Le café-bar Zénob, situé à Trois-Rivières, a été mis en vente. Photo: Radio-Canada/François Genest
Le café-bar Zénob, une institution culturelle à Trois-Rivières, ferme ses portes. Une pancarte « À vendre » a fait son apparition devant l’édifice de la rue Bonaventure, au centre-ville. Si le milieu culturel est sous le choc, l’actuel propriétaire Yves Lafrenière fait le souhait de passer le flambeau à un entrepreneur qui reprendrait la vocation artistique de l’endroit.
Yves Lafrenière ne s’en cache pas, les mesures sanitaires et le manque de personnel ont joué dans sa décision de mettre la clé sous la porte, bien avant que le gouvernement ordonne la fermeture des bars. C’était devenu un exploit, avec les normes qui changeaient à peu près toutes les semaines de pouvoir continuer à conserver la clientèle,
explique-t-il en entrevue à l’émission Toujours le matin.
À la fin de l’été et avec la fermeture des terrasses, il ne restait plus beaucoup d’espace pour assurer la distanciation exigée par les mesures sanitaires. Dès qu’on est rentré en dedans, la petitesse des lieux a joué beaucoup
, ajoute-t-il.
En plus des règles en vigueur, le propriétaire a fait face à différents problèmes du personnel. Certains sont tombés malades pour une période prolongée. D’autres ont eu des problèmes aux lignes frontalières. Finalement, on était juste sur la corde
, mentionne Yves Lafrenière.
La pénurie de main-d’oeuvre a mis beaucoup de poids sur le dos du gérant, ce qui a fait en sorte qu’il a déserté l’établissement également.
Un lieu culte pendant 37 ans
Au fil des 37 années de son existence, le café-bar Zénob a reçu des artistes de plusieurs disciplines. En plus de devenir un lieu de diffusion privilégié pour les poètes du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, l’établissement a aussi présenté des spectacles de musique, de l’improvisation, de la performance.
« Ce n’est pas un lieu normal, c’est un centre culturel qu’on a perdu. »— Une citation de Guy Marchamps, poète et cofondateur de la revue Art Le Sabord
Soirée de poésie au Zénob dans le cadre du Festival international de la poésie de Trois-Rivières (archives).
Photo: Radio-Canada/Festival International De La Poésie De Trois-Rivières
En 2015, le Zénob avait même tenu une soirée d’hommage aux victimes de l’attentat au journal Charlie Hebdo en France en recevant la journaliste Zineb El Rhazoui, ainsi que le président du comité français Laïcité République Patrick Kessel. Ils avaient été invités au Québec par l’auteure Djemila Benhabib et ils avaient pris la parole au café-bar devant une salle bondée. C’est dire à quel point l’établissement était un lieu aux publics multiples.
Pour les artistes et les clients qui ont fréquenté le café-bar Zénob, les souvenirs sont nombreux. J’ai travaillé une dizaine d’années comme DJ, animateur, barman… psychologue aussi parfois!
, lance le maire de Trois-Rivières Jean Lamarche. Comme plusieurs, il décrit l’endroit comme un incubateur culturel.
Jean Lamarche, maire de Trois-Rivières Photo: Radio-Canada/Michelle Raza
La popularité du Zénob tenait entre autres du fait qu’autant les jeunes que les plus vieux s’y fréquentaient. [Des gens de] tous les âges. C’était un endroit vraiment magique
, se rappelle le poète Guy Marchamps, avec nostalgie.
Alexandre Dostie et son groupe FullBlood au Zénob. Photo: Radio-Canada/Alexandre Dostie
L’écrivain a connu la genèse du café-bar au milieu des années 1980. Moi-même, à mon époque, j’ai organisé des rencontres avec des écrivains, par exemple. J’ai invité 55 écrivains, pendant 7 ans. Donc, régulièrement, les gens pouvaient rencontrer des écrivains québécois et leur poser des questions.
Une relance possible?
Le propriétaire Yves Lafrenière espère qu’un acheteur poursuivra l’oeuvre de son frère Jean, qui a été à l’origine du projet de café-bar et qui est maintenant décédé.
Mon frère était reconnu comme un poète. Il était dans toutes sortes d’activités culturelles. Il a été un pionnier au Festival de la poésie, entre autres. J’aimerais beaucoup que ça continue dans le même sens. Je travaille là-dessus présentement
, indique-t-il. Yves Lafrenière n’en fait toutefois pas une condition à la vente de la bâtisse.
Bien qu’il s’agisse d’une entreprise privée, le maire de la ville croit qu’il y a encore un potentiel pour ce genre d’activités. Il demeure optimiste de voir la relance du Zénob. Il faudra que quelqu’un y voie un potentiel ou une niche à développer. Je pense que c’est encore possible. Et, il y aura toujours de la place pour de la poésie à Trois-Rivières, moi, j’en suis persuadé
, conclut Jean Lamarche.
Avec Radio-Canada par Mylène Gagnon