaire, qui a rencontré MM. Kiir et Machar, a dénoncé leur apparente indifférence aux souffrances de leurs concitoyens, dont plus d’un million ont été chassés de chez eux, mais aussi la « lenteur à agir » de la communauté internationale.
L’appel à une trêve en mai, lancé mardi par le responsable des opérations humanitaires de l’ONU pour éviter une famine qui menace un million de personnes a reçu « un accueil tiède » de MM. Kiir et Machar, a également indiqué Mme Pillay.

« J’ai été atterrée par l’apparente indifférence affichée par les deux dirigeants concernant le risque de famine », a-t-elle expliqué.
« La perspective d’infliger faim et malnutrition à grande échelle à des centaines de milliers de leurs concitoyens, en raison de leur incapacité personnelle à résoudre leurs différends pacifiquement, n’a pas semblé les toucher beaucoup », a-t-elle ajouté.

La pression de John Kerry

Elle a par ailleurs ajouté que « plus de 9.000 enfants ont été recrutés au sein des forces armées des deux camps » – des faits constitutifs de crimes de guerre – et dénoncé les attaques contre des centres de soins, les viols et enlèvements de femmes et filles, ainsi que le meurtre d’enfants lors de massacres de civils commis tant par l’armée que par les forces pro-Machar.
« Jusqu’où cela doit-il encore empirer avant que ceux qui peuvent mettre fin à ce conflit, particulièrement le président Kiir et M. Machar, décident de le faire? », a interrogé Mme Pillay.

Des négociations à Addis Abeba ont accouché d’un cessez-le-feu mi-janvier, qui n’a jamais été respecté. Une deuxième phase, entamée mi-février et deux fois suspendue faute d’avancées, a repris lundi autour de points de procédure.

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry est arrivé mercredi soir à Addis Abeba dans le cadre d’une tournée africaine où le Soudan du Sud aura la priorité. Il devrait accentuer la pression sur les dirigeants des deux camps belligérants, les Etats-Unis étant les parrains de l’indépendance Soudan du Sud et principal soutien du jeune Etat.

Jeuneafrique.com avec AFP

Le Soudan du Sud devient le 193e Etat membre des Nations unies

juillet 14, 2011

Moins d’une semaine après son indépendance, le Soudan du Sud est devenu jeudi le 193e Etat membre des Nations unies, mais le jeune pays, où tout est à construire, rejoint aussi les rangs des nations les plus pauvres du monde malgré son pétrole.

« Je déclare le Soudan du Sud membre des Nations unies », a proclamé Joseph Deiss, président de l’Assemblée générale, après un vote par acclamation.

« Bienvenue au Soudan du Sud! Bienvenue dans la communauté des nations! », a lancé le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. « Tous ceux qui ont subi la longue guerre civile. Tous ceux qui ont perdu tant d’êtres aimés. Tous ceux qui ont quitté leur maison et fui leur communauté, tous ceux qui ont gardé espoir, vivent aujourd’hui un moment historique ».

Le Soudan du Sud a proclamé samedi son indépendance devant des dizaines de milliers de Sudistes en liesse et un parterre de dirigeants étrangers, après un conflit de près d’un demi-siècle avec le Nord ayant fait des millions de morts.

Concernant les relations entre le Nord et le Sud, Ban Ki-moon a encore souligné que « le bien-être et la prospérité de chacun dépend de l’autre. Le Sud et le Nord partagent un destin commun. Ils doivent envisager l’avenir comme partenaires, et non comme rivaux », a-t-il dit.

La communauté internationale, Etats-Unis, Chine, Russie et Union européenne en tête, a rapidement reconnu ce nouveau pays africain, figurant parmi les plus pauvres au monde malgré ses vastes ressources pétrolières, et l’a assuré de son soutien.

L’ONU va s’investir lourdement dans ce pays pour contribuer à en construire les infrastructures inexistantes.

Pour cela, le Conseil de sécurité a voté l’envoi de 7. 000 Casques bleus auxquels s’ajouteront 3. 700 civils et 3. 000 personnes du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) et du Programme de l’ONU pour le Développement (PNUD), selon un diplomate onusien.

