Le gouvernement tchadien a affirmé le 5 janvier au soir dans un communiqué avoir déjoué une « tentative de déstabilisation » visant à porter atteinte à l’« ordre constitutionnel et aux institutions de la République ».
« Ce plan a été élaboré par un groupe restreint de conspirateurs composé de onze officiers de l’armée avec à sa tête le nommé Baradine Berdei Targuio, président de l’Organisation tchadienne des droits humains [OTDH, créée en 2006] », a assuré le gouvernement, précisant que les services de sécurité avaient procédé à leur « interpellation à partir du 8 décembre 2022 ».
Sous mandat de dépôt
Selon Aziz Mahamat Saleh, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, « une information judiciaire a été ouverte contre ces personnes pour atteinte à l’ordre constitutionnel, association de malfaiteurs, détention illégale d’armes à feu et complicité ».
« Le juge d’instruction en charge […] a procédé à leur inculpation […] en les plaçant sous mandat de dépôt », souligne le communiqué de ses services. « La procédure judiciaire suit son cours et le gouvernement entend faire toute la lumière sur cette affaire et situer les responsabilités », conclut le ministre.
Critique à l’égard du chef de l’État
Militant connu des droits de l’homme au Tchad, Baradine Berdei Targuio avait été condamné en février 2021 à trois ans de prison pour atteinte à l’ordre constitutionnel pour avoir écrit que le président d’alors, Idriss Déby Itno, mort en avril 2021 et père de l’actuel président Mahamat Idriss Déby Itno, était « gravement malade » et « hospitalisé ». Il était régulièrement l’auteur de critiques à l’égard du chef de l’État et du régime sur les réseaux sociaux.
Le 20 octobre, une manifestation contre le pouvoir et l’extension de la période de transition avait fait une cinquantaine de morts, selon les autorités, essentiellement dans la capitale.
Policiers et manifestants s’affrontent ce jeudi dans la capitale, où des centaines de personnes se sont réunies à l’appel de l’opposition pour protester contre la prolongation de la transition et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno.
Au moins « une cinquantaine » de personnes ont été tuées, dont « une dizaine » de membres des forces de sécurité, dans des heurts qui opposent manifestants et forces de l’ordre, a déclaré le Premier ministre Saleh Kebzabo, qui a annoncé la « suspension de toute activité » d’importants groupes d’opposition et un couvre-feu.
Dans les rues de la capitale, des nuages de fumée noire sont visibles et des tirs de gaz lacrymogène se font régulièrement entendre, tandis que des barricades ont été dressées dans plusieurs quartiers de la ville et que des pneus sont brûlés sur les principaux axes routiers afin d’obstruer la circulation.
Dans le 7e arrondissement de la capitale, sur l’axe principal du quartier Abena, un corps est recouvert du drapeau tchadien, entouré de plusieurs manifestants. Dans le 6e arrondissement, fief de l’opposition où est également situé le domicile du Premier ministre Saleh Kebzabo – nommé le 12 octobre à la tête du gouvernement qu’il avait rallié il y a dix-huit mois –, les rues sont désertes. Des pneus, des troncs d’arbre, des amas de briques jonchent les rues. Les établissements scolaires et universitaires sont fermés.
Les manifestations de ce jeudi 20 octobre ont fait une « cinquantaine » de morts à travers le Tchad, a déclaré le Premier ministre Saleh Kebzabo, qui a annoncé la « suspension de toute activité » d’importants groupes d’opposition et un couvre-feu.
« Il y a eu une cinquantaine de morts, surtout à N’Djamena, Moundou et Koumra, et une centaine de blessés », a-t-il affirmé, précisant que l’instauration du couvre-feu de « 18 h à 6 h du matin » durera jusqu’au « rétablissement total de l’ordre » à N’Djamena, à Moundou, à Doba et à Koumra » et a prévenu que le gouvernement « fera régner l’ordre sur l’ensemble du territoire et ne tolèrera plus aucune dérive d’où qu’elles viennent ».
