Posts Tagged ‘thierry michel’

RDC : « L’Empire du silence », testament choc et polémique de Thierry Michel

mars 16, 2022

Après avoir passé trente ans à filmer le pays, le réalisateur belge sort son nouveau – et il l’assure, dernier – documentaire. Une chronique saisissante sur un quart de siècle de conflits dans l’est de la RDC.

Quel sentiment a pu étreindre Thierry Michel lorsque les lumières de la salle de spectacle du Palais des peuples de Kinshasa se sont éteintes pour laisser les premières images de son film s’afficher sur l’écran géant ? Après des années à avoir été persona non grata en République démocratique du Congo, le plus connu des documentaristes belges dans le pays y faisait son retour avec les honneurs. Là où habituellement se réunissent députés et sénateurs, son dernier film, L’Empire du silence, était projeté en avant-première fin novembre, avant sa sortie officielle, le 16 mars.

« Revenir à Kinshasa, c’était un grand moment », lâche sobrement le réalisateur. L’homme n’est visiblement pas du genre à s’épancher. Ce soir-là, dans l’immense salle à la décoration surannée, il s’agite, virevolte. Seule sa suractivité trahit son stress : la salle est peu remplie et les expatriés sont au moins aussi nombreux que les Congolais. Une défaite ? Thierry Michel suggère des explications : le lieu est trop officiel, la communication a été mal orchestrée, et le lendemain, jurera-t-il plus tard, la salle était au contraire « pleine à craquer » – nous n’avons pas pu vérifier.

Morts, exécutions et cadavres par dizaine

Et qu’importe finalement, car ce n’est pas à ce public-là que L’Empire du silence semble destiné. Plus qu’un documentaire, ce film d’1h50 se veut un plaidoyer à l’attention des dirigeants mondiaux. Et le support d’une vaste campagne militante intitulée « Justice For Congo », initiée avec Denis Mukwege, – un médecin de Bukavu qui avait été l’objet de L’Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate, un des précédents documentaires du réalisateur. Une campagne qui a pour but de pousser à l’instauration de tribunaux pénaux internationaux pour juger les crimes commis ces dernières 25 années dans l’Est de la République démocratique du Congo, à la manière de ceux mis sur pied pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie.

C’est cette histoire que le long-métrage nous raconte. Celle d’un quart de siècle de guerres largement oubliées, celle de crimes de masses, de massacres atroces. Avec des images toutes tournées durant ses innombrables voyages en RDC, le réalisateur montre la fuite de centaines de milliers de Rwandais hutus depuis les camps de réfugiés, à travers les forêts congolaises, lors de l’offensive des troupes rebelles de Laurent-Désiré Kabila, en 1996. Il raconte aussi la tuerie de Tingi Tingi, en 1997, ou celle de Mbandaka, la même année.

On y voit les victimes et parfois les héros anonymes, à l’instar de cet ancien responsable de la Croix-rouge qui a refusé de se taire face aux exactions. Certains témoignages sont saisissants ; les images, souvent à la limite du supportable. Thierry Michel ne nous épargne rien de la saleté de la guerre. Il filme les morts, les exécutions, les cadavres par dizaines.

Polémique

Ce documentaire choc risque de faire autant de bruit que de susciter de polémiques. Car dans ce plaidoyer, le réalisateur s’appuie notamment sur le très controversé rapport Mapping. Établi par des experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme pour recenser les crimes commis entre 1993 et 2003 en RDC, il a servi de supports aux tenants de la thèse du « double génocide ».

LE CONGO N’A JAMAIS FAIT ŒUVRE DE JUSTICE ET DE MÉMOIRE

Ce rapport a aussi établi une liste des responsables des crimes de guerre, qui n’a jamais été rendue publique. Un secret que Thierry Michel veut voir lever. « Le Congo n’a jamais fait œuvre de justice et de mémoire », explique-t-il.

Lui désigne ceux qu’il considère comme les coupables : ils sont Congolais mais aussi Rwandais et Ougandais. Leurs noms ? James Kaberebe, ancien chef d’état-major de la RDC sous Kabila avant de devenir celui du Rwanda, ou encore les généraux Gabriel Amisi Kumba et Éric Ruhorimbere – mais aucun de ces hommes n’est interrogé sur ces accusations dans le documentaire.

