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M23 en RDC : Tshisekedi, Kagame, Ruto… réunion de l’EAC au Burundi

février 4, 2023

Les dirigeants des pays de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) sont réunis ce samedi en sommet extraordinaire à Bujumbura pour discuter de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC.

Le président congolais Félix Tshisekedi, est accueilli par le président burundais Évariste Ndayishimiye au sommet extraordinaire de l’EAC à Bujumbura, Burundi, le 4 février 2023. © Tchandrou Nitanga / AFP

Le président de la RDC, Félix Tshisekedi participe, ce samedi 4 février, à une réunion de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC, constituée de sept pays), qui a déployé une force dans l’est congolais où les rebelles du M23 continuent à gagner du terrain. « Programme : évaluation de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo et perspectives », a tweeté l’EAC vendredi en annonçant le sommet.

Le président Tshisekedi a été convié à cette réunion organisée par le Burundi, qui préside actuellement l’EAC, avait indiqué un peu plus tôt une source diplomatique. Les chefs d’État de plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Est sont réunis en sommet extraordinaire à Bujumbura pour discuter de la situation sécuritaire en RDC. Cette réunion intervient en pleine recrudescence des violences dans l’est du pays.

Feuille de route pour la paix

Dans la province congolaise du Nord-Kivu, la rébellion du M23, que Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir, s’est emparée de larges territoires riches en minerais, et elle continue d’avancer malgré une feuille de route pour la paix conclue à Luanda, en Angola, en juillet 2022. Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour faire taire les armes et apaiser les tensions, en vain jusqu’à présent. « Les discussions devraient se concentrer sur l’évaluation de la feuille de route de Luanda qui exigeait le retrait effectif et définitif des troupes du M23/RDF (Forces de défense rwandaises) des zones occupées avant le 15 janvier », a déclaré samedi la présidence congolaise.

« Les troupes terroristes du M23 n’ont jamais quitté ces zones, au contraire le M23 et ses alliés ont élargi leurs zones d’occupation », a-t-elle ajouté. Si la RDC accuse le Rwanda de soutenir le groupe rebelle, ce qui est corroboré par des experts de l’ONU et les pays occidentaux, Kigali s’en défend. Il s’agit de « parvenir à des décisions qui amélioreront la situation sécuritaire et faciliteront le rétablissement de la paix dans l’est de la RDC », a déclaré sur Twitter l’actuel président de l’EAC, le président burundais Évariste Ndayishimiye.

Outre les présidents burundais et congolais, participent au sommet les chefs d’État rwandais Paul Kagame, kényan William Ruto, ougandais Yoweri Museveni et tanzanienne Samia Suluhu Hassan. Cette rencontre est convoquée alors qu’une vive tension persiste entre la RDC et le Rwanda, et se tient peu après la visite du pape François à Kinshasa, où il a condamné les « cruelles atrocités » perpétrées dans l’est de la RDC. De nombreux groupes armés y sévissent depuis des décennies, dont beaucoup sont un héritage des guerres régionales qui ont éclaté dans les années 1990-2000.

« Clarification urgente »

Pour lutter contre ces groupes, l’EAC a créé en 2022 une force régionale devant comprendre des militaires kényans – arrivés à Goma à partir de novembre –, ougandais, burundais et sud-soudanais. Le mini-sommet réuni le 23 novembre à Luanda lui a confié la mission de « faire usage de la force » contre les rebelles du M23 s’ils refusaient de se retirer des zones occupées, ce qu’elle n’a pas encore fait. À Bujumbura, le président Tshisekedi « entend clarifier le mandat de la force régionale », a déclaré samedi la présidence congolaise.

À la demande de Kinshasa, cette force ne comprend pas de troupes rwandaises, mais quelques officiers rwandais étaient toutefois présents à son quartier général de Goma. Fin janvier, Kinshasa a fait savoir que ces officiers avaient été « enjoints de quitter le sol congolais pour des raisons sécuritaires ». Dans une lettre au ministre congolais des Affaires étrangères, le secrétariat général de l’EAC a demandé « une clarification urgente » sur cette décision.

Cette semaine encore, durant la visite du pape François à Kinshasa, Félix Tshisekedi a réitéré ses accusations contre Kigali. « Outre des groupes armés, des puissances étrangères avides des minerais contenus dans notre sous-sol commettent, avec l’appui direct et lâche de notre voisin le Rwanda, de cruelles atrocités », a-t-il déclaré.

Rapprochement rwando-burundais

Dans une déclaration avant le sommet, William Ruto a demandé que les riches ressources minières de RDC, à l’origine des nombreux conflits en cours, soient protégées. « Le moment est venu depuis longtemps pour la communauté internationale d’auditer avec la plus grande vigilance les chaînes d’approvisionnement industrielles et de s’assurer que la production et la consommation mondiales respectent la souveraineté congolaise en matière de ressources et ne profitent pas des conflits et des souffrances humaines », a-t-il déclaré.

Un début de rapprochement rwando-burundais se noue par ailleurs en marge du sommet : c’est la première visite de Paul Kagame au Burundi depuis 2013. Les deux pays avaient jusqu’alors des relations tendues. Le Burundi a notamment accusé le Rwanda d’abriter les responsables d’un coup d’État raté en 2015. En 2020, Paul Kagame avait exhorté son homologue Évariste Ndayishimiye, élu depuis peu, à normaliser les relations diplomatiques, mais cette demande avait alors été rejetée, qualifiée d’« hypocrite ».

