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En RDC, le M23 s’engage à poursuivre un « retrait ordonné »

janvier 13, 2023

Selon Uhuru Kenyatta, médiateur dans le conflit qui oppose la RDC à la rébellion du M23, le groupe armé a promis de poursuivre son retrait des zones qu’il occupe depuis un an dans l’est du pays.

Des combattants du M23 quittent le camp de Rumangabo, dans l’est de la RDC, le 6 janvier 2023. © Guerchom Ndebo / AFP

Les rebelles du M23 sont convenus de poursuivre leur « retrait ordonné » des territoires conquis dans l’est de la RDC, a déclaré, le 12 janvier, Uhuru Kenyatta, l’ancien président du Kenya.

Kenyatta, qui joue un rôle de médiateur dans ce conflit pour le compte de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), s’est entretenu, à Mombasa, avec des responsables du M23, selon un communiqué diffusé à l’issue de cette rencontre.

« Comme gage de leur bonne volonté à œuvrer en faveur d’un règlement au Nord-Kivu, les dirigeants du M23 sont convenus de poursuivre leur retrait ordonné et de respecter un cessez-le-feu strict. Ils sont également convenus de continuer à coopérer avec la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’est (EACRF), qui a commencé à prendre le contrôle des zones dont le M23 vient de se retirer », a précisé l’ancien président dans le communiqué.

Ces retraits du M23 font suite à un sommet réuni à Luanda le 23 novembre 2022, au cours duquel avaient été décidé un cessez-le-feu et le départ des rebelles des zones conquises depuis un an.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Présidentielle au Kenya : Kenyatta officialise son soutien à Odinga

mars 13, 2022
La poignée de main historique entre Uhuru Kenyatta (à g.) et Raila Odinga, en 2018. © Yasuyoshi Chiba/AFP

Samedi 12 mars, le président kényan a officiellement annoncé qu’il soutenait son ancien rival pour le scrutin d’août prochain.

« Nous avons choisi Raila Odinga pour être le 5e président du Kenya ». Samedi 12 mars, c’est ce qu’a lancé le président Kenyatta à plusieurs milliers de ses partisans rassemblés à Nairobi. Ce soutien scelle le rapprochement de deux des grandes dynasties politiques qui se sont historiquement combattues dans les urnes.

En 2018, Uhuru Kenyatta et Raila Odinga avaient déjà sidéré le pays en se serrant la main et en déclarant une trêve après les violences post-électorales de 2017 qui avaient fait des dizaines de morts, alors qu’en 2007-2008, une précédente vague de violences post-électorales avait déjà causé plus de 1 100 morts.

Le mois dernier, c’étaient leurs deux partis qui s’étaient rapprochés, le Jubilee de Kenyatta ayant annoncé rejoindre la coalition Azimio la Umoja (Quête d’unité) d’Odinga en vue des scrutins présidentiel et législatif de l’été.

« Nous n’avons aucun doute, nous avons un capitaine d’équipe qui s’appelle Raila Odinga », a confirmé samedi Uhuru Kenyatta, 60 ans, qui achève un second mandat et ne peut pas se représenter, en vertu de la Constitution kényane.

Un challenger en disgrâce

À 77 ans, Raila Odinga qui va se présenter à une 5e élection présidentielle, a assuré accepter « cette nomination avec absolue gratitude et dévouement ». Ce rapprochement entre deux anciens adversaires est l’évènement politique « le plus inattendu de l’histoire du] pays », a-t-il ajouté.

Mais cette alliance laisse de côté le vice-président William Ruto, initialement destiné à succéder à M. Kenyatta. L’homme, exclu de Jubilee fin février et en rupture publique avec le président depuis plusieurs mois, a néanmoins prévu de se présenter à la présidentielle d’août. Et, même s’il ne s’est pas officiellement déclaré candidat, il s’affiche déjà comme tel, multipliant les meetings.

Jeune et charismatique, William Ruto, 55 ans, a mené ces dernières années un opiniâtre travail de terrain, se voulant le représentant des « débrouillards » du petit peuple face aux dynasties politiques qu’incarnent Kenyatta et Odinga, dont les pères furent respectivement président et vice-président du Kenya.

« La plus grande préoccupation liée au scrutin est la démocratie dans notre pays et le fait de savoir si nous avons vraiment la possibilité de faire des choix libres sans chantage, menaces ni intimidation », a-t-il déclaré la semaine dernière, lors d’une visite aux États-Unis. Avant d’ajouter : « pour de nombreux Kényans, la seule inquiétude est l’intrusion d’agences essayant de manipuler la décision du peuple à différents niveaux. »

Uhuru Kenyatta et William Ruto avaient tous deux été inculpés par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l’humanité pour leur rôle présumé dans les violences post-électorales de 2007. Ces affaires ont ensuite été abandonnées, l’ancienne procureure de la CPI, Fatou Bensouda, ayant estimé qu’une campagne d’intimidation des victimes et des témoins rendait tout procès impossible.

« Le vainqueur rafle tout »

Si Raila Odinga était élu, sa présidence marquerait une rupture au niveau ethnique. Depuis l’indépendance en 1963, seuls des présidents des ethnies kikuyu – celle de Kenyatta – et kalenjin – celle de Ruto – ont en effet dirigé le Kenya. L’élection d’un Luo marquerait une rupture significative dans plus d’un demi-siècle de la vie politique locale.

Ancien prisonnier politique et ancien Premier ministre, Raila Odinga bénéficie désormais du soutien de 26 partis politiques réunis au sein de la coalition Azimio la Umoja. Mais son image d’adversaire irréductible de l’establishment a souffert de son rapprochement avec le président Kenyatta.