Fin d’un cycle

Avec la fin du régime de Joseph Kabila et l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, le Belge veut croire que la vérité peut enfin émerger, et venir clore un quart de siècle de conflits dans l’Est de la RDC – une guerre qui est hélas toujours en cours.

Cela apporterait-il de la paix à Thierry Michel ? Peut-être est-ce aussi l’objet de ce long-métrage, qui apparaît comme le testament d’un homme qui a passé trente ans de sa vie à voyager en RDC. De Mobutu, roi du Zaïre, à ses démêlés avec le régime de Kabila qui interdira son film sur le premier procès de l’assassinat du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya, Thierry Michel a documenté l’histoire récente de cette région d’Afrique décrite tant de fois, depuis Joseph Conrad, comme le « cœur des ténèbres ».

Plus de cent fois, dit-il, il s’est rendu en RDC. Il en a tiré treize documentaires. « Je suis à la fin d’un cycle. Je suis fatigué du combat, je n’en n’ai plus la force », témoigne-t-il. Récemment, cet homme d’image de 69 ans a perdu la vue d’un œil. L’autre est abimé. Il l’assure : L’Empire du silence est son dernier film.

Avec Jeune Afrique par Anna Sylvestre-Treiner

RDC : le film de Thierry Michel sur Denis Mukwege interdit de projection à Kinshasa

septembre 2, 2015

Affiche du film "L'Homme qui répare les femmes". © DR

Affiche du film « L’Homme qui répare les femmes ». © DR

Le film de Thierry Michel et Colette Braeckman, « L’Homme qui répare les femmes », ne sera pas projeté à Kinshasa. Le ministre de la Communication a refusé l’autorisation car l’oeuvre contiendrait, selon lui, des attaques « injustifiées » envers l’armée.

Le long-métrage de Thierry Michel et Colette Braeckman sur le chirurgien Denis Mukwege, « L’Homme qui répare les femmes », a été interdit de projection dans la capitale congolaise. Le film, qui met en lumière le drame des viols dans l’est du pays, devait initialement être présenté à l’Institut français, mardi 8 et mercredi 9 septembre, mais le ministre de la Communication, Lambert Mende a refusé l’autorisation de projection.

Le ministre, joint par Jeune Afrique, estime que certains passages étaient « inacceptables » à l’encontre de l’armée congolaise. « Nous connaissons des soldats qui sont morts dans les combats, nous ne pouvons pas accepter qu’ils soient accusés de viols », explique-t-il.

« Je ne fais aucune accusation », répond Thierry Michel, contacté par Jeune Afrique. « Ce sont des rapports de l’ONU qui parlent pas viols et ce sont des témoins que nous faisons parler dans le film », explique-t-il. « Lambert ne peut quand même pas nier qu’il y a des procès, dont nous diffusons d’ailleurs des images, qui sont en cours en RDC », déplore encore le réalisateur. Et de conclure : « Ce film a connu un gros succès à l’international et va être projeté à Washington, New York ou Paris, mais les Congolais, dont certains ont participé au tournage, ne pourront pas le voir. C’est pitoyable. »

« Il gêne tout le monde »

Ce n’est pas le premier film de Thierry Michel à être interdit en RDC. « L’Affaire Chebeya, un crime d’État ? » avait déjà valu à son réalisateur une arrestation, une expulsion, une interdiction du film et un procès en Belgique en 2012. Toutefois, Thierry Michel louait encore il y a peu la liberté avec laquelle il avait pu travailler, en collaboration avec Colette Braeckman, sur son dernier long-métrage.

Le docteur Mukwege, reconnu internationalement, n’en est également pas à ses premiers déboires avec les autorités congolaises, notamment en ce qui concerne la gestion de sa clinique de Panzi, à Bukavu. Le gynécologue congolais, qui dénonce sans relâche depuis 20 ans les viols et les mutilations dont sont victimes les femmes à l’est de la RDC, est devenu au fil des années de plus en plus engagé et de plus en plus critique à l’égard du pouvoir en place. Au point que certains commencent à se méfier de prétendues ambitions politiques.

« Il gêne tout le monde. Il gêne tous les groupes rebelles de quelque obédience qu’ils soient. Il gêne même les autorités de son pays », disait de lui Thierry Michel sur les ondes de la RTBF en mars 2015. Et de conclure : « Je crois qu’elles trouvent qu’il ne donne pas une bonne image du pays. Mais il donne une image réelle ».