Par Jeune Afrique (avec AFP)

Macky Sall, William Ruto, Cyril Ramaphosa… Qui sont les chefs d’État africains les plus influents sur Twitter ?

décembre 13, 2022

À l’ère du buzz politique, l’Afrique tente d’exister dans le classement des leaders mondiaux les plus en vue sur le réseau social Twitter…

© Damien Glez

Les périodes de confinement ont couronné l’ère du presque tout numérique. Au-delà des réunions en visio, la diplomatie digitale s’est imposée, pour le meilleur comme pour le pire, pour la communication directe et instantanée avec les citoyens comme pour la manipulation par infox. Sans jugement de valeur, et en attendant de voir ce que la « direction Musk » fera de Twitter, le site http://www.twiplomacy.com mixe les statistiques pour évaluer l’influence numérique de chaque chef d’État sur la plateforme du petit oiseau bleu…

Comme il fallait s’y attendre, le classement est influencé par le nombre de ressortissants des pays concernés et leur taux d’équipement en matériel connecté. Le Premier ministre indien Narendra Modi occupe ainsi la première place du top, alors que l’Inde deviendra, en 2023, le pays le plus peuplé du monde, devant une Chine qui, de toute façon, censure l’usage de Twitter. Sur la deuxième place du podium se trouve l’Américain Joe Biden, lui dont le prédécesseur Donald Trump avait été exclu de la plateforme.

Course à l’impact numérique

Dans la suite du top 50 peuvent être identifiés différents profils. Primo, ceux que l’actualité a propulsés récemment dans la lumière, comme l’Ukrainien Volodymyr Zelensky, au septième rang. Secundo, les « jeunes » leaders, traditionnellement familiarisés avec cet outil, comme les quadragénaires canadien Justin Trudeau et français Emmanuel Macron, respectivement huitième et douzième.

Tertio, les amateurs de « vérités alternatives », responsables politiques férus de propagande et de coups d’éclat – l’autre face de Twitter –, comme le Vénézuélien Nicolás Madura – sixième – ou le Brésilien Jair Bolsonaro, un cinquième du classement que la force de frappe numérique personnelle n’a pas sauvé du verdict des urnes. À noter, dans cette catégorie, la spectaculaire médaille de bronze du Turc Recep Tayyip Erdoğan et l’absence du Russe Vladimir Poutine…À LIREContre l’influence russe en Afrique, Macron envoie ses cybercombattants

Dans cette course à l’impact numérique, l’Afrique anglophone tire son épingle du jeu. Nouveau président du Kenya, celui que l’on surnomme le « débrouillard en chef » s’est… débrouillé pour être le premier Africain du top 50 : William Ruto est 13e. Suivent le Sud-africain – actuellement en mauvaise posture – Cyril Ramaphosa, 18e, l’Ougandais Yoweri Museveni 29e, le Ghanéen Nana Akufo-Addo 36e, le Zambien Hakainde Hichilema 39e et le Botswanais Mokgweetsi Masisi 44e.

Le seul président subsaharien francophone qui figure dans le « Twiplomacy 2022 » est le Sénégalais Macky Sall qui, même s’il a perdu quatre places, bénéficie peut-être de ses responsabilités continentales. L’Afrique du Nord n’est représentée que par l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, 42e et en perte de quatorze places.

Qui fera le buzz en 2023 ? Peut-être faudra-t-il chercher du côté de TikTok…

Avec Jeune Afrique

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

RDC – M23 : William Ruto attendu à Kinshasa alors que les combats reprennent

novembre 21, 2022

Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour faire taire les armes. Le président kényan William Ruto doit s’entretenir ce 21 novembre à Kinshasa avec son homologue congolais Félix Tshisekedi.

Le président kényan William Ruto et le président congolais Félix Tshisekedi lors d’une visite officielle à Kinshasa, le 21 novembre 2022. © Photo by Arsene Mpiana / AFP

Signe des tensions, les offices religieux ont été brusquement écourtés ce dimanche 20 novembre dans plusieurs villages du nord-est de la RDC par l’irruption des rebelles du M23 toujours à l’offensive. Les lignes de front étaient restées calmes samedi, laissant croire que les appels à cesser-le-feu pouvaient avoir été entendus. Mais l’accalmie n’a duré qu’une journée.

« Nous étions à l’église pour le culte et le M23 a surgi en tirant beaucoup de coups de feu », a déclaré à l’AFP par téléphone un pasteur de Katwiguru, agglomération du territoire de Rutshuru située sur le front nord-est des combats entre l’armée congolaise et le « Mouvement du 23 mars ».

« Les combats font rage »

Selon Jean Bosco Bahati, un responsable de la société civile locale, les rebelles se sont emparés de plusieurs villages de la région, à quelque 35 km d’Ishasha, localité frontalière de l’Ouganda située non loin du Lac Édouard. « La population est en débandade », a-t-il témoigné. Selon un autre habitant, l’armée s’est repliée vers le Nord.

Plus au Sud, les combats ont aussi repris dimanche matin à une vingtaine de km au nord de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, au niveau de Kibumba, qui marque depuis plusieurs jours la ligne du front sud.À LIRECrise entre la RDC et le Rwanda, coups d’État… Au cœur des premiers débats du sommet de l’OIF

« Depuis ce matin les combats font rage » dans la région, a indiqué un habitant. « Trois officiers dont un colonel viennent d’être blessés dans les combats », a précisé une source sécuritaire sous couvert d’anonymat.

Il y a vingt ans jour pour jour, le 20 novembre 2012, le M23 s’était emparé de la ville de Goma, qu’il avait occupée pendant une dizaine de jours avant de se retirer et d’être vaincu l’année suivante.

William Ruto à Kinshasa

Reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté ses engagements sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants, le mouvement a repris les armes en fin d’année dernière et étend depuis son territoire.

Sa résurgence a provoqué un regain de tension entre la RDC et le Rwanda, accusé de soutenir cette rébellion. Kigali conteste, en accusant en retour Kinshasa de collusion avec des rebelles hutu rwandais implantés en RD Congo depuis le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.

Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour tenter de surmonter la crise. Le président kényan William Ruto doit avoir lundi à Kinshasa un entretien avec son homologue congolais Félix Tshisekedi.

