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Liberia : Prince Johnson et les sanctions indolores de Washington

décembre 14, 2021
Prince Johnson, à Monrovia, au Liberia, le 26 octobre 2017. © AHMED JALLANZO/EPA/MAXPPP

Le Trésor américain a annoncé avoir pris des sanctions contre Prince Johnson, accusé de corruption. L’ancien chef de guerre est aujourd’hui l’un des hommes politiques les plus puissants du pays, et il y a peu de chances pour qu’il soit un jour poursuivi au Liberia.

S’il est aujourd’hui sénateur, Prince Johnson est surtout connu pour être un ancien – et redoutable – chef de guerre, qui dirigea l’Independent National Patriotic Front of Liberia (INPFL), l’une des principales factions armées active pendant la première guerre civile. Une fois la paix revenue, il a fait le pari de se lancer en politique, en se présentant aux élections sénatoriales en 2005. Il est parvenu à se faire élire et a depuis conservé son siège de sénateur.

Pourquoi est-il sanctionné aujourd’hui ? Dans son communiqué, le Trésor américain affirme que Prince Johnson a développé un système de corruption et de blanchiment d’argent « avec des ministères et des organisations gouvernementales à des fins d’enrichissement personnel ». Il est également accusé d’avoir tout bonnement proposé de vendre des suffrages à ceux qui en avaient besoin lors des différentes élections et d’avoir reçu un salaire du gouvernement en tant que source de renseignements, alors même qu’il ne lui en fournissait pas. « Johnson [est] payé pour maintenir la stabilité intérieure », en conclut le Trésor américain.

Graves violations des droits de l’homme

Les sanctions annoncées le 9 décembre comprennent le gel des propriétés, des intérêts immobiliers et des entités appartenant (directement ou indirectement) à Prince Johnson aux États-Unis. En réponse, l’intéressé a déclaré que « les allégations formulées à son encontre [étaient] vagues et [n’étaient] étayées par aucun fait suggérant [qu’il a] été impliqué dans des affaires de corruption ». Il demande donc au gouvernement américain de fournir les preuves de ce qu’il avance.

En mai 2021, l’ambassade des États-Unis au Liberia avait condamné l’élection de Prince Johnson à la tête de la Commission défense et renseignement du Sénat. Elle avait aussi annoncé qu’elle refusait de travailler avec cet ancien chef de guerre accusé de graves violations des droits de l’homme pendant la guerre civile au Liberia. À la suite de cet épisode, Prince Johnson avait démissionné de son poste.

Au Liberia, de nombreux rapports font état de faits de corruption liés au gouvernement ou à des fonctionnaires. La confiance du public envers l’État et ses agences de lutte contre la corruption est également très faible. Selon le rapport 2021 sur l’état de la corruption du Centre pour la transparence et la responsabilité au Liberia (CENTAL, en anglais), neuf personnes sur dix pensent que la corruption est élevée au Liberia, et les deux tiers des personnes interrogées pensent que le gouvernement ne fait rien pour y remédier. De fait, le président George Weah a beau avoir promis qu’il lutterait contre ce fléau au plus haut niveau, la plupart des individus mentionnés dans les rapports ont échappé aux poursuites.

Tout ceci est en partie dû à la non-application des lois, même si le président de la Commission anti-corruption du Liberia (LACC en anglais) défend son bilan et rappelle qu’elle n’a pas le pouvoir d’engager des poursuites judiciaires.

Influence

Il y a peu de chances que Prince Johnson soit poursuivi ou ait à subir les conséquences de sanctions décidées à Washington. En 2020, le Trésor américain avait en effet sanctionné un autre sénateur libérien, Varney Sherman, lui aussi accusé de corruption. Mais l’intéressé n’a jamais été poursuivi et a conservé son poste.

LES AUTRES FERONT DÉSORMAIS ATTENTION À CE QU’ILS FONT. JE NE DIS PAS QU’ILS NE SERONT PLUS CORROMPUS, MAIS QU’ILS NE LE SERONT PLUS DE MANIÈRE ÉHONTÉE

Sénateur du comté de Nimba, l’un des plus peuplés du Liberia, Prince Johnson demeure très influent dans le pays. Il est surnommé « le faiseur de roi ». C’est en effet le soutien qu’il a apporté à l’un ou l’autre des candidats au second tour des trois dernières élections qui leur a permis d’être élus à la magistrature suprême. Aujourd’hui, il est un allié clé de George Weah. En contrepartie, la formation au pouvoir ne présente plus de candidats face à lui dans le comté de Nimba.

