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Unité africaine cherche nouveau souffle

mai 25, 2023

DÉCRYPTAGE. Tout en tirant les leçons de ses échecs passés, l’Union africaine (UA) affiche sa ferme volonté de ne plus être au centre des rivalités géopolitiques.

Moussa Faki Mahamat (1ere a gauche), president de la Commission de l'Union africaine, et Azali Assoumani (au centre), president des Comores, et actuellement a la tete de l'UA, regardent une exposition de photos lors du 60e anniversaire de l'Organisation des unite africaine (OUA), devenue Union africaine, au siege de l'institution a Addis-Abeba le 25 mai 2023.
Moussa Faki Mahamat (1ère à gauche), président de la Commission de l’Union africaine, et Azali Assoumani (au centre), président des Comores, et actuellement à la tête de l’UA, regardent une exposition de photos lors du 60e anniversaire de l’Organisation des unité africaine (OUA), devenue Union africaine, au siège de l’institution à Addis-Abeba le 25 mai 2023.© AMANUEL SILESHI / AFP

Ce jeudi 25 mai est célébrée la journée de l’Afrique. En effet, cela fait soixante ans que l’idée d’une unité africaine a fait son chemin pour devenir plus concrète à travers une institution dédiée. Après la première Conférence des États, qui avait réuni à Accra, en 1958, les huit États africains indépendants, près d’une trentaine de pays décident de fonder, à Addis-Abeba, le 25 mai 1963, l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Et ce malgré les divisions entre « progressistes » et « modérés ». Parmi, les objectifs fixés, au-delà du contenu et de la forme à donner à l’unité, l’urgence a été de faire front pour obtenir la décolonisation du continent et mettre fin à l’apartheid. Depuis, l’institution n’a fait que grandir, avec au total, aujourd’hui 55 pays membres et autant de défis. 60 ans après, quel bilan dresser de l’action de cette organisation ? Que reste-t-il du rêve des pères fondateurs ? Quel avenir pour l’institution panafricaine ?

La Nouvelle Donne géopolitique en échos aux débuts de l’OUA

L’Afrique ne doit pas redevenir un « terrain de bataille géostratégique », a martelé ce jeudi le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, appelant les pays du continent à « résister à l’instrumentalisation » des grandes puissances sur fond de conflit en Ukraine. « Dans ce contexte international d’affrontement, des intérêts géopolitiques divergents, la volonté des uns et des autres menace de transformer l’Afrique en terrain de bataille géostratégique, recréant de ce fait une nouvelle version de la guerre froide », a lancé le dirigeant de l’organisation panafricaine, depuis le siège à Addis-Abeba. « Dans ce jeu à somme nulle, où les gains des autres se traduisent par des pertes pour l’Afrique, nous devons résister à toutes les formes d’instrumentalisation de nos États membres », a-t-il poursuivi.

L’Afrique est au cœur de luttes d’influences internationales qui ont redoublé depuis l’offensive russe en Ukraine. Sur fond de sanctions occidentales, Moscou cherche des soutiens en Asie et en Afrique, où de nombreux États n’ont pas ouvertement condamné l’intervention militaire russe. La Russie a multiplié ces dernières années les initiatives sur le continent, visant à se poser comme alternative aux anciennes puissances coloniales.

Au-delà des difficultés, des progrès

Moussa Faki Mahamat a salué les succès de l’OUA, « celui des indépendances et de la victoire contre l’apartheid, celui des progrès économiques significatifs, des sports, des arts, de l’accroissement du rôle international de l’Afrique ». Il a parallèlement énuméré « les facteurs négatifs, tels que les changements inconstitutionnels de gouvernement et leur cortège d’oppression et de bâillonnement des libertés, l’insécurité, l’extension du terrorisme, l’extrémisme violent, la circulation incontrôlée des armes, les effets négatifs du changement climatique ». « Malgré les difficultés de tous ordres, l’Afrique reste caractérisée par sa grande capacité de résilience. Elle a pu malgré des prévisions pessimistes d’alors, tenir bon face à la prévalence de la Covid-19. Mieux, elle a saisi l’occasion de ce malheur pour repenser sa stratégie sanitaire », a-t-il rappelé. « Preuve que si l’Afrique veut, elle peut, quels que soient la nature et les types d’adversité auxquels elle pourrait avoir à faire face », a-t-il insisté.

D’immenses défis à venir

Président en exercice de l’UA, le chef de l’État comorien Azali Assoumani a lui aussi dénoncé « les changements anticonstitutionnels de pouvoir » qui se sont multipliés ces dernières années en Afrique. Pourtant, la déclaration d’Alger de 1999 contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement, avait mis l’Afrique sur la bonne piste pour en finir avec les putschs. Avec cinq coups d’État dans l’espace de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) en deux ans, force est de constater que l’UA doit encore se mobiliser. « Les conflits inter et intra-africains mais aussi le terrorisme perdurent et par conséquent la paix, la sécurité, la démocratie et le développement de notre continent sont menacés dans plusieurs de nos contrées », a-t-il poursuivi. « À cet égard, nous devons convaincre nos frères du Soudan de privilégier le dialogue pour que cesse la guerre fratricide qui sévit dans ce pays », a-t-il ajouté.

Avec Le Point Afrique

L’Union africaine condamne les déclarations « choquantes » de Kaïs Saïed sur les migrants

février 25, 2023

L’Union africaine a condamné les propos de président tunisien sur les migrants originaires d’Afrique subsaharienne et appelé ses états membres à « s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste ».

Des migrants africains au large de la ville de Sfax, dans le sud de la Tunisie, le 28 octobre 2022. © Yassine Gaidi / Anadolu Agency via AFP

Kaïs Saïed avait provoqué la stupeur le 21 février en prônant des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine de ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie était source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », des propos dénoncés par des ONG.

Lors d’une réunion, le président tunisien avait aussi tenu des propos très durs sur l’arrivée de « hordes de migrants clandestins » et insisté sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration. Il avait en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

« Traiter tous les migrants avec dignité »

Dans un communiqué vendredi, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, « condamne fermement les déclarations choquantes faites par les autorités tunisiennes contre des compatriotes Africains, qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de notre Organisation et de nos principes fondateurs ».