Rencontre Tshisekedi et Kagame à Luanda

Sa visite fait suite à celle de son prédécesseur, l’ex-président Uhuru Kenyatta, désormais facilitateur de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) pour la RDC, venu préparer une nouvelle session de pourparlers de paix prévus dans les prochains jours à Nairobi.

Vendredi soir, Uhuru Kenyatta a indiqué que le président rwandais Paul Kagame s’était joint aux appels demandant aux rebelles du M23 de cesser les combats et de se retirer des territoires qu’ils occupent.

L’EAC a par ailleurs décidé de créer une force régionale pour tenter de ramener la paix dans l’est de la RDC, en proie depuis près de trente ans aux violences de multiples groupes armés, dont le M23.

Le Kenya devrait contribuer à cette force à hauteur de 900 hommes, dont les premiers sont arrivés à Goma, où se situe le quartier général de la force.

Une autre initiative diplomatique est conduite en parallèle par le chef de l’État angolais João Lourenço, qui prévoit une nouvelle rencontre dans les prochains jours entre les présidents congolais et rwandais à Luanda.

Par Jeune Afrique (Avec AFP)

Kenya : ces chantiers qui attendent le nouveau président

septembre 13, 2022

DÉFIS. Un mois après sa victoire à la présidentielle contestée du 9 août, William Ruto prend la tête d’un pays divisé, où les challenges ne manquent pas.

Le president elu du Kenya, William Ruto, a prete serment en tant que le cinquieme president de ce pays d'Afrique de l'Est lors d'une ceremonie mardi a Nairobi.
Le président élu du Kenya, William Ruto, a prêté serment en tant que le cinquième président de ce pays d’Afrique de l’Est lors d’une cérémonie mardi à Nairobi.© SIMON MAINA / AFP

C’est peu dire que cette journée d’investiture était attendue. En effet, c’est ce mardi 13 septembre que le nouveau président élu William Ruto, 55 ans, jusqu’alors vice-président du sortant Uhuru Kenyatta, a pris la tête de la plus grande économie d’Afrique de l’Est, après que la Cour suprême a finalement validé sa victoire à la présidentielle du 9 août dernier, avec environ 233 000 voix d’avance sur Raila Odinga, l’opposant historique qui avait dénoncé des « fraudes ». Les juges ont rejeté à l’unanimité les accusations d’Odinga, figure historique de la politique kényane de 77 ans qui avait reçu le soutien du président Uhuru Kenyatta.

Les observateurs indépendants ont loué le bon déroulement de l’élection qui, malgré des résultats serrés et contestés, n’a pas donné lieu à des violences comme le pays a pu en connaître par le passé. Mais de multiples défis attendent le nouveau président qui, selon de nombreux analystes, hérite d’un pays profondément divisé.

Comment gouverner après une élection disputée ?

Si les habitudes de vote ethnique qui façonnent traditionnellement les élections au Kenya semblent avoir moins pesé sur les élections cette année au profit d’un clivage socio-économique, le résultat serré a toutefois révélé une nation fortement divisée.

Stratège politique reconnu, William Ruto a fait de l’élection une opposition entre les « débrouillards » du petit peuple qu’il affirme défendre face aux « dynasties » incarnées par Raila Odinga et son principal soutien, le président sortant Uhuru Kenyatta, dont les familles ont dominé la politique depuis l’indépendance en 1963.

Une fois sa victoire confirmée, il a adopté un ton conciliant, tendant « une main fraternelle » à ses concurrents et promettant que son gouvernement servirait les Kényans quelle que soit leur affiliation politique et ethnique.

Mais les relations avec les camps Odinga et Kenyatta, anciens rivaux qui s’étaient alliés contre lui, pourraient être houleuses. Selon le cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group, « Ruto s’est efforcé de coopter des législateurs indépendants et des maillons faibles d’Azimio [la coalition de Raila Odinga, NDLR] pour établir une majorité opérationnelle suffisante pour adopter des lois et des budgets » au Parlement.

Comment redresser une économie en difficulté ?

Si le Kenya est l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est, elle fait face à d’importantes difficultés, avec notamment une explosion des prix des carburants et des produits de première nécessité comme la farine de maïs servant à préparer l’ugali, aliment de base au Kenya.

L’inflation a atteint 8,5 % en août, un plus haut depuis cinq ans, venant se combiner avec une chute du shilling kényan, la monnaie nationale.

Le chômage est également un problème majeur, notamment chez les jeunes.

William Ruto a promis de mettre en place un « fonds des débrouillards » d’un montant de 50 milliards de shillings kényans (environ 410 millions d’euros) permettant d’accorder des prêts aux petites entreprises pour stimuler la croissance.

Ancien ministre de l’Agriculture, le président Ruto s’est également engagé à subventionner des engrais pour redynamiser le secteur agricole, pilier de l’économie kényane qui pèse 20 % du PIB. « Cette année, de nombreux agriculteurs n’ont pas planté de maïs, de manioc et de blé à cause des prix trop élevés des engrais », confiait la semaine dernière Florentina Kimoi, agricultrice de 81 ans originaire d’Eldoret, bastion de Ruto dans la vallée du Rift.

Toutes ces promesses d’aides devront toutefois être menées dans un contexte d’explosion de la dette, qui a été multipliée par six depuis 2013 pour dépasser les 70 milliards d’euros, soit 67 % du PIB.

Comment s’attaquer à la corruption ?

William Ruto a promis de s’attaquer à la corruption, sujet aussi crucial qu’épineux dans un pays où des dizaines d’hommes politiques et de fonctionnaires font l’objet d’inculpations dans des affaires de détournements de fonds publics.

Mais cette promesse récurrente de tous les dirigeants kényans sonne creux pour de nombreux habitants.