Le siège du parti de Kebzabo incendié
« Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple. Les soldats du seul général qui a refusé d’honorer sa parole et aujourd’hui c’est la fin des 18 mois, voilà comment il entend installer la dynastie en tuant le peuple », a écrit dans un message sur Twitter Succès Masra, l’un des principaux opposants au pouvoir. Le leader du parti Les Transformateurs avait lancé mercredi un appel à une manifestation pacifique, qui a été interdite par les autorités.
Le siège du parti de Saleh Kebzabo, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), a été pris pour cible par les manifestants et a été « en partie incendié », a indiqué le vice-président du parti, Célestin Topona.
Ces violences se déroulent alors que la transition de dix-huit mois, qui devait s’achever ce jeudi 20 octobre, a été prolongée. Fin septembre, Mahamat Idriss Déby Itno a été maintenu président jusqu’à des élections libres et démocratiques, censées se tenir à l’issue d’une deuxième période de transition et auxquelles le président pourra se présenter. Cette prolongation, annoncée à l’issue du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), boycotté par une partie de l’opposition, a braqué les opposants politiques et armés.
Ce 14 octobre, Mahamat Idriss Déby Itno a nommé un gouvernement d’union nationale, sur proposition du Premier ministre Saleh Kebzabo. L’ancien rebelle Tom Erdimi y fait notamment son entrée, aux côtés du diplomate Mahamat Saleh Annadif.
Deux jours après la nomination de Saleh Kebzabo au poste de Premier ministre, Mahamat Idriss Déby Itno a officialisé ce 14 octobre la composition du gouvernement d’union nationale tchadien. Le chef de l’État a notamment choisi de nommer Mahamat Saleh Annadif au poste de ministre des Affaires étrangères, qu’il avait occupé sous Idriss Déby Itno, entre 1997 et 2003. Ce diplomate chevronné travaillait ces dernières années pour le secrétariat général des Nations unies, dont il était le représentant en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
Autre recrue d’importance : Tom Erdimi. L’ancien rebelle, fraîchement libéré d’Égypte et de retour depuis septembre à N’Djamena, a été désigné ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation. Parmi les autres entrants au gouvernement figurent notamment les opposants Laoukein Kouyaro Médard (Production et Transformation agricole), Mahamat Ahmat Alhabo (Justice) et l’ex-directeur de cabinet d’Idriss puis de Mahamat Déby Itno, Aziz Mahamat Saleh (Communication, porte-parole).
Continuité aux Finances et à la Sécurité
Les destinées militaires du pays restent entre les mains du général Daoud Yaya Brahim, nommé ministre des Armées, et qui continuera d’être l’homme de confiance du chef de l’État dans le secteur de la Défense. Un autre général, Idriss Dokony Adiker, conserve son poste à la Sécurité publique, tout comme Tahir Hamid Nguilin aux Finances, et Djerassem Le Bemadjiel au Pétrole.
Mahamat Idriss Déby Itno a annoncé lundi 10 octobre, lors de son investiture comme président de la transition, la formation prochaine d’un gouvernement d’union nationale.
Le Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), qui s’était ouvert le 20 août, après de multiples reports, et qui s’est achevé samedi 8 octobre à N’Djamena, a prolongé de deux ans la transition vers des élections « libres et démocratiques ». Il a aussi entériné la possibilité pour Mahamat Idriss Déby Itno de s’y présenter.
« Deuxième phase »
Lors de cette « deuxième phase », le futur gouvernement, dont la composition doit être annoncée prochainement, « s’emploiera corps et âme pour que la volonté du peuple tchadien ne souffre d’aucune entorse », a déclaré Mahamat Idriss Déby Itno, ajoutant que « des élections seront organisées dans la transparence et la sérénité pour permettre aux Tchadiennes et Tchadiens de mettre un terme à la transition et assurer le retour à l’ordre constitutionnel ».