Il « rappelle à tous les pays, en particulier aux États membres de l’Union africaine, qu’ils doivent honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international (…), à savoir traiter tous les migrants avec dignité, d’où qu’ils viennent, s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes, et accorder la priorité à leur sécurité et à leurs droits fondamentaux ».

Crise économique

Moussa Faki Mahamat réitère « l’engagement de la commission à soutenir les autorités tunisiennes en vue de la résolution des problèmes de migration afin de rendre la migration sûre, digne et régulière ».

Le discours de Kaïs Saïed, qui concentre tous les pouvoirs après avoir suspendu en juillet 2021 le Parlement et limogé le gouvernement, survient alors que le pays traverse une grave crise économique marquée par des pénuries récurrentes de produits de base, sur fond de tensions politiques.

Selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Union africaine : le sommet de tous les défis à Addis-Abeba

février 18, 2023

PRESSION. Guerre dans le Sahel et en RDC, crise alimentaire, zone de libre-échange continentale : les dossiers brûlants ne manquent pas en cette mi-février pour l’UA.

En prenant la presidence tournante de l'Union africaine, le Comorien va devoir affronter des dossiers epineux, comme les crises alimentaires, les guerres au Sahel et en RD Congo et surtout la question de l'acceleration de la Zlecaf.
En prenant la présidence tournante de l’Union africaine, le Comorien va devoir affronter des dossiers épineux, comme les crises alimentaires, les guerres au Sahel et en RD Congo et surtout la question de l’accélération de la Zlecaf. © TONY KARUMBA / AFP

Le 36e sommet des chefs d’État de l’Union africaine se tient à Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie, ces 18 et 19 février. Au moins 35 présidents et quatre Premiers ministres y participeront, selon le gouvernement éthiopien. Consacré notamment aux violences meurtrières au Sahel et en République démocratique du Congo, violences qui préoccupent « profondément » l’ONU, sans oublier le projet de zone de libre-échange continentale et la question des crises alimentaires sur un continent confronté à une sécheresse historique, ce sommet s’annonce comme celui de tous les défis.

La paix, une urgence pour le continent

« L’Afrique a besoin d’action pour la paix », a exhorté devant l’assemblée de l’UA le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, évoquant notamment la situation au Sahel et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). En amont du sommet, des échanges ont eu lieu vendredi sur la situation dans l’est de la RDC en proie aux groupes armés, notamment dans la zone frontalière du Rwanda, en présence du chef de l’État congolais Félix Tshisekedi et de son homologue rwandais Paul Kagame. Lors de cette réunion, des chefs d’État de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), constituée de sept pays, ont appelé à un « retrait de tous les groupes armés » d’ici au 30 mars. À propos de l’Éthiopie, son Premier ministre, Abiy Ahmed, hôte du sommet, a loué devant l’assemblée l’accord de paix signé, sous l’égide de l’UA, entre son gouvernement et les rebelles de la région du Tigré, qui a permis, selon M. Abiy, de faire « taire les armes ».

Mali, Burkina, Guinée : l’autre dossier politique

Autre dossier : le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, trois pays dirigés par des militaires issus de coups d’État, à la suite desquels ils ont été suspendus de l’UA, ont envoyé des délégations à Addis-Abeba pour plaider la levée de ces suspensions. Vendredi, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, avait déclaré à l’AFP que le conseil « paix et sécurité » de l’institution se réunirait, à une date non précisée, pour décider d’une éventuelle levée de la suspension de ces trois pays. Samedi, Moussa Faki Mahamat a affirmé que « ces sanctions ne semblent pas produire les résultats escomptés ».

Zone de libre-échange : le dossier économique prioritaire

Sur le versant économique, le sujet central est la zone de libre-échange continentale africaine (Zlec) qui doit réunir 1,4 milliard de personnes et devenir le plus grand marché mondial en termes de population. Le sommet portera, notamment, sur « l’accélération » de la Zlec, destinée à favoriser le commerce au sein du continent et attirer des investisseurs. Précision : pour l’heure, le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges totaux du continent. Selon la Banque mondiale, d’ici à 2035, l’accord permettrait de créer 18 millions d’emplois supplémentaires et « pourrait contribuer à sortir jusqu’à 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté ». Son PIB combiné s’établit à 3 400 milliards de dollars, selon l’ONU. Mais des divergences demeurent sur le continent. Tous les pays de l’UA, à l’exception de l’Érythrée, y ont adhéré, mais les discussions achoppent sur le calendrier des réductions des droits de douane, notamment pour les pays les moins développés. M. Guterres a estimé que la Zlec « représente une voie véritablement transformatrice vers la création d’emplois et de nouvelles sources de prospérité pour les Africains ».

Azali Assoumani, nouveau président tournant

Par ailleurs, Azali Assoumani, président des Comores, petit archipel de l’océan Indien d’environ 850 000 habitants, a pris la présidence tournante de l’UA, à la suite de Macky Sall, le chef de l’État sénégalais qui, avant de passer la main, a présenté un rapport sur les crises alimentaires, sur un continent durement touché par les conséquences – notamment la flambée des prix – de la guerre en Ukraine. « Notre organisation vient de prouver au monde sa conviction que tous les pays ont les mêmes droits », s’est félicité le président comorien qui a plaidé pour une « annulation totale » de la dette africaine.

Cela dit, le chef de l’État comorien « aura besoin du soutien d’autres dirigeants africains pour assumer son mandat, compte tenu du poids diplomatique limité du pays », note l’ONG International Crisis Group (ICG). En attendant, sa présidence de l’UA n’est pas accueillie avec joie par tout le monde. L’arrivée d’Azali Assoumani est « un échec », estime auprès de l’AFP Mahamoudou Ahamada, avocat et candidat à la présidentielle de 2019. « Seuls les dictateurs africains insoucieux de leurs populations respectives peuvent être enchantés de cette nomination. » Mais, selon le conseiller diplomatique du chef de l’État, Hamada Madi, cette nomination est au contraire le résultat de « la persévérance » d’Azali Assoumani et voir « l’Union des Comores sur le toit de l’Afrique est tout simplement magnifique ».

Mais qui est vraiment Azali Assoumani, premier Comorien à prendre la présidence tournante de l’organisation panafricaine ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est controversé. Présenté comme quelqu’un qui aime le pouvoir pour n’avoir pas hésité à jeter ses opposants en prison et à changer la loi pour rester au palais présidentiel de Beit-Salam, cet ancien chef d’état-major de l’armée, né le 1er janvier 1959, a été formé à l’Académie royale militaire marocaine de Meknès (1978-1981) et à l’École de guerre de Paris (1985-1986).