Jeuneafrique.com par Mathieu Olivier

RDC: un film de Thierry Michel sur le gouverneur du Katanga fait polémique

avril 10, 2013
RDC: un film de Thierry Michel sur le gouverneur du Katanga fait polémique RDC: un film de Thierry Michel sur le gouverneur du Katanga fait polémique © AFP

Le réalisateur belge Thierry Michel, auteur notamment de « Mobutu, roi du Zaïre » en 1999, a déclenché une nouvelle polémique en République démocratique du Congo (RDC) en consacrant son dernier documentaire au puissant gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi.

« L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi » sera présenté en avant-première au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 15 avril, avant d’être mis à l’affiche, le 24 avril, dans un cinéma de la capitale belge où vit une importante communauté congolaise.

Une sortie est également envisagée en septembre en France, mais il y a peu de chances que le film, le dixième de Thierry Michel consacré à l’ex-Congo belge, soit projeté en RDC.

« Qui oserait le présenter » au Congo, s’interrogeait cette semaine à Bruxelles le réalisateur belge, « persona non grata » en RDC depuis qu’il a consacré, en 2012, un film à Floribert Chebeya, militant des droits de l’homme congolais tué en juin 2010 après avoir été convoqué par la police de Kinshasa.

Déjà acteur majeur d’un autre documentaire de Thierry Michel sorti en 2009, « Katanga Business », Moïse Katumbi est cette fois le personnage central du film, qui retrace la fulgurante carrière de ce fils d’un juif séfarade ayant fui l’Europe nazie et d’une Congolaise, devenu à près de 50 ans l’homme d’affaires le plus riche de RDC.

Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, le « héros » du documentaire a dénoncé les « contre-vérités » du film, de possibles « manipulations » et des « informations qui n’auraient pas été vérifiées ».

Depuis, les deux hommes se sont revus. « J’ai été très heureux de cette rencontre à Bruxelles dans une atmosphère constructive qui a permis, me semble-t-il, d’éclaircir certains malentendus », écrit Thierry Michel dans une lettre où il répond aux critiques de Moïse Katumbi.

Thierry Michel s’inquiète néanmoins d’être menacé, ainsi que « ceux qui travaillent sur le film » ou « s’obstinent à le diffuser » par un groupe de « Jeunes Katangais » se présentant comme des partisans du gouverneur.

Gouverneur élu depuis 2006 de la province du Katanga (sud-est), dont le sous-sol regorge de minerais, Moïse Katumbi est aussi un homme qui compte dans le camp du président Joseph Kabila, dont il est à la fois « l’allié et le rival », au point que beaucoup voient en lui un possible futur président de la RDC, analyse Thierry Michel.

Dans son documentaire qui couvre six années, l’auteur de « Congo River » dresse de ce « tycoon » africain un portrait en clair-obscur. On le voit surveiller des travaux de réhabilitation du désastreux réseau routier congolais ou tancer des douaniers laxistes.

Thierry Michel donne aussi la parole à des opposants critiquant son populisme et à des « creuseurs », ces mineurs à la sauvette expulsés de leurs chantiers malgré les promesses du gouverneur, ou encore la destruction de la propriété d’un de ses rivaux par des supporteurs du club de football dirigé par Moïse Katumbi, le Tout-puissant Mazembe.

« C’est un personnage complexe, un grand équilibriste », résume le réalisateur belge, qui se défend d’avoir produit un documentaire « à charge ».

 Jeuneafrique.com avec AFP

RDC: l’assassinat de Floribert Chebeya s’est déroulé « sur ordre » de Kabila, selon un policier

octobre 17, 2012
RDC: l'assassinat de Floribert Chebeya s'est déroulé 'sur ordre' de Kabila,  selon un policier RDC: l’assassinat de Floribert Chebeya s’est déroulé « sur ordre » de Kabila, selon un policier © AFP

Un policier congolais, Paul Mwilambwe, condamné à mort pour sa participation à l’assassinat du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya, a affirmé mercredi que ce meurtre avait été exécuté « sur ordre » du président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila.

Interrogé sur la radio RFI, Mwilambwe, qui était responsable de la sécurité des locaux où Chebeya a été assassiné, a affirmé qu’il avait été témoin, via une caméra de surveillance, du meurtre en juin 2010. S’en étant inquiété auprès d’un de ses chefs, celui-ci lui aurait répondu : « J’ai reçu l’ordre du président de la République par (le) canal du général John Numbi ».

Cet ordre, selon ce major cité par Milambwe, était également que « toute personne qui accompagnerait Chebeya, que ce soit son fils, que ce soit son collègue, que ce soit son épouse doit subir le même sort que Chebeya ».

Paul Mwilambwe, qui dit avoir pris la fuite après avoir été enlevé à plusieurs reprises et menacé par ses pairs, avait déjà témoigné dans le film du cinéaste belge Thierry Michel intitulé « l’affaire Chebeya un crime d’Etat? ».

Sur l’écran de la caméra de surveillance, explique-t-il également sur RFI, il aurait vu les policiers étouffer Chebeya avec un sac plastique et du scotch, après qu’ils soient venus le chercher dans son bureau où il avait attendu une heure.

Militant respecté et connu, Floribert Chebeya, 47 ans, secrétaire exécutif de l’ONG La Voix des sans-voix, s’était rendu le 1er juin 2010 avec son chauffeur à l’Inspection générale de la police à Kinshasa pour un rendez-vous avec le général Numbi, chef de la police.

Le corps de Floribert Chebeya avait été retrouvé dans sa voiture le 2 juin 2010, les poignets portant des marques de menottes. Celui de son chauffeur n’a jamais été retrouvé.

Le général Numbi, personnage important de RDC qui a notamment participé à plusieurs cycles de négociations avec les autorités rwandaises, a été suspendu de ses fonctions. Il affirme n’avoir jamais donné rendez-vous à Floribert Chebeya.

A la suite de l’enquête, huit policiers ont été mis en cause, dont l’adjoint de Numbi, et trois ont pris la fuite, parmi lesquels Paul Mwilambwe. Le 23 juin 2011, la cour militaire de Kinshasa a condamné à mort le principal suspect, le colonel Daniel Mukalay, numéro 2 des services spéciaux de la police, ainsi que les trois policiers en fuite, jugés par contumace. Un autre policier a été condamné à la prison à perpétuité et trois acquittés.

Tous sont rejugés en appel depuis le 19 juin. La prochaine audience est prévue le 23 octobre. Les parties civiles, nombreuses à ce procès, considèrent le général Numbi comme le « suspect numéro un » et demandent qu’il soit de nouveau interrogé. La Cour devrait alors rendre un avis lors de la reprise des débats, interrompus depuis le 4 septembre.

Jeuneafrique.com avec AFP

RDC – Affaire Chebeya : la justice belge déboute le général Numbi et autorise l’affiche du film de Thierry Michel

octobre 4, 2012
L'affiche du film de Thierry Michel. L’affiche du film de Thierry Michel. © DR

Le général Numbi avait saisi la justice belge, estimant que l’affiche du film de Thierry Michel sur l’affaire Chebeya portait atteinte à son « honneur ». Sa plainte a été déboutée, mercredi 3 octobre. Un soulagement pour le réalisateur, qui reste cependant préoccupé par la « campagne d’intimidation » menée contre lui par l’ancien chef de la police congolaise.

Le général congolais John Numbi Banza Tambo a été débouté, mercredi 3 octobre, par un tribunal belge. L’ancien chef de la police de la République démocratique du Congo (RDC) avait déposé une plainte qui réclamait l’interdiction de l’affiche du film, réalisé par le Belge Thierry Michel, sur le procès des assassins présumés du militant congolais des droits de l’Homme, Floribert Chebeya, en 2010 à Kinshasa.

Le général, aujourd’hui suspendu, avait saisi le tribunal des référés de Liège, dans le sud-est de la Belgique, parce qu’il apparaît en photo au centre de l’affiche dudit documentaire, intitulé L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ?

Pour le plaignant, l’affiche « nuit gravement à son honneur » car elle sous-entendrait, selon lui, qu’il a été le commanditaire de l’assassinat de Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana. Le général, qui était alors le chef de la police de RDC, a fait valoir qu’il n’était pas poursuivi par la justice congolaise, contrairement à plusieurs de ses anciens subordonnés.

« Liberté d’expression préservée »

John Numbi s’indignait aussi que le documentaire cherche, selon lui, à exploiter commercialement son image. Mais le juge Philippe Glaude a fait savoir, dans une ordonnance, qu’il estimait que ce n’était pas le cas et que le film litigieux paraisssait représenter une information sur l’affaire. D’autre part, il a indiqué que l’affiche, avec son titre interrogatif, présentait un « équilibre acceptable ». Eu égard à ces éléments, le magistrat a déclaré la demande d’interdiction de l’affiche « non fondée ».

Interrogé par l’AFP à l’issue de l’examen de la plainte par le tribunal, Thierry Michel a fait part de sa satisfaction et de son soulagement. « La liberté d’expression est préservée par la justice belge », s’est-il réjoui, se disant néanmoins « préoccupé car la campagne d’intimidation lancée par le général Numbi a porté ses fruits en RDC. Je m’inquiète donc pour les journalistes congolais ».

Prochaine audience de l’affaire Chebeya le 23 octobre

Le général Numbi étudie la possibilité d’interjeter la décision du tribunal en appel, a annoncé son avocat, Me Emmanuel De Watger, à travers un communiqué.

Reportée, la prochaine audience du procès en appel des policiers accusés de l’assassinat de Chebeya se tiendra le 23 octobre, après le sommet de la Francophonie qui se déroulera à Kinshasa dix jours plus tôt. La Haute cour militaire devra notamment faire savoir si elle autorise la comparution du général Numbi, présenté comme le suspect numéro un dans l’affaire Chebeya par les parties civiles.

Dans le film, sorti dans les salles belges et françaises, mais toujours pas en RDC, le témoignage inédit de Paul Mwilambwe, l’un des policiers jugés par contumace, met personnellement en cause le général Numbi.

Jeuneafrique.com avec AFP

Sommet de la francophonie : bras de fer Hollande-Kabila

juillet 19, 2012

François Hollande (g.) et Joseph Kabila. François Hollande (g.) et Joseph Kabila. © AFP

Joseph Kabila paraît de plus en plus agacé par son homologue français, François Hollande. Celui-ci, on le sait, pose des conditions à sa venue au Sommet de la francophonie, en octobre, à Kinshasa.

François Hollande viendra-t-il en octobre à Kinshasa pour le Sommet de la francophonie ? La décision du nouveau locataire de l’Élysée serait conditionnée à une réforme de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), qui garantirait la transparence des futures élections provinciales, et au jugement des « vrais coupables » dans l’affaire Floribert Chebeya.

Le 7 juillet, lors d’une réunion de haut niveau dans la capitale, le chef de l’État congolais a confié à ses collaborateurs qu’il ne se sentait pas tenu d’obtempérer à ces demandes françaises. « De toute façon, j’ai la guerre à l’Est », a-t-il ajouté. Le conflit du Nord-Kivu pourrait lui servir de prétexte pour proposer un report du sommet… Signe de cette fermeté : le lendemain, le 8, le journaliste belge Thierry Michel, qui venait présenter son film sur l’affaire Chebeya, s’est fait refouler de l’aéroport de Kinshasa. Aussitôt, Paris a « regretté profondément » cette décision.

« Coup de bluff »

« La Francophonie, c’est surtout la France. Si le président français ne venait pas à Kinshasa, nous pourrions nous interroger sur l’opportunité du sommet », convient un haut responsable politique congolais proche de Kabila. Dans les milieux diplomatiques, on préfère plutôt parler de « bras de fer » et de « coup de bluff » entre Paris et Kinshasa. Avec un espoir : « Que les choses bougent en septembre. » C’est en tout cas ce qui est ressorti de l’entretien entre Abdou Diouf, secrétaire général de l’OIF, et Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale congolaise, le 11 juillet, à Bruxelles. Deux jours plus tôt, Abdou Diouf avait été reçu à l’Élysée par François Hollande. Qui a rappelé ses exigences pour envisager un déplacement à Kinshasa. « La balle est dans le camp congolais », conclut une source proche de ce dossier.

Jeuneafrique.com

RDC – Affaire Chebeya : un nouveau témoignage met en cause le général Numbi

juillet 11, 2012
Floribert Chebeya a été retrouvé mort en juin 2010. Floribert Chebeya a été retrouvé mort en juin 2010. © AFP

Refoulé dimanche à son arrivée à l’aéroport de Kinshasa par les autorités congolaises, le réalisateur belge Thierry Michel, auteur du film « L’Affaire Chebeya », a rendu public, mardi 10 juillet, le témoignage d’un policier affirmant avoir assisté à l’assassinat du directeur de l’ONG La voix des sans voix. Un témoignage qui pourrait relancer le procès en appel qui doit rependre le 17 juillet.

Ce nouveau témoignage, s’il était authentifié, pourrait changer la donne du procès en appel des accusés du meurtre de Floribert Chebeya, qui doit reprendre mardi 17 juillet. Recueilli par le réalisateur belge et auteur du documentaire L’affaire Chebeya, Thierry Michel, il met directement en cause l’ex-inspecteur général de la police, John Numbi. La Haute cour militaire de Kinshasa, seule institution habilitée à le juger, doit statuer le 17 juillet sur la demande des parties civiles de le voir comparaître comme prévenu.

Le témoin est un policier, il s’appelle Paul Mwilambwe. En fuite dans un pays d’Afrique, il a été jugé par contumace dans la même affaire, le 23 juin 2011, pour association de malfaiteurs, assassinat, terrorisme et désertion. Aujourd’hui, il affirme s’être trouvé dans les locaux de l’inspection générale de la police (IGP) lors de l’assassinat de Floribert Chebeya, le 1er juin 2010. Un assassinat qu’il décrit de manière très détaillée et dont il assure qu’il a été intégralement filmé.

Selon Paul Mwilambwe, Chebeya a été assassiné parce qu’il comptait transmettre au roi Albert II, lors de sa visite à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, des informations sur les massacres des adeptes de la secte Bundu dia Kongo, tués par des policiers en 2007 et 2008. Ces documents mettaient directement en cause le bataillon Simba commandé par le second de Numbi, le Major Christian Ngoy, dit-il.

C’est en possession de ces preuves que Floribert Chebeya, accompagné par son chauffeur Fidèle Bazana, se présente à l’Inspection générale de la police, le 1er juin 2010 à 16 H45. Paul Mwilambwe raconte avoir reçu le militant des droits de l’homme seul dans son bureau pendant près d’une heure et demi.

Étouffé avec des sacs plastiques

Les deux hommes sont ensuite rejoints par Christian Ngoy. Ce dernier informe Chebeya que John Numbi n’a pu se déplacer mais qu’il peut l’emmener à son domicile, ce qu’accepte Floribert Chebeya, poursuit le policier. Les deux hommes sortent. Dans les minutes qui suivent, le directeur de la Voix des sans voix est étouffé avec des sacs plastiques dans un hangar de l’inspection. Resté dans son bureau, Mwilambwe raconte avoir assisté à la scène via des caméras de surveillance et dit s’être rendu immédiatement sur le lieu du crime. Il va y découvrir les corps de Floribert, à l’agonie, et de son chauffeur, dont il assure qu’il a été assassiné pendant son entretien avec Chebeya. Il est environ 19 heures 30.

Les corps auraient été ensuite placés dans deux voitures distinctes, puis celui de Bazana finalement enterré. Paul Mwilambwe affirme que les restes de ce dernier se trouvent dans une parcelle appartenant au général Numbi, dont il indique le lieu avec une grande précision.

S’il n’était pas présent lors de l’assassinat, c’est John Numbi qui tirait les ficelles, assure Paul Mwilambwe dans son témoignage. C’est lui qui aurait donné l’ordre au Major Christian Ngoy, aujourd’hui en fuite, d’exécuter Floribert Chebeya contre la somme de 500 000 dollars. Lui aussi qui récompenserait les huit hommes ayant participé aux assassinats. Ou encore lui qui organiserait la fuite de Ngoy. Joint par Jeune Afrique, Thiery Michel assure détenir d’autres témoignages corroborant encore cette version des faits.

« Que toute la lumière soit faite »

Le réalisateur insiste cependant sur le fait que ce témoignage, qu’il a transmis aux avocats et aux autorités congolaises, doit être « vérifié ». Mais il estime qu’il permet d’éclairer « toutes les zones d’ombre de l’affaire. Car les policiers suspectés ont toujours nié que Chebeya ait été assassiné. Les avocats de l’État ont même nié qu’il soit venu dans les bureaux de l’inspection militaire »

Et de conclure : « Je donne au gouvernement des documents pour que la vérité éclate sur une affaire dont le ministre de la Justice congolais a récemment déclaré vouloir que toute la lumière soit faite ».

 Jeuneafrique.com par Vincent Duhem