En attendant, la présidence tchadienne a annoncé, ce lundi 10 octobre, la nomination de Gali Ngothe Gatta au poste de secrétaire général, avec rang de ministre d’État. Ancien conseiller d’Hissène Habré devenu opposant sous la présidence d’Idriss Déby Itno, c’est lui qui avait été choisi pour piloter le dialogue.
Cette deuxième investiture en tant que président de la transition s’est déroulée en présence du chef de l’État nigérian, Muhammadu Buhari, et de plusieurs ministres d’Afrique de l’Ouest et centrale (Niger, Centrafrique, RDC), mais aussi des ambassadeurs de France et de l’Union européenne.
Le jeune général de 38 ans avait déjà été proclamé par l’armée président de la République, à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT, désormais dissout) de 15 généraux, le 20 avril 2021, jour de l’annonce de la mort de son père Idriss Déby Itno, tué au front contre des rebelles.
OBJECTIFS. Au-delà de respecter la feuille de route telle que prévue par la charte de transition, le dialogue national qui s’ouvre ce 20 août revêt de multiples enjeux.
« Un moment décisif pour l’histoire de notre pays » : après plusieurs reports, Mahamat Idriss Déby Itno, le chef de la junte au pouvoir au Tchad, a donné ce samedi 20 août le coup d’envoi du dialogue national inclusif, qui reste toutefois boycotté par certains groupes armés et de la société civile. Le dialogue national inclusif entre l’opposition civile et armée et la junte au pouvoir au Tchad depuis avril 2021 a pour objectif de « tourner la page » de la transition et permettre d’organiser des « élections libres et démocratiques ». Ce dialogue doit « tracer les voies d’un nouveau départ » vers un « Tchad prospère » débarrassé des « périodes troubles », a déclaré lors de la cérémonie d’ouverture Mahamat Idriss Déby, arrivé au pouvoir en avril 2021 à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT) après la mort de son père Idriss Déby, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 30 ans.
Un moment historique pour le chef de la junte
Au début de la transition, il avait promis d’organiser un dialogue avec l’opposition pour permettre le retour du pouvoir aux civils, dans un délai de 18 mois, renouvelable une fois. « C’est une immense responsabilité historique, pour laquelle nous n’avons que deux choix : l’assumer ou la trahir », a-t-il dit samedi.
Le chef de la junte, général cinq étoiles vêtu d’un treillis militaire, a prononcé un discours d’une trentaine de minutes au Palais du 15 Janvier, dans la capitale N’Djamena quadrillée par un important dispositif sécuritaire, a constaté un journaliste de l’AFP. Quelque 1 400 délégués, membres de syndicats, de partis politiques et du CMT, se réuniront pendant 21 jours, pour discuter de la réforme des institutions et d’une nouvelle Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. Les questions de la paix et des libertés fondamentales seront également évoquées.
« Il est grand temps de stopper la spirale de la violence » dans ce pays qui a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d’État, a déclaré le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, présent à la cérémonie. « Il est temps d’enterrer la hâche de guerre », a-t-il poursuivi.
Le retour des chefs rebelles Mahamat Nouri et Timan Erdimi
Ce DNI, qui devait initialement se tenir en février avant d’être plusieurs fois repoussé, s’ouvre moins de deux semaines après la signature, à Doha, d’un accord entre la junte tchadienne et une quarantaine de groupes rebelles. Ce prédialogue avec certains groupes armés qui avaient combattu le régime d’Idriss Déby pendant des années prévoit notamment un « cessez-le-feu ».
L’accord signé le 8 août permet aux rebelles de participer au dialogue. « Nous avons signé cet accord pour rebâtir le Tchad », a affirmé à l’AFP Timan Erdimi, chef de l’Union des forces de la résistance (UFR), revenu jeudi à N’Djamena après plusieurs années d’exil pour participer au dialogue, tout comme Mahamat Nouri, chef de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD).