Azali Assoumani a surgi sur la scène politique comorienne en 1999 à la faveur d’un des nombreux coups d’État qui ont agité le petit archipel de l’océan Indien depuis son indépendance de la France en 1975. Se présentant comme un « profond démocrate », il a expliqué à l’époque s’être emparé du pouvoir uniquement pour éviter une guerre civile, en pleine crise séparatiste avec l’une des îles de ce pays pauvre d’environ 900 000 habitants. La suite va démentir cette affirmation, car il a semblé avoir vraiment pris goût au pouvoir. Se représentant en 2002, il ne rendra les clés du pays aux civils qu’en 2006, à contrecœur, en vertu d’une Constitution qui établit une présidence tournante entre les trois îles de l’Union (Grande Comore où il est né, Anjouan et Mohéli). Il se retirera alors sur ses terres et deviendra agriculteur. Mais loin du pouvoir, l’homme s’ennuie et s’estime « au chômage »…

En 2016, l’appel est trop fort et Azali Assoumani se représente à la fonction suprême. Défiant les pronostics, il remporte un scrutin chaotique et contesté. Quitter le pouvoir « a été une erreur » qu’il ne répétera pas, a-t-il un jour confié à un diplomate en poste dans la capitale Moroni. De retour au palais présidentiel, il élimine en quelques mois tous les obstacles : dissolution de la Cour constitutionnelle, modification de la Constitution pour étendre d’un à deux mandats la durée de la présidence tournante, et élection anticipée en 2019. Résultat : la prochaine présidentielle aura lieu l’an prochain et s’il est réélu, Azali Assoumani régnera jusqu’en 2029. Sur sa route vers le pouvoir, il a aussi fait arrêter ses principaux opposants, dont l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi pour corruption. En détention préventive pendant plus de quatre ans, M. Sambi a finalement été condamné en novembre à la prison à vie pour haute trahison, au terme d’un procès dénoncé comme inéquitable.

Ses détracteurs aiment rappeler un épisode peu glorieux de sa carrière militaire. En 1995, retranché à la radio nationale assiégée par les mercenaires du Français Bob Denard, il a abandonné ses hommes en plein combat : « Tenez bon, je vais chercher des renforts », aurait-il promis avant de courir se réfugier à l’ambassade de France à Moroni. Bon tribun, le colonel marié et père de quatre enfants s’est autoproclamé imam après 2016. Selon ses proches au pouvoir, « il est convaincu que ce qui lui arrive est d’ordre divin ».

Avec Le Point Afrique

Ethiopie : l’UA réclame un cessez-le feu, les rebelles du Tigré « prêts à le respecter » appelle les belligérants à « se réengager » dans la paix

octobre 16, 2022
Ethiopie : l'UA reclame un cessez-le feu, les rebelles du Tigre "prets a le respecter"appelle les belligerants a "se reengager" dans la paix
Ethiopie : l’UA réclame un cessez-le feu, les rebelles du Tigré « prêts à le respecter » appelle les belligérants à « se réengager » dans la paix© AFP/Archives/Amanuel Sileshi

L’Union africaine (UA) a appelé dimanche à un cessez-le-feu immédiat au Tigré, où la violence s’intensifie, les rebelles de cette région du nord de l’Ethiopie se disant « prêts à le respecter ».

La ville de Shire, dans le nord-ouest du Tigré, a été bombardée pendant plusieurs jours, au cours d’une offensive commune des troupes éthiopiennes et érythréennes contre les rebelles tigréens qui a fait plusieurs victimes civiles.

Un membre de l’International Rescue Committee (IRC), une ONG apportant des secours aux sinistrés, a été tué et un autre blessé dans une de ces attaques vendredi, qui a fait deux autres morts, des civils, selon l’IRC.

Après le secrétaire général de l’ONUAntonio Guterres, qui s’est dit préoccupé par l’aggravation des violences, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a réclamé « un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel ».

« Le président exhorte les parties à réitérer leur engagement au dialogue conformément à leur accord pour que des pourparlers directs soient convoqués en Afrique du Sud« , a-t-il ajouté dans un communiqué.

En réponse, les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) se sont dits « prêts à respecter » une telle pause dans les combats.

« Nous sommes prêts à respecter une cessation immédiate des hostilités. Nous appelons également la communauté internationale à contraindre l’armée érythréenne à se retirer du Tigré, à prendre des mesures en vue d’une cessation immédiate des hostilités et à faire pression sur le gouvernement éthiopien pour qu’il vienne à la table des négociations », a déclaré le TPLF.

Report des négociations

Peu avant, le bureau Afrique du Département américain avait jugé sur Twitter que « la priorité » était de « parvenir à une cessation immédiate des hostilités ».

La balle est désormais dans le camp du gouvernement éthiopien qui, contacté par l’AFP, n’a pas souhaité dans l’immédiat faire de commentaires.

Ce gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed et les autorités tigréennes avaient accepté une invitation de l’UA à discuter, mais les négociations qui devaient commencer le week-end dernier en Afrique du Sud n’ont pas eu lieu.

Des diplomates ont suggéré que des problèmes logistiques étaient en partie à l’origine de leur report.

Les derniers combats ont eu lieu lorsque l’envoyé spécial américain, Mike Hammer, est arrivé à Addis-Abeba pour faire pression en vue de mettre fin à cette guerre qui dure depuis près de deux ans.

La ville de Shire, à environ 40 km au sud de la frontière éthiopienne avec l’Érythrée, a été « soumise à des frappes aériennes et d’artillerie lourde continues toute cette semaine », a déclaré à l’AFP un travailleur humanitaire sur place.

Un membre de l’IRC y a été tué lorsque l’ONG distribuait de la nourriture aux « bénéficiaires du PAM, y compris des mères et des enfants vulnérables », a déploré dimanche le Programme alimentaire mondiale (PAM) des Nations unies.

« Le PAM condamne tout ciblage délibéré des activités humanitaires et appelle fermement toutes les parties au conflit à respecter et protéger les opérations et le personnel humanitaires, conformément à leurs obligations liées au droit international humanitaire », a déclaré à l’AFP un porte-parole du PAM en Éthiopie.

