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Afrique du Sud : Thabo Mbeki, le tonton flingueur de l’ANC

septembre 1, 2022

L’ancien chef de l’État a passé les derniers mois à critiquer sa famille politique ainsi que le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

L’ancien président sud-africain Thabo Mbeki. © Michel Spartari/AFP.

Il est de tous les événements : meetings, conférences, enterrements… L’ancien président Thabo Mbeki, au pouvoir de 1999 à 2008, ne lâche plus le Congrès national africain (ANC). À 80 ans, il n’est pas de ces retraités qui répondent aux invitations pour s’asseoir sur une chaise au dernier rang et piquer du nez en toute discrétion. S’il se déplace, c’est pour délivrer une parole corrosive à l’encontre de son propre parti.

Ainsi, lors des funérailles de Jessie Duarte, secrétaire générale par intérim de l’ANC décédée le 17 juillet dernier, Thabo Mbeki a profité des hommages pour refaire le portrait du parti. Une formation politique qu’il ne s’est pas privé de décrire comme rétive au renouvellement, composée de membres avides de pouvoir et d’enrichissement. Les applaudissements ont été nourris.

Ramaphosa dans le viseur

Qui dit parti présidentiel mal structuré dit pays mal gouverné. « Il n’existe aucun plan national pour résoudre les problèmes de pauvreté, de chômage et d’inégalités. Cela n’existe pas. Si on veut servir le peuple, il faut résoudre ces problèmes », a tancé Thabo Mbeki. À force de remonter la pyramide des responsabilités, son exposé a fini par titiller le chef de l’État. « Quand le camarade Cyril Ramaphosa a prononcé son discours sur l’état de la nation en février, il a dit : “Dans les cent prochains jours, nous devons nous mettre d’accord sur un pacte social pour résoudre ces problèmes.” Mais rien n’a été fait, rien ! » a poursuivi Thabo Mbeki, encouragé par de nouveaux applaudissements.

S’il n’est pas le premier à transgresser la règle tacite qui veut qu’un ancien président ne critique pas son parti, Thabo Mbeki semble aller plus loin. « D’habitude, les gens de l’ANC se gardent bien de livrer des noms, il suffit de deviner, observe William Gumede, président du think tank Democracy Works Foundation (DWF). Ce qui est surprenant, c’est que Mbeki critique nommément Cyril Ramaphosa. Nelson Mandela critiquait lui aussi, mais de manière beaucoup plus large. »

Mbeki et Ramaphosa sont connus pour entretenir une relation cordiale mais distante. Rien à voir avec la rivalité qui les a tous deux opposés à Jacob Zuma. Ce dernier fut le tombeur de Mbeki en 2008, avant d’être lui-même poussé vers la sortie par Ramaphosa en 2018. Thabo Mbeki veut-il à son tour déloger Ramaphosa du sommet de l’État ? C’est la théorie farfelue énoncée par Julius Malema.

Inquiétudes pour les élections de 2024

Le chef du parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) adore déstabiliser l’ANC en se mêlant de ce qui ne le regarde pas. « Le président Mbeki ne digère pas d’avoir été forcé à quitter la présidence avant la fin de son mandat, a ainsi affirmé Julis Malema lors d’une conférence de presse. Il y a des soupçons selon lesquels Arthur Fraser coopère avec Mbeki. »

Proche de Jacob Zuma, dont il fut  le responsable des services de renseignement, Arthur Fraser est surtout à l’origine des révélations sur l’affaire Phala Phala, qui fragilise Ramaphosa depuis juin : 600 000 dollars non déclarés (la somme est celle que donne News24) ont été retrouvés dans la ferme du président lors d’un cambriolage. Une enquête est ouverte. Thabo Mbeki, un conspirateur ? L’ancien président rejette « les ragots » qui visent à « aggraver les divisions » au sein de l’ANC.

« Si Mbeki se permet de tels commentaires, cela veut dire que l’ANC fait face à de gros problèmes », analyse William Gumede, de DWF, également auteur de Thabo Mbeki and the Battle for the Soul of the ANC (Zed Books, 2007). La chute sous les 50 % de voix recueillies lors des scrutins locaux de novembre 2021 et les mauvais sondages pour les élections générales de 2024 inquiètent l’ancien président.

Le vieil homme à la barbichette grise détourne alors les éloges funèbres et multiplie les diatribes. Un décès dans les rangs de l’ANC, et l’on craint une nouvelle sortie. Pour l’enterrement de la militante Rita Ndzanga, le 25 août, les ligues féminines l’avaient prié de ne pas s’en prendre au parti. Las, Thabo Mbeki a réitéré ses remontrances tout en ouvrant de nouveaux tiroirs : corruption au sein de l’ANC, ambition aveugle de ses militants et piteux résultats du parti aux dernières élections.

Un technocrate « compétent et non corrompu »

La presse n’a pas manqué de commenter le réveil du vieux sage. « Depuis quelques mois, Mbeki est devenu le visage et la voix la plus importante de l’ANC » (Sunday Times) ; « les vérités prononcées par Mbeki forment le seul matériau viable pour reconstruire l’ANC » (News24) ; « Mbeki est le premier leader à reconnaître les dangers de mort de l’ANC » (The Citizen).

