Des chercheurs albertains ont étudié les comportements des lynx du Canada dans le parc national Kluane, au Yukon, à l’aide d’enregistreurs sonores et de moniteurs d’activité physique. Les résultats ont révélé des détails sur le comportement de ces animaux dont les observations se font rares.
© Emily Studd Les scientifiques ont pu traquer avec précision les activités des lynx, à distance, grâce à des enregistreurs sonores et des accéléromètres.
Les lynx seraient-ils des chasseurs plus paresseux qu’il n’y paraît? C’est en tout cas ce que semblent montrer les résultats d’une étude effectuée sur cinq ans dans le parc national de Kluane, sur les terres de la Première Nation Champagne Aishihik, au Yukon.
Pour être plus précis, il semblerait que certains lynx soient opportunistes lorsqu’il s’agit de se nourrir. Pour certains individus étudiés, la moitié de ce qu’ils mangent n’a pas été tué juste avant», avance, encore étonnée, Emily Studd, l’une des co-autrices de l’étude publiée dans la revue Ecology and Evolution.
La technologie au service de l’étude
Pour faire ce type d’observation, l’étudiante au postdoctorat au département des Sciences biologiques à l’Université de l’Alberta et ses collègues ont équipé une vingtaine de lynx avec des enregistreurs audio et des accéléromètres.
L’étude s’est déroulée les hivers, une période particulièrement intéressante selon Emily Studd. C’est une époque à laquelle les lynx se nourrissent en priorité de lièvres d’Amérique, c’est un moment très difficile pour les animaux, la nourriture est rare, il fait très froid.»
Ces félins passionnent les biologistes, car l’espèce suit des cycles de population intimement liés à l’abondance des lièvres d’Amérique. Quand ces derniers sont nombreux, les lynx mangent facilement. Au bout d’un certain temps, la proie disparaît à force d’être chassée, ce qui entraîne à son tour une baisse de la population de lynx.
© Laurence Carter Emily Studd tient un lièvre d’Amérique. Les résultats de l’étude menée par la scientifique ont notamment révélé que les lynx étudiés mangeaient en moyenne 1,2 lièvre par jour.
Les scientifiques ont donc cherché à étudier les moments où le prédateur tue, à quelle fréquence, de quelle façon et son succès lors de la chasse.
Les accéléromètres, qui fonctionnent comme les montres qui traquent les efforts physiques des sportifs, ont, eux, permis d’étudier l’activité des lynx, telle que la marche, la course, le repos. Chaque mouvement possède une signature différente au niveau de l’accélération et cela peut être traduit en comportement.»
Étudier l’évolution de la chasse au fil des saisons
Pour Emily Studd, les données récoltées vont permettre d’observer à quel point les habitudes de chasse changent dans le temps. Elle aimerait d’ailleurs comparer ses résultats à ce qui se passe l’été pour les lynx, une période pour laquelle les informations manquent, révèle-t-elle.
Nous suivons les taux de mortalité des lièvres à l’année et durant l’été, il y a très peu d’individus, alors que mangent les lynx? Nous l’ignorons, mais ils survivent donc ils doivent bien manger quelque chose. Ce ne sont en tout cas pas des lièvres adultes.»
© Allyson Menzies Les scientifiques ont dû capturer une vingtaine de lynx pour réaliser leur étude.
La théorie développée par son groupe de chercheurs pour répondre à ces questions est simple : souvent vus comme des animaux solitaires, les lynx auraient pourtant recours à des sessions de chasse en groupe.
Je parie que ça aide vraiment à augmenter leur chance de succès», affirme Emily Studd, avant de préciser que cette affirmation reste encore à prouver.
Une nouvelle étude devra probablement attendre, avoue-t-elle, puisque pour l’instant, elle n’est pas à son agenda.
Avec Laureen Laboret