« Il n’y a rien, pas de ministère, quelques dizaines de kilomètres de routes asphaltées. Tout est à faire. Il faut créer les structures d’un Etat à partir de presque zéro », a souligné ce diplomate.

Ce sera la tâche de l’ONU et de sa mission, la Minuss, la Mission des Nations unies en République du Soudan du Sud, aidée par des experts et techniciens venus de l’étranger, pays en développement et pays développés, pour apporter leur expertise, explique un responsable des forces de maintien de la paix.

Mais le Soudan du Sud a une richesse: son pétrole. Il a des réserves évaluées à 6,7 milliards de barils.

Il en produit relativement peu, 500. 000 barils/jour, qui sont transportés par oléoduc vers Port Soudan. C’est cependant un pétrole d’assez mauvaise qualité, lourd, qui se solidifie au contact de l’air. Les revenus du pétrole sont évalués à 9 milliards de dollars par an.

D’autre part, le Soudan du Sud a plusieurs dossiers à régler avec son voisin du Nord, en particulier celui des frontières. Plusieurs endroits sont litigieux et un accord cadre a été conclu entre le Nord et le Sud en juin pour le déploiement d’observateurs à la frontière. Il y en aurait 2. 500, mais rien n’a été négocié dans le détail.

Un autre dossier est le partage des richesses. Le pétrole se trouve au Sud et représente 98% des ressources du Sud mais les installations pétrolières sont toutes dans le Nord qui veut un partage des revenus.

Le Soudan du Sud a une superficie de 589. 745 km2, soit 24% de l’ancien Soudan. A la différence du Nord musulman, le Sud est essentiellement chrétien.

Il a voté la sécession avec le Nord en janvier 2011 à 98,83%, en vertu d’un accord de paix conclu en 2005 après deux décennies de guerre civile qui a fait quelque deux millions de morts et quatre millions de déplacés.

Jeuneafrique.com avec AFP

Sud-Soudan: Une chance pour la femme

juillet 9, 2011

Après des années de conflits avec le nord du pays, le Sud-Soudan devient, ce 9 juillet, un état indépendant. Mais les chantiers sont énormes. Les femmes, qui représentent 65 % de la population du pays, sont les premières victimes d’une situation sanitaire déplorable : une Sud-Soudanaise sur sept meurt en couches. État des lieux avec Jean-Pierre Marigo, chef de mission pour MSF à Juba.

Lefigaro.fr/madame. – MSF pilote depuis 2007 un programme à l’hôpital d’Aweil, dans l’État du Nord-Bahr el-Ghazal. C’est la seule structure de soins pour 780 000 habitants. À quoi ressemble une journée dans cet hôpital ?

Jean-Pierre Marigo. – Le projet de MSF est concentré sur les soins à apporter aux mères et aux enfants. Nous faisons des accouchements, du suivi gynécologique et de grossesse, avec ou sans complications, et des césariennes en cas d’extrême urgence.

Nous sommes aussi responsables du service pédiatrique. Depuis que nous sommes là, le taux de mortalité infantile à l’hôpital est tombé de 20 % à 5 %. Le troisième volet de notre travail, c’est d’apporter un service auprès des enfants mal nourris, un problème endémique dans l’ensemble du Sud-Soudan.

Les femmes – notamment enceintes – viennent-elles facilement à l’hôpital ou attendent-elles le dernier moment ?

D’un point de vue culturel, les femmes accouchent chez elles, dans des conditions plus que précaires. L’an dernier, on a fait 2 600 accouchements à l’hôpital, ce qui représente 10 % du nombre global pour tout l’État. Au village, elles sont assistées par d’autres femmes qui font office de sages-femmes et ont appris les gestes sur le tas ou se forment entre elles. Avec pour seuls instruments quelques kits de stérilisation distribués par les Nations unies. Donc, les patientes arrivent souvent tard à l’hôpital. Il faut dire aussi que l’accès est compliqué : il n’y a qu’une centaine de kilomètres de routes goudronnées pour tout le Sud-Soudan et l’État du Nord-Bahr el-Ghazal est très étendu.