« Ce dialogue doit nous permettre de mettre définitivement le recours aux armes derrière nous », a affirmé Abderamane Koulamallah, porte-parole du gouvernement. Selon un décret signé mercredi par le chef de la junte, Mahamat Idriss Déby, ce DNI aura un caractère « souverain » et ses décisions seront « exécutoires ».
La légitimité de ce dialogue national en question
Or le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles à l’origine de l’offensive qui a coûté la vie à Idriss Déby, n’a pas signé l’accord de Doha et ne participera pas au dialogue, le considérant comme « biaisé d’avance ». Wakit Tamma, une coalition de partis d’opposition et de membres de la société civile, a également refusé d’y participer, accusant la junte de perpétuer des « violations des droits humains » et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby. « Les portes du dialogue demeurent ouvertes », a affirmé en conclusion de son discours Mahamat Idriss Déby.
Les Tchadiens interrogés par l’AFP semblaient eux-mêmes divisés sur l’issue du dialogue voulu par les nouvelles autorités. « L’ouverture de ce dialogue national mène directement vers l’impasse parce que les différentes sensibilités politiques et de la société civile ne participent pas à ce processus », a déploré à l’AFP Abdelaziz, un étudiant de 32 ans.
« Le dialogue national peut contribuer à ramener définitivement la paix au Tchad qui a tant souffert des affres de la guerre », espérait de son côté Mimi, 37 ans, caissière dans un hôpital. Mahamat Idriss Déby a dû donner des gages à la communauté internationale à qui il a promis de rendre, sous 18 mois, le pouvoir aux civils, et de ne pas se présenter aux futures élections. Mais le chef de la junte a porté en juin 2021 un premier coup de canif à ses promesses, en envisageant une prolongation de 18 mois de la transition et en remettant son « destin » à « Dieu » sur une éventuelle candidature à la présidentielle.
Mahamat Idriss Déby Itno, a signé lundi au Qatar un accord avec une quarantaine de groupes rebelles destiné à lancer un dialogue national le 20 août à N’Djamena.
Le président de transition au pouvoir à N’Djamena, arrivé vendredi 5 août à Doha, a signé lundi au Qatar un accord avec une quarantaine de groupes rebelles destiné à lancer un dialogue national le 20 août à N’Djamena. Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles, n’a pas signé l’accord, malgré les espoirs des médiateurs à Doha qui ont cherché à le convaincre jusqu’à la dernière minute.
Joint par Jeune Afrique, le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères Majid Al Ansari estime néanmoins que les « lignes de communication restent ouvertes avec toutes les parties (y compris le FACT, ndlr) qui ont participé aux négociations. Le Qatar est prêt à poursuivre son rôle en tant que médiateur si la demande nous est faite à l’avenir. » Il signale que 42 groupes sur les 47 représentés à Doha pendant les négociations ont signé l’accord.
Cette signature intervient après cinq mois de négociations entre le Conseil militaire de transition tchadien (CMT) et des groupes armés, qui ont débuté en mars, après plusieurs reports, pour mettre fin à des décennies de troubles et d’instabilité au Tchad.
« Ces négociations ont pris un peu de temps, en raison d’abord du nombre de participants, puis des différentes versions de l’accord et des changements de dernière minute. L’accord porte d’abord sur le format des discussions qui auront désormais lieu à N’Djamena », précise encore le porte-parole du ministère qatari.
Cessez-le-feu, désarmement…
Quant au contenu de l’accord, selon une source qui y a eu accès, il prévoit : un cessez-le-feu permanent et l’arrêt des hostilités entre toutes les parties ; l’engagement du Conseil national de transition à ne pas mener d’opérations militaires ou policières contre les groupes signataires sur le territoire tchadien ou dans les pays voisins ; un consensus sur la nécessité du désarmement des groupes militaires et leur intégration dans l’armée, et l’ouverture d’un dialogue national pour répondre aux problèmes institutionnels et organiser des élections.
