Posts Tagged ‘Tanzaniens’

Abdulrazak Gurnah, Nobel de littérature sans frontières

octobre 30, 2021
Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature, à Londres, le 8 octobre 2021. © Neil Hall /EPA/MAXPPP

L’écriture de ce Tanzanien de 73 ans, natif de Zanzibar, a séduit la prestigieuse académie suédoise. Au cœur de son œuvre, le sort des réfugiés et les ravages du colonialisme.

Il existe plusieurs manières de présenter le romancier Abdulrazak Gurnah, selon le point de vue d’où l’on se place. Ainsi, on peut dire qu’il est le second romancier noir d’origine africaine à recevoir le prix Nobel de littérature après le Nigérian Wole Soyinka en 1986. Mais on peut également dire qu’il est le cinquième auteur africain à recevoir cette récompense internationale après Wole Soyinka, Naguib Mahfouz (Égypte, 1988), Nadine Gordimer (Afrique du Sud, 1991) et J.M. Coetzee (Afrique du Sud, 2003).

Cela n’empêchera pas pour autant les journaux yéménites de revendiquer quelques miettes de gloire : « Gurnah a grandi en Tanzanie et a fait ses études au Royaume-Uni après y avoir trouvé refuge à la fin des années 1960, écrit Aden Time. Mais il est hadrami par ses deux parents. » Entendez : la maison de famille du prix Nobel se trouverait à Al-Dis Al-Charqiya, une ville de la province du Hadramaout, au Yemen. Quant aux Britanniques, ils voient en lui la seconde célébrité de leur pays à être née en Tanzanie, et plus précisément à Zanzibar. La première n’étant autre que le chanteur Farrokh Bulsara, connu sous le nom de scène de Freddie Mercury !

Déracinement

Bien sûr, tous ont raison, mais définir Abdulrazak Gurnah par rapport à ses origines géographiques serait commettre une lourde erreur. Né à Zanzibar en 1948, l’écrivain a en effet passé sa vie, depuis son premier roman, Memory of Departure (1987), à travailler sur la question du déracinement, de l’exil, de l’appartenance à un lieu ou à une société.

Si l’on voulait résumer sa démarche de manière abrupte, l’on pourrait dire que Gurnah écrit sur – et pour – les réfugiés de toutes origines. L’Académie Nobel ne s’y est pas trompée en le distinguant pour « son analyse pénétrante et sans compromis des effets du colonialisme et du destin des réfugiés, écartelés entre cultures et continents ».

Auteur de dix romans, écrits en anglais, cet homme discret n’a cessé de raconter les histoires de ceux qui, en général, se voient ignorés par les livres d’Histoire ou renvoyés à la masse indistincte de leur grand nombre. Des réfugiés, des étudiants, des soldats indigènes des armées coloniales connus sous le nom d’askari, des petits commerçants, des employés de maison, que beaucoup préfèrent ne pas voir mais qui ont, malgré tout, une existence pleine et entière.

UNE TERREUR VINDICATIVE S’ABATTIT SUR NOS VIES. »

Que ce soit avec By the Sea (2001) ou avec The Last Gift (2011), Gurnah s’intéresse aux réfugiés qui essaient de reconstruire leur vie au Royaume-Uni. Que laissent-ils derrière eux ? Que gardent-ils ? Que reçoivent-ils de la société qui les accueille, bon gré mal gré ?

Il sait de quoi il parle, bien entendu, puisqu’il a été contraint de fuir Zanzibar. Élevé dans la religion musulmane, il grandit sur cette île alors sous protectorat anglais. Après l’indépendance, accordée le 10 décembre 1963, une violente révolution frappe l’île, entraînant massacres et pillages, notamment à l’encontre des commerçants arabes et indiens. « Des milliers de personnes furent massacrées, des centaines furent emprisonnées et des communautés entières furent expulsées, écrit Gurnah. Avec les tourments et les persécutions qui suivirent, une terreur vindicative s’abattit sur nos vies. »

L’ÉCRITURE EST NÉE DE LA SITUATION DANS LAQUELLE JE ME TROUVAIS : PAUVRETÉ, MAL DU PAYS… »

En compagnie de son frère, Gurnah trouve le moyen de fuir vers l’Angleterre à la fin des années 1960. Il y devient enseignant à l’université du Kent, spécialiste des lettres anglaises et des études postcoloniales. « L’écriture est née de la situation dans laquelle je me trouvais, a-t-il confié au Guardian, c’est-à-dire la pauvreté, le mal du pays, l’absence de qualification, d’éducation. Quand vous êtes dans cet état de misère, vous commencez à coucher les choses par écrit. Je ne me suis pas dit : “Tiens, je vais écrire un roman”. »

Aujourd’hui à la retraite et installé à Canterbury, l’essayiste et romancier savoure une consécration qui fut longue à venir et se demande ce qu’il fera des 840 000 livres sterling [995 000 euros] que représente le prix. Son éditrice, Alexandra Pringle, se réjouit qu’une certaine injustice soit enfin réparée : « C’est l’un des plus grands écrivains africains vivants, et personne n’avait vraiment prêté attention à lui. Ça me tuait ! », a-t-elle déclaré au Guardian.