POUR LES DÉTRACTEURS DE LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE, IL S’AGIT D’UNE MANŒUVRE DE KENYATTA POUR SE MAINTENIR AU POUVOIR EN TANT QUE PREMIER MINISTRE

Les deux hommes ont tenté en vain de réformer le régime avec un projet de révision constitutionnelle qui s’est heurté à une forte résistance. Baptisée « Building Bridges Initiative » (BBI), cette révision prévoyait notamment de créer de nouveaux postes dans l’exécutif (un Premier ministre, deux vice-Premiers ministres, un leader de l’opposition) et d’augmenter le nombre de parlementaires de 290 à 360.

Selon le président Kenyatta, à l’origine de ce projet, cette ouverture du pouvoir aurait permis de diluer la règle du « vainqueur rafle tout », qu’il considère comme la cause des conflits post-électoraux qu’a connus le pays. Mais pour ses détracteurs, il s’agissait surtout d’une manœuvre du chef de l’État pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre.

Attaquée de toutes parts, l’initiative s’est embourbée dans un imbroglio juridique, jusqu’à remonter à la Cour suprême du pays, dont le verdict est en suspens.

Avec Jeune Afrique par AFP

Maladies infectieuses : Félix Tshisekedi, Paul Kagame, Macky Sall, Uhuru Kenyatta et Cyril Ramaphosa à l’offensive

mars 4, 2022
Des dirigeants à Marburg, le 16 février 2022. © Président Kagame/Flickr

La prochaine conférence internationale du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme aura lieu aux États-Unis, au deuxième semestre 2022. La crise du Covid-19 a relancé les espoirs d’éradiquer ces maladies infectieuses sur le continent africain.

En novembre 2019, la 6e conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial organisée à Lyon, en France, avait été l’occasion d’un véritable « show Macron ». Jouant à la fois les hôtes et les maîtres de cérémonie, le président français était partout, dînant avec Bono et Bill Gates, donnant l’accolade aux nombreux présidents africains ayant fait le déplacement, mouillant la chemise sur scène pour inciter pays et fondations privées à donner plus, dans un style enflammé oscillant entre animateur télé et prédicateur évangéliste.

SAUVER 20 MILLIONS DE VIES D’ICI À 2026

La 7e conférence aura lieu cette année, au deuxième semestre, aux États-Unis et il n’est pas certain que Joe Biden y consacre autant d’énergie. Le rendez-vous, pourtant, reste crucial. Il s’agit encore et toujours de récolter des fonds pour financer la lutte contre les trois plus graves maladies infectieuses qui frappent la planète et, particulièrement l’Afrique. En 2019, à Lyon, 14 milliards de dollars avaient été collectés. L’objectif est naturellement de faire mieux cette année, d’autant qu’après deux ans de pandémie de Covid, les systèmes de santé ont grand besoin de moyens.

Les 23 et 24 février dernier, une conférence de lancement de la campagne 2022 a été organisée virtuellement avec cinq présidents du continent à la manœuvre : Félix Tshisekedi (RDC), Uhuru Kenyatta (Kenya), Paul Kagame (Rwanda), Macky Sall (Sénégal) et Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) ont rappelé l’importance de la levée de fonds pour atteindre l’objectif ambitieux d’éradiquer le paludisme, la tuberculose et le VIH d’ici à 2030, et sauver 20 millions de vies d’ici à 2026.

Tout peut basculer

Pour y parvenir, les cinq chefs d’État associés au président du conseil d’administration du Fonds mondial, le Rwandais Donald Kaberuka, ont estimé l’enveloppe nécessaire à 18 milliards de dollars. Une somme qui permettrait en particulier de réduire de 66 % le nombre de cas de paludisme et de faire chuter le nombre de décès de 62 %.

Le continent africain est particulièrement concerné avec 95 % des cas de paludisme recensés dans le monde et 96 % des décès (au nombre de 627 000 en 2020). « Le monde, souligne le Dr Abdourahmane Diallo, directeur général du Partenariat RBM (Roll Back Malaria, qui combat la maladie depuis 1988), se trouve à un stade où tout peut basculer ». L’éradication complète du paludisme semble en effet à portée de main grâce à l’action conjuguée des moustiquaires imprégnées, des traitements médicamenteux et surtout des nouveaux vaccins annoncés fin 2021.

L’ÉRADICATION COMPLÈTE DU PALUDISME À PORTÉE DE MAIN

« Les nouveaux vaccins sont encourageants mais il n’existe pas de solution miracle face à une maladie aussi complexe et dynamique que le paludisme, poursuit celui qui fut aussi ministre de la Santé et conseiller du président dans son pays d’origine, la Guinée. Il est tout aussi important de continuer à développer les outils existants. » La liste que dresse le médecin est longue – tests de diagnostic rapide, antipaludiques, moustiquaires imprégnées d’insecticide, mesures de pulvérisation intradomiciliaires… Les sommes collectées par le Fonds mondial ne seront pas de trop pour les financer.

Mais le changement fondamental par rapport à la conférence de 2019, outre la découverte d’un vaccin, c’est bien sûr l’expérience accumulée durant une pandémie qui frappe la planète depuis deux ans et continue à faire des victimes. Face au paludisme, au sida et à la tuberculose, le Covid a changé la donne. Il s’agit maintenant de mettre à profit les leçons données par le virus. De transformer une catastrophe sanitaire en opportunité.

LE COVID A CHANGÉ LA DONNE

La première de ces leçons porte sur les vaccins. Un sérum anti-Covid a été développé en un temps record grâce aux efforts conjugués des scientifiques du monde entier, la technologie à ARN-messager a émergé à la faveur de la crise, et tout cela aura des conséquences sur la recherche médicale dans son ensemble, reprend le Dr Diallo : « On voit aujourd’hui que le vaccin antipaludéen R21 provient de l’Institut Jenner, qui a aussi travaillé sur l’AstraZeneca. Quant à celui sur lequel travaille BioNTech, il sera financé par les bénéfices du vaccin anti-Covid-19 développé avec Pfizer. »

Le Covid, ajoute le médecin, a aussi fait comprendre à tous l’importance de collecter des données sur les malades et de les actualiser en temps réel, ce qui sera utile pour lutter contre les autres maladies. Surtout, il a fait prendre conscience aux Africains de leur trop grande dépendance à l’égard des autres continents en matière de santé.

