PARIS (Reuters) – Dominique Strauss-Kahn a été entendu lundi comme témoin pendant environ trois heures dans l’enquête de police sur les accusations de tentative de viol portées par la romancière et journaliste Tristane Banon, a-t-on appris de source policière.
Cette audition, dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le XIIe arrondissement à Paris, s’est achevée vers 11h00.
L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) est parti en voiture sans faire de commentaires. Il nie les accusations.
« A la demande de Dominique Strauss-Kahn, cette audition a eu lieu aussitôt que possible au regard du calendrier de l’enquête », ont dit dans un communiqué ses avocats, Me Frédérique Baulieu et Me Henri Leclerc.
Le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, peut maintenant décider d’ici à la fin de la semaine s’il classe la plainte sans suite ou s’il ouvre une information judiciaire.
Le magistrat, qui doit être installé vendredi dans ses nouvelles fonctions de procureur général de la Cour de cassation, peut aussi laisser son successeur trancher.
Dominique Strauss-Kahn est revenu en France le 4 septembre, après l’abandon à New York des poursuites dans une autre affaire de tentative de viol présumée sur une femme de chambre.
Tristane Banon affirme que Dominique Strauss-Kahn l’avait agressée en 2003 dans un appartement parisien où elle était allée l’interviewer.
DÉMONSTRATION IMPOSSIBLE ?
Si les faits, à les supposer avérés, sont qualifiés d’agression sexuelle, ils sont prescrits puisque le délai dans ce cas de figure est de trois ans. Pour qu’une poursuite soit possible, il faut parvenir à caractériser une tentative de viol, le délai de prescription de ce crime étant de dix ans.
Caractériser une tentative de viol suppose juridiquement de démontrer un début d’exécution et de pouvoir établir que la tentative a échoué pour une raison indépendante de la volonté de l’auteur.
Cette démonstration semble compliquée, voire impossible. Il n’y a pas d’éléments matériels et les dépositions, hormis celle de Tristane Banon, sont uniquement des récits rapportant ce qu’elle avait elle-même raconté, ou ce qui circulait à l’époque, a dit en août une source judiciaire à Reuters.
Si le procureur classait sans suite, Tristane Banon pourrait saisir un juge d’instruction et lui demander une autre analyse. Si ce dernier refusait d’instruire, la cour d’appel pourra être saisie. L’affaire peut donc durer plusieurs mois.
Plusieurs personnalités ont été auditionnées cet été, parmi lesquelles le candidat à la primaire socialiste François Hollande, premier secrétaire du PS à l’époque. Un dépôt de plainte aurait été envisagé mais Tristane Banon y avait renoncé, semble-t-il sur les instances de sa mère, élue socialiste.
La médiatisation des convocations de police a fait dire au principal parti d’opposition que l’affaire était « instrumentalisée ».
Tristane Banon a annoncé sa participation à une manifestation le 24 septembre devant le Palais de justice de Paris. Dans un message diffusé samedi sur sa page Facebook, la jeune femme dit être prise de « nausée » depuis le retour en France de l’ancien directeur général du FMI.
LE PS PAS CONCERNÉ
Dominique Strauss-Kahn reste visé par une plainte au civil de Nafissatou Diallo, l’employée de l’hôtel Sofitel de New York qui l’accuse de l’avoir violée le 14 mai dernier.
En France, une plainte pour « subornation de témoin » concernant une supposée tentative d’un élu socialiste de Sarcelles, l’ancienne circonscription de Dominique Strauss-Kahn, pour faire taire une femme évoquant une liaison avec lui fait aussi l’objet d’une enquête préliminaire de police.
Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, a estimé que l’affaire ne concernait plus directement son parti.
« Pour lui, je souhaite qu’il en sorte au plus vite. Après, je ne suis ni en situation de dire ce qu’il s’est passé, ni maître du calendrier judiciaire. Nous on est dans la primaire, Dominique Strauss-Kahn est sur une autre actualité », a-t-il dit lors d’un point de presse.
L’ancien favori de la présidentielle, dont son entourage avait dit à son retour en France qu’il s’exprimerait dans les 15 jours, pourrait le faire assez vite, peut-être avant le premier débat télévisé entre les candidats à la primaire socialiste, jeudi. Il pourrait s’exprimer dans un hebdomadaire et apparaître dans un journal télévisé.
Reuters par Patrick Vignal