
Un élevage de larves de mouches soldats noires. Photo : La Presse Canadienne/Alekks Furtula
Une professeure de l’Université Laval travaille à positionner l’élevage d’insectes comestibles comme une production animale à part entière, pouvant même aider à la gestion des déchets organiques, plutôt que de percevoir ces bestioles comme des ennemis au système agroalimentaire.
Marie-Hélène Deschamps peut désormais compter sur une nouvelle corde à son arc pour contribuer à faire reconnaître ce secteur émergent, mais en pleine expansion au Québec.
L’Université Laval a annoncé cette semaine le lancement de la Chaire de leadership en enseignement en production et transformation primaire d’insectes comestibles, dont est titulaire Mme Deschamps.
L’objectif principal de la chaire sera d’offrir aux futurs agronomes une formation sur le secteur de l’entomoculture, d’ici 2023. Une première au Canada, selon la professeure à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation.
D’ici cinq ans, Mme Deschamps souhaite former des étudiants qui pourront notamment travailler dans l’industrie des insectes comestibles, mais aussi de mieux renseigner ceux gravitant dans les instances gouvernementales pour qu’ils soutiennent le développement des différentes entreprises.
`Les insectes comestibles sont peu connus des agences réglementaires, comme l’Agence canadienne d’inspection des aliments. On doit donc faire plusieurs démonstrations pour leur démontrer que les produits d’insectes respectent toutes les normes’, affirme Mme Deschamps en entrevue.
La chaire aura aussi un volet recherche et développement, notamment dans le but d’optimiser les techniques de production.
Contrer le gaspillage alimentaire
L’élevage d’insectes comestibles a une fonction sur le plan du gaspillage alimentaire: ils ont la capacité de se nourrir de restes de table, indique Mme Deschamps.
Elle étudie un système où des résidus organiques sont utilisés pour aider à la croissance des insectes. Ceux-ci vont ensuite `produire des protéines, des lipides, de nouveaux aliments de très, très haute qualité qui peuvent soit être redirigés vers l’alimentation humaine ou dans d’autres cas l’alimentation animale’, explique Mme Deschamps.
L’élevage d’insectes comestibles requiert également moins d’espace et moins d’eau, ajoute l’experte.
La province élève actuellement trois espèces d’insecte: le grillon, le ténébrion meunier et la mouche soldat noire. Les deux premières sont davantage destinées à l’alimentation humaine alors que la dernière s’adresse surtout aux animaux.

Des larves de ténébrions, un insecte comestible tant pour la consommation humaine qu’animale et nourris à partir de résidus propres et traçables. Photo : Louise Hénault-Ethier
Le Québec est un petit joueur dans l’industrie de l’entomoculture, mais plusieurs producteurs sortent du modèle artisanal pour avoir des volumes capables de répondre aux besoins de l’alimentation animale, soutient Mme Deschamps. Elle donne l’exemple de l’entreprise sherbrookoise Entosystem qui construira une nouvelle usine à Drummondville au coût de plus de 60 M$, afin de produire notamment 5 000 tonnes de larves protéinées par année.
La nouvelle chaire compte sur un financement de 635 000 $ réparti sur cinq ans provenant de 14 partenaires tels que Recyc-Québec, Telus, le Centre de développement bioalimentaire du Québec et l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du Cégep de Victoriaville.
Son lancement survient alors que Québec accueille dès dimanche la 4e Conférence internationale « Insectes pour nourrir le monde », pour parler de l’état de la recherche en entomophagie (la consommation d’insectes par l’humain) et sur les entotechnologies (la production). En marge de cet événement, plusieurs activités pour le public sont prévues au Grand Marché de Québec du 16 au 18 juin afin de promouvoir les insectes comestibles. Des éleveurs et transformateurs y présenteront leurs produits.
Par Radio-Canada avec La Presse canadienne