Le président Ruto a lui-même une réputation sulfureuse, marquée par des accusations passées de corruption, d’appropriation de terres et de détournement de fonds, tandis que son vice-président, Rigathi Gachagua, a été condamné à quelques jours de la présidentielle à rembourser environ 1,7 million de dollars dans une affaire de corruption.

Dans son éditorial du 7 septembre, le quotidien The Standard a exhorté le nouveau président à nommer « des hommes et femmes intègres » dans son gouvernement.

L’ONG Transparency International classait le Kenya au 128e rang sur 180 dans son classement en 2021 sur la perception de la corruption, évoquant une lutte qui avait « stagné » dans le pays.

Quelle diplomatie dans la région ?

Le président sortant Uhuru Kenyatta a consacré une partie de son second mandat à jouer les médiateurs en Afrique de l’Est, réchauffant les relations avec la Somalie voisine, s’impliquant dans la crise en République démocratique du Congo et accueillant des pourparlers entre le Soudan et l’Éthiopie.

Les partenaires du Kenya attendent désormais de voir l’attitude qu’adoptera la nouvelle administration dans un pays considéré comme un allié de confiance et un havre de stabilité démocratique dans une région tourmentée.

Pour les analystes, le sujet brûlant est la reprise des combats fin août dans le nord de l’Éthiopie entre forces progouvernementales et rebelles tigréens, après une trêve de cinq mois.

Le président Kenyatta avait proposé d’accueillir à Nairobi des négociations pour mettre fin au conflit qui dure depuis près de deux ans. Dimanche, les rebelles se sont dit d’accord pour une médiation de l’Union africaine, comme le demandait le gouvernement éthiopien.

Le Point avec AFP

Présidentielle au Kenya : l’élection de William Ruto confirmée par la Cour suprême

septembre 5, 2022

La plus haute instance judiciaire du pays a validé l’élection du vice-président sortant au scrutin du 9 août. Son rival, Raila Odinga, qui avait dénoncé des fraudes, subit ainsi sa 5e défaite dans la course à la magistrature suprême.

William Ruto à Nairobi, le 15 août, après la proclamation de sa victoire à la présidentielle kényane. © REUTERS/Thomas Mukoya

« C’est une décision unanime. Les recours sont par la présente rejetés. En conséquence, nous déclarons le premier défendeur (William Ruto) président élu », a déclaré la présidente de la Cour suprême Martha Koome. En vertu de la Constitution, William Ruto doit prêter serment le 13 septembre. Il deviendra à 55 ans le cinquième président du Kenya depuis l’indépendance du pays en 1963.

Les deux camps ont promis ces derniers jours de respecter la décision de la plus haute juridiction, connue pour son indépendance. Le 15 août, le vice-président sortant William Ruto avait été déclaré vainqueur d’un des scrutins les plus serrés de l’histoire du Kenya, avec environ 233 000 voix d’avance (50,49% contre 48,85%) sur Raila Odinga, 77 ans.

Pour Raila Odinga, cette décision entérine sa cinquième défaite en autant de candidatures à la présidence. Odinga, figure historique de l’opposition soutenue cette année par le président sortant Uhuru Kenyatta et son puissant parti, a contesté les résultats des trois dernières présidentielles.

Proclamation des résultats chaotique

Il avait obtenu en 2017 l’annulation de l’élection par la Cour suprême, une première en Afrique. Il avait fait de cette nouvelle bataille judiciaire « un combat pour la démocratie et la bonne gouvernance » face aux « cartels de la corruption ».

Le scrutin s’était déroulé dans le calme le 9 août. Mais la proclamation des résultats avait été chaotique, quatre des sept membres de la commission électorale (IEBC) s’étaient désolidarisés des résultats, accusant leur chef Wafula Chebukati de s’être engagé dans un processus « opaque ». La proclamation de l’élection de Ruto avait ensuite déclenché des échauffourées dans des bastions de partisans de Odinga. Les périodes électorales au Kenya ont à plusieurs reprises été sources de violences. Les plus meurtrières, en 2007, ont fait plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.

Jeune Afrique par Pierre-François Naudé (Avec AFP)

Présidentielle au Kenya : interrogations et contestations après la victoire de William Ruto

août 16, 2022

Raila Odinga a rejeté mardi 16 août les résultats de la présidentielle annoncés la veille donnant la victoire sur le fil à son rival, William Ruto.

Des partisans du candidat Raila Odinga manifestent contre le résultat de la présidentielle, le 15 août 2022 à Kibera, au Kenya. © Gordwin Odhiambo/AFP

Après six jours d’attente et de calme, malgré l’impatience palpable, le vice-président sortant William Ruto a été déclaré vainqueur lundi 15 août de l’élection du 9 août avec 50,49% des voix contre 48,85% – soit un écart d’environ 230 000 bulletins de vote – pour son principal rival, Raila Odinga.

Ruto avait fait du pouvoir d’achat son cheval de bataille, promettant des emplois quand trois personnes sur dix vivent dans l’extrême pauvreté dans un pays éprouvé par les effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine, et où l’inflation a explosé.

Raila Odinga a rejeté ces résultats. « Ce à quoi nous avons assisté hier est une parodie et un mépris évident de la Constitution », a affirmé ce vétéran de la politique, qui, à 77 ans, se présentait pour la cinquième fois. En 2013 et 2017, il avait déjà contesté les résultats devant la Cour Suprême, qui avait cette dernière année invalidé le scrutin. « Nous poursuivrons toutes les options légales et constitutionnelles à notre disposition. Nous le ferons au regard des nombreuses failles dans les élections », a-t-il déclaré lors de sa première allocution depuis l’annonce de sa défaite, dénonçant le rôle joué selon lui par la Commission électorale indépendante (IEBC), marquée par des divisions internes.