« Actuellement, l’Afrique ne produit que 1% des vaccins utilisés sur son sol, poursuit le Dr Diallo. La crise du Covid a permis de comprendre que nous devions progressivement nous autonomiser. Notre continent représente un quart de la morbidité mondiale, 60% des personnes vivant avec le VIH/sida, 90% des cas de paludisme mais seulement 6 % des dépenses de santé et moins de 1 % du marché pharmaceutique. La création de l’Agence africaine du médicament renforcera notre préparation et nos capacités, et en matière de vaccins l’Union africaine a fixé un objectif ambitieux : fabriquer sur notre sol 60% des vaccins administrés sur le continent d’ici à 2040. »

Premier pas

L’accord signé entre BioNTech, le Rwanda et le Sénégal, qui porte sur la production dans ces deux pays de vaccins ARN-m dès cette année, est un premier pas important. Le choix par l’OMS de l’Afrique du Sud, de l’Égypte, du Kenya, du Nigeria, du Sénégal et de la Tunisie pour abriter des unités de production en est un autre.

« Le but, insiste le Dr Diallo, n’est pas de se limiter au sérum anti-Covid mais aussi de produire, à terme, des vaccins contre le paludisme et la tuberculose basés sur la même technologie. La pandémie a créé une pression énorme sur les systèmes de santé de nos pays, la production mondiale de produits de santé et leur fourniture. Mais elle a aussi vu une accélération des innovations et des investissements, l’apparition de nouveaux modes de surveillance génomique et moléculaire. Ces systèmes, ces outils, ces technologies sont transférables. » Et doivent maintenant être – enfin – financés.

Avec Jeune Afrique par Olivier Marbot

Kenya : entre Uhuru Kenyatta et William Ruto, le divorce est consommé

décembre 28, 2021
Le président kényan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, à Nairobi, le 21 septembre 2017. © Khalil Senosi/AP/SIPA

Alors qu’il s’était d’abord engagé à soutenir son colistier à la présidentielle de 2022, le chef de l’État a finalement choisi de se ranger du côté de son ancien opposant, Raila Odinga. Au risque de réveiller le spectre des violences post-électorales de 2007-2008.

Les mots qui sortent de la bouche d’Uhuru Kenyatta tournent en boucle comme un disque rayé. Ce 1er septembre 2017, devant les journalistes venus recueillir sa réaction après l’invalidation par la Cour suprême de sa victoire face à Raila Odinga lors de la présidentielle du 8 août, le chef de l’État a les yeux cernés. Il paraît sonné. « Je suis personnellement en désaccord avec cette décision. Je la respecte, autant que je suis en désaccord avec elle, mais je la respecte. Mais je suis en désaccord avec elle », répète-t-il.

Derrière lui, William Ruto affiche une certaine détermination. Polo rayé et bras croisés, le colistier du chef de l’État a la mine grave. Si Kenyatta semble vaciller, lui paraît plus confiant que jamais, convaincu qu’il ne s’agit là que d’une ultime épreuve et que son heure va bientôt arriver. Kenyatta sera finalement réélu à l’issu d’un remake controversé et boycotté par Odinga. Une séquence durant laquelle Ruto est apparu comme l’un des seuls en mesure de tenir la maison présidentielle. Au sortir du scrutin, le « colistier » fait plus que jamais figure d’héritier.

L’histoire s’écrira finalement autrement. Car entre Kenyatta et Ruto, c’est avant tout une union de raison. En 2012, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les poursuites engagées à l’encontre des deux hommes pour les violences postélectorales de 2007-2008, qui ont principalement opposés Kalenjin et Kikuyu et qui ont fait 1200 morts. Candidat à la présidentielle suivante, en 2013, Ruto s’allie alors à Kenyatta. Les deux ennemis scellent ainsi une paix fragile entre leurs ethnies respectives et font bloc face à la CPI. Le ticket « UhuRuto » rafle la magistrature suprême, les charges contre Kenyatta sont abandonnées en décembre 2014, celles contre Ruto en avril 2016, non sans que plusieurs témoins aient subi une campagne d’intimidation.

Odinga, nouveau champion

Selon les termes du « deal », Kenyatta devait ensuite soutenir Ruto en 2022. Mais cela va vite être remis en question. Le 9 mars 2018, après des mois de tensions, Kenyatta fait, au détour d’une poignée de main devenue symbolique, la paix avec l’opposant Raila Odinga. Le président sait qu’il vient de porter un coup à Ruto. Avec Odinga au sommet de l’État, dans un rôle volontairement laissé en suspens, il vient d’isoler son ancien allié, qu’une partie de son entourage ne souhaite pas voir arriver au pouvoir. Les deux hommes se livrent, depuis, une guerre feutrée.

LE 24 AOÛT DERNIER, KENYATTA A MIS RUTO AU DÉFI DE QUITTER SON POSTE

Il y a d’abord eu un projet de référendum constitutionnel, dont l’une des principales mesures était la création d’un poste de Premier ministre. Perçu par les pro-Ruto comme un moyen pour Kenyatta et Odinga de se partager le pouvoir, il a fait l’objet d’intenses débats et a été retoqué à deux reprises par la justice. Mais l’offensive n’a pas été portée que sur un front : de nombreux proches de Ruto ont aussi été écartés du pouvoir ou mis en cause dans des affaires de corruption.

