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Fermiers zimbabwéens expatriés au Nigeria: les derniers vétérans produisent coûte que coûte

août 27, 2017

Des employés de Valentine Chicken Hatchery trient des poussins le 12 juillet 2017 au Nigeria. © AFP/STEFAN HEUNIS

L’agriculture au Nigeria n’est pas pour les coeurs sensibles: l’électricité par intermittence oblige les générateurs à fonctionner la moitié du temps seulement, les nids de poule rendent le transport lent et coûteux, les fertilisants contrefaits ont dévasté les récoltes. Et pourtant, Piet du Toit, est resté.

« Vous voulez un peu de thé? », demande ce fermier zimbabwéen à l’air bourru, en ouvrant la porte de son jardin luxuriant dans l’état de Kwara, dans l’ouest du Nigeria.

Il y a 14 ans, après que le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, eut saisi les fermes tenues par des Blancs dans le cadre d’un programme de réforme agraire, M. du Toit s’est retrouvé sans ferme et sans avenir, expulsé de ses terres sans indemnisation.

Alors il a accepté l’offre du gouvernement local de l’Etat du Kwara au Nigeria voisin, qui souhaitait développer son agriculture et profiter des compétences des fermiers zimbabwéens, réputés notamment pour leur expérience commerciale.

Piet du Toit est parti s’installer au Nigeria pour reconstruire sa vie. « En ce qui concerne l’agriculture, il y a beaucoup de choses à faire ici », affirme cet expatrié de 64 ans, assis dans son patio à l’ombre des palmiers.

« Mais il y a beaucoup de chemin à parcourir et cela ne se fera pas du jour au lendemain. »

Il a créé une ferme de 1.000 hectares au beau milieu de la brousse vierge, à deux heures de route de la capitale de l’Etat, Ilorin.

Parmi les 13 agriculteurs zimbabwéens dépossédés de leur ferme au Zimbabwe et venus comme lui démarrer une nouvelle vie au Nigeria dans les fermes gouvernementales Shonga, seuls cinq vétérans sont encore là.

Comme dans une émission de télé-réalité, les conditions extrêmes -et les combats amers- ont eu raison de la grande majorité d’entre eux, qui ont jeté l’éponge.

Du Toit, qui cultivait du maïs et du soja, a dû se concentrer sur la volaille cette année lorsque le naira en chute libre a fait monter en flèche ses coûts de production.

Pourtant, il assure que son entreprise est en plein essor.

« C’est profitable », dit-il à propos de Valentine Chickens, en montrant ses 21 poulaillers avec fierté. « Assurément, de gros investissements arrivent dans le pays. »

Le réflexe d’importer

Le Nigeria traverse sa pire crise économique depuis 25 ans et essaie de s’affranchir d’importations coûteuses tout en diversifiant son économie pour ne plus avoir à dépendre du pétrole.

Le gouvernement du président Muhammadu Buhari présente l’agriculture comme le moteur qui permettra au Nigeria de s’en sortir. Mais la réalité est beaucoup plus complexe.

Les paysans peinent à accéder au crédit. Les prêts bancaires dans l’agriculture représentent 4% de la totalité des prêts accordés, contre 1% il y a trois ans, selon la firme bancaire d’investissement nigériane FBN Quest.

« Cela ne provoquera pas la croissance rapide de l’agro-industrie qui sous-tend les stratégies gouvernementales de substitution des importations et de diversification économique », expliquait-elle dans une récente note.

L’agriculture est dominée par le secteur informel et les petits paysans, sans véritables prix du marché ni exigences de qualité.

« Tant de maillons de la chaîne de valeur sont chaotiques dans l’agriculture », affirme Edward George, analyste à Ecobank.

La plupart de ce que le Nigeria produit va à la poubelle, faute d’avoir pu accéder au marché, selon lui.

La production alimentaire n’a pas su accompagner la croissance démographique nigériane, tandis que l’industrie pétrolière lucrative a permis aux importations de devenir un réflexe, atrophiant le secteur agricole.

« Il y a des Nigérians qui utilisent leurs portables pour importer des pizzas de Londres », s’est plaint récemment le ministre de l’agriculture Audu Ogbeh.

Poulet de contrebande

« Ne tirez pas! », demande Peter Crouch en sortant les bras en l’air d’une écloserie ultra-moderne, en simulant une arrestation.

L’ancien cultivateur de tabac a lui aussi parié gros sur ses poulets.

Il a ouvert l’écloserie en janvier avec son fils, David, dans l’optique de développer ses activités, de la production des aliments pour animaux à la distribution des poulets.

Au Nigeria, « tu dois contrôler toute la chaîne », dit-il.

Ce qui énerve vraiment M. Crouch, c’est la contrebande de poulets.

Un problème du Nigeria moderne, où le secteur informel représente un pan significatif de l’économie du mastodonte: théoriquement, l’importation de poulets est illégale, mais les volailles continuent d’arriver.

Les agriculteurs accusent le Brésil, premier fournisseur au monde, affirmant qu’il vend d’abord les meilleurs parties – la poitrine et les ailes – puis écoule les restes des carcasses à prix cassés au Nigeria.

« C’est un business sophistiqué », dit Peter Crouch en tirant une bouffée de cigarette Madison, une marque zimbabwéenne. Et « si on stoppait les importations illégales de poulet, nous ne pourrions même pas répondre » à la demande.

Alors que les fermiers zimbabwéens arrivent au crépuscule de leur carrière, la jeune génération s’apprête à reprendre la main dans les fermes Shonga.

Comfort Babajide supervise l’écloserie avec son mari.