Evoquant les « récentes attaques aveugles » des forces éthiopiennes et érythréennes, la cheffe de l’Agence américaine pour l’aide humanitaire (USAID), Samantha Power, juge, quant à elle, que « le risque d’atrocités et de pertes de vies supplémentaires s’intensifie, en particulier autour de Shire ».

Les affrontements avaient repris en août au Tigré après une accalmie de cinq mois, ébranlant les espoirs de régler un conflit qui a provoqué la mort d’un nombre incalculable de civils et diminuant l’aide humanitaire nécessaire.

Le conflit a éclaté en novembre 2020 lorsqu’Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix, a envoyé des troupes contre le TPLF, le parti au pouvoir au Tigré qu’il accuse d’avoir organisé des attaques contre des camps militaires.

Le TPLF a dominé la coalition au pouvoir en Éthiopie pendant des décennies, avant qu’Abiy Ahmed n’arrive au pouvoir en 2018.

Par Le Point avec AFP

Mali : Bamako souligne ses « avancées » démocratiques et demande la levée des dernières sanctions

septembre 7, 2022

À Lomé, le chef de la diplomatie malienne a insisté sur les progrès accomplis dans le sens d’un retour des civils au pouvoir, tout en martelant une nouvelle fois le discours d’une souveraineté recouvrée.

Faure Gnassingbé (dr.), le président du Togo, reçoit Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, à Lomé, le 6 septembre 2022. © Twitter / Abdoulaye Diop

C’est depuis Lomé que le Mali a demandé, mardi 6 septembre, la levée des sanctions imposées par les organisations africaines après deux coups d’État militaires en deux ans. Le ministre malien des Affaires étrangères a tenu à souligner les progrès accomplis par son gouvernement sur la voie d’un retour des civils au pouvoir. « L’une des priorités majeures du gouvernement de transition reste l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles en vue du retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé dans le délai de 24 mois [à compter de mars 2022] », a déclaré Abdoulaye Diop devant un groupe ad-hoc créé par l’Union africaine en 2020, après le premier putsch des colonels maliens.

La date d’un retour des civils au pouvoir dans un Mali en proie à une grave crise sécuritaire et politique a donné lieu, depuis le premier coup d’État d’août 2020, à deux années de confrontation entre le Mali, ses voisins ouest-africains et une partie de la communauté internationale.

L’Union africaine (UA) et la Cedeao l’ont suspendu une première fois après le putsch d’août 2020 au terme duquel Ibrahim Boubacar Keïta a été renversé, puis à nouveau après un second coup de force renforçant la mainmise des colonels en mai 2021. Les tensions se sont atténuées quand les militaires se sont engagés, sous la pression, à organiser des élections en février 2024. La Cedeao a alors levé les sévères sanctions financières et commerciales infligées en janvier 2022.

« Normalisation progressive »

Mais la suspension du Mali des organisations africaines est restée en vigueur, de même que des sanctions individuelles prises par la Cedeao fin 2021 contre quelque 150 membres de la junte. Pourtant, « les avancées indéniables » réalisées par le gouvernement malien plaident pour une levée de la suspension de l’UA, a estimé Abdoulaye Diop.

Concernant la Cedeao, le chef de la diplomatie malienne a salué une « normalisation progressive » tout en qualifiant les sanctions encore en vigueur d’ « entraves ». « Le gouvernement du Mali demande la levée de ces mesures afin de favoriser une pleine coopération avec tous les partenaires », a-t-il dit devant le groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali.

Depuis 2021, les autorités maliennes se sont détournées de la France et de ses alliés, et tournées vers la Russie. Les relations se sont aussi compliquées avec la mission de l’ONU au Mali (Minusma) et, plus récemment, le voisin ivoirien après l’interpellation mi-juillet à Bamako de 49 soldats ivoiriens.

Ces derniers devaient, selon Abidjan et la Minusma, participer à la sécurité du contingent allemand de la Minusma, suivant des dispositions onusiennes permettant aux Casques bleus de faire appel à des prestataires extérieurs pour des appuis logistiques. Mais Bamako a présenté les Ivoiriens comme des mercenaires (trois d’entre eux – des femmes – ont fini par être libérés ce week-end). La junte est-elle même accusée de s’être assuré les services de mercenaires russes.

À Lomé, Abdoulaye Diop a martelé une fois de plus le discours d’une souveraineté recouvrée et assuré que le Mali n’était pas isolé. Le Mali est ouvert « à tous les partenariats », mais il « n’acceptera pas qu’on puisse nous imposer des agendas, qu’on puisse nous imposer notre propre agenda, nos priorités [et des] diktats », a-t-il dit.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Charles Michel : « En Afrique, la Russie utilise le mensonge comme arme de guerre »

juillet 16, 2022

À la veille d’un sommet de l’Union africaine qui se tient à Lusaka, en Zambie, à partir du 17 juillet, le président du Conseil européen est revenu pour Jeune Afrique sur les conséquences de la guerre en Ukraine dans les relations entre les deux continents.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, le 31 mai 2022 à Bruxelles (Belgique). © Zheng Huansong/XINHUA-REA.

Le 18 février, l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) bouclaient, à Bruxelles, la sixième édition de leur sommet conjoint. Au programme : zone-libre-échange, lutte contre le Covid-19, insécurité, l’initiative Global Gateway… Mais une semaine plus tard, à plus de 2 000 km de la capitale belge, le lancement d’une offensive russe en Ukraine est venu bouleverser le contexte diplomatique. Lors de la prochaine rencontre de l’UA, à partir du 17 juillet à Lusaka (Zambie), le président du Conseil européen, Charles Michel, prendra la parole en ouverture du sommet.

Bousculée par la montée de l’influence russe sur le continent, l’Union européenne est aujourd’hui confrontée aux conséquences, sur le continent africain, de la guerre en Ukraine. Le diplomate de 46 ans, ancien Premier ministre de la Belgique, est revenu pour Jeune Afrique sur cette nouvelle donne diplomatique et ses répercussions.

Jeune Afrique : Vous prononcez un discours, ce 17 juillet, à l’occasion de l’ouverture du sommet de l’Union africaine qui se tiendra à Lusaka. Quels seront les enjeux de ce sommet et de la coopération avec l’Union européenne ?