Manifestations

Sitôt les résultats donnés par une Commission électorale sous haute pression, des partisans de Raila Odinga avaient laissé éclater leur déception. Des manifestations ont secoué plusieurs quartiers populaires de la capitale Nairobi, comme Mathare, Kayole et Kibera. Des pneus ont été enflammés pour bloquer des rues dans ce bidonville fidèle à Odinga, figure de l’opposition à qui le président sortant Uhuru Kenyatta avait apporté son soutien pour cette présidentielle.

À Kisumu (Ouest), autre bastion d’Odinga, la colère a pris la forme de barricades et de jets de pierre, des magasins ont été pillés et la police a usé de gaz lacrymogènes pour disperser la foule.

Le président élu Ruto avait de son côté promis lundi soir qu’il travaillerait avec « tous les leaders » politiques.

« S’abstenir de toute violence »

Plusieurs pays africains, dont l’Éthiopie et la Somalie voisines, le Rwanda ou encore la Guinée-Bissau, ont d’ores et déjà félicité Ruto. De son côté, l’ambassade des États-Unis au Kenya a félicité « le peuple kényan d’avoir exercé son droit de vote lors des élections du 9 août » lors desquelles les 22,1 millions d’électeurs inscrits devaient également choisir leurs parlementaires et leurs élus locaux.À LIREKenya : le bilan économique d’Uhuru Kenyatta

Des partisans du président élu William Ruto, fêtent sa victoire, le 15 août 2022 à Eldoret, au Kenya. © SIMON MAINA/AFP

Des partisans du président élu William Ruto, fêtent sa victoire, le 15 août 2022 à Eldoret, au Kenya. © SIMON MAINA/AFP

Coup de théâtre

La Commission indépendante, bien que saluée par les observateurs internationaux et locaux pour sa gestion le jour du scrutin, se trouve cette année encore sous le feu des critiques. Un coup de théâtre est venu semer le trouble lundi.

Quelques minutes avant que son président n’annonce les résultats de la présidentielle, quatre de ses sept membres se sont désolidarisés de l’organisme indépendant, expliquant brièvement leur position lors d’une conférence de presse surprise par le « caractère opaque du processus ».

Tout recours en justice doit désormais être déposé auprès de la Cour suprême dans les sept jours après l’annonce des résultats. La plus haute instance judiciaire du pays dispose ensuite de 14 jours pour rendre sa décision, et, en cas d’annulation du scrutin, une nouvelle élection doit se tenir dans les 60 jours. Si personne ne saisit la justice, William Ruto prendra ses fonctions dans les deux semaines à venir.

Par Jeune Afrique avec AFP

Kenya : William Ruto proclamé vainqueur de la présidentielle

août 15, 2022

La Commission électorale indépendante a annoncé que William Ruto avait remporté l’élection présidentielle, avec 50,49 % des suffrages exprimés, contre 48,86 % pour Raila Odinga. Plusieurs membres de la Commission se sont désolidarisés de ces résultats.

William Ruto, après avoir voté lors de la présidentielle du 9 août 2022. © AP/SIPA

L’ancien vice-président d’Uhuru Kenyatta a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle qui s’est tenue le mardi 9 août, après près d’une semaine d’une attente sous tension pour les Kényans.

Selon les chiffres proclamés par Wafula Chebukati, le président de la Commission électorale indépendante, William Ruto a remporté 50,49 % des suffrages exprimés (7,17 millions de votes), et Raila Odinga a été crédité de 48,86 % des voix (6,94 millions de votes). William Ruto remporte donc ce scrutin particulièrement serré dès le premier tour, mais avec une très courte avance.

« Il n’y a pas de place pour la vengeance »

Des partisans de William Ruto fêtent l'annonce de sa victoire, le lundi 15 août 2022 à Eldoret. © Brian Inganga/AP/SIPA
Des partisans de William Ruto fêtent l’annonce de sa victoire, le lundi 15 août 2022 à Eldoret. © Brian Inganga/AP/SIPA

Le scrutin, qui s’est déroulé dans le calme, a été marqué par une participation en baisse: environ 65% des 22,1 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes le 9 août, contre 78% lors du dernier scrutin de 2017.

À 55 ans, Ruto devient le premier Kalenjin a être élu président depuis vingt ans, succédant à deux présidents issus de la communauté kikuyu. « Je travaillerai avec tous les leaders » politiques, dans un pays « transparent, ouvert et démocratique », a-t-il assuré après l’annonce de sa victoire. « Il n’y a pas de place pour la vengeance », a-t-il poursuivi, se disant « totalement conscient » que le pays « est à un stade où nous avons besoin de tout le monde sur le pont ».

Les heures qui vont suivre vont de fait être cruciales pour le pays, qui a connu à plusieurs reprises des épisodes de violences postélectorales meurtrières, notamment en 2007 et en 2017.

Dissensions au sein de la Commission

Des partisans de Raila Odinga manifestent à Nairobi contre la victoire annoncée de William Ruto, le lundi 15 août 2022. © Ben Curtis/AP/SIPA
Des partisans de Raila Odinga manifestent à Nairobi contre la victoire annoncée de William Ruto, le lundi 15 août 2022. © Ben Curtis/AP/SIPA

Lundi à la mi-journée, quelques heures avant la proclamation de ces résultats, quatre des sept membres de la Commission électorale ont annoncé rejeter par avance les résultats. Évoquant le « caractère opaque du processus », la vice-présidente de la Commission électorale, Juliana Cherera, a notamment affirmé : « Nous ne pouvons pas assumer la responsabilité des résultats qui vont être annoncés. »

Dans plusieurs quartiers de Nairobi réputés acquis à Raila Odinga, des manifestants ont commencé à se rassembler ce lundi 15 août au cri de « Pas de Raila, pas de paix ».

Par Jeune Afrique avec AFP

Kenya : duel serré pour la présidence, les appels à l’unité se multiplient

août 14, 2022
Une urne scellée.