Sur ce dernier point, Majid Al Ansari se montre optimiste et affirme que l’accord « ouvre désormais la voie à un scrutin », dont les modalités doivent désormais être discutées à N’Djamena. Censé ouvrir la voie au retour à un pouvoir civil, le texte a été qualifié de « moment clé pour le peuple tchadien » par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
Depuis plusieurs années, le Qatar est engagé dans une diplomatie de la médiation, qui a poussé l’émirat à organiser des discussions sur le Darfour et l’Afghanistan, notamment. Majid Al Ansari se félicite du fait que le Qatar soit désormais considéré comme « un partenaire international de confiance, doté d’une solide expérience dans la construction de la paix. »
CONTEXTE. Fin du prédialogue entre les politico-militaires et le gouvernement à Doha, élections, transfert du pouvoir aux civils : l’horloge tourne pour la transition.
Il y a un an, l’armée annonçait que le président tchadien Idriss Déby Itno, à la tête d’un pouvoir très autoritaire depuis 30 ans, avait été tué au front contre une énième rébellion. Soit neuf jours après la présidentielle qu’il a remportée dès le premier tour, pour un sixième mandat. Le même jour, le 20 avril 2021, son fils Mahamat Idriss Déby Itno, jeune général de 37 ans, est proclamé chef d’une junte de 15 généraux et président de la République de transition, en accord avec le président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, successeur constitutionnel en cas de décès du chef de l’État.
Il est aussitôt adoubé par la communauté internationale, France, Union européenne (UE) et Union africaine (UA) en tête, les mêmes qui sanctionnent des militaires putschistes ailleurs en Afrique. Parce que son armée est indispensable dans la guerre contre les djihadistes au Sahel et que Mahamat Déby promet de remettre le pouvoir aux civils dans les 18 mois. Mais la situation s’est figée depuis.
Qu’a promis la junte il y a un an ?
Le nouvel homme fort de N’Djamena dissout immédiatement le Parlement, limoge le gouvernement, abroge la Constitution, mais promet des « élections libres et démocratiques » après une transition de dix-huit mois. Renouvelable « une fois », tempère, le lendemain, une « Charte de transition ». Le général Déby s’engage aussi à ne pas se présenter à la future présidentielle.
Paris, l’UE et l’UA demandent que la transition ne dépasse pas 18 mois, ce qui suppose l’organisation d’élections à l’automne 2022.
Premier coup de canif dans ces engagements deux mois plus tard : Mahamat Déby envisage une prolongation de la transition, si les Tchadiens ne sont pas « capables de s’entendre », et « remet à Dieu » son « destin » personnel pour la présidentielle.
Autre promesse importante : un « Dialogue national inclusif » ouvert à « toutes » les oppositions, politiques et armées, donc à la cinquantaine de groupes et groupuscules rebelles qui harcèlent le pouvoir depuis 30 ans.
Pourquoi ce sera difficile, voire impossible, à tenir ?
Un « prédialogue de paix », impératif pour leur participation au dialogue inclusif, s’ouvre à Doha le 13 mars avec « tous » les groupes armés. Une « main tendue », comme l’affirme Mahamat Déby, qui tranche avec l’intransigeance de son père. C’est là que le bât blesse : plus de 250 membres d’une cinquantaine de mouvements rebelles sont, depuis un mois, dans la capitale du Qatar mais refusent de parler directement aux émissaires de la junte et ne parviennent même pas à s’entendre entre eux.
L’opposition y voit une manœuvre dilatoire du pouvoir pour saboter par avance ces pourparlers en imposant au médiateur qatari, qui s’y opposait, un nombre hallucinant d’interlocuteurs, recette garantie pour un dialogue de sourds.