Racisme sans fard

En France, seuls trois des romans de Gurnah ont été traduits (Paradise, Près de la mer, Adieu Zanzibar) et ils ne sont, pour l’heure, plus disponibles à la vente. Un manque d’attention à une cause qui fait pourtant souvent la une des journaux ? C’est possible. Raison de plus pour en faire des romans. Au Guardian encore, Gurnah déclarait : « Le sujet des déplacements [de populations] est la grande affaire de notre époque, celle de ces gens qui doivent reconstruire et refaire leur vie loin de l’endroit où ils sont nés. Et il existe plusieurs dimensions à ce problème. De quoi se souviennent-ils ? Comment vivent-ils avec ce dont ils se souviennent ? Comment vivent-ils avec ce qu’ils trouvent ? Ou, en effet, comment sont-ils reçus ? »

LES LOIS SUR LES RÉFUGIÉS SONT SI MESQUINES QU’ELLES ME PARAISSENT CRIMINELLES. »

Lui-même, se souvient d’avoir été victime, à son arrivée, d’un racisme direct, sans fard. Si les choses semblent s’être améliorées de ce point de vue – le langage s’est policé –, le rapport aux migrants reste violent. « Nous avons de nouvelles lois portant sur la détention des réfugiés et des demandeurs d’asile qui sont si mesquines qu’elles me paraissent criminelles », dit-il.

Domination coloniale allemande

Au cœur de son œuvre, il y a aussi la question coloniale. Dans son deuxième roman, Paradise (1994), qui se déroule juste avant la Seconde Guerre mondiale et raconte notamment comment les troupes allemandes enrôlaient des Africains de force. Dans son dernier roman, Afterlives (2020), qui s’ouvre sur la rébellion des Maï-Maï (1905-1907) contre la domination coloniale allemande, et narre le destin de communautés cherchant à survivre en dépit des règles imposées par les puissances occupantes successives. L’Allemagne exerça son autorité sur le Tanganyika jusqu’en 1919, puis les Britanniques s’emparèrent du pouvoir et le gardèrent jusqu’à l’indépendance, en 1964.

Présenté ainsi, le nouveau Nobel a tout d’un écrivain engagé. Il ne faut pourtant pas le réduire à cette dimension. Si la fiction est pour lui un moyen d’informer, elle est aussi un moyen de raconter, de donner du plaisir et de rendre compte d’une expérience après tout universelle : d’une certaine manière, nous sommes tous des réfugiés ou des exilés. Gurnah, lui, n’est retourné à Zanzibar que dix-sept ans après son départ. Il était terrifié, il craignait sa réaction comme celle des autres. Mais tout s’est bien passé, tout le monde a été heureux de le revoir.

Avec Jeune Afrique par Nicolas Michel

Le prix Nobel de littérature décerné au Tanzanien Abdulrazak Gurnah

octobre 7, 2021
Le romancier Abulrazak Gurnah, en 2009 © Wikimedia / Creative Commons / PalFest

Le romancier Abdulrazak Gurnah, né en Tanzanie mais habitant au Royaume-Uni, est le premier auteur noir à recevoir la plus prestigieuse des récompenses littéraires depuis 1993.

L’auteur, connu notamment pour son roman Paradise a été récompensé pour son récit « empathique et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents », selon le jury.

Né en 1948 à Zanzibar, qu’il a fui en 1968 à un moment où la minorité musulmane était persécutée, Abdulrazak Gurnah a publié une dizaine d’ouvrages depuis 1987. Son œuvre s’éloigne des « descriptions stéréotypiques et ouvre notre regard à une Afrique de l’Est diverse culturellement qui est mal connue dans de nombreuses parties du monde », a expliqué le jury.

L’an passé, la poétesse américaine Louise Glück avait été sacrée par la plus célèbre des récompenses littéraires pour son œuvre « à la beauté austère ». Cette année, les conjectures ont beaucoup tourné autour de la promesse de l’Académie d’élargir ses horizons géographiques. Même si le président du comité Nobel Anders Olsson avait pris soin de réaffirmer en début de semaine que le « mérite littéraire » restait « le critère absolu et unique ».

Prix très occidental

Le prix est historiquement très occidental et depuis 2012 et le Chinois Mo Yan, seuls des Européens ou des Nord-Américains avaient été sacrés. Sur les 117 précédents lauréats en littérature depuis la création des prix en 1901, 95, soit plus de 80 % sont des Européens ou des Nord-Américains – avec le prix 2021, ils sont 102 hommes au palmarès pour 16 femmes.

Sur les quelque 200 à 300 candidatures soumises bon an mal an à l’Académie, cinq sont retenues avant l’été. Les membres du jury sont chargés de les lire attentivement et discrètement avant le choix final peu avant l’annonce. Les délibérations restent secrètes pendant 50 ans.

