La guerre en Ukraine crée un véritable climat de peur dans tous les pays voisins. Aussi, quelques heures après le discours d’annexion de quatre régions ukrainiennes par la Russie et alors que les combats se poursuivent autour de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, la Pologne se prépare au pire. Les autorités polonaises ont annoncé avoir distribué des comprimés antiradiation aux services d’incendie du pays, en prévention d’une exposition déclenchée par la guerre en Ukraine. La Pologne nie toutefois qu’il y ait lieu de s’alarmer.
« Nous avons décidé, à titre préventif, de commencer à distribuer des comprimés d’iodure de potassium aux services d’incendie des districts », a ainsi déclaré aux journalistes le vice-ministre de l’Intérieur, Blazej Pobozy. Il a précisé qu’il s’agissait d’une mesure de routine « en cas de menace potentielle de radiation, qui… pour l’instant n’existe pas ».
Les comprimés doivent être transférés aux autorités locales et aboutiront finalement dans des points de distribution, des écoles dans la plupart des cas.
Blazej Pobozy a déclaré qu’il y avait suffisamment de doses pour toutes les personnes qui en auraient besoin. Et un représentant médical présent à la conférence de presse a mis en garde contre les dangers de la prise de ces comprimés, sauf en cas de nécessité.
Blazej Pobozy a également déclaré que les comprimés d’iodure de potassium constituaient une mesure préventive en cas d’accident nucléaire, mais qu’ils ne seraient d’aucune utilité en cas d’attaque à l’arme nucléaire tactique. Dans ce scénario, « des isotopes totalement différents sont libérés, contre lesquels il n’existe malheureusement aucun comprimé pour nous protéger », a-t-il déclaré aux journalistes.
Il a toutefois souligné que, par rapport à un accident nucléaire, une attaque était « encore moins probable ».
Kiev assure avoir détruit « trois systèmes d’artillerie de l’ennemi » dans les villes de Kherson et d’Energodar. C’est dans cette dernière que réside la centrale nucléaire.
L’Ukraine a indiqué vendredi avoir frappé une base russe à Energodar, ville où se trouve la centrale nucléaire de Zaporijia, occupée par les troupes russes, au lendemain d’une visite d’une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
« Dans les localités de Kherson et d’Energodar, des frappes précises de nos troupes ont détruit trois systèmes d’artillerie de l’ennemi, ainsi qu’un dépôt de munitions », a indiqué l’armée ukrainienne dans son rapport du soir.
L’opérateur public ukrainien assure ce samedi que « l’infrastructure de la centrale a été endommagée » par des bombardements russes.
Il existe un risque de « pulvérisation de substances radioactives » à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, occupée par les troupes russes, a averti samedi l’opérateur public ukrainien.
Selon Energoatom, les troupes russes ont « bombardé à plusieurs reprises au cours de la dernière journée » le site. « L’infrastructure de la centrale a été endommagée, et il existe des risques de fuite d’hydrogène et de pulvérisation de substances radioactives », a indiqué l’agence sur Telegram, ajoutant qu’il y avait « un risque d’incendie élevé ».
L’opérateur affirme que, depuis samedi midi (9 heures GMT), la centrale « fonctionne avec le risque de violer les normes de sécurité en matière de radiations et d’incendie ». La Russie, de son côté, a également accusé l’Ukraine de bombardements sur Zaporijia au cours des dernières 24 heures. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a assuré que l’artillerie ukrainienne avait tiré 17 obus sur l’enceinte de la centrale, la plus grande d’Europe.
« Quatre (obus) sont tombés sur le toit du bâtiment spécial n°1, où se trouvent 168 assemblages de combustible nucléaire américain de la firme WestingHouse », a-t-il précisé, ajoutant que les obus restants s’étaient écrasés à 30 mètres d’un dépôt de combustible usagé et près d’un autre contenant du « combustible frais ».
Selon l’armée russe, l’armée ukrainienne procède à ces tirs depuis les alentours de la ville de Marhanet, qui fait face à la centrale, sur la rive opposée du fleuve Dniepr toujours contrôlée par Kiev.
L’Agence France-Presse n’a pas pu vérifier ces déclarations de source indépendante.
Zaporijia au cœur des tensions
La centrale de Zaporijia, où sont situés 6 des 15 réacteurs ukrainiens, a été prise par les troupes russes début mars, peu après le lancement de l’invasion le 24 février, et se trouve près de la ligne de front dans le Sud.