“70 % des postes médicaux ne sont pas pourvus”

Qu’en est-il de la question du personnel ? Formez-vous des locaux chez MSF ?

C’est notre problème majeur : recruter du personnel qualifié pour faire fonctionner l’hôpital. Pendant les années de conflits, les jeunes ne sont pas allés à l’école, beaucoup de Sud-Soudanais ont été déplacés, il n’y a plus de centre de formation. Aujourd’hui, on ne trouve pas d’infirmiers, pas de laborantins et surtout pas de spécialistes. MSF travaille ici depuis plusieurs décennies, mais nous avons recruté notre premier médecin sud-soudanais, il y a seulement trois mois. C’est une femme qui a fait ses études au Kenya. Il n’y a pas de faculté de médecine au Sud-Soudan. Une école pour laborantins a été ouverte, il existe une ou deux écoles de sages-femmes, et c’est tout. Selon le ministère sud-soudanais de la Santé, 70 % des postes médicaux ne sont pas pourvus. Alors, on compense par du personnel international. Mais le besoin est si énorme que l’on a dû mettre en place un programme de formation renforcé des locaux.

Une faculté de médecine pourrait-elle voir le jour dans le Sud-Soudan indépendant ?

Le ministère de la Santé a édité un plan de stratégie sur les cinq prochaines années, dans lequel il évoque les institutions de formation. Mais cela prendra encore plusieurs années.

Près de 90 % des Sud-Soudanaises ne savent ni lire ni écrire. Comment résout-on au quotidien, dans un hôpital, le problème du manque d’éducation, quand on laisse aux patients des médicaments, et donc des notices d’utilisation ?

Des agents communautaires font des réunions d’information et de sensibilisation. On donne peu de médicaments et seulement sur des périodes courtes, avec des prescriptions simples. Pour éviter que l’ignorance entraîne des erreurs, des échanges, des surdoses… on a aussi recours aux pictogrammes.

“Une large majorité de femmes a voté oui au référendum avec l’espoir d’une amélioration”

Personnellement, êtes-vous optimiste sur les chances du pays de décoller, notamment sur le plan économique ?

Il y a une réserve de pétrole importante : les trois quarts des réserves du Soudan sont situées dans le Sud. Mais l’Histoire nous a déjà montré que les ressources naturelles sont des sujets de conflits. J’essaye d’être le plus optimiste possible. C’est une chance pour les Sud-Soudanais de pouvoir gérer leur destin. Une large majorité de femmes a voté oui au référendum avec l’espoir d’une amélioration. Mais quand on regarde la situation actuelle, il y a de quoi se poser des questions. Quelques progrès sont à noter, mais la différence entre l’effort fait et les besoins sanitaires est énorme. Il y a aussi une recrudescence de violences au niveau des frontières. Et la future Constitution est déjà controversée par la société civile. Elle est critiquée notamment par les femmes parce que les garanties d’une meilleure considération leur semblent insuffisantes.

Lefigaro.fr/Madame

Le Sud-Soudan sitôtt né pense déjà à la guerre

juillet 9, 2011

Le Sud-Soudan a proclamé samedi formellement son indépendance lors d’une cérémonie officielle en présence de dirigeants étrangers. Plusieurs sujets de discorde opposent Juba à Khartoum.

L’horloge qui décompte les heures restant jusqu’à l’indépendance du Sud-Soudan ne marche plus. Vendredi matin, la grosse machine aux chiffres rouges plantée en haut d’un mât métallique au milieu de l’un des rares ronds-points goudronnés de Juba, la capitale, affichait fièrement, avec presque un jour d’avance : zéro jour, zéro heure, zéro seconde. Certains veulent voir dans ce raté le symbole d’un État mal préparé à survivre seul, mal géré et dont l’avenir est loin d’être un chemin de roses.

