Que les Militaires et les Gendarmes Regagnent les Casernes pour Éviter leur Politisation Excessive !
A la faveur de la célébration des 50 ans de la force publique congolaise, il y a lieu d’affirmer qu’à l’instar des toutes les armées africaines, la force publique congolaise n’a malheureusement pas échappé à l’emprise du pouvoir dont elle est devenue, comme au temps du monopartisme, l’instrument de domination pour sa conservation au profit de l’ethnie dominante, des élites politico militaires au pouvoir et de leurs excroissances.
Si, l’armée congolaise pouvait tranquillement regagner les casernes, les postes avancés et toutes les frontières du pays, l’environnement politique national serait sans doute plus calme, plus policé et plus apaisé. L’armée, la gendarmerie et la police seraient alors les grands gendarmes de l’État, donc de la République.
C’est en confondant ses rôles et son statut que la force publique congolaise souffre d’un manque criard d’efficacité, d’éthique, de responsabilité et d’impartialité dans l’appréciation des faits politiques.
Pour preuve, la violation éhontée de l’article 171 de la Constitution du 20 janvier 2002 qui stipule : « La force publique est apolitique. Elle est soumise aux lois et règlements de la République. Elle est instituée dans l’intérêt général. Nul ne doit l’utiliser à des fins personnelles.
La force publique est subordonnée à l’autorité civile. Elle n’agit que dans le cadre des lois et règlements. Les conditions de sa mise en œuvre sont fixées par la loi ».
Or, il n’est un secret pour personne, lors du conflit politique opposant au sein du PCT, le courant des conservateurs, incarné par LEKOUNDZOU ITIHI OSSÉTOUMBA d’Okouéssé à celui des refondateurs, le chef d’État-Major des Forces Armées Congolaises est intervenu sans honte et sans gêne aucun, sommant les conservateurs de ne plus poursuivre les travaux du Congrès qu’ils avaient convoqué et dont la clôture était attendue par tous.
En outre, plus d’une fois, les éléments de la force publique ont empêché la tenue des meetings pourtant autorisés par les autorités compétentes.
En clair, l’immixtion de l’armée, de la police et de la gendarmerie dans des querelles politiques ou politiciennes traduit une confusion anticonstitutionnelle avérée et prouve suffisamment que la force publique congolaise n’a pas coupé son cordon ombilical avec la politique.
– Qui ne voit pas le directeur général de la police nationale jouer le rôle de médiateur, casseur de grèves, de prudhomme ou de juge du travail ?
– Qui n’a pas vu des hommes en armes, officiers, sous officiers et soldats, battre campagne, armes au poing, au profit de tel ou tel autre candidat ?
En outre, même si l’intérêt des dépenses militaires est en vérité d’ordre politique, l’immersion visible et très manifeste des militaires et policiers dans le jardin politique ne s’explique guère. Sauf à décrédibiliser un corps de métier républicain, apolitique, respecté et respectable, sous d’autres cieux.
Pour tout dire, la politisation de l’armée au Congo Brazzaville a fini par vider la démocratie de toute sa sève et sa saveur.
Cette politisation de l’armée, née sous le règne implacable du Parti Congolais de Travail (PCT) de l’ère monopartite, a faussé le jeu politique tout en déjouant tous les pronostics car, en un laps de temps, nombre de cadres politico militaires sont devenus incontournables au motif qu’ils se sont arrogé tous les droits, les avantages et les pouvoirs de décision.
Le nombre de jeunes de leur tribu qu’ils ont fait recruter vaille que vaille au sein des FAC et la Police leur permet aujourd’hui de se constituer une sorte de milice privée qui ne dit pas son nom.
Il s’en suit une disqualification ou un émiettement de la société civile, favorisant ainsi l’entrée en scène des milliers de jeunes officiers politisés et militants, à l’image des fameux « cadres rouges et experts » de triste mémoire.
Finalement, le problème majeur de l’armée congolaise est fondamentalement politique : c’est celui de sa politisation à outrance, héritée du monopartisme et sans doute aussi celui de son caractère républicain qui reste à démontrer, à la faveur de la célébration de ses 50 ans de sa création.
Cette question de fond ramène en surface le fossé qui sépare le peuple congolais de son armée, de sa gendarmerie et de sa police.
Plus d’une fois, le DGPN a joué le rôle de médiateur, de casseur de grèves ou de juge du travail…
Au vu des comportements des élites militaires, ce fossé ne peut pas être comblé à court terme. Ensuite, si le jardin politique est pris en otage par des cadres militaires, seuls et intimidés, les cadres civils et le reste du peuple ne pourront rien faire.