« Le Nigeria se tourne vers l’agriculture », dit la jeune femme de 30 ans. Mais « certaines personnes croient encore davantage aux produits importés ou étrangers qu’aux produits locaux. »

« Cet endroit est un exemple, nous pouvons leur montrer que cela est possible ici au Nigeria. »

Jeuneafrique.com avec AFP

Au Brésil, la folle ascension du secteur de la viande

mars 30, 2017

 

Un élave bovin à Ipameri, dans l’Etat de Goias, dans el centre du Brésil, le 12 novembre 2013 / © AFP/Archives / EVARISTO SA

En deux décennies, le Brésil, secoué par un scandale international de viande avariée, est devenu le 1er exportateur mondial de viande bovine et de volaille, au prix d’un fort soutien public, d’une déforestation accrue de l’Amazonie et de contrôles sanitaires variables selon les acheteurs.

Alors que le pays a perdu d’un coup plusieurs de ses principaux marchés à l’exportation depuis vendredi, la crise alimentaire en cours oblige le gouvernement à voler au secours de la filière viande après la découverte d’un réseau de corruption présumé au sein de géants de l’agro-industrie comme JBS et BRF, accusés de certifier et revendre de la viande avariée.

Le secteur, auparavant peu organisé, doit en grande partie sa fulgurante expansion à la politique des « champions nationaux » menée par le gouvernement Lula dans les années 2000.

« Le gouvernement souhaitait soutenir des entreprises nationales de l’agroalimentaire et des mines, deux secteurs avec un fort potentiel au niveau international », explique à l’AFP Sergio de Zen, spécialiste de l’agrobusiness au sein du Centre d’études avancées en économie appliquée de l’Université de São Paulo (Cepea).

La Banque nationale de développement économique et social (BNDES), bras financier de l?État brésilien, a alors débloqué des fonds importants.

La Banque a ainsi versé plus de 4,5 milliards d’euros entre 2008 et 2011 aux seuls géants Marfrig et JBS, sous forme de crédits ou d’achats d’obligations, soit près du quart des déboursements destinés aux industries alimentaires sur la période.

Dans une usine JBS de production de poulet à Lapa, dans l’Etat de Parana, lors d’une inspection sanitaire, le 21 mars 2017 / © AFP/Archives / RODRIGO FONSECA

– Viande : 7% des exportations –

Le groupe brésilien JBS est aujourd’hui le premier exportateur mondial de viande bovine.

Avec BRF et Marfrig, les deux autres géants brésiliens de l’agroalimentaire, ils maîtrisent « entre 40 et 55% de la production brésilienne [de viande] et plus de 70% des exportations », « des taux qui ne cessent de croître », pointe une note diplomatique européenne publié en 2013.

Ce processus de concentration de l’industrie de la viande s’est accompagné d’un développement considérable du système productif, à partir du milieu des années 1990.

Entre 1997 et 2016, le pays a triplé sa production de volailles, passant de 4,5 à 13,5 millions de tonnes, selon le Cepea, et en est devenu le premier exportateur mondial, avec 40% du marché. La production de viande bovine a aussi plus que doublé, à 7,3 millions de tonnes contre 3,3.

Des filets de poulet dans un supermarché de Rio de Janeiro, le 24 mars 2017 / © AFP/Archives / Yasuyoshi Chiba

Dans le même temps, le volume des exportations a quasiment décuplé, à 1,4 million de tonnes contre quelque 160.000 tonnes seulement en 1997. En valeur, les exportations de viande bovine ont gonflé à 5,5 milliards de dollars contre 469 millions, selon l’Association brésilienne des exportateurs de viande Abiec .

Au total, en 2016, le secteur de la viande a généré 13 milliards de dollars d’exportation, soit 7% du total des exportations du géant sud-américain.

L’élevage bovin s’est surtout développé de manière extensive, stimulé par l’agrandissement des surfaces agricoles brésiliennes au détriment de l’environnement et surtout de la fôrêt amazonienne.

L’exploitation intensive des pâturages est aujourd’hui encouragée par gouvernement, industriels, et éleveurs pour préserver l’environnement, mais elle exige davantage d’investissements. L’élevage en feedlot, ferme-usine où est confiné le bétail, ne concernait que 13% des bovins abattus en 2015, selon l’Association des exportateurs Abiec.

– La question sanitaire –

Un boucher sur un marché de Hong Kong, où le Brésil exporte sa viande bovine, le 28 mars 2017 / © AFP/Archives / Jayne Russell

La fulgurante transformation du Brésil en acteur majeur sur le marché de la viande a-t-il conduit le pays à négliger les normes sanitaires?

« Nous sommes certains de la qualité de nos produits. Nous avons mis 15 ans à renforcer notre système sanitaire pour gagner la confiance de nos clients. Ce sont eux qui établissent leurs règles et ils peuvent venir contrôler les installations quand ils le souhaitent », répond Antônio Jorge Camardelli, président de l’Abiec, qui pilote 91% des exportations de viande bovine.

« Plusieurs circuits aux contraintes sanitaires différentes permettent aux filières brésiliennes de respecter les impératifs des importateurs les plus exigeants, comme l’Union européenne […] mais aussi de limiter leurs coûts pour abonder des marchés beaucoup moins regardants, tels que les franges les moins favorisées de la population brésilienne, le Moyen-Orient, Hong Kong, l’Angola ou encore le Venezuela », expliquait néanmoins le rapport européen en 2013.

« Condamner tout un secteur est exagéré, mais il est vrai que les investissements dans le système sanitaire n’ont pas suivi l’évolution du secteur », admet aussi le chercheur Sergio de Zen.

A ce jour, 21 usines de transformation de viande, dans lesquelles des irrégularités ont été trouvées, sont sous enquête au Brésil sur les quelque 4.837 qui ont été inspectées.

Romandie.com avec(©AFP / 30 mars 2017 12h16)