Kiev et Moscou s’accusent mutuellement de procéder à des bombardements à proximité du complexe, lui-même proche de la ville d’Energodar sur le fleuve Dniepr.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré que la coupure de courant avait été provoquée par le bombardement russe de la dernière ligne électrique active reliant la centrale au réseau.
La centrale a été remise en service vendredi après-midi, mais le président ukrainien a prévenu que « le pire scénario (…) est constamment provoqué par les forces russes ».
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) demande instamment l’envoi d’une mission à la centrale « dès que possible pour aider à stabiliser la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires ».
Le feu provoqué par l’attaque de la centrale a fait plusieurs morts et blessés, selon les autorités ukrainiennes.
Un bâtiment administratif de la centrale nucléaire de Zaporijia a été endommagé tôt vendredi matin par des tirs. Photo : via Reuters/Energoatom
Les Russes ont attaqué, tôt vendredi matin, la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, la plus grande d’Europe. Les tirs ont fait plusieurs morts et provoqué un incendie, faisant craindre le pire, mais la situation est maintenant maîtrisée.
L’organisme de l’État ukrainien chargé de l’inspection des sites nucléaires indique que les Russes occupent le territoire de la centrale, mais que le personnel opérationnel s’assure du bon fonctionnement des installations, situées à environ 550 kilomètres de la capitale, Kiev.
Aucun changement sur le plan de la radioactivité n’a été constaté, a-t-il précisé.
Selon les responsables de la centrale, un bâtiment pour les formations ainsi qu’un laboratoire ont été touchés. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) confirme qu’aucun équipement essentiel n’a été atteint et que le niveau de radiation est demeuré normal.
Les secours ukrainiens avaient d’abord affirmé sur Facebook que l’attaque de la centrale n’avait fait aucun mort, mais le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine soutient maintenant que plusieurs personnes ont été blessées ou tuées dans l’incendie, sans donner plus de détails.
Le point avec notre envoyée spéciale en Ukraine, Marie-Eve Bédard. Photo : Zaporizhzhya NPP via Reuters Zaporizhzhya NPP
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, selon qui ce sont des chars russes qui ont ouvert le feu sur la centrale de Zaporijia, a accusé Moscou d’agiter la terreur nucléaire et de vouloir reproduire la catastrophe nucléaire de 1986 à Tchernobyl, la plus grave de l’histoire.
« Nous alertons tout le monde sur le fait qu’aucun autre pays hormis la Russie n’a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C’est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l’histoire de l’Humanité. Cet État terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire. »— Une citation de Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine
Le ministère russe de la Défense a de son côté dénoncé une opération de sabotage de la part de l’Ukraine, la qualifiant de provocation monstrueuse. Mais d’après Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomiqueAIEA, le projectile ayant déclenché l’incendie serait probablement russe.
Zaporijia est la plus grande centrale nucléaire d’Europe avec une capacité totale de près de 6000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ 4 millions de foyers. Elle a été inaugurée en 1985, quand l’Ukraine faisait encore partie de l’Union soviétique.
Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l’ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, et qui est désormais entre les mains des troupes russes.
Rafael Grossi, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, informe la presse sur les frappes qui ont touché la centrale de Zaporijia, le 4 mars 2022. Photo : AFP via GettyImages/Joe Klamar
Vendredi, le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomiqueAIEA s’est dit prêt, en conférence de presse à Genève, à se rendre à Tchernobyl afin de négocier une solution pour garantir la sécurité des sites nucléaires mis en danger par la guerre.
C’est une situation sans précédent, a soutenu Rafael Grossi, alors que c’est la première fois qu’un conflit militaire se déroule dans un pays doté d’un large programme nucléaire. Les deux parties examinent l’offre, selon M. Grossi.
Explosions successives à Kiev
Les grandes villes d’Ukraine continuent d’être la cible de bombardements vendredi, au neuvième jour de l’offensive russe.
Tchernihiv, ville du nord de l’Ukraine où des bombardements dans une zone résidentielle ont fait au moins 33 morts jeudi, continuait d’être pilonnée vendredi.
Située à 120 km au nord-est de Kiev, cette ville d’environ 285 000 habitants se trouve sur l’une des principales routes menant à la capitale, cible prioritaire de Vladimir Poutine.