Depuis leur vote de mardi, les Kényans retiennent leur souffle devant ce duel présidentiel qui pourrait être un des plus serrés de l’histoire de leur pays. Photo : Getty Images/AFP/Brian Ongoro

Les appels à la paix et à l’unité ont résonné dimanche à l’échelle du Kenya, plongé dans l’interminable attente des résultats de la présidentielle du 9 août, qui apparaît particulièrement serrée, selon des résultats officiels partiels.

Dimanche matin, selon le décompte effectué par la Commission électorale (IEBC) en ce qui a trait à près de la moitié des bureaux de vote, le vice-président William Ruto menait ce coude-à-coude avec 51,25 % des voix, contre 48,09 % pour Raila Odinga, figure historique de l’opposition aujourd’hui soutenue par le président sortant Uhuru Kenyatta.

La Commission a ensuite coupé la diffusion en direct des résultats sans donner d’explication.

Toutefois, un décompte du quotidien Daily Nation, qui citait les données officielles à propos de 70 % des bureaux de vote, indiquait en soirée que M. Ruto avait jusqu’à présent obtenu 52,54 % des suffrages, tandis que M. Odinga en avait obtenu 46,78 %.

Depuis leur vote de mardi, les Kényans retiennent leur souffle devant ce duel présidentiel qui pourrait être un des plus serrés de l’histoire du pays. Leur patience est unanimement saluée dans un pays qui, au cours des dernières décennies, a connu plusieurs épisodes de tensions et violences postélectorales, parfois sanglantes.

Raila Odinga.

Raila Odinga, figure de proue de l’opposition kenyane, est un des favoris de la présidentielle. Photo : Getty Images/Donwilson Odhiambo

Priez pour le nouveau président

Dimanche, MM. Ruto et Odinga se sont rendus dans des églises de la capitale, Nairobi.

Vêtu d’une chemise blanche et d’une veste légère, William Ruto a appelé à une suite pacifique du processus électoral lors d’un service religieux : Nous avons voté pacifiquement, nous avons traversé ce processus pacifiquement, et ma prière, c’est que nous terminions ce processus pacifiquement.

Raila Odinga, vêtu d’une tunique bleue, sa couleur de campagne, a quant à lui récité une prière de saint François : Je veux devenir un instrument pour apporter la paix, guérir, unir et garder l’espoir vivant dans notre pays.

Ailleurs, les offices dominicaux, très fréquentés dans ce pays religieux, ont été l’occasion d’appels à la responsabilité.

À l’annonce des résultats, ne créez pas de problèmes ou de chaos, priez plutôt pour le nouveau président que Dieu nous a donné, a lancé l’évêque Washington Ogonyo Ngede devant 300 fidèles réunis à Kisumu, fief d’Odinga dans l’ouest du pays.

Des fidèles assistent à une messe.

Les Kényans prient pour la paix et pour l’unité du pays, minées par la présidentielle. Photo: Getty Images/ED Ram

Les dirigeants vont et viennent, mais le Kenya vit pour toujours, a ajouté cet ami de longue date de la famille Odinga.

À Eldoret, bastion de Ruto dans la vallée du Rift, l’évêque du diocèse catholique Dominic Kimengich a également appelé au calme, exhortant les hommes politiques à être très prudents dans leurs propos.

Nous avons connu cela en tant que Kényans, nous savons que toute remarque imprudente […] peut facilement déclencher un conflit, a-t-il déclaré avant une messe dans la paroisse de Yamumbi. Il a demandé aux responsables politiques d’accepter la volonté du peuple exprimée dans les urnes.

La Commission électorale sous pression

En écho au secrétaire d’État américain Antony Blinken samedi sur Twitter, une quinzaine d’ONG et de syndicats, dont Amnistie internationale, ont appelé dimanche à la patience.

Nous applaudissons les Kényans pour leur conduite pacifique pendant les élections et nous appelons au calme pendant que les résultats sont vérifiés, ont-ils déclaré dans un communiqué.

Quelque 22,1 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes mardi pour désigner le successeur du président Uhuru Kenyatta ainsi que leurs gouverneurs, leurs parlementaires et leurs élus locaux.

Les résultats des scrutins locaux tombent au compte-gouttes. Ils ne laissent pas présager quel camp ravira la majorité parlementaire, mais ils dessinent d’ores et déjà une percée historique des femmes.

Pour la présidentielle, le suspense est maximal. Si aucun de ces deux candidats ne recueille plus de 50 % des voix ainsi que 25 % des voix dans la moitié des 47 comtés, le Kenya connaîtra pour la première fois un second tour.

William Ruto.

Le vice-président William Ruto est aussi favori à la présidentielle : il devancerait même son principal adversaire, Raila Odinga. Photo : Getty Images/AFP/Yasuyoshi Chiba

L’IEBC est donc sous pression, non seulement parce que le pays, locomotive économique de l’Afrique de l’Est, tourne au ralenti dans l’attente des résultats mais aussi parce qu’elle a été vivement critiquée il y a cinq ans après une présidentielle invalidée par la Cour suprême.

Vendredi, la Commission a reconnu que les opérations de collecte, de comptage et de vérification des résultats étaient plus longues que prévu, ralenties, selon elle, par l’ingérence de partisans des partis politiques.

Cette élection présidentielle est scrutée de près par la communauté internationale. Le Kenya est en effet un point d’ancrage démocratique dans la région et les résultats de toutes les présidentielles y ont été contestés depuis 2002.

Le scrutin de mardi dernier a été marqué par un taux de participation d’environ 65 % [contre 78 % en août 2017], sur fond d’une inflation galopante et de frustration à l’endroit de l’élite politique.

Par Radio-Canada avec Agence France-Presse

Kenya : entre Ruto et Odinga, la campagne présidentielle tourne au vinaigre

avril 17, 2022

Depuis que le chef de l’État l’a trahi, le vice-président, William Ruto, ne retient plus ses coups contre son adversaire dans la course à la magistrature suprême, Raila Odinga. Retour sur un duel sans merci.