Nathan Deng Ajei, quant à lui, marche à grands pas, sans même un regard pour le compte à rebours détraqué. Le jeune homme est tout à sa joie et à ses espérances, comme chacun à Juba : «C’est un grand jour. Nous sommes libres. Nous n’aurons plus à subir le regard des gens du Nord, qui nous méprisaient. On va pouvoir vivre, développer notre pays.» La naissance formellement proclamée samedi de «sa» nation, la 193e du monde, était sa seule obsession. En soi, cette indépendance n’est pas vraiment une surprise. Depuis janvier dernier, et un référendum d’autodétermination remporté par plus de 98 % des voix, la partition du Soudan était entérinée. Mais ce vote ne fut qu’une étape arrachée dans le sang, après dix-neuf ans d’une guerre civile (1983-2002) qui fit plus de deux millions et demi de morts.

«C’est le début du chemin»

Depuis l’aube de ce grand jour, la ville bruisse. Aux trilles des femmes répondent les chants des hommes, qui entonnent des airs traditionnels ou le vieil hymne de guerre We Shall Never Surrender («nous ne nous rendrons jamais»). Assis sur un bout de natte crasseuse posé dans un coin de la Maison des combattants, Yapgaï écoute en agitant ses moignons. Le vétéran a laissé ses jambes au combat quelque part dans la brousse, il y a près de quinze ans.

Aujourd’hui, il ne regrette rien. «C’était pour la liberté, pour la fin de l’esclavage et pour lui», murmure-t-il, secouant la broche à l’effigie de John Garang piquée dans ses hardes. Le visage chauve et barbu de Garang, le chef historique du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), s’étale à chaque coin de la ville. C’est lui qui mena la lutte. Lui aussi qui signa, en 2005, l’accord de paix global (CPA) mettant fin aux hostilités. Il ne devait survivre que six mois à sa victoire, emporté dans un accident d’hélicoptère. Salva Kiir, son discret bras droit, désormais premier président du Sud-Soudan, a pris la suite sans parvenir à vraiment sortir de son ombre.

Samedi, c’est dans le mausolée du grand homme que se sont tenues les cérémonies de l’indépendance. Trente chefs d’État et pléthore de dignitaires au chevet du nouveau-né. Mais, derrière les sourires et les applaudissements protocolaires, sans doute beaucoup d’inquiétude. Car, dès dimanche, le Sud-Soudan plongera dans l’inconnu. «L’indépendance n’est pas l’arrivée, c’est juste le début du chemin», reconnaît Anthony Makana, le ministre des Transports sud-soudanais. Il serait difficile de le nier. Les routes demeurent rares et mauvaises.

L’enjeu du pétrole

Avec 80 % d’analphabètes et 90 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, le nouvel État est déjà l’un des plus pauvres du monde. «Le développement est très lent car le pays souffre d’un manque énorme de cadres compétents. Et les rares qui existent sont englués dans la corruption. Le Sud-Soudan risque d’être un État failli avant même d’avoir existé», analyse, un rien las, un diplomate en poste à Juba. «Nos relations avec le Nord sont plus difficiles que jamais», affirme quant à lui Rachid Badiker, un conseiller du secrétaire général du SPLM.

Le CPA a instauré une période transitoire de six ans pour préparer une division sans heurts de l’immense Soudan. «Dans les faits, depuis 2005, rien ou presque n’a été réalisé, souvent à cause de l’intransigeance de Khartoum», résume-t-on à ONU. La question de la nationalité est ainsi en suspens. «Il existe des textes qui définissent qui peut être sud ou nord-soudanais. Mais, faute d’état civil, c’est au libre arbitre de chacun, avec le risque que cela comporte», tranche un expert.