Charles Michel : Le sommet qui s’est tenu à Bruxelles en février a marqué un tournant dans la relation entre l’Europe et l’Afrique. Nous avons mis en place un nouveau paradigme avec une relation basée sur l’écoute mutuelle. Coïncidence piquante : quelques jours après, s’est déclenchée une guerre sur le sol européen. Elle a brutalement ébranlé le droit international, mais aussi induit des effets en matière de sécurité alimentaire, d’inflation, d’énergie. Ce sommet nous permettra notamment d’envisager comment réduire ensemble les effets néfastes de cette guerre.

Quels projets concrets pouvez-vous mettre en avant dans le cadre de l’initiative Global Gateway ?

Cent cinquante milliards d’euros sont mobilisés pour l’Afrique. Il faut désormais transformer tout cela en projets réels. Nous avons enclenché un partenariat pour la production de vaccins contre le Covid-19. Quelques mois plus tard, les premiers projets étaient lancés au Rwanda, en Afrique du Sud, au Sénégal et au Ghana.

Nous travaillons à présent à nous assurer que les grandes plateformes, comme Gavi ou Covax, viendront bien acheter les vaccins produits en Afrique. Lors de mes échanges avec [le président sénégalais] Macky Sall et [le Sud-Africain] Cyril Ramaphosa au G7 en Allemagne, nous sommes convenus de nous inspirer de ce que nous avions fait en matière de vaccins pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Cela apparaît vital.

Cette volonté de remodeler la relation Europe-Afrique s’inscrit néanmoins dans un contexte où les pays africains se tournent de plus en plus vers d’autres partenaires, comme la Turquie, la Chine ou la Russie…

Les responsables africains sont souverains et libres de choisir leurs partenaires. Il appartient aux Européens de montrer que le projet qu’ils portent est attractif. Une dynamique sincère de respect mutuel a été instaurée. Est-ce que pour autant tout est résolu ? Bien sûr que non.

Comprenez-vous cette envie de se choisir des partenaires jugés moins « contraignants », notamment sur le plan de la démocratie ou des droits humains ?

Mon propos ne vise pas à juger la qualité des partenariats que l’Afrique conclut avec d’autres acteurs, mais à montrer celle de l’Union européenne et sa valeur ajoutée. J’observe que des pays africains qui se sont engagés dans des partenariats avec d’autres acteurs semblent aujourd’hui exprimer des regrets, parce qu’ils subissent un étranglement financier et se rendent compte que les infrastructures n’ont pas la qualité espérée au moment de la signature du contrat.

À qui pensez-vous ?

Je pense qu’ils se reconnaissent.

Dans le contexte actuel, l’influence grandissante de la Russie sur le continent menace-t-elle la relation entre l’Union européenne et l’Afrique ?

La manière dont la Russie et l’Europe envisagent leur présence en Afrique repose sur des postulats totalement antagonistes. Moscou a développé un business model visant à capter des ressources naturelles en échange de quelques maigres services sécuritaires, qui s’avèrent extrêmement peu efficaces et même violents pour les populations africaines.

Il y a un intérêt stratégique pour la Russie à entretenir la corruption, l’instabilité et l’insécurité au sud de l’Europe. À l’inverse, quand l’Afrique se porte bien, c’est une bonne chose pour l’Europe. Et quand elle est en difficulté, cela a des conséquences sur l’exportation des conflits ou l’immigration irrégulière, ce qui entraîne des débats compliqués chez nous.

Il y a pourtant une réelle demande de certaines populations africaines de renforcer la coopération avec la Russie…

La Russie utilise massivement la propagande, la désinformation, en un mot le mensonge, comme arme de guerre. Cela vise à dresser les jeunesses africaines contre des pays européens par le biais de narratifs mensongers et indignes. Notre défi est de restaurer la vérité et la transparence.

Comment l’UE riposte-t-elle sur le terrain de la désinformation ?

Soutenir une presse libre et indépendante est une manière de produire l’antidote à la désinformation. D’autant que des mensonges sont fabriqués pour porter des accusations graves contre des États – nous l’avons vu par exemple au Mali avec le groupe Wagner. Les services de renseignements européens ont pu rétablir la vérité, parfois même avant que ces opérations n’aient pu être menées.

Cela représente-t-il un défi ? Oui. Est-il difficile à relever ? Oui, car c’est aussi un espace où les Russes essayent d’instrumentaliser l’histoire entre l’Europe et l’Afrique, en particulier le colonialisme, pour tenter de semer la zizanie.

L’EXPÉRIENCE A MONTRÉ AU CONTRAIRE QUE LÀ OÙ DES INFLUENCES RUSSES SE DÉPLOIENT, IL Y A UN IMPACT.

Au-delà de la guerre de l’information, comment l’Union européenne peut-elle riposter ? 

Notre meilleur antidote est de montrer que notre partenariat est bénéfique et utile pour l’Afrique. Et c’est le cas par exemple lorsque nous parvenons au Rwanda, au Sénégal ou en Afrique du Sud à faire en sorte que les Africains soient maîtres de leur destin pharmaceutique. L’expérience a montré au contraire que là où des influences russes se déploient, il y a un impact. En Centrafrique et au Mali, cela se matérialise par davantage d’insécurité, d’instabilité et de pauvreté.

Considérez-vous néanmoins, qu’au-delà de l’influence russe, il y ait pu avoir des erreurs des pays européens qui expliquent ce rejet ?

Je ne veux pas parler d’erreur. Les historiens écriront l’histoire, il incombe aux hommes politiques de tirer les leçons nécessaires. Je crois fondamentalement qu’il y a depuis longtemps une attente légitime de la part des peuples et des leaders africains de respect et de compréhension mutuelle. C’est sur cette fondation que repose le paradigme que nous avons défini lors du sommet UE-UA.

Quelles sont les conséquences de la guerre en Ukraine sur la collaboration entre l’UE et l’UA ?

En Afrique, il n’y a pas la même lecture de cette guerre et probablement pas la même interprétation de ses conséquences. La meilleure manière d’agir est donc d’avoir un dialogue politique pour nous permettre, nous Européens, de comprendre les arguments de chacun, et pour nos homologues africains de comprendre pourquoi nous pensons que cette guerre est très grave.