De nouvelles images satellites montrent le convoi russe toujours stationné à environ 25 kilomètres de Kiev, le 4 mars 2022. Photo : via Reuters/Maxar Technologies
Le convoi de chars russes d’une soixantaine de kilomètres est par ailleurs toujours à l’arrêt, à 25 kilomètres au nord-ouest de Kiev, où des bombardements continuent de faire rage, en plus de viser les villes et les quartiers périphériques du nord.
En avant-midi vendredi, plusieurs importantes explosions ont été entendues de manière successive près du centre de Kiev, après que les sirènes d’alerte antimissile eurent retenti dans la ville. L’origine de ces explosions n’est pas encore connue.
Des Ukrainiens fuient Kiev, le 4 mars 2022. Photo : AFP via Getty Images/Sergei SUPINSKY
Armes à sous-munitions à Kharkiv
La situation était aussi devenue un enfer à Okhtyrka, et critique à Soumy, dans le nord-est, non loin de Kharkiv, elle-même pilonnée depuis plusieurs jours, selon les autorités locales.
L’organisation Human Rights Watch (HRW) a affirmé vendredi que des armes à sous-munitions ont été utilisées le 28 février dans au moins trois quartiers résidentiels de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, avec quelque 1,4 million d’habitants.
Human Rights WatchHRW affirme avoir identifié l’utilisation de sous-munitions via une roquette 9M55K Smerch de fabrication russe.
« Utiliser des sous-munitions dans des zones habitées montre un mépris absolu pour la vie des gens. […] Leur utilisation telle que documentée à Kharkiv pourrait constituer un crime de guerre. »— Une citation de Steve Goose, directeur de l’armement pour Human Rights Watch
Le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nordOTAN, Jens Stoltenberg, a aussi affirmé vendredi que la Russie faisait usage de ces bombes en Ukraine. Nous avons vu l’utilisation de bombes à sous-munitions et nous avons vu des rapports témoignant de l’utilisation d’autres types d’armes qui violent le droit international, a-t-il dit devant la presse à Bruxelles.
Les bombes à sous-munitions sont composées d’un conteneur, tel un obus, regroupant des projectiles explosifs, de taille plus réduite, dites sous-munitions.
Très imprécises, elles sont indistinctement létales à l’égard des populations civiles, dispersant une multitude de petites munitions dans une très large zone, dont certaines restent non explosées et peuvent tuer des années après, comme les mines.
Leur utilisation est interdite par la convention d’Oslo de 2008, mais Moscou ne l’a pas signée.
Un immeuble résidentiel dévasté après un bombardement à Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, le 3 mars 2022. Photo : AFP via Getty Images/Sergey Bobok
En marche vers Mykolaïv
Le sud de l’Ukraine est un front stratégique pour Moscou, qui souhaite avancer vers le nord et l’est pour encercler les troupes ukrainiennes qui combattent au Donbass et, à terme, resserrer son étau sur les villes de Kiev et de Kharkiv en y ouvrant un front méridional.
La ville de Marioupol, un port stratégique pour assurer la jonction des troupes russes venues de Crimée annexée avec celles des séparatistes de l’est, était assiégée jeudi, selon le maire, qui affirmait que les habitants étaient sans eau et sans électricité.
Vendredi, les autorités régionales ont indiqué ne disposer d’aucune communication.
Plus à l’ouest, à Mykolaïv, prochaine ville sur le chemin des Russes après Kherson, tombée la veille, le gouverneur de la région a affirmé sur Twitter vendredi que les troupes ennemies s’approchent et que des affrontements ont lieu présentement.
La veille, les autorités ukrainiennes avaient fait état d’une colonne de 800 chars russes avançant vers Mykolaïv, qui compte près de 500 000 habitants.
Utilisez Starlink… à vos risques et périls
Selon le patron de SpaceX, Elon Musk, le système de communications satellites Starlink fourni par sa compagnie pour maintenir l’accès à Internet en Ukraine est désormais le seul qui fonctionne par endroits dans le pays.
Le milliardaire sud-africain a publié un tweet vendredi pour mettre en garde les Ukrainiens contre l’utilisation du système, qui est probablement à haut risque d’être visé par les troupes russes, selon lui, et dont l’antenne peut être facilement repérable.
N’activez Starlink qu’en cas de besoin et placez l’antenne aussi loin que possible des personnes, a-t-il conseillé. Placez un camouflage léger par-dessus l’antenne pour éviter la détection visuelle.