Le tracé de la frontière, longue de 2 000 km, reste flou. Y compris à Abyei. Cette enclave sudiste dans le Nord, âprement disputée, a été mise de côté lors du CPA et devait faire l’objet d’un règlement à part. Le référendum, prévu en janvier, a été reporté sine die. Derrière ces luttes se pose la question de l’accès à l’eau et au pétrole. Plus de 80 % des réserves pétrolières soudanaises se trouvent en effet dans le Sud. Mais les deux oléoducs qui permettent son exportation traversent le Nord. À ce titre, Khartoum exige de conserver 50 % de la manne et essuie un refus de Juba. Six ans de pourparlers à ce sujet n’ont permis aucune avancée. Alors, ces dernières semaines, quand l’inéluctable partition approchait, les armes se sont remises à parler. Le Sud-Soudan, tout juste né, doit déjà penser à la guerre.

Lefigaro par Tanguy Berthemet

Sud-Soudan : naissance d’une nation

juin 26, 2011

Le 9 juillet prochain devrait être proclamée l’indépendance de la région du Sud-Soudan, malgré la reprise des combats avec le Nord musulman, qui rechigne à accepter cette partition. Car ce nouvel État à dominante chrétienne suscite toutes les convoitises pour ses richesses pétrolifères. Un pays à peine né, et déjà fragilisé…

Debout au premier rang des fidèles, le prochain président du nouvel État africain du Sud-Soudan se balance doucement au rythme des cantiques. Salva Kiir, ancien guérillero en boubou violet, grand, mince, très droit, bat la mesure de ses mains fines en chantant avec les fidèles. C’est un dimanche de janvier dans la cathédrale de Juba, future capitale de 1 million d’habitants aux toits de tôle ondulée et aux rues défoncées. Un dimanche particulier: ce jour-là, l’archevêque, Mgr Paulino Lukudu Loro, célèbre aussi bien la messe que la naissance de l’Etat. Les bureaux de vote viennent de fermer. Théâtral, l’archevêque fait porter sur l’autel une urne en plastique, «symbole de toutes les urnes du Sud-Soudan», dit-il. «Je demande à ceux qui vont dépouiller de ne pas tricher», s’enflamme-t-il. Avant de conclure par une plaisanterie qui fait rire l’assistance: « Et j’espère qu’ils ne boivent pas!» En réalité, tout le monde connaît déjà le résultat: un scrutin massivement pour l’indépendance, qui se traduira par 98,83 % de votes positifs sur quelque 4 millions d’électeurs.

Le 9 juillet prochain, au terme d’une période de transition de six mois, le Sud-Soudan autonome va devenir le 193e Etat sur la carte du monde. Son chef sera catholique. Et il aura du pétrole. En se séparant du Nord, il emportera 80 % environ des quelque 500.000 barils/jour produits actuellement. L’événement est inédit. La géographie africaine contemporaine était fondée sur un interdit : on ne touche pas aux frontières de la colonisation. Le tabou a volé en éclats. Il faut dire que le Soudan, plus vaste Etat d’Afrique, grand comme presque cinq fois la France, n’a jamais vraiment constitué une nation. Sous la domination égyptienne, le Sud peuplé de pasteurs africains était vu par le Nord comme une terre de razzias et un réservoir d’esclaves. Les Britanniques, eux, tracèrent une frontière symbolique au sud de laquelle les missionnaires, particulièrement l’ordre italien des Comboni, pouvaient évangéliser librement. Et dès l’indépendance de 1956, une guerre civile Nord-Sud a commencé. La division était autant ethnique que religieuse. Les rebelles du Sud, animistes et chrétiens, mais aussi musulmans, se sont appelés Armée de libération du Soudan. Ils se sont d’abord battus pour un Soudan unifié où tous seraient égaux. Et puis, au fil des années de guerre sans merci contre un gouvernement dirigé depuis le coup d’Etat militaire de 1989 par un régime d’inspiration islamiste, le Nord a ajouté l’agenda religieux à ses griefs contre le Sud. Il a tenté de lui imposer la charia, la loi islamique. Et parmi les combattants sudistes, l’idée de l’indépendance a fait son chemin. En janvier 2005, un accord de paix parrainé par les États-Unis mettait fin au conflit. Il prévoyait un référendum d’autodétermination six ans plus tard. En août de la même année, John Garang, le chef charismatique de la rébellion sudiste, mourait dans un accident d’hélicoptère. Sa disparition a sonné le glas de l’unité soudanaise. Garang, ancien officier de l’armée soudanaise, était unioniste. Son successeur est indépendantiste.