Surtout, Kenyatta a fait d’Odinga son nouveau champion pour 2022. Longtemps adversaires dans les urnes, les « fils de » – Jomo Kenyatta fut le premier président du Kenya et Oginga Odinga son premier vice-président – se retrouvent désormais dans le même camp. Depuis des mois, chacun négocie donc l’allégeance des grandes fortunes, celle des patrons de médias et des relais politiques. Ruto cherche à gagner de l’influence dans le fief de son adversaire, autour du Mont Kenya. Kenyatta, lui, mobilise en terre kalenjin et s’appuie notamment sur Gideon Moi, fils de l’ancien président Daniel Arap Moi.

Ruto, le « débrouillard »

Le 24 août dernier, Kenyatta a mis Ruto au défi de quitter son poste. « J’ai un programme sur lequel j’ai été élu. La chose honorable à faire si vous n’en êtes pas satisfait, c’est de vous retirer et de permettre à ceux qui veulent aller de l’avant de le faire », lui a-t-il lancé. Le chef de l’État marche néanmoins sur des œufs. Démettre Ruto de la vice-présidence serait prendre le risque de déclencher de nouvelles violences. Le maintenir en fonction, en assumant que leur tandem ne fonctionne plus, n’est pas beaucoup plus confortable. Après le traumatisme de 2007-2008, l’équation n’est pas simple à résoudre.

RUTO TRAÎNE UNE RÉPUTATION SULFUREUSE, TEINTÉE DE VIOLENCE ET DE CORRUPTION

Ce n’est sans doute pas pour déplaire à Ruto, qui a été façonné par le régime Moi. Son ascension commence dans les années 1990, lorsqu’il rejoint la Youth for Kanu ’92. Cette organisation de jeunesse soutenant Moi prend vite des allures de milice privée lorsque débute une campagne de harcèlement des Kikuyu du Rift. Des milliers de morts et de déplacés… Cette triste séquence permet à Ruto d’être repéré par Moi, qui le propulse ministre, à 36 ans.

Originaire de la vallée du Rift, Ruto a su faire de son origine modeste et de son enfance passée à vendre des poulets en bord de route un argument politique. Depuis le retour en grâce d’Odinga, il se plaît à opposer les descendants des grandes dynasties politiques et les « hustlers », les débrouillards. « Ces gens vivent dans une tour d’ivoire et n’ont pas les problèmes que connaissent certaines personnes », déclarait-il en octobre 2020. Mais lui aussi traîne ses casseroles et une réputation sulfureuse. Celle d’un homme au passé teinté de violence et d’accusations de corruption.

Le pari Odinga

Lors de la prochaine présidentielle, à laquelle Kenyatta n’a pas le droit de se présenter, Ruto affrontera un monument de la politique locale. Odinga est un Luo, l’une des tribus les plus importantes du pays, et c’est un habitué des joutes électorales. Du vote à la contestation, il en maîtrise chaque rouage. Le scrutin de 2017 devait être son baroud d’honneur. Mais « Tinga », le Tracteur, en a encore sous la pédale.

ODINGA PEUT-IL RÉUSSIR LÀ OÙ IL A TOUJOURS ÉCHOUÉ ?

Le 10 décembre, Odinga a officialisé sa candidature dans le plus grand stade de Nairobi. Kenyatta n’était pas là, mais la présence de Raphaël Tuju, secrétaire général du Jubilee, le parti présidentiel, a été perçue comme le signe d’un adoubement. Fort des moyens politiques et financiers mis à sa disposition, Odinga peut-il réussir là où il a toujours échoué ? Kenyatta s’y emploie. Avec prudence toutefois. Car son ancien rival est aussi un orgueilleux, qui n’a jamais accepté la défaite. Et parce que le spectre de 2007-2008 est encore dans tous les esprits.

Avec Jeune Afrique par Romain Gras

Les Etats-Unis et le Kenya poussent à un cessez-le-feu en Ethiopie

novembre 17, 2021
Les Etats-Unis et le Kenya poussent a un cessez-le-feu en Ethiopie
Les Etats-Unis et le Kenya poussent à un cessez-le-feu en Ethiopie© POOL/AFP/Andrew Harnik

Les Etats-Unis et le Kenya ont poussé mercredi à un cessez-le-feu en Ethiopie, réaffirmant leur espoir d’une conclusion positive aux intenses efforts diplomatiques déployés pour une solution négociée au conflit entre gouvernement et rebelles dans le nord du pays.

Au premier jour d’une tournée africaine centrée notamment sur la démocratie qui le mènera ensuite au Sénégal et au Nigeria, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a également appelé le Kenya, un allié de longue date, à garantir l’année prochaine des élections libres.

A Nairobi, le chef de la diplomatie américaine s’est entretenu pendant une heure et demie -au lieu des 10 minutes initialement prévues- avec le président Uhuru Kenyatta, qui participe activement aux tentatives de médiation régionale sur le conflit éthiopien.

M. Kenyatta s’est rendu dimanche à Addis Abeba, alors que la guerre qui dure depuis un an entre les rebelles de la région du Tigré et le gouvernement a connu une escalade ces dernières semaines.

« Nous croyons qu’un cessez-le-feu est possible », a déclaré lors d’une conférence de presse conjointe la ministre kényane des Affaires étrangères, Raychelle Omamo.

M. Blinken a, lui, appelé à des « avancées concrètes pour la paix » et à la reprise de l’aide humanitaire au Tigré, où des centaines de milliers de personnes vivent dans des conditions proches de la famine, selon les Nations unies.

« Je réitère notre appel à toutes les parties à urgemment et sérieusement engager des négociations sur la cessation des hostilités sans conditions préalables », a-t-il déclaré, renouvelant par ailleurs l’appel aux citoyens américains à quitter l’Ethiopie.

Les Etats-Unis ont récemment critiqué l’Ethiopie et pris des sanctions contre cet allié, dénonçant des entraves à l’acheminement d’aide alimentaire et des violations des droits humains.