Toutes les expériences de développement ont montré que sans l’impartialité de la force publique, la démocratie est vouée à l’échec et au chaos qui débouche sur la volonté affichée de confisquer le pouvoir en se servant de la baïonnette et du canon.
Il est donc nécessaire que les cadres militaires se démarquent du jeu politicien en vogue dans notre pays et qu’ils s’assument en tant que garants du caractère républicain et laïc de l’État.
Les officiers qui ont si souvent contribué à l’installation au pouvoir des dirigeants politiques à leurs ordres, voués à ne servir que les « intérêts des hommes en armes », devraient se raviser et surtout intérioriser les missions cardinales dévolues à notre armée.
A la vérité, après 50 ans d’existence, la pratique de l’armée congolaise est très éloignée de la théorie. C’est la pratique de tous les Chefs d’État qui ont accédé au pouvoir de manière illégale et contraire à la constitution (coups d’État, guerres civiles, etc.).
Par déformation, en raison de la personnalisation du pouvoir et de l’autorité des chefs politiques et militaires, l’armée devient rapidement la protection du régime politique, qu’il soit civil ou militaire.
D’ailleurs, face à une armée républicaine, les nouvelles autorités dirigeantes qui accèdent au pouvoir, essaient de la neutraliser par la valorisation des forces paramilitaires et la création de milices.
Il naît alors un conflit entre civils et militaires qui explique les multiples tensions et coups d’Etat au Congo et en Afrique où, malgré la pédagogie de la démocratie, le pouvoir demeure encore très souvent au bout du canon.
Malgré la pédagogie de la démocratie, le pouvoir demeure encore, très souvent, au bout du canon des PMAK
Quand certaines milices privées sont bien payées, les militaires ne reçoivent plus leurs soldes. Incroyable ! Les dépenses militaires contribuent à perpétuer cet état de choses en opposant les militaires contre leurs rivaux civils, politiciens et bureaucrates.
Au regard de ce qui précède, la dépolitisation de l’armée n’est pour l’heure qu’un leurre car, nombre d’officiers supérieurs et subalternes sont très actifs au sein des partis politiques congolais où ils jouent un rôle très actif, en bien ou en mal !
Si l’armée congolaise pouvait réaliser et réussir sa mutation, elle serait de plus en plus respectée et crédible aux yeux de l’opinion.
Si la force publique avait coupé ses liens avec la politique politicienne après la conférence nationale souveraine, notre jeune démocratie serait aujourd’hui plus apaisée, plus civilisée et sans doute plus flamboyante.
Vu sous cet angle, l’armée encadrerait la marche de la démocratie sans oublier les pratiques de toutes les élites politiques et intellectuelles du pays. Car, l’expérience a montré que le canon ou les godasses sont très loin de la démocratie et de la liberté d’expression.
Comme quoi, la démocratie ressemble bien à un grand magasin de porcelaine qui ne devrait pas être gardée ou gérée par ceux qui sont habitués à manipuler les armes, à obéir aux ordres sans attendre, à « neutraliser » les adversaires vrais ou supposés.
Et, depuis la fin de la guerre du 5 juin 1997, l’armée congolaise bénéficie encore d’un halo de terreur, de violence aveugle et de banditisme avéré.
A la faveur des festivités de ses 50 ans, que la force publique congolaise rectifie son tir avant de regagner les casernes, les lignes de front et les foyers militaires !
Que l’armée, la gendarmerie et la police se mettent définitivement au service du peuple, donc de la République au lieu d’être le bras armé d’un parti politique et de son chef, bien connu de tous !
Après 50 ans, que la force publique ne soit plus le bras armé de ceux qui sont aux affaires !
Cette mutation de notre force publique est jusqu’ici attendue et souhaitée par tous les Congolais au moment où les vents du changement soufflent à vive allure sur le continent africain secoué, plus que d’habitude, par des convulsions internes de tout ordre, notamment sur les bords de la Méditerranée.
Enfin, les expériences vécues, il y a quelques mois, par les forces armées de la Tunisie et d’Egypte devraient interpeller nos hommes en armes qui, très souvent, se laissent manipuler abusivement par les acteurs politiques et certains illuminés de la 25ième heure !
Au-delà de tout : Bonne fête ! Classe !
Par Ghys Fortune DOMBE BEMBA (Talassa)avec Éric Mampouya