Le peuple aussi, et, le jour du référendum, il est allé le dire jusqu’à la tombe de Garang. En janvier dernier, un bureau de vote est installé juste à côté du mausolée du héros national, respecté presque comme un saint. «Vous venez prier?» demande la sentinelle à l’entrée de l’esplanade. Mais les électeurs de Juba, eux, sont venus respectueusement confier au «Dr Garang» qu’ils ne veulent plus du Nord. «Bye bye les djellabas» disent en riant les centaines d’hommes et de femmes qui font la queue sous le soleil pendant des heures. Presque tous ont perdu un frère, un père, une mère sous les bombardements des Antonov nordistes, ou dans les raids contre villes et villages. «Ils nous ont toujours considérés comme des esclaves», dit Mary, mère de famille et veuve de combattant.

Aujourd’hui, les Dinkas, les Nuer et les Chilouk prient pour leur pays à venir. La cathédrale est une grande bâtisse en brique, surmontée à l’extérieur de l’inscription «Hic est domus Dei». L’ambiance est fervente. Des mamas en robe blanche barrée d’une écharpe verte avec l’inscription «Legio Mariae» en lettres blanches font le service d’ordre. L’archevêque répète sur tous les tons qu’aujourd’hui, c’est une prière de gratitude, l’occasion de dire merci à Dieu puisque, de toute façon, «c’est sa volonté qui est faite à travers le vote». A l’entendre, le dessein de Dieu peut même être discerné dans la mort de Garang l’unioniste. «Même la trahison de Judas fait partie de la volonté de Dieu…» La thèse de la trahison, du sabotage de l’hélicoptère du leader, jamais démontrée, connaît une grande vogue au Sud.

Vient le moment des intentions de prière. Le Président prend sa place dans la file. Il prêche le pardon. «Prions pour ceux qui sont tombés pendant le temps du combat, dit-il d’une voix grave, ajoutant: et pardonnons à ceux qui ont causé leur mort.» A Juba, le christianisme a le vent en poupe. Une université catholique, Sainte-Marie, a été inaugurée en 2009. L’église anglicane est également très présente. Un Etat chrétien et pétrolier est-il en train de naître au cœur de l’Afrique de l’Est? Sœur Roassa, religieuse espagnole dirigeant une radio subventionnée par le Vatican, n’aime pas beaucoup l’idée: «Un Etat chrétien? Il n’y en a aucun dans le monde qui se définisse comme cela. Il y a des Etats qui se définissent comme islamiques, mais chrétiens, non.» Certes, la radio est ancrée dans une histoire conflictuelle. Son nom, Bakhita FM, est celui d’une sainte qui fut esclave. Mais l’Eglise soudanaise se veut accueillante. «Il y a des musulmans au Sud, qu’ils soient originaires du Nord ou qu’ils viennent des ethnies locales. Nous en accueillons tous les jours sur nos ondes.»

Le représentant de ces musulmans du Sud qui veulent participer à l’édification de l’Etat, c’est le général El-Tahir Bior Abdallah Ajak, secrétaire général du Conseil islamique du Sud. Ex-militaire de l’armée soudanaise, il a fait défection pendant la guerre civile pour se battre aux côtés des sudistes. Lui aussi croit à la cohabitation. La preuve: «Je suis allé récemment à Djedda, en Arabie saoudite, pour plaider la cause du Sud-Soudan auprès de la Banque de développement islamique. J’étais accompagné de mon ami Victor Luol Achak, un chrétien, ministre de l’Energie dans le gouvernement autonome.» El-Tahir Ajak espère toutefois obtenir également des fonds pour ses organismes de bienfaisance islamiques. «Nous sommes contre le fondamentalisme. Nous devons attirer les gens à la religion par l’exemple.» On devine que, pour lui, le Sud-Soudan reste un champ de bataille pacifique pour la conquête des âmes païennes. «D’après des chiffres que j’ai lus, nous sommes 18% de musulmans, 17% de chrétiens, et 65% d’animistes.» Chiffres invérifiables, même si les connaisseurs de la région s’accordent pour dire que la majorité de ses habitants restent en réalité fidèles aux religions de leurs ancêtres. Car la guerre n’a pas entamé la volonté de vivre ensemble. A Tékéréké, une bourgade à trois heures de Juba, les commerçants arabes venus du Nord, nombreux au marché, n’ont pas l’intention de se rapatrier après l’indépendance. Devant la mosquée voisine, un déjeuner rassemble sous un arbre quelques éleveurs locaux. Chrétiens ou musulmans? «Un chrétien, un musulman, un chrétien…», compte l’un d’eux en riant.