Interrogé par un journaliste, M. Blinken n’a pas exclu que les Etats-Unis puissent éventuellement qualifier les « exactions » commises au Tigré de faits relevant d’un génocide.

« Quelle que soit la manière dont nous les appelons, cela doit cesser et il faudra rendre des comptes », a-t-il dit.

Influence chinoise

Le président américain Joe Biden a promis des actions pour promouvoir mondialement les valeurs américaines face à l’influence croissante de la Chine qui multiplie les investissements sur le continent et se montre moins regardante sur les pratiques politiques.

Soulignant que les Etats-Unis ont donné 50 millions de doses de vaccins contre le Covid à l’Afrique, M. Blinken a dit: « Nous avons fait cela sans conditions politiques. »

« Il s’agit de sauver des vies. »

M. Blinken, qui se rend pour la première fois en Afrique depuis sa prise de fonctions, a également déclaré que le Soudan retrouvera le soutien de la communauté internationale si la « légitimité » de son gouvernement – renversé par un coup d’Etat militaire le 25 octobre – est restaurée.

« Il est vital que la transition retrouve la légitimité qu’elle avait (…) Si l’armée remet ce train sur les rails et fait le nécessaire, je pense que le soutien de la communauté internationale, qui a été très fort, peut reprendre », a-t-il dit.

Les Etats-Unis ont suspendu 700 millions de dollars d’aide au Soudan après ce coup d’Etat qui a interrompu le processus de transition démocratique lancé en 2019 après la chute de l’autocrate Omar el-Béchir.

Élections kényanes

Mercredi matin, M. Blinken avait commencé sa tournée par une rencontre avec des responsables de la société civile kényane, les appelant, à l’approche de l’élection présidentielle de 2022, à rester vigilants face aux menaces croissantes contre la démocratie.

« Nous avons assisté au cours de la dernière décennie à ce que certains appellent une récession démocratique », a-t-il déclaré, estimant que les Etats-Unis ont eux aussi pu observer récemment que leur démocratie « peut être fragile ».

Les élections au Kenya sont régulièrement marquées par des violences meurtrières.

Le pays doit tenir sa présidentielle en août prochain et ce scrutin porte « tous les signes d’une élection très contestée et violente », a mis en garde Irungu Houghton, le directeur exécutif d’Amnesty International au Kenya, qui a participé à la rencontre avec Blinken.

L’Afrique est le dernier continent visité par le chef de la diplomatie, bien que le président Biden se soit engagé à prêter une attention particulière au continent, se démarquant de son prédécesseur Donald Trump.

Dans le cadre de cette tournée, Antony Blinken se rendra jeudi au Nigeria. Il ira ensuite au Sénégal, considéré comme un exemple de stabilité démocratique en Afrique.

Par Le Point avec AFP

Un Chinois arrêté pour avoir comparé le président kényan à un « singe »

septembre 6, 2018

Nairobi – Un homme d’affaires chinois a été arrêté au Kenya après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo où il compare les Kenyans et leur président Uhuru Kenyatta à des « singes », a déclaré jeudi le service de l’immigration de Nairobi.

Le ressortissant chinois, identifié comme Liu Jiaqi, va être expulsé. « Son permis de travail a été annulé et il va être expulsé pour racisme », a précisé l’immigration kényane sur son compte Twitter.

Dans une vidéo de deux minutes et demi partagée sur Twitter et ailleurs, l’homme, qui semble se disputer avec un de ses employés, profère une série d’insultes racistes.

« Tous, tous les Kényans… comme un singe, même Uhuru Kenyatta. Tous », l’entend-on dire.

Après la suggestion d’un employé de « rentrer en Chine », l’homme d’affaires réplique de plus belle en (mauvais) anglais: « Ce n’est pas ma place ici. Je n’aime pas cet endroit, des gens comme des singes, je n’aime pas leur parler, ça sent mauvais, et pauvres et stupides, et noirs. Je ne les aime pas. Pourquoi pas (comme) les Blancs, comme les Américains »?

Il ajoute ne rester au Kenya que parce que « l’argent est important ».

Des internautes ont réclamé qu’il soit poursuivi et pas seulement expulsé du Kenya.

Un porte-parole de l’ambassade de Chine au Kenya, Zhang Gang, a assuré à l’AFP que l’extrait vidéo date de juin. L’homme filmé « a déjà fait l’objet d’une sanction par sa société et s’est excusé auprès de son collègue kényan ». Les propos de cet homme « ne représentent pas l’opinion de la vaste majorité des Chinois », a tenu à ajouter la même source.

Ce n’est pas la première fois que des Chinois travaillant au Kenya sont accusés de racisme.

Il y a trois ans, un petit restaurant chinois de Nairobi avait été fermé par les autorités et son propriétaire poursuivi pour refuser de servir les Noirs après 17H00.

Cette année, ce sont des Kényans travaillant sur une nouvelle voie de chemin de fer construite par la Chine entre la ville côtière de Mombasa et Nairobi qui ont accusé du personnel et des cadres chinois de racisme et discrimination. Le gouvernement a toutefois rejeté les accusations dans le cadre de cet important projet d’infrastructure de 3,2 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros).

Le président Kenyatta a participé cette semaine à une grande conférence sino-africaine à Pékin où la Chine a promis d’investir 60 milliards de dollars de plus sur le continent.

L’incident impliquant l’homme d’affaires chinois survient au lendemain d’une descente de police au siège africain, situé à Nairobi, de la chaîne de télévision chinoise CGTN dans le cadre d’une opération visant les étrangers en situation irrégulière.

Plusieurs journalistes ont été brièvement interpellés. L’ambassade de Chine a exprimé sa « préoccupation » après une série d’incidents où des Chinois en situation régulière ont été emmenés au poste de police pour des vérifications.