DES NAVIRES RUSSES EMPÊCHENT LES EXPORTATIONS SUR LA MER NOIRE ET DES CHARS D’ASSAUT RUSSES DÉTRUISENT LES CHAMPS EN UKRAINE

Ce n’est pas parce qu’elle a lieu sur le sol européen, mais parce qu’un membre permanent du Conseil de sécurité, qui dispose de l’arme nucléaire, remet en cause la souveraineté d’un pays de plus de 40 millions d’habitants aux frontières de l’Europe et parce que cette guerre déclenche une crise alimentaire grave. Parce que ce sont des navires russes qui empêchent les exportations sur la Mer noire et des chars d’assaut russes qui détruisent les champs en Ukraine. Parce que c’est la Russie qui a choisi de faire de cette mer une zone de guerre totale et qui a décidé de stopper les exportations de grains, alors qu’il n’y a pas la moindre sanction européenne ni du G7 contre le grain ou les engrais russes. Sur tous ces sujets, des mensonges sont répandus.

Le blocage de céréales du fait du conflit ukrainien a de lourdes conséquences pour la sécurité alimentaire de l’Afrique. Comment l’UE et l’UA comptent-elles travailler sur la question ?

La première urgence est de faire en sorte de pouvoir exporter le grain bloqué en Ukraine. J’étais à Odessa il y a quelques semaines : il est stupéfiant de voir ces millions de tonnes de céréales dans des bateaux qui ne peuvent pas quitter l’Ukraine. Pour cela, nous avons immédiatement mis en place des routes alternatives. Plusieurs millions de tonnes ont déjà été exportées via la Pologne, la Roumanie… Mais cela prend plus de temps, trop de temps. C’est pourquoi nous soutenons les efforts des Nations unies pour trouver un accord et ouvrir un corridor humanitaire en Mer noire. Je salue d’ailleurs le soutien de la Turquie dans ces négociations.

Et sur le continent africain ?

Nous devons structurellement faciliter les capacités de production en Afrique. Cela requiert de faciliter l’accès aux intrants, à l’eau, de favoriser la construction de routes. Le travail a en ce sens a commencé en février avec l’Union africaine, il doit s’accélérer avec ce nouveau sommet.

Comment comprenez-vous l’abstention massive des pays africains lors du vote de la résolution de l’ONU sur l’Ukraine en mai ?

Je comprends qu’un certain nombre de pays africains ne voulaient pas apparaître comme étant dans un camp ou dans un autre. Même si ce ne sont pas les mêmes raisons qui ont poussé les uns et les autres à l’abstention, je peux dire, pour en avoir parlé ouvertement avec beaucoup de leaders africains, qu’il y avait la crainte de mesures de rétorsion. Mais il faut aussi souligner que plusieurs pays africains se sont levés sans ambiguïté sur le sujet et certains peuvent être soumis à des pressions. Je ne blâme personne. J’essaye de comprendre les motifs de ceux qui se sont abstenus et ne renonce pas à les convaincre.

Avec Jeune Afrique par Manon Laplace et Romain Gras

Face à Poutine, Macky Sall vainqueur à la courte table ?

juin 4, 2022

L’Union africaine est-elle venue en Russie pour quémander ou peser sur le conflit ukrainien ? Peu importe pour Macky Sall et Vladimir Poutine, qui peuvent tous les deux s’estimer satisfaits des messages distillés par la photo de leur tête-à-tête.

© Damien Glez

« Même si tu n’aimes pas le lièvre, il faut reconnaître qu’il court vite », dit le proverbe ouest-africain. Et le président en exercice de l’Union africaine ne semble jamais ralentir la cadence de ses cartes postales quotidiennes, au four politique et au moulin économique de sujets continentaux les plus variés. Son omniprésence médiatique serait-elle destinée à masquer un manque d’implication locale du président… sénégalais ? Les grincheux franchissent le pas, eux qui continuent de décrypter le caractère potentiellement divinatoire du récent teaser de Macky Sall : « Mon travail de président est loin d’être fini ».

Et voilà le chef de l’État sénégalais, en compagnie du président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, sur les chemins cahoteux de la crise la plus médiatisée, actuellement, à l’échelle planétaire : le conflit ukrainien. Aux grognons occidentaux qui voient désormais d’un mauvais œil qu’on prenne le thé, à Sotchi, avec le pestiféré Poutine, Macky Sall indique que sa visite au maître du Kremlin « s’inscrit dans le cadre des efforts que mène la présidence en exercice de l’Union pour contribuer à l’accalmie dans la guerre ». Diplomate jusqu’au bout des ongles, il ajoute qu’il accorde de mêmes tranches d’agenda au président ukrainien, l’UA ayant « accepté la demande du président Volodymyr Zelensky d’adresser un message à l’organisation par visioconférence ».

Libérer les stocks de céréales

Aux bougons ouest-africains qui pourraient se sentir négligés, le président sénégalais explique que le séjour russe était destiné à négocier « la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains ». Mardi, il évoquait déjà, en direction des dirigeants des pays européens réunis à Bruxelles, « le scénario catastrophique de pénuries et de hausses généralisées des prix » résultant du blocus en mer Noire.

Après le face-à-face Macky-Vladimir, la communication fera le reste. En mode propagande pour le déclaré afrophile Poutine qui ne snobe plus un cliché avec un chef d’État, qui plus est un responsable continental. Le chef du Kremlin est conscient qu’une certaine « poutinolâtrie » anime des rues africaines, même si tous les dirigeants de l’UA. n’ont pas la même position officielle sur le dossier ukrainien.

Quant au Sénégalais, rappelant que la visite en Russie s’est faite « à l’invitation de Vladimir Poutine », il capitalisera tout autant sur les messages subliminaux que sur d’hypothétiques avancées diplomatiques à dimension céréalière. De ce point de vue, le cliché de la rencontre jure avec celui de Poutine recevant Macron le 7 février dernier. Une table nue et aux couleurs froides de six mètres séparait le Russe du Français, tandis qu’un guéridon ébène circulaire garni d’un bouquet blanc, jaune et rose permettait à Poutine et Sall de n’être séparés que d’un bon mètre. Pour Macron : des fauteuils de travail et un visage verrouillé du maître du Kremlin. Pour le président de l’Union africaine : de larges fauteuils qui inspirent la détente et un sourire chaleureux de son hôte… Si la pensée populaire trouve « le diable dans les détails », les diplomates évaluent l’importance d’un interlocuteur aux choix scénographiques précis retenus par un hôte…

Damien Glez

Avec Jeune afrique par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Céréales: le président de l’Union africaine « rassuré » après sa rencontre avec Poutine

juin 3, 2022
Cereales: le president de l'Union africaine "rassure" apres sa rencontre avec Poutine
Céréales: le président de l’Union africaine « rassuré » après sa rencontre avec Poutine© SPUTNIK/AFP/Mikhail KLIMENTYEV

Le président du Sénégal et en exercice de l’Union africaine Macky Sall s’est dit vendredi « rassuré » après sa rencontre avec Vladimir Poutine, à qui il a fait part de ses craintes sur l’impact en Afrique d’une crise alimentaire provoquée par l’offensive russe en Ukraine.