Un mois après, à Doha, aucun progrès tangible ne perce et le maintien du dialogue national prévu le 10 mai à N’Djamena semble illusoire. D’autant que l’opposition politique – que Mahamat Déby laisse manifester, chose inconcevable sous son père – boude depuis début avril l’organisation du forum et menace de le boycotter, accusant la junte de perpétuer les « violations des droits humains » et de préparer une candidature du général Déby à la présidentielle.
Quels scénarios possibles ?
« Le calendrier de la transition ne sera pas respecté », prédit Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
« Doha n’avance pas, un accord sera très difficile à trouver, ce qui repousse la transition », abonde Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.
Pourtant, samedi 16 avril, la junte a promis que la date du 10 mai sera maintenue. « Le dialogue attendu par tous doit impérativement déboucher sur des institutions démocratiques », martèle le gouvernement de transition nommé par Mahamat Déby à l’adresse des sceptiques.
Mais pour l’heure, la perpétuation du régime du père semble l’hypothèse la plus probable. Son pouvoir très autoritaire s’appuyait sur sa toute-puissante armée, dont l’encadrement est verrouillé par son ethnie zaghawa. Or, le fils a rapidement « consolidé son pouvoir en s’entourant des caciques de l’ancien régime », assure Thierry Vircoulon, « il y a une vraie continuité entre le père et le fils, le système Déby est toujours en place ». « Ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir, autour des Zaghawas », renchérit Roland Marchal.
Ce statu quo pourrait d’ailleurs convenir à une majorité de Tchadiens comme à la communauté internationale, qui y voient un gage de stabilité dans une région tourmentée – avec la Centrafrique, la Libye et le Soudan pour voisins – et contre l’activisme des djihadistes de Boko Haram et du groupe État islamique autour du lac Tchad. « Sur la sécurité, les choses sont assez gérées pour l’instant, les groupes armés ne représentent pas une menace », assure Thierry Vircoulon. Depuis un an, les rebelles n’ont lancé aucune offensive.
L’ouverture du dialogue en vue de l’organisation des futures élections, qui devait démarrer le 15 février, a été repoussé au 10 mai prochain, a annoncé la présidence tchadienne.
Le Dialogue national inclusif au Tchad en vue de tenir des élections et promis par la junte militaire qui a pris le pouvoir en 2021 à la mort d’Idriss Déby Itno, qui devait initialement s’ouvrir le 15 février, a été repoussé au 10 mai. Un pré-dialogue avec les nombreux groupes rebelles armés qui mènent régulièrement des attaques contre le pouvoir a également été repoussé au 27 février à Doha, au Qatar, où il devait initialement se tenir avant la fin janvier, a par ailleurs annoncé un haut responsable du comité d’organisation.
L’organisation de ce pré-dialogue bute sur l’absence de consensus entre différents groupes armés. Il est une condition préalable pour les amener à la table du Dialogue national inclusif. « La tenue du Dialogue National Inclusif est reportée pour le 10 mai 2022 », écrit la présidence de la République sur sa page Facebook, sans autre commentaire. « Le pré-dialogue avec les groupes armés aura lieu le 27 février à Doha », a assuré un haut responsable du Comité Technique Spécial chargé de l’organiser.
Après la mort du maréchal Idriss Déby Itno, tué au front par des rebelles le 19 avril dernier, l’un de ses fils, le jeune général Mahamat Idriss Déby Itno, avait pris le pouvoir à la tête d’une junte militaire en promettant aussitôt un Dialogue national inclusif avant des élections présidentielle et législatives sous 18 mois, un délai renouvelable une fois. Il avait été nommé aussitôt président du Conseil militaire de transition (CMT), un exécutif composé uniquement de généraux, et président de la République pour la période de transition.
Plus de trente mille personnes ont fui depuis dimanche dernier l’Extrême-Nord du pays en proie à des violences communautaires.