« L’ambassade de Chine au Kenya a protesté officiellement auprès des responsables kényans, et les personnes concernées ont toutes été libérées le jour-même », a déclaré jeudi Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

« Le Kenya a reconnu des manières inadaptées en matière d’application de la loi et s’est excusé. Il a promis d’améliorer le comportement de ses agents de police sur le terrain afin d’éviter la répétition de ce genre de cas », a-t-elle ajouté au cours d’une conférence de presse à Pékin.

Romandie.com avec(©AFP / 06 septembre 2018 10h36)                                                        

Kenya: Rex Tillerson, souffrant, annule son programme du jour à Nairobi

mars 10, 2018
Le président kényan Uhuru Kenyatta accompagné du Secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson, le 9 mars 2018 à Nairobi. © JONATHAN ERNST/AP/SIPA

Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, en tournée en Afrique, a annulé son programme pour la journée de samedi à Nairobi car il « ne se sent pas bien », a annoncé la délégation américaine.

« Le secrétaire ne se sent pas bien après deux longues journées à travailler sur des questions importantes comme la Corée du Nord et il a annulé ses événements du jour », a déclaré le sous-secrétaire d?État Steve Goldstein.

M. Tillerson devait assister à un événement dans le cadre du programme américain d’aide aux malades du sida en Afrique, le PEPFAR.

Attendu au Tchad et au Nigeria

Il devait aussi prendre part à une cérémonie pour le 20e anniversaire des attentats contre les ambassades des États-Unis dans la capitale kényane et à Dar es-Salaam, capitale économique de la Tanzanie, qui avaient fait 224 morts et plus de 5 000 blessés le 7 août 1998.

Cette cérémonie pourrait être reprogrammée plus tard si M. Tillerson est rétabli, a précisé M. Goldstein.

Le secrétaire d’État est arrivé mercredi en Ethiopie. Il s’est rendu vendredi matin à Djibouti et est arrivé en fin d’après-midi au Kenya. Il doit aller lundi au Tchad et mardi au Nigeria.

Jeuneafrique.com avec AFP

Hier ennemis jurés, Uhuru Kenyatta et Raila Odinga s’unissent « pour le Kenya »

mars 9, 2018

 

À la surprise générale, le président et l’opposant ont annoncé, après des mois d’une âpre bataille politique, leur souhait de travailler à la réunification du pays.

 

Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta (à gauche), saluant le leader de l’opposition, Raila Odinga, lors d’une conférence de presse, le 9 mars à Nairobi. Crédits : THOMAS MUKOYA / REUTERS

Terminées, les invectives méprisantes, les accusations de « dictature », les menaces d’arrestation d’un côté et de renversement de l’autre. À la surprise générale, Uhuru Kenyatta, réélu en octobre 2017, et Raila Odinga, qui avait boycotté ce scrutin « illégitime », ont annoncé vendredi 9 mars s’unir « pour le Kenya ». Au terme d’une rencontre à Harambee House, les bureaux de la présidence, le chef de l’Etat et l’opposant historique ont fait une déclaration commune, tout sourires, apostrophes fraternelles et poignées de mains appuyées.

Une réconciliation peu avant l’arrivée de Rex Tillerson

« Mon frère et moi sommes ici aujourd’hui pour dire que les dissensions doivent stopper. Nous refusons que nos différences tuent notre nation », a déclaré le même Raila Odinga qui, un mois plus tôt, rassemblait des milliers de partisans dans le centre de Nairobi pour prêter serment en tant que « président du peuple du Kenya ». Une cérémonie symbolique qui aurait pu lui valoir d’être arrêté pour trahison et qui avait fortement tendu le climat politique et sécuritaire (les principales télévisions privées avaient été coupées pendant plusieurs jours). L’épisode semble aujourd’hui oublié.

« Aujourd’hui démarre un processus qui vise à rassembler le peuple et nous espérons le soutien de chaque Kényan afin de construire ensemble une nation unie, harmonieuse et stable, où personne ne se sentira laissé de côté », a poursuivi Uhuru Kenyatta, le président réélu, alors que la police a été très critiquée ces derniers mois pour sa brutalité. Au moins 100 personnes sont mortes depuis août 2017 au cours d’affrontements, principalement du fait des policiers.

À quelques heures de l’arrivée à Nairobi de Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat américain (dont le pays a réitéré les appels au dialogue), cette réconciliation inattendue éloigne la crainte de nouvelles violences. Elle marque aussi la fin d’une bataille électorale de près d’un an (un premier scrutin a été annulé par la Cour suprême) entre ces deux figures de la politique kényane, dont les pères se sont battus ensemble pour l’indépendance avant de se déchirer.

Les contours de cette collaboration restent flous

« Ce qui s’est passé aujourd’hui est très significatif, car ces deux leaders ont une grande influence auprès de leurs partisans, il ne faut pas sous-estimer l’événement », estime Murithi Mutiga, chercheur à l’International Crisis Group (ICG), pour qui chacun trouve un avantage à ce rapprochement : « Uhuru Kenyatta va gagner en stabilité pour son second mandat, ce qui va bénéficier à l’économie, et Raila Odinga pourrait obtenir les réformes structurelles qu’il réclame depuis longtemps, notamment donner moins de pouvoir au président. »

Les contours de cette collaboration restent flous, tout comme les réformes qui pourraient en découler. Dans un communiqué publié après leur déclaration, les deux leaders citent plusieurs domaines sur lesquels travailler ensemble, comme la corruption, l’unité du pays ou encore la décentralisation. Dans ce sens, un « programme » sera proposé et un « bureau » sera créé, précise le texte, sans plus d’explications.

Il ne mentionne pas non plus de mission ou de position spécifique pour Raila Odinga, qui avait été nommé premier ministre après les violences post-électorales de 2007-2008. À 72 ans, ce vétéran de la politique menait l’année dernière sa quatrième et probable dernière campagne électorale en tant que chef de l’opposition.