Raila Odinga (à g.) et William Ruto à Nairobi, le 24 février 2013. © REUTERS/Thomas Mukoya

« Concours de beauté » à Londres : c’est ainsi que les observateurs étrangers ont raillé le chassé-croisé des deux principaux candidats à l’élection présidentielle kényane dans la capitale britannique, à quelques jours d’intervalle en mars dernier.

Le vice-président, William Ruto (le « roi de l’arnaque »), et l’ancien Premier ministre Raila Odinga (« l’héritier ») font dans l’antagonisme personnel plutôt que dans la bataille d’idées. Un travers de campagne qui n’échappe pas aux réseaux sociaux qui relaient tant les insultes personnelles et ethniques que les accusations entièrement fabriquées.

On en oublierait presque que les 22 millions de juges ultimes de ce duel fratricide sont appelés à déposer leur verdict dans les urnes le 9 août prochain.

Tragédie shakespearienne

À Londres, le vice-président a voulu s’ériger en homme de paix dans cet affrontement électoral. Mais il n’a pas pu s’empêcher de s’engager sur le terrain glissant des violences qui ont éclaté au Kenya après le scrutin de 2017. Alors que Raila Odinga avait contesté les résultats donnant Kenyatta vainqueur, William Ruto a promis de respecter le verdict des urnes.

BEAUCOUP ONT DIT QU’ILS ALLAIENT TRUQUER L’ÉLECTION ET QUE, MÊME SI JE L’EMPORTAIS, KENYATTA NE ME CÈDERAIT PAS LE POUVOIR

« J’aimerais que tous les autres candidats s’engagent à reconnaître le résultat des élections. Ils ne le font pas parce que ce ne sont pas des gens sérieux. Beaucoup ont dit qu’ils allaient truquer l’élection et que, même si je l’emportais, Kenyatta ne me cèderait pas le pouvoir », a déclaré le vice-président.

Point de non-retour

Cette phrase en dit long sur une bataille électorale qui tourne à l’affaire personnelle. Le parcours de William Ruto recèle l’origine des rancœurs. Au lendemain des violences postélectorales qui, en 2007-2008, firent plus de 1 500 morts, Uhuru Kenyatta, issu de l’ethnie kikuyue, et William Ruto, le Kalenjin, tous deux sous le coup de poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans cette crise, se rapprochèrent afin de mieux se protéger.

Puis William Ruto a travaillé sans relâche pour le gouvernement d’Uhuru Kenyatta, qui a utilisé ses compétences en matière de mobilisation politique –­avant de l’abandonner. Aujourd’hui, un point de non-retour a été atteint : après avoir publiquement désigné Ruto comme son successeur, Uhuru Kenyatta a retourné sa veste, et finalement apporté son soutien à Raila Odinga, le leader de l’opposition.

Comme dans les tragédies shakespeariennes, le combat entre les rois fait rage, assorti de son lot d’accusations. Mais la société civile ne semble guère apprécier le spectacle : le journaliste et militant John Githongo parle d’ »une élection qui porte essentiellement sur rien ». Pour lui, la joute entre Ruto et Raila est dépourvue de grandes idées. De nombreux Kényans, en particulier les plus jeunes, semblent d’accord. L’inscription des électeurs dans certaines zones urbaines a été plus faible que lors des précédents scrutins.

Le candidat préféré ?

Pour l’heure, William Ruto est persuadé d’avoir été reçu à Londres et à Washington grâce à un statut de « candidat favori de l’Occident », une petite musique reprise allègrement par ses partisans. Mais les responsables des deux capitales ont rejeté cette affirmation, en soulignant que son rival, Raila Odinga, bénéficiera exactement du même niveau d’accès en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Pour les diplomates des deux États occidentaux, le Kenya est un point d’ancrage dans la région, alors que son voisinage est dangereux : les conflits en Éthiopie, en Somalie et au Sud-Soudan se poursuivent, tandis que la junte militaire soudanaise massacre depuis six mois des manifestants civils favorables à la démocratie. Le Kenya accueille notamment le complexe de camps de réfugiés de Dadaab, qui abrite plus de 400 000 Somaliens.

Avec Jeune Afrique par Julian Pecquet et Patrick Smith

Kenya : entre Uhuru Kenyatta et William Ruto, le divorce est consommé

décembre 28, 2021
Le président kényan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, à Nairobi, le 21 septembre 2017. © Khalil Senosi/AP/SIPA

Alors qu’il s’était d’abord engagé à soutenir son colistier à la présidentielle de 2022, le chef de l’État a finalement choisi de se ranger du côté de son ancien opposant, Raila Odinga. Au risque de réveiller le spectre des violences post-électorales de 2007-2008.

Les mots qui sortent de la bouche d’Uhuru Kenyatta tournent en boucle comme un disque rayé. Ce 1er septembre 2017, devant les journalistes venus recueillir sa réaction après l’invalidation par la Cour suprême de sa victoire face à Raila Odinga lors de la présidentielle du 8 août, le chef de l’État a les yeux cernés. Il paraît sonné. « Je suis personnellement en désaccord avec cette décision. Je la respecte, autant que je suis en désaccord avec elle, mais je la respecte. Mais je suis en désaccord avec elle », répète-t-il.

Derrière lui, William Ruto affiche une certaine détermination. Polo rayé et bras croisés, le colistier du chef de l’État a la mine grave. Si Kenyatta semble vaciller, lui paraît plus confiant que jamais, convaincu qu’il ne s’agit là que d’une ultime épreuve et que son heure va bientôt arriver. Kenyatta sera finalement réélu à l’issu d’un remake controversé et boycotté par Odinga. Une séquence durant laquelle Ruto est apparu comme l’un des seuls en mesure de tenir la maison présidentielle. Au sortir du scrutin, le « colistier » fait plus que jamais figure d’héritier.