Depuis le 5 décembre, des affrontements entre pêcheurs et bergers dans le département du Logone-et-Chari ont fait au moins vingt-deux morts et une trentaine de blessés graves, selon un communiqué du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui se dit préoccupée et a appelé à l’arrêt immédiat des violences. Les affrontements ont éclaté dans le village de Ouloumsa, dans l’Extrême-Nord du Cameroun, à la suite d’un conflit entre des bergers, pêcheurs et fermiers sur la gestion et l’utilisation de l’eau.
Les violences se sont ensuite propagées aux villages voisins où dix ont été incendiés et réduits en cendres puis à Kousséri, une ville de 200 000 habitants, provoquant la fuite de plusieurs milliers de personnes à l’intérieur du pays, à Djaména et plus de 30 000 réfugiées au Tchad voisin. La plupart des réfugiés sont des femmes, dont certaines enceintes, et des enfants.
Dans un communiqué publié le 8 décembre, le président Mahamat Idriss Déby Itno a évoqué une « situation préoccupante » et appelé « la communauté internationale à agir promptement pour fournir en urgence l’assistance nécessaire à ces nouveaux réfugiés ».
La Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) a promis, le 17 novembre, d’accorder un financement de cent milliards FCFA pour l’aménagement du corridor multimodal. Le projet du bitumage du corridor devrait interconnecter le Congo, la Centrafrique et le Tchad.
Un tronçon de route d’intégration/DR
La réalisation du projet de bitumage de la route d’intégration Brazzaville-Ouesso-Bangui-N’Djamena constitue une avancée majeure pour l’Afrique centrale considérée comme la sous-région la moins intégrée du continent, avec un déficit infrastructurel et une faible connexion entre les réseaux de transports. À cela s’ajoutent de nombreuses tracasseries administratives et policières liées à la navigation sur le réseau fluvial Congo-Oubangui-Sangha.
Pour un coût total estimé à 1,7 milliard de dollars, soit environ 955, 4 milliards de FCFA, le projet du corridor n°13 de l’Union africaine constitue l’un des onze projets intégrateurs prioritaires du Programme économique régional de la zone Cémac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Il comprendra quelque 1 310,311 km de corridor, 25,17 km de pénétrantes et 49,07 km de voiries.
Le projet de corridor, qui n’a pas encore commencé, comprendra également la construction et le bitumage des tronçons de route en terre entre Ouesso-Bétou (Congo), Bétou-Mbaiki, et Bossembélé-Mbaikoro (Centrafrique-Tchad), ainsi que la réhabilitation des tronçons de routes bitumées Mbaiki-Bangui et Bangui-Bossembélé (Centrafrique).
Le président de la BDEAC, Fortunato-Ofa Mbo Nchama, a salué l’engagement de son institution en faveur du développement socio-économique et de l’intégration sous-régionale. « La construction de ce corridor fait partie de nos projets intégrateurs prioritaires et porte sur un montant de presque cent milliards de FCFA. Sa réalisation permettra de relier directement trois pays de la Cémac et d’offrir une alternative d’accès à l’Océan atlantique à la République du Tchad et à la République centrafricaine », a-t- il dit, ajoutant que le projet est aussi ouvert aux partenaires privés.
L’ambition des dirigeants de la zone Cémac est de permettre à terme: l’accroissement des échanges économiques inter-États ; l’accès direct au port de Pointe-Noire où pourront transiter les marchandises en provenance et à destination de la Centrafrique et du Tchad ; la mise en valeur des ressources naturelles et des richesses minières de la région d’Afrique centrale ; le désenclavement de certaines zones inaccessibles et la réduction de la pauvreté.
Il faut noter qu’il y a un an, les 16 et 17 novembre 2020, la Commission Cémac a initié une table-ronde à Paris (France), dans le but de mobiliser les investisseurs européens. Le bilan de la table-ronde était qualifié de positif, en raison de nombreux engagements enregistrés du côté des partenaires.