« Nous sortons d’ici très rassurés et très heureux de nos échanges », a déclaré M. Sall aux journalistes à l’issue d’un entretien de trois heures à Sotchi (sud de la Russie), ajoutant avoir trouvé le président russe « engagé et conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines ».

M. Poutine a évoqué « plusieurs moyens de faciliter l’exportation, soit par le port d’Odessa », qui doit toutefois être déminé, soit « par le port de Marioupol », qui a récemment repris du service avec la conquête de la ville par Moscou, ou encore « par le Danube » ou « la Biélorussie », a indiqué M. Sall.

Au début de l’entrevue, M. Sall, qui était accompagné du chef de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, avait demandé à Vladimir Poutine de « prendre conscience » que l’Afrique était « victime » de la situation.

L’ONU craint en effet « un ouragan de famines », essentiellement dans des pays africains qui importaient plus de la moitié de leur blé d’Ukraine ou de Russie, d’autant que plus aucun navire ne peut sortir des ports d’Ukraine en raison de l’offensive.

M. Sall a souligné que « la majorité des pays africains » avait « évité de condamner la Russie » lors de deux votes de l’ONU et, qu’avec « l’Asie, le Moyen-Orient ainsi que l’Amérique latine, une bonne partie de l’humanité » avait préféré se tenir à l’écart du conflit.

Le président sénégalais a également relevé que les tensions alimentaires avaient été aggravées par les sanctions occidentales, qui affectent la chaîne logistique, commerciale et financière de la Russie.

Il a donc appelé à ce que le secteur alimentaire soit « hors des sanctions » imposées par les Occidentaux contre Moscou.

En raison de ces mesures punitives, « nous n’avons plus accès aux céréales venant de Russie, mais surtout aux engrais », a affirmé Macky Sall, jugeant que cela créait « de sérieuses menaces sur la sécurité alimentaire du continent ».

Vladimir Poutine, de son côté, n’a pas abordé ce sujet dans la partie publique de leur rencontre. En revanche il a rappelé le « soutien » de l’Union soviétique aux pays africains « dans la lutte contre la colonisation » et vanté le développement des relations russo-africaines.

Flambée des cours

L’offensive russe en Ukraine a paralysé les exportations alimentaires de ces deux géants de l’agriculture.

Cela a entraîné une flambée des cours des céréales et des huiles, dont les prix ont dépassé ceux des printemps arabes de 2011 et des émeutes de la faim de 2008.

Le programme de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué que huit à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition dans le monde, si la crise dure.

Or, les voyants sont au rouge, plus aucun navire ne sortant d’Ukraine, qui était aussi le quatrième exportateur de maïs, en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait seule 50 % du commerce mondial de graines et d’huile de tournesol avant le conflit.

Moscou affirme que le blocage n’est pas de sa faute, ni le résultat de la présence de sa flotte de guerre au large de l’Ukraine, mais qu’il est le résultat du minage des ports ukrainiens par Kiev.

En outre, les exportations russes de céréales sont largement bloquées à cause des sanctions logistiques et financières imposées par l’Occident pour punir la Russie.

Pour éviter que la crise ne perdure, le Kremlin a réclamé la levée des sanctions et le déminage des ports ukrainiens, position dénoncée comme un « chantage » par Kiev.

Lundi, Vladimir Poutine s’est toutefois dit prêt à travailler avec la Turquie pour l’instauration de « corridors maritimes » permettant la libre circulation des marchandises en mer Noire, y compris des « céréales provenant des ports ukrainiens ».

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sera en Turquie le 8 juin pour discuter avec son homologue Mevlüt Cavusoglu de l’instauration de ces corridors.

Avec Jeune Afrique

Crise alimentaire : comment l’UA et l’UE veulent faire face

mars 27, 2022
30 % du blé consommé en Afrique provient de Russie et d’Ukraine. © Vadim Ghirda/AP/SIPA

L’initiative Food on Agriculture Resilience Mission (Farm), présentée par Emmanuel Macron, vise à augmenter la production de blé dans certains pays et à mettre en place un système de solidarité internationale.

« Nous sommes en train d’entrer dans une crise alimentaire sans précédent ». Emmanuel Macron a présenté jeudi aux dirigeants du G7 l’initiative Farm (Food on Agriculture Resilience Mission) pour anticiper les conséquences néfastes de la guerre en Ukraine sur les semailles de blé et plus largement de céréales.

S’exprimant après les sommets du G7 et de l’Otan, le président français a appelé Moscou à être « responsable » en permettant que les semis en Ukraine aient lieu. Faute de quoi la guerre provoquera dans douze à dix-huit mois « une famine inéluctable », avec notamment des risques de pénurie de céréales en Afrique. Des risques particulièrement élevés en Afrique du Nord. Si 30 % du blé consommé en Afrique provient de la Russie (3e producteur mondial) et de l’Ukraine (9e producteur mondial), en Afrique du Nord – plus précisément en Égypte et en Libye – cette proportion dépasse largement les 50 %. Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la crainte de pénurie a d’ailleurs déjà fait augmenter le prix du pain dans ces deux pays et dans beaucoup d’autres sur le continent.

L’Union européenne (UE), qui a déjà embarqué l’Union africaine (UA) dans l’initiative Farm et qui veut y associer le Programme alimentaire mondial (PAM), entend débloquer, en réponse immédiate à cette crise, 595 millions de dollars.