Ces dernières semaines, de profondes fissures se sont fait jour au sein sa coalition, NASA. Aucun des trois principaux alliés de Raila Odinga, les chefs de partis Kalonzo Musyoka, Musalia Mudavadi et Moses Wetangula, n’avaient assisté fin janvier à la prestation de serment symbolique du vieux leader luo. Une absence très remarquée, qui disait l’ampleur de leurs désaccords stratégiques avec lui (ils ont depuis évoqué la nécessité de regarder vers la prochaine échéance, en 2022). Cette fois, à Harambee House, ils n’ont pas été invités.

Lemonde.fr par Marion Douet (Nairobi, correspondance)

Kenya: l’opposant Raila Odinga investi « président du peuple » malgré sa défaite

janvier 30, 2018

L’opposant kenyan Raila Odinga brandit une bible lors d’un rassemblement public le 27 janvier 2018 à Homa Bay, sur les bords du lac Victoria / © AFP / BRIAN ONGORO

L’opposant kényan Raila Odinga a prêté serment mardi comme « président du peuple » malgré sa défaite électorale en 2017, un geste aux conséquences incertaines alors que les autorités avaient averti qu’une telle investiture pourrait constituer à un acte de « trahison ».

Devant des milliers de partisans en délire rassemblés dans le centre de Nairobi, M. Odinga a prêté serment bible en main lors d’une cérémonie aussi courte que chaotique, dont la diffusion par les médias avait été interdite par le gouvernement.

« Moi, Raila Amolo Odinga (…), je prends la fonction de président du peuple de la République du Kenya », a déclaré l’opposant. « Nous avons tenu notre promesse ».

M. Odinga, 72 ans, refuse de reconnaître la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta en 2017, couplée à des mois de troubles qui ont fait 92 morts, selon des défenseurs des droits de l’Homme, principalement dans la répression de manifestations de l’opposition. M. Odinga estime que la victoire à la présidentielle lui a une nouvelle fois été volée.

L’annonce d’une prestation de serment alternative avait fait craindre des violences, mais les forces de l’ordre ont toutefois gardé leurs distances avec la foule, qui s’est rapidement dispersée une fois la cérémonie achevée.

Le procureur général Githu Muigai avait averti le mois dernier que toute « investiture » équivaudrait à un acte de « trahison », soulevant la possibilité d’une arrestation, à haut risque, de M. Odinga.

Les conséquences de l’investiture de Raila Odinga sont toutefois peu claires, relèvent les observateurs, notamment car l’opposant n’a pas prononcé le même serment que celui prévu par la Constitution pour l’investiture du chef d’Etat. Raila Odinga s’est par exemple proclamé « président du peuple » et non « président ».

Signe d’un possible désaccord au sein de la coalition d’opposition Nasa, plusieurs de ses responsables étaient absents mardi, le plus notable d’entre eux étant le colistier de M. Odinga à l’élection de 2017, Kalonzo Musyoka.

– Saga électorale –

Les Kényans étaient appelés en 2017 à choisir leur président, mais cet exercice démocratique s’est assimilé à une véritable saga: un premier vote avait eu lieu le 8 août, remporté par M. Kenyatta, mais le résultat avait été annulé par une décision historique de la Cour suprême et un nouveau scrutin organisé le 26 octobre.

Affirmant que l’élection ne pouvait être crédible, M. Odinga avait boycotté le vote d’octobre. M. Kenyatta l’avait dès lors emporté avec 98% des voix, avant d’être officiellement investi fin novembre.

A la veille de l’investiture de M. Odinga, les patrons de presse ont publié un communiqué assurant que le président Kenyatta les avait convoqués pour menacer de « fermer et retirer les licences de tout média qui retransmettrait en direct » la cérémonie.

Certaines chaînes de télévision ont toutefois défié l’interdiction et une des principales, Citizen TV, a rapporté en ligne mardi matin que ses transmissions avaient été coupées par l’autorité des communications. La retransmission s’est malgré tout poursuivie sur son site web.

« Ils ont peur, ils ne veulent pas que le monde voie ce qu’il se passe, ce que veut le peuple », a déclaré un homme une pierre à la main, attendant la venue de M. Odinga, qui avait déjà reporté une cérémonie d’investiture alternative en décembre.

– ‘Jeu dangereux’ –

Dans le parc Uhuru de Nairobi, des gens ont défilé des sifflets à la bouche et des branchages à la main, tandis que des banderoles clamaient « Raila Odinga président du peuple ».

Un homme d’affaires en costume qui a demandé l’anonymat a expliqué à l’AFP que la cérémonie d’investiture avait une valeur symbolique. « Cela fait du bien au moral des gens de sentir qu’on entend leurs voix », a-t-il expliqué.

Depuis son boycottage de l’élection d’octobre, la coalition Nasa a eu pour stratégie de contester la légitimité du président Kenyatta en cherchant à créer des structures de gouvernement parallèles. Des « assemblées du peuple » se sont réunies dans certains comtés et l’investiture de M. Odinga comme « président du peuple » doit marquer l’apogée du processus.

Le centre d’analyse International Crisis Group s’est inquiété dans un communiqué que MM. Odinga et Kenyatta « jouaient un jeu dangereux » dans un pays divisé et où des violences politico-ethniques avaient fait un millier de morts après l’élection de 2007.

« Etant donné la profonde polarisation sociale et des antécédents d’affrontements violents entre la police et les manifestants, les actions des deux dirigeants risquent de se traduire par un bain de sang significatif », écrit l’ICG.