L’histoire s’écrira finalement autrement. Car entre Kenyatta et Ruto, c’est avant tout une union de raison. En 2012, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les poursuites engagées à l’encontre des deux hommes pour les violences postélectorales de 2007-2008, qui ont principalement opposés Kalenjin et Kikuyu et qui ont fait 1200 morts. Candidat à la présidentielle suivante, en 2013, Ruto s’allie alors à Kenyatta. Les deux ennemis scellent ainsi une paix fragile entre leurs ethnies respectives et font bloc face à la CPI. Le ticket « UhuRuto » rafle la magistrature suprême, les charges contre Kenyatta sont abandonnées en décembre 2014, celles contre Ruto en avril 2016, non sans que plusieurs témoins aient subi une campagne d’intimidation.

Odinga, nouveau champion

Selon les termes du « deal », Kenyatta devait ensuite soutenir Ruto en 2022. Mais cela va vite être remis en question. Le 9 mars 2018, après des mois de tensions, Kenyatta fait, au détour d’une poignée de main devenue symbolique, la paix avec l’opposant Raila Odinga. Le président sait qu’il vient de porter un coup à Ruto. Avec Odinga au sommet de l’État, dans un rôle volontairement laissé en suspens, il vient d’isoler son ancien allié, qu’une partie de son entourage ne souhaite pas voir arriver au pouvoir. Les deux hommes se livrent, depuis, une guerre feutrée.

LE 24 AOÛT DERNIER, KENYATTA A MIS RUTO AU DÉFI DE QUITTER SON POSTE

Il y a d’abord eu un projet de référendum constitutionnel, dont l’une des principales mesures était la création d’un poste de Premier ministre. Perçu par les pro-Ruto comme un moyen pour Kenyatta et Odinga de se partager le pouvoir, il a fait l’objet d’intenses débats et a été retoqué à deux reprises par la justice. Mais l’offensive n’a pas été portée que sur un front : de nombreux proches de Ruto ont aussi été écartés du pouvoir ou mis en cause dans des affaires de corruption.

Surtout, Kenyatta a fait d’Odinga son nouveau champion pour 2022. Longtemps adversaires dans les urnes, les « fils de » – Jomo Kenyatta fut le premier président du Kenya et Oginga Odinga son premier vice-président – se retrouvent désormais dans le même camp. Depuis des mois, chacun négocie donc l’allégeance des grandes fortunes, celle des patrons de médias et des relais politiques. Ruto cherche à gagner de l’influence dans le fief de son adversaire, autour du Mont Kenya. Kenyatta, lui, mobilise en terre kalenjin et s’appuie notamment sur Gideon Moi, fils de l’ancien président Daniel Arap Moi.

Ruto, le « débrouillard »

Le 24 août dernier, Kenyatta a mis Ruto au défi de quitter son poste. « J’ai un programme sur lequel j’ai été élu. La chose honorable à faire si vous n’en êtes pas satisfait, c’est de vous retirer et de permettre à ceux qui veulent aller de l’avant de le faire », lui a-t-il lancé. Le chef de l’État marche néanmoins sur des œufs. Démettre Ruto de la vice-présidence serait prendre le risque de déclencher de nouvelles violences. Le maintenir en fonction, en assumant que leur tandem ne fonctionne plus, n’est pas beaucoup plus confortable. Après le traumatisme de 2007-2008, l’équation n’est pas simple à résoudre.

RUTO TRAÎNE UNE RÉPUTATION SULFUREUSE, TEINTÉE DE VIOLENCE ET DE CORRUPTION

Ce n’est sans doute pas pour déplaire à Ruto, qui a été façonné par le régime Moi. Son ascension commence dans les années 1990, lorsqu’il rejoint la Youth for Kanu ’92. Cette organisation de jeunesse soutenant Moi prend vite des allures de milice privée lorsque débute une campagne de harcèlement des Kikuyu du Rift. Des milliers de morts et de déplacés… Cette triste séquence permet à Ruto d’être repéré par Moi, qui le propulse ministre, à 36 ans.

Originaire de la vallée du Rift, Ruto a su faire de son origine modeste et de son enfance passée à vendre des poulets en bord de route un argument politique. Depuis le retour en grâce d’Odinga, il se plaît à opposer les descendants des grandes dynasties politiques et les « hustlers », les débrouillards. « Ces gens vivent dans une tour d’ivoire et n’ont pas les problèmes que connaissent certaines personnes », déclarait-il en octobre 2020. Mais lui aussi traîne ses casseroles et une réputation sulfureuse. Celle d’un homme au passé teinté de violence et d’accusations de corruption.

Le pari Odinga

Lors de la prochaine présidentielle, à laquelle Kenyatta n’a pas le droit de se présenter, Ruto affrontera un monument de la politique locale. Odinga est un Luo, l’une des tribus les plus importantes du pays, et c’est un habitué des joutes électorales. Du vote à la contestation, il en maîtrise chaque rouage. Le scrutin de 2017 devait être son baroud d’honneur. Mais « Tinga », le Tracteur, en a encore sous la pédale.

ODINGA PEUT-IL RÉUSSIR LÀ OÙ IL A TOUJOURS ÉCHOUÉ ?

Le 10 décembre, Odinga a officialisé sa candidature dans le plus grand stade de Nairobi. Kenyatta n’était pas là, mais la présence de Raphaël Tuju, secrétaire général du Jubilee, le parti présidentiel, a été perçue comme le signe d’un adoubement. Fort des moyens politiques et financiers mis à sa disposition, Odinga peut-il réussir là où il a toujours échoué ? Kenyatta s’y emploie. Avec prudence toutefois. Car son ancien rival est aussi un orgueilleux, qui n’a jamais accepté la défaite. Et parce que le spectre de 2007-2008 est encore dans tous les esprits.

Avec Jeune Afrique par Romain Gras