Plus de production

L’initiative Farm interviendra à plusieurs niveaux, à moyen comme à court terme. D’abord, en élaborant un plan d’urgence commercial ; en instaurant un système de solidarité permettant de libérer le surplus dans les stocks de certains pays producteurs pour les répartir équitablement aux pays les plus nécessiteux. Ensuite, pour anticiper le manque de production dès cet été, une aide financière sera apportée aux pays les plus dépendants pour leur permettre d’accroître leur propre production. Un projet d’aide similaire avait déjà été présenté le 15 mars par la Banque africaine de développement (BAD), avec l’annonce d’une levée de fonds d’1 milliard de dollars pour aider 40 millions d’agriculteurs africains à augmenter leur production de variétés de blé.

LE CONTINENT AFRICAIN SUBIT DE PLEIN FOUET CETTE GUERRE EN UKRAINE

Plus tôt cette semaine à l’occasion du Forum mondial de l’eau, le chef d’État sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’UA, avait appelé les partenaires internationaux, dont la Banque mondiale, à aider l’Afrique à faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine en lui réallouant notamment les droits de tirage spéciaux (DTS) des pays riches.

« Le continent africain subit de plein fouet cette guerre en Ukraine », a déclaré Macky Sall qui a rappelé « l’urgence de la demande africaine de réallocation des DTS des pays riches en faveur des pays en développement, particulièrement des pays africains pour soutenir nos efforts de résilience et de relance économique », après avoir fait une première demande à Bruxelles en février.

La communauté internationale s’est accordée sur le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars pour amortir l’impact de la pandémie de Covid-19, dont 33 milliards doivent revenir mécaniquement à l’Afrique par le jeu des quotes-parts au sein de l’institution de Washington. « Il y a une inflation réelle qui frappe les pays [alors que] nous avons un autre choc dans le Sahel, le terrorisme, qui fait que les États font face à des dépenses nouvelles qui n’étaient pas prévues », a ajouté le président sénégalais.

Par Jeune Afrique avec AFP

Europe-Afrique : Barkhane, investissements et vaccins… Ce qu’il faut retenir du sommet UE-UA

février 18, 2022
Ursula von der Leyen, Macky Sall, Emmanuel Macron et Charles Michel, le 18 février 2022 à Bruxelles lors du sommet UE-UA. © John Thys/AP/SIPA

L’Union européenne et l’Union africaine ont scellé vendredi à Bruxelles un « partenariat rénové », avec notamment le lancement d’une stratégie européenne d’investissements de 150 milliards d’euros et une aide accrue pour produire des vaccins anti-Covid en Afrique. Les questions sécuritaires dans le Sahel ont également été au coeur des discussions.

Les Européens ouvrent également la voie à une ré-allocation accrue en faveur des Africains des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) destinés aux pays riches, mais sans engagement ferme, selon la déclaration commune adoptée lors du 6e sommet des deux organisations. « Notre vision commune (…) a pour objectif de consolider un partenariat renouvelé pour la solidarité, la sécurité, la paix, le développement économique durable », ont plaidé les dirigeants africains et européens, réunis depuis jeudi pour « réinventer » leur relation et « installer un nouveau logiciel », selon la formule du Sénégalais Macky Sall, président de l’UA.

La réunion a été l’occasion pour les Vingt-Sept de lancer une stratégie globale d’investissements dotée d’au moins 150 milliards d’euros sur sept ans pour « aider des projets voulus et portés par les Africains », avec une priorité aux infrastructures de transport, réseaux numériques et énergie. Le tout en garantissant « une gouvernance responsable, transparente, inclusive », selon la déclaration. Parallèlement, des programmes financiers spécifiques soutiendront des projets dans la santé et l’éducation.

Accélérer la vaccination

Les Européens, qui promettent d’avoir fourni à l’été un total cumulé d’au moins 450 millions de doses de vaccins anti-Covid aux Africains, se sont également engagés à aider des pays africains à produire sur leur sol des vaccins à ARN messager, un programme dévoilé vendredi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’UE mobilisera également 425 millions d’euros pour accélérer les campagnes de vaccinations en soutenant la distribution des doses et la formation des équipes médicales.

En revanche, préconisant un transfert encadré de technologies, les dirigeants de l’UE ont rappelé leur opposition à une levée des brevets des vaccins, âprement réclamée par leurs homologue africains, en particulier le président sud-africain Cyril Ramaphosa. La déclaration finale appelle par ailleurs à « des contributions volontaires et ambitieuses » des pays riches, qui peuvent redistribuer aux Africains leurs droits de tirage spéciaux (DTS) — titres convertibles créés par le Fonds monétaire international et alloués à ses Etats membres, qui peuvent les dépenser sans s’endetter.

Jusqu’ici, les Européens ont collectivement ré-alloué à l’Afrique 13 milliards de dollars de leurs DTS, sur 55 milliards réalloués par les pays riches au niveau mondial, un niveau très en-deçà de l’objectif des 100 milliards réclamés par l’UA. Alors que coups d’État et terrorisme alimentent l’instabilité en Afrique, et au lendemain de l’annonce par Paris et ses alliés de leur retrait du Mali, l’UE s’est également engagée à aider les missions et opérations de paix menées par les forces africaines, en les formant et en renforçant leurs équipements et capacités.

Retrait de Barkhane

La veille, le président sénégalais, président en exercice de l’Union africaine, avait insisté : « L’Afrique est en pleine mutation, elle a beaucoup changé (…) Plus qu’une mise à jour du logiciel, nous proposons d’installer ensemble un nouveau logiciel adapté aux mutations en cours ». Il avait par ailleurs plaidé pour « un nouveau départ ». « Nous devons réinventer la relation », a reconnu le président français Emmanuel Macron. « L’Europe a besoin d’une Afrique stable, sûre et prospère », a estimé pour sa part le président du Conseil européen, Charles Michel, avertissant que « les coups d’État mettent en péril le développement ».

Le sommet s’est tenu quelques heures après l’annonce par la France du retrait de hommes de l’opération militaire Barkhane du territoire malien. Un décision que le président Macky Sall a dit « comprendre », tout en avertissant que « la lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains ».

L’UE va vérifier « d’ici quelques jours » si les conditions et les garanties sont remplies pour le maintien au Mali de ses deux missions de formation militaire (EUTM) et policière (EUCAP), a annonce de son côté le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. L’instabilité du continent africain est également alimentée par « les nouveaux acteurs » chinois et russes « dont les méthodes et les agendas sont très différents des nôtres », a-t-il souligné, évoquant la présence de mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner, au coeur du bras de fer entre Paris et Bamako.

Par Jeune Afrique avec AFP