Après les sciences en début de semaine, la saison Nobel se poursuit vendredi à Oslo avec la paix, pour s’achever lundi avec l’économie.

Par Jeune Afriqueavec AFP

Des casques bleus tanzaniens soupçonnés d’abus sexuels en RDC

avril 2, 2016

La Monusco, mission de maintien de la paix de l’ONU dans le pays, a ouvert une enquête vendredi.
La Monusco, mission de maintien de la paix de l’ONU dans le pays, a ouvert une enquête vendredi. Crédits : ALAIN WANDIMOYI / AFP
La mission de maintien de la paix des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC) a annoncé vendredi 1er avril avoir ouvert une enquête sur des soupçons d’abus sexuels qui auraient été commis par des casques bleus tanzaniens dans le nord-est du pays, dernier scandale en date visant l’ONU en Afrique.

Dans un communiqué envoyé tard vendredi soir, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) indique que les accusations visent des membres de sa « brigade d’intervention » chargée de combattre les divers mouvements rebelles dans la région des Grands Lacs.

Les événements se seraient déroulés le 23 mars dans le village de Mavivi, où les premiers résultats de l’enquête « ont établi l’existence d’actes sexuels tarifés et de relations sexuelles avec des mineurs », ajoute la mission de l’ONU, sans préciser le nombre de cas concernés.

Ce nouveau scandale éclate quelques jours après de nouvelles révélations sur des abus sexuels présumés commis en République centrafricaine par des casques bleus et des soldats de la force française Sangaris, dont de possibles actes de pédophilie et traitements particulièrement dégradants infligés à des jeunes filles.

 

Lemonde.fr avec Reuters

RDC: huit prédicateurs tanzaniens musulmans enlevés dans l’Est

août 5, 2015

Goma (RD Congo) – Huit prédicateurs tanzaniens ont été enlevés le weekend dernier dans le Rutshuru, un territoire de l’est de la République démocratique du Congo où sévissent des groupes armés et où les kidnappings sont fréquents, a-t-on appris de source officielle.

Huit prédicateurs tanzaniens musulmans ont été enlevés dans la localité de Kiseguro, à 20-25 km de Rutshuru-Centre, a déclaré à l’AFP le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku. Nous avons déjà saisi notre mission des Affaires étrangères pour qu’ils puissent saisir leurs homologues de la Tanzanie, a-t-il ajouté.

Ces enlèvements, près de la frontière avec l’Ouganda, ont été confirmés par Justin Mukanya, administrateur du territoire de Rutshuru, qui n’a pas été en mesure de préciser le nombre de personnes kidnappées.

Il semble que ce sont des musulmans qui se baladaient dans le cadre de la prédication et qu’ils ont rencontré en cours de route des bandits non encore identifiés qui les ont enlevés, a précisé l’imam Masudi Kadogo, représentant de la communauté musulmane dans la province du Nord-Kivu.

La RDC est un pays majoritairement chrétien.

Les enlèvements avec demandes de rançon sont fréquents – et parfois assortis de graves violences physiques contre les otages – dans le territoire de Rutshuru, où plusieurs groupes armés sont actifs, dont les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Il y a plusieurs mois, l’imam responsable de la communauté musulmane du territoire de Rutshuru a été enlevé par l’un des groupes armés de la région, puis libéré contre une rançon, a expliqué, sans plus de détail, l’imam Kadogo.

M. Paluku a affirmé qu’il est sûr que ce sont les FDLR qui ont enlevé les Tanzaniens. Selon lui, les rebelles ont voulu lancer une mise en garde à l’attention de la Tanzanie, qui fournit des troupes à la brigade d’intervention de la Mission de l’ONU (Monusco).

Cette brigade, composée de quelque 3.000 soldats tanzaniens, sud-africains et malawites, est chargée de combattre les dizaines de groupes armés locaux et étrangers qui sévissent dans l’est de la RDC, instable depuis deux décennies.

M. Mukanya estime pour sa part que les auteurs des enlèvements sont des jeunes de la région. Je suis en contact avec la société civile du coin, qui dit que les ravisseurs demandent une rançon mais qu’ils n’ont pas encore révélé de combien, a-t-il ajouté.

En janvier, l’armée congolaise a lancé une opération contre les FDLR – alors estimés à quelque 1.500 combattants – sans le soutien de la Mission de l’ONU (Monusco), qui conditionnait son aide au changement de deux généraux congolais soupçonnés de graves violations des droits de l’Homme.

Cette brouille a sclérosé pendant de longs mois la collaboration de l’armée et de la Monusco, qui devait fournir un appui logistique, stratégique et opérationnel pour combattre les FDLR, dont des chefs sont accusés d’avoir participé au génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.

Malgré tout, et bien que les FDLR aient fui le contact avec l’armée, Kinshasa a affirmé qu’il restait moins de 400 éléments encore militairement actifs des FDLR. La Monusco estime de son côté qu’un millier de combattants FDLR sont toujours actifs.

Romandie.com avec(©AFP / 05 août 2015 13h27)