Reste que la naissance d’un Etat disposant de ressources pétrolières et à forte composante chrétienne n’a rien d’anodin dans la région. Certes, sa production reste modeste comparée aux quelque 10 millions de barils/jour extraits par le géant saoudien. Mais ce pays enclavé qui aujourd’hui n’a rien, ni routes ni infrastructures, va pouvoir se développer en empruntant sur les marchés internationaux. Et sa richesse est peut-être encore à venir. «Il reste des zones immenses à explorer, dit Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes. Le Sud-Soudan ne sera jamais l’Arabie saoudite, mais il est tout de même possible de faire des découvertes importantes». Le pétrole soudanais n’est certes pas de très bonne qualité, mais quand on songe que le français Total dispose à lui seul d’un permis d’exploration de 118.000 kilomètres carrés, l’avenir semble prometteur.

Le Sud-Soudan restera pourtant lié à Khartoum, au moins dans un premier temps, pour commercialiser son pétrole. Le seul pipeline dont il dispose rejoint ce qui sera demain le nouvel État du Nord-Soudan, avec de gros frais de transit à la clé. On évoque la construction d’un oléoduc vers la côte kényane, mais rien n’est décidé tant le coût et les délais apparaissent importants. Pourtant, il suffit de regarder la capitale pour comprendre que le Sud-Soudan se tourne vers l’Est. Les cadres des amis historiques – Kenya, Ethiopie, Ouganda – ont envahi la ville. Les professeurs sont kényans, les commerçants, ougandais, les hôtels, pour l’instant installés dans des Algeco améliorés, sont presque tous tenus par des Erythréens, et souvent propriétés d’investisseurs indiens du Kenya. Les Chinois arrivent, eux aussi. La société nationale de pétrole chinoise, qui exploite l’or noir soudanais, espère bien rester. Et on a vu apparaître un Beijing Hotel et une Chinese clinic…

Cette nouvelle donne intéresse naturellement les puissances occidentales, qui espèrent la naissance d’un nouvel allié à la frontière du problématique Etat du Nord, toujours en guerre au Darfour et toujours suspecté de redevenir un sanctuaire terroriste. Le Sud-Soudan intéresse aussi beaucoup les Israéliens, ravis de voir s’ajouter un point de chute potentiel dans la région. Salva Kiir reste cependant prudent. Dans son discours à la cathédrale de Juba, il change soudain de registre pour démentir l’achat d’avions de combat israéliens, annoncé par la chaîne qatariote al-Jezira. «Ce n’est pas vrai. Ceux qui disent cela sont des ennemis du Soudan. Nous n’amènerons pas les Israéliens ici.»

Parmi les pays arabes, l’Egypte n’est pas le moins inquiet. Le Sud-Soudan contrôlera le Nil Blanc, qui rejoint le Nil Bleu à Khartoum. Mais pour l’instant, le Sud-Soudan, pas encore né, a d’autres soucis. La guerre pourrait reprendre sur les frontières, surtout dans la région disputée d’Abyei, et en d’autres endroits où les démarcations restent floues, et où des milices sudistes favorables à Khartoum ont repris les armes. Comme si le Nord ne se résolvait pas, finalement, à l’amputation d’un tiers de son territoire.

Lefigaro.fr par Pierre Prier