Romandie.com avec(©AFP / 30 janvier 2018 14h11)                

Kenyatta, l’héritier multi-millionnaire face au défi de la réconciliation

novembre 28, 2017

Le président kényan Uhuru Kenyatta prête serment pour un deuxième mandat à Nairobi, le 28 novembre 2017 / © AFP / YASUYOSHI CHIBA

Le président kényan Uhuru Kenyatta, l’héritier du père fondateur de la nation investi mardi pour un second mandat, devra faire oublier les circonstances controversées de sa réélection et réconcilier un pays fracturé de toutes parts.

Son score fleuve de 98,26% des voix, obtenu en raison du boycott de l’opposition, est en trompe l’oeil: seulement 7,5 millions d’électeurs sur 19,6 millions d’inscrits, ont porté leur voix sur M. Kenyatta, 56 ans, bien loin du triomphe dont il avait rêvé.

Il avait obtenu 8,2 millions lors d’un premier scrutin le 8 août, annulé par la Cour suprême pour « irrégularités », et son camp a répété à l’envi qu’il visait les 10 millions cette fois-ci. Sa légitimité pourrait se ressentir de ces chiffres décevants.

Le leader de l’ethnie kikuyu va être confronté à un défi immense: réconcilier un pays divisé sur des lignes politico-ethniques. Mais l’intransigeance dont il a fait preuve jusqu’ici ne laisse pas forcément présager qu’il en soit capable.

M. Kenyatta a refusé de s’asseoir à la même table que son vieux rival Raila Odinga, 72 ans, un Luo, qui s’est montré tout aussi hostile à l’idée de négociations. Celui-ci a boycotté le scrutin du 26 octobre, estimant qu’il ne pourrait jamais être libre et équitable, et, estimant avoir remporté la première élection du 8 août, a annoncé mardi qu’il prêterai serment à son tour comme président le 12 décembre, jour anniversaire de l’indépendance.

Le gouvernement de M. Kenyatta a laissé la police mener une répression impitoyable des manifestations de l’opposition, qui a provoqué la mort d’au moins 49 personnes depuis le 8 août, pour la plupart tuées par balle.

Après l’invalidation de la première élection, il n’avait pu cacher sa rancœur à l’égard des juges, qu’il avait qualifiés d' »escrocs ».

Le faible taux de participation (38%) est d’autant plus embarrassant que M. Kenyatta avait mené une campagne active aux quatre coins du pays, avec son vice-président William Ruto, un Kalenjin, pour vanter son bilan économique, plutôt honnête.

– Héritier dilettante –

Mais, perçu comme l’incarnation d’une élite politique corrompue et peu concernée par l’intérêt général, et contesté pour sa gestion de la crise, il n’a pu convaincre au-delà de son ethnie et de celle de M. Ruto.

Uhuru, un multi-millionnaire éduqué aux États-Unis, avait été élu président en 2013, un demi-siècle après son père Jomo Kenyatta, le premier chef d’État (1964-1978) du Kenya devenu indépendant du Royaume-Uni.

Lui et son colistier étaient alors pourtant inculpés par la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans les violences post-électorales de 2007-2008 (plus de 1.100 morts), où Kikuyu et Kalenjin s’étaient entretués.

Mais MM. Kenyatta et Ruto ont habilement transformé cette inculpation en atout politique, se dépeignant en victimes d’un tribunal « néo-colonial ». Ils ont plus tard été exonérés, faute de preuves, après la rétractation de témoins.

Charismatique et moderne pour les uns, héritier dilettante pour les autres, M. Kenyatta a passé une bonne partie de son premier mandat à se dépêtrer des accusations de la CPI, qui avaient amené de nombreux pays occidentaux à se détourner de lui.

Après l’abandon des poursuites à son encontre fin 2014, le Kenya est redevenu fréquentable. Il a accueilli le président américain Barack Obama puis le pape François.

Mais son mandat a aussi été marqué par les attaques meurtrières des militants islamistes somaliens shebab contre le centre commercial Westgate à Nairobi en 2013 et l’université de Garissa (est) en 2015.

– Empire financier –

Uhuru (« liberté » en swahili) est né le 26 octobre 1961, quelques mois après la libération de son père, emprisonné pendant près de dix ans par le pouvoir colonial.

L’empire financier de la famille Kenyatta comprend notamment l’entreprise laitière Brookside, la banque CBA (Commercial Bank of Africa), le groupe de média Mediamax et un groupe d’hôtels de luxe.

Elle est surtout le principal propriétaire terrien du Kenya, à la tête de plus de 200.000 hectares de terres achetées par Jomo au moment de l’indépendance, via un programme critiqué de transfert foncier à bas prix.

En 2011, le magazine Forbes avait estimé la fortune d’Uhuru à 500 millions de dollars (423 millions d’euros). Proche des gens – il parle aux jeunes en argot et esquisse régulièrement quelques pas de danse -, il n’a jamais vraiment fait oublier sa réputation de fêtard et le penchant pour la bouteille qu’on lui prête.

« Les handicaps de Kenyatta sont au moins aussi importants que ses forces. Il boit trop et n’est pas un bourreau de travail », écrivait mi-2009 l’ambassadeur américain à Nairobi dans un télégramme publié par Wikileaks.

Regard alourdi par de profondes poches sous les yeux, marié et père de trois enfants, Uhuru ne doit pas son ascension à son père, mais au successeur de ce dernier, l’autocrate Daniel arap Moi (1978-2002).

Celui-ci le propulse candidat de la Kanu à la présidentielle de 2002, suscitant l’ire des caciques de l’ex-parti unique. Battu, il devient le chef de l’opposition, avant de soutenir la réélection de Mwai Kibaki à la présidentielle du 27 décembre 2007, face, déjà, à Raila Odinga.

La contestation de la courte victoire de Kibaki dégénère en tueries politico-ethniques, qui lui voudront d’être inculpé par la CPI. Il entrera ensuite dans le gouvernement de coalition formé par M. Odinga, avant de se présenter à la présidentielle de 2013.

Romandie.com avec(©AFP / 28 novembre 2017 16h13)