Le parti va si mal que l’on réhabilite un ancien président déchu. « Ils l’associent à l’époque de la croissance économique, quand le président était un technocrate compétent, raisonnable et non corrompu », constate le politologue Daryl Glaser, éditeur de Thabo Mbeki And After, Reflections on the Legacy of Thabo Mbeki (Wits University Press, 2010). Les années Zuma, qui ont suivi, ont été marquées par la corruption de tout l’appareil étatique, de l’administration aux entreprises publiques. Les dégâts provoqués par ces « neuf années gâchées », comme les appelle Cyril Ramaphosa, se font toujours ressentir.

Quant à Ramaphosa, il renvoie l’image d’un président « sans cap, lent et bavard mais qui n’avance pas », déplore William Gumede. « Les gens n’étaient peut-être pas d’accord avec Thabo Mbeki, poursuit-il, mais ils pouvaient compter sur une vraie gouvernance, les choses allaient de l’avant. »

Le spectre des milliers de morts du sida

Mais c’est oublier que l’ancien président n’est pas exempt de tout reproche.  « Il a sa part de responsabilité dans la décrépitude du parti : la politisation des agences de renseignement, la protection des membres du parti ou ses alliés malgré les soupçons de corruption. Une partie de tout cela a eu cours sous son mandat », rappelle Daryl Glaser.

Sans oublier les conséquences de la politique sanitaire de l’ex-chef de l’État en pleine épidémie du sida : Thabo Mbeki niait le lien entre le virus du VIH et la maladie du sida. Il entravait le recours aux traitements antirétroviraux pour soigner les malades. Un chercheur de l’université de Harvard, aux États-Unis, a estimé que 330 000 personnes étaient prématurément mortes du sida en Afrique du Sud entre 2000 et 2005 à cause de la politique de Thabo Mbeki.

Quand il ne critique pas son parti, l’intéressé se consacre à sa fondation et à son projet de librairie présidentielle. Un petit bijou d’architecture, qui doit accueillir à Johannesburg des expositions et des collections, notamment liées à d’anciens leaders du continent. Celui que l’on appelle toujours « Monsieur le président » refuse les sollicitations médiatiques mais cultive son image d’intellectuel panafricain, ouvert sur le monde et au-dessus de la mêlée. Donneur de leçons, aussi.

Avec Jeune Afrique par Romain Chanson – à Johannesburg

Afrique du Sud: le président Zuma sacrifie 12 vaches pour rester chef de l’ANC

novembre 26, 2012
Afrique du Sud: le président Zuma sacrifie 12 vaches pour rester chef de l'ANC Afrique du Sud: le président Zuma sacrifie 12 vaches pour rester chef de l’ANC © AFP

Le président sud-africain Jacob Zuma a procédé ce week-end au sacrifice rituel de douze vaches dans son village natal de Nkandla au Kwazulu-Natal (est) pour invoquer la protection des ancêtres de son clan contre ses rivaux avant le prochain congrès de l’ANC, a rapporté la presse lundi.

Une grande photo montrant un Jacob Zuma exubérant et dansant en tenue traditionnelle, le front ceint d’un bandeau en peau de léopard, barrait la Une du quotidien The Star, tandis que le Times citait les invocations prononcées par un ancien du clan présidentiel, Maqhinga Zuma.

« Nous en appelons à vous, ô nos aïeux, protégez notre fils. Nous en appelons à vous tous, ô ancêtres du clan Nxamalala. Soyez avec lui, guidez-le et protégez-le de ceux qui se coalisent contre lui », a-t-il prié.

Des dizaines d’invités acheminés en bus ont ensuite été régalés lors d’un banquet organisé sur la propriété privée de M. Zuma, dont la coûteuse rénovation a fait scandale ces dernières semaines.

Bien qu’impopulaire et mis en cause dans de nombreux scandales, M. Zuma entend se succéder à lui-même à la tête du Congrès national africain (ANC), lors du prochain congrès du parti au pouvoir, du 16 au 20 décembre.

Une coalition hétéroclite surnommée « N’importe qui sauf Zuma », qui comprend notamment l’ancien patron des jeunes du parti –exclu en avril– Julius Malema, est partie en campagne pour obtenir sa tête, et placer à sa place le vice-président Kgalema Motlanthe.

Les analystes et commentateurs inclinent cependant à penser que le parti choisira la continuité et devrait, sauf coup de théâtre, garder M. Zuma à sa tête.

Depuis le début de sa présidence en 2009, M. Zuma, 70 ans, revendique et cultive un retour aux pratiques ancestrales africaines, qui le distingue de ses prédécesseurs, Thabo Mbeki (1999-2008) et Nelson Mandela (1994-1999).

Il en a fait sa marque de fabrique dans un pays paradoxalement parmi les plus occidentalisé du continent africain.

En 2007, juste avant le dernier grand congrès électif de l’ANC qui lui avait permis d’évincer son prédécesseur Thabo Mbeki, M. Zuma avait été demander la bénédiction du roi zoulou Goodwill Zwelithini.

Jeuneafrique.com avec AFP