« Je ne suis pas sûr de la différence que ces sanctions feront pour le capital politique de Johnson au niveau local, résume Ibrahim Nyei, chercheur et analyste politique libérien. Il a l’intention de se représenter au Sénat en 2023 [des sénatoriales et une présidentielle auront lieu cette année-là] et il est probable qu’il remportera le scrutin. » Selon lui, l’annonce du Trésor américain a néanmoins le mérite d’envoyer « un message aux autres politiciens corrompus. D’abord Varney Sherman, maintenant Johnson ». « Les autres feront désormais attention à ce qu’ils font, espère-t-il. Je ne dis pas qu’ils ne seront plus corrompus, mais qu’ils ne le seront plus de manière éhontée. »

Par Jeune Afrique – avec Dounard Bondo, pour The Africa Report

Le Trésor américain critique les prêts de la Banque mondiale

novembre 8, 2017

Washington – Un responsable du Trésor américain a vivement critiqué mercredi devant le Congrès la politique de prêts de la Banque mondiale, dont les Etats-Unis sont le premier actionnaire.

Le sous-secrétaire au Trésor en charge des affaires internationales, David Malpass, a blâmé la Banque mondiale pour « continuer à prêter d’importantes sommes d’argent à des pays qui ont un meilleur revenu par tête d’habitant et un accès au marché des capitaux ».

Depuis 2009, affirme le responsable américain, 40% des prêts de la banque mondiale sont allés à des pays qui auraient dû, selon lui, être « reclassés » comme ayant une économie et un accès aux financements sur les marchés suffisants.

Dans un discours devant la sous-commission du commerce et de la politique monétaire de la Chambre des représentants, M. Malpass relève que la Banque mondiale tarde à reclasser ces pays car « elle veut lutter contre la pauvreté dans les pays à revenu moyen (…) et couvrir ses frais en prêtant à des pays plus faciles et moins risqués ».

Il juge que les discussions concernant le processus de reclassement des pays sont souvent « pas sérieuses et sans objet » alors que la décision de reclassement revient fréquemment au pays concerné.

« Nous pensons que la Banque mondiale peut faire un meilleur travail à tenir ses engagements envers les pays les plus pauvres tout en sauvegardant un modèle de gestion sain », ajoute-t-il.

La banque mondiale a réagi en affirmant qu’elle était « toujours à la recherche de moyens de répondre au mieux aux besoins des pays partenaires face aux défis mondiaux croissants tels que les conflits armés, les crises de réfugiés, les maladies et autres menaces », selon un porte-parole.

L’institution base sa politique de « reclassement » d’un pays non seulement sur le revenu par tête d’habitant (au minimum 6.875 dollars/an) mais aussi sur la solidité de ses institutions et son accès au marché des capitaux à des coûts raisonnables. Depuis 1982, 14 pays ont ainsi été reclassés mais certains sont retombés dans la catégorie des pays très pauvres à la suite d’une détérioration de leur économie.

M. Malpass, qui récemment avait souhaité que la Chine emprunte moins aux institutions financières internationales, a critiqué cette fois-ci la politique économique de Pékin dont « la libéralisation semble ralentir voire s’inverser ».

« Récemment le rôle de l’Etat a augmenté dans l’économie chinoise. Les entreprises d’Etat ne font pas face à des contraintes budgétaires et la politique industrielle chinoise devient de plus en plus problématique pour les entreprises étrangères », a affirmé ce responsable de l’administration Trump alors que le président américain est actuellement en visite à Pékin.

« Ce ne sont pas le genre de réformes vers une économie de marché que la Chine a entrepris par le passé ou dont elle a besoin », a ajouté M. Malpass.

Evoquant la 15e revue des quotes-parts du FMI qui doit être achevée d’ici octobre 2019, le responsable américain estime que « pour l’instant » le FMI a les ressources « amplement » suffisantes pour mener à bien sa mission.

Il invite par ailleurs le Fonds à presser les pays emprunteurs à fournir « des informations exactes et ponctuelles » sur leur endettement alors que le FMI vient de donner six mois au Venezuela pour mieux l’informer sur ses statistiques économiques.

Romandie.com avec(©AFP / 